Archive dans avril 2020

Avec 11,3 millions de chômeurs partiels, l’Unédic est dans le rouge

Le montant de la facture commence à se préciser pour l’assurance-chômage. La crise liée à l’épidémie de Covid-19 a entraîné une brutale dégradation de sa trésorerie qui atteint 4,3 milliards d’euros « à ce jour ». Un montant significatif si on le rapporte aux ressources annuelles du régime (environ 39 milliards en 2019). Le chiffre figure dans des documents diffusés mardi 28 avril par l’Unédic, l’association paritaire qui pilote le système d’indemnisation des demandeurs d’emploi. Face à cette situation préoccupante, des responsables syndicaux réclament l’ouverture d’une réflexion pour colmater les brèches.

Envolée des dépenses d’un côté, affaissement des recettes de l’autre : les comptes de l’assurance-chômage sont victimes d’un redoutable effet de ciseau. S’agissant du premier volet – les dépenses, donc –, la principale raison résulte du recours massif à « l’activité partielle » – terme officiel pour désigner le chômage partiel. Ce dispositif, qui concerne 11,3 millions de personnes selon les indications fournies, mercredi, par la ministre du travail, Muriel Pénicaud, est financé, à hauteur d’un tiers, par l’Unédic. Sur mars, avril et mai, le coût pour le régime pourrait atteindre près de 7,8 milliards d’euros. Ces « estimations » sont susceptibles d’être revues à la hausse : elles n’incluent pas le transfert vers l’activité partielle (à partir du 1er mai) des individus qui étaient en arrêt de travail pour pouvoir garder des enfants ou parce qu’ils sont jugés vulnérables.

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D’autres facteurs alourdissent le fardeau : accroissement du chômage, donc du volume des allocations versées ; allongement de l’indemnisation pour les demandeurs d’emploi arrivés en fin de droit à compter du 1er mars – une mesure récemment prise par l’exécutif ; diminution du nombre de personnes qui, ayant retrouvé un poste, quittent le dispositif et ne touchent plus de prestation, etc. Soit, au total, près de 3 milliards d’euros supplémentaires, pour la période allant de mars à mai.

« Décalage de trésorerie »

Quant aux recettes, elles « diminuent dans des proportions jamais observées », d’après une des notes publiées mardi. Le très net ralentissement de l’activité économique, conjugué à l’envolée des arrêts de travail et à la généralisation du chômage partiel, se traduit, in fine, par un affaissement des cotisations attribuées au régime. Une perte évaluée à un peu plus de 2,6 milliards d’euros, entre mars et mai.

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Presstalis : la colère monte chez les petits éditeurs

Un kiosque à journaux à Paris, le 19 mars 2020.
Un kiosque à journaux à Paris, le 19 mars 2020. THOMAS SAMSON / AFP

Plus le précipice se rapproche, plus l’inquiétude s’intensifie chez les éditeurs indépendants. Le 12 mai, le tribunal de commerce de Paris pourrait décider du redressement judiciaire du premier distributeur de la presse française, gelant mécaniquement une créance de 120 millions d’euros, représentant les sommes issues des dernières ventes réalisées par les journaux dans les kiosques et autres maisons de la presse.

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Presstalis doit donc être restructuré. Pour y faire face, l’Etat propose aux groupes de presse une aide financière soumise à conditions : il pourrait injecter 83 % de la fameuse créance éditeurs, soit 100 millions d’euros, la moitié sous forme de subventions, l’autre sous forme d’un prêt remboursable en six ans. En échange, 70 % de la somme doit être réinvestie dans la restructuration de Presstalis.

Une somme conséquente

Si le président de Presstalis, Cédric Dugardin, a affirmé dans nos colonnes que la plupart des éditeurs étaient favorables à ce plan, ce n’est pas le cas des petits groupes de presse indépendants. « C’est une créance qui devient une dette. On me doit un million d’euros, et à la fin je dois payer 160 000 euros. C’est comme si vous me voliez ma montre, et qu’après, je doive vous payer pour avoir l’heure », s’insurge l’ancien directeur du Monde Eric Fottorino, fondateur de l’hebdomadaire Le 1, et des trimestriels Zadig et America.

« C’est notre argent, nos vies, notre indépendance. On ne veut pas de ce chantage » Thomas Aïdan, à la tête d’une revue de cinéma

Presstalis lui doit 800 000 euros, sans compter 200 000 euros supplémentaires liés à une surtaxe sur les ventes mise en place en 2018 lors d’un précédent plan, et que les messageries s’étaient engagées à rembourser. Une somme conséquente pour le petit groupe de presse, qui génère 4,5 millions d’euros de chiffre d’affaires.

« C’est notre argent, nos vies, notre indépendance. On ne veut pas de ce chantage », corrobore Thomas Aïdan, à la tête de La Septième Obsession, une revue consacrée au cinéma. D’autant que, selon lui, Presstalis tarde à payer. « On a mis un numéro en kiosque début mars. Normalement, on aurait dû recevoir une avance de 30 à 40 % des ventes finales 17 jours après. On vient à peine de recevoir un billet à ordre qui permet à la banque de nous verser l’argent. Ils avaient prétendument oublié de l’envoyer », se plaint l’éditeur, qui n’a qu’une idée en tête, celle de quitter Presstalis, pour rejoindre son concurrent, les Messageries lyonnaises de presse (MLP).

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Coronavirus : Airbus et l’aéronautique s’enfoncent dans la crise

Un Airbus A319-100 d’Air Albania arrive à l’aéroport de Tirana, le 1er avril.
Un Airbus A319-100 d’Air Albania arrive à l’aéroport de Tirana, le 1er avril. FLORION GOGA / REUTERS

Les premiers signes de la crise provoquée par la pandémie de Covid-19 apparaissent chez Airbus. L’avionneur européen a annoncé, mercredi 29 avril, un chiffre d’affaires de 10,6 milliards d’euros pour le premier trimestre, en retrait de 15,2 %. Et, surtout, le groupe est déjà dans le rouge, avec une perte de 481 millions d’euros, contre un bénéfice net de 40 millions, un an plus tôt. « L’aéronautique affronte la plus grave crise de son histoire », a prévenu Guillaume Faury, PDG d’Airbus. L’arrêt brutal de l’activité, lié à la mise en place du confinement de la population, n’a commencé qu’à la mi-mars. Pour Airbus, comme pour toute la filière aéronautique, c’est donc au deuxième trimestre que les conséquences dramatiques de la pandémie apparaîtront dans les résultats. Mais, déjà, mercredi, à l’ouverture de la Bourse, le titre perdait 2 %.

Il y a deux mois encore, l’avionneur tout auréolé de son titre de numéro un mondial de l’aéronautique mobilisait toutes ses énergies pour assurer la montée de ses cadences de production. Une époque révolue. Dans un courriel adressé, jeudi 23 avril, à tous les salariés, Guillaume Faury sonne le tocsin. « La survie d’Airbus est en jeu », s’alarme le patron. Il redoute que son groupe, qui réalise pourtant autour de 70 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel, manque de liquidités. « Notre trésorerie diminue à une vitesse sans précédent, ce qui peut menacer l’existence même de notre entreprise », précise-t-il.

« Notre trésorerie diminue à une vitesse sans précédent, ce qui peut menacer l’existence même de notre entreprise »

Pourtant, le groupe a pris les devants. Il a activé une ligne de crédits supplémentaires de 15 milliards d’euros. Cela doit permettre « la flexibilité et le temps nécessaires pour adapter et redimensionner [leur] activité ». En clair, le temps n’est plus à lutter avec Boeing pour produire et livrer chaque année le plus d’avions possible. Les compagnies aériennes clientes sont à l’arrêt. Leur activité est proche de zéro.

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Surtout, leurs caisses sont vides. L’heure est aux annulations, aux reports de commandes et aux licenciements. British Airways a annoncé, mardi 28 avril, 12 000 suppressions de postes. L’Association internationale du transport aérien (IATA) ne cesse de revoir ses prévisions les plus pessimistes. Selon ses derniers calculs, en 2020, l’incidence financière de la crise pourrait s’élever à 314 milliards de dollars (environ 290 milliards d’euros). La moitié des recettes passagers des compagnies aériennes.

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Entreprise : « Concilier l’urgence du redémarrage de l’économie avec un dialogue social équilibré »

Tribune. Le gouvernement s’apprête, sous couvert d’état d’urgence sanitaire, à marginaliser une fois de plus les représentants du personnel. Il s’agit, selon l’article 9 de l’ordonnance adoptée mercredi 22 avril en Conseil des ministres et qui devrait être publiée mercredi 29 avril, de permettre à l’employeur de consulter son Conseil social et économique (CSE) dans des délais extrêmement raccourcis (jusqu’à 8 jours, selon le ministère du Travail, au lieu de un à trois mois habituellement) avant de prendre toute décision ayant « pour objectif de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 ».

Le contexte d’urgence impose d’aller vite, et les organisations syndicales en ont pour l’essentiel convenu lors de la mise en œuvre de l’activité partielle ou la prise de congés et de RTT. Néanmoins, les atteintes répétées aux droits d’information et de consultation des représentants du personnel associent au dialogue social une image de « luxe inutile » dont l’entreprise doit pouvoir se passer en cas de besoin.

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En creux, les élus et délégués syndicaux sont soupçonnés de ne penser qu’à leurs prérogatives et pas du tout au bien commun de l’entreprise, quand ils ne la menaceraient pas de noirs desseins assimilables à du sabotage pur et simple. Cette vision méfiante oublie que les représentants du personnel sont démocratiquement élus par les salariés, avec des taux de participation que peuvent leur envier la plupart des scrutins politiques, et qu’ils ont à leur rendre des comptes.

Risque de recul du rôle du Conseil social et économique (CSE)

Mais si l’ordonnance affiche sans complexe cette vision dégradée du dialogue social et des corps intermédiaires, elle ouvre aussi un nouveau boulevard aux dirigeants d’entreprises, compte tenu de l’imprécision des décisions visées et de l’absence de bornage dans le temps. En effet, il ne s’agit pas seulement, et on le comprendrait parfaitement, d’accélérer les procédures dans le cadre de plans de reprises d’activité.

Rouvrir un site, faire revenir des salariés au travail, respecter les impératifs de distanciation sociale et de prévention des risques, tout en tenant compte des possibilités et contraintes des salariés (transports réduits ou impraticables, enfants ne réintégrant l’école ou les crèches que progressivement…), supposent des adaptations temporaires mais significatives de l’organisation du travail, qui, selon le droit, supposent une consultation du CSE, une possibilité d’expertise économique ou sur les conditions de travail, et donc des délais.

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« Olivier Véran a adressé un “bras d’honneur” aux “soldats” de la République, en première ligne dans la lutte contre la pandémie »

Tribune. On peut applaudir les soignants tous les soirs à 20 heures, louer, à chaque intervention présidentielle, l’engagement des caissières, des policiers ou encore des auxiliaires de vie dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et les services d’aide à domicile, et « en même temps » ne pas assumer le devoir de reconnaissance de la Nation lorsque cet engagement tourne mal.

En déclarant devant l’Assemblée nationale que seuls les soignants pourraient bénéficier d’une indemnisation automatique au titre des maladies professionnelles s’ils ont été malades du Covid-19, le ministre de la santé, Olivier Véran, a adressé un véritable « bras d’honneur » aux « soldats » de la République, en première ligne dans la lutte contre la pandémie (voir « Questions au gouvernement », vidéo de l’Assemblée nationale).

Cette décision du gouvernement va laisser sur le bord du chemin tous les salariés et les agents qui auront été contaminés par le Covid-19 et qui auront des séquelles ou qui en seront morts, mais qui ne font pas partie de la catégorie des soignants. Pourtant, eux aussi n’auront pas démérité et auront largement contribué à la survie de la population, en lui permettant de s’alimenter, d’avoir de l’électricité et de l’eau, d’assurer leur sécurité, ou encore de bénéficier de services publics essentiels.

Leur abnégation est d’autant plus méritoire qu’ils sont montés au front, souvent sans l’équipement minimal de protection contre le Covid-19 et en étant très mal informés de la réalité du risque et des moyens de s’en protéger. Pour faire valoir leurs droits et obtenir une indemnisation en cas de contamination entraînant des séquelles, ils devront engager une procédure longue et incertaine devant les caisses de Sécurité sociale, puis devant le tribunal judiciaire social, et démontrer que c’est bien au travail qu’ils ont été contaminés.

Un barème défavorable

La tâche sera ardue, pour ne pas dire impossible, car le virus ne s’annonce pas quand il frappe, ne laisse pas de carte de visite disant que c’est pendant le travail ou à l’occasion de ce dernier qu’il a contaminé Aïcha, caissière dans un supermarché, Gérard, gardien de la paix, ou Geneviève, aide à domicile.

Même pour les soignants, la décision du gouvernement est d’ailleurs loin de constituer une aubaine. Certes, s’ils bénéficieront de la présomption d’imputabilité et n’auront donc pas à établir ce lien de causalité entre leur travail et la maladie, l’indemnisation sera loin, très loin, de couvrir l’ensemble des préjudices qu’ils auront subis. Ils ne percevront qu’une indemnisation forfaitaire, qui sera fonction du taux d’incapacité permanente partielle résultant des séquelles de la maladie et de leur salaire ou traitement.

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Covid-19: comment les recrues du printemps 2020 sont intégrées à distance

« La visioconférence s’impose pour les entretiens de recrutement. Certains attendent la fin du confinement pour rencontrer les candidats physiquement avant de conclure. »
« La visioconférence s’impose pour les entretiens de recrutement. Certains attendent la fin du confinement pour rencontrer les candidats physiquement avant de conclure. » Caroline Caroline Tomlinson/Ikon Images / Photononstop

Si le recrutement a ralenti, voire a été interrompu dans plusieurs secteurs, notamment le tourisme, la restauration, le bâtiment et le commerce de détail, d’autres secteurs continuent de publier des annonces, de mener des entretiens avec des candidats et même d’intégrer ceux qui ont été recrutés avant ou pendant la période de confinement. « Les secteurs les plus résilients sont la santé, la banque-assurance, la technologie et, sur notre plate-forme [sur l’emploi], l’industrie », indique Jérémy Clédat, cofondateur et dirigeant de Welcome to the Jungle.

Pourquoi continuer à recruter en pleine crise sanitaire ? « Pour soutenir notre activité qui est en croissance ! Nous devons continuer à contacter et à accueillir de futurs collaborateurs. Nous menons des entretiens – par visioconférence – pour garder le lien avec les candidats qui nous intéressent, pour ne pas passer à côté des bons profils ! », témoigne Cécile Delabre, responsable des ressources humaines de Sarbacane, un éditeur de logiciels marketing basé à Lille et à Barcelone, qui recrute une quinzaine de personnes chaque année. Sur les dix postes ouverts en ce moment, cinq personnes ont été embauchées avant le confinement, dont deux sont intégrées. « Si le volume de CV que nous recevons est en légère baisse, nous avons tout de même reçu quarante CV pendant le week-end pour une annonce de stage publiée la semaine dernière… »

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La visioconférence s’impose pour les entretiens de recrutement. Certains attendent la fin du confinement pour rencontrer les candidats physiquement avant de conclure. Mais, quand l’embauche ne peut pas être reportée, il faut adapter le processus. Toujours dans le secteur des nouvelles technologies, la société YouSign, qui développe une solution de signature électronique légale, organise des sessions d’intégration de trois jours chaque début de mois pour la nouvelle « promo ». Sur la trentaine de recrutements prévus en 2020, douze personnes ont déjà été intégrées, dont six à distance début avril.

Un bilan positif

« Habituellement, nous accueillons les nouveaux embauchés à Caen, quel que soit le lieu où ils travailleront ensuite, Paris, Caen ou chez eux, car un quart de notre effectif est en télétravail permanent. Nous leur présentons la société, ses projets, les équipes, etc. Début avril, nous avons fait tout cela mais en visio avec partage d’écran. Cela s’est bien passé », raconte Antoine Louiset, cofondateur de la société. « Mais il manquait le déjeuner du premier jour, l’apéro et l’after-work, qui sont des moments importants de l’intégration… Nous nous rattraperons avec notre prochaine réunion trimestrielle qui réunit tout l’effectif dans un lieu différent pendant deux jours ! », anticipe-t-il.

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Les masques sont offerts par la mariée

« Aux yeux des jeunes trentenaires, l’utilité sociale est plus urgente que l’avenir de l’entreprise. La priorité numéro un était de fabriquer des masques »
« Aux yeux des jeunes trentenaires, l’utilité sociale est plus urgente que l’avenir de l’entreprise. La priorité numéro un était de fabriquer des masques » PHILIPPE TURPIN / PHOTONONSTOP

Carnet de bureau. Anaïs Rizza, Charlène Rizza et Marine Vié savaient que leur projet était très ambitieux pour une ville de la taille de Carcassonne (Aude), quand, lauréates d’un concours d’innovation sociale, elles ont décidé de lancer La P’tite Fabrique, un espace de coworking dédié à la couture et à la création, avec location de machines, de salles et ateliers de création. « En 2018, on a testé le projet construit sur un financement participatif. Avec le soutien des acteurs locaux, La P’tite Fabrique a ouvert en juin 2019, après avoir dû s’adapter, se renouveler, pour finalement se recentrer sur les robes de mariée. On en rêvait toutes les trois », raconte Charlène. C’était juste avant l’annonce du confinement, qui a brutalement fait tomber le rideau en imposant la fermeture de l’espace de coworking.

Les entreprises de l’économie sociale affrontent comme les autres les conséquences du Covid-19 : de gros problèmes de trésorerie et d’organisation de la chaîne de travail. Le découpage sectoriel est similaire – suractivité dans l’alimentaire, situation générale dégradée et calme plat dans le tourisme –, et parfois une baisse du nombre de bénévoles. « Les grandes entreprises en réseau arrivent à mutualiser, mais les petites structures sont en grande difficulté. Tout le monde nous appelle pour savoir que faire des salariés et comment payer les charges », confirme Pierre-René Lemas, le président de France Active.

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Cette association soutient la création d’entreprises dans le rôle de garant auprès des banques pour aider quelque 40 000 TPE et PME à obtenir des prêts. « Avec le coronavirus, toutes nos équipes se concentrent sur l’accompagnement des entreprises, précise M. Lemas. Depuis avril, on propose un nouveau prêt gratuit de 12 à 18 mois jusqu’à 100 000 euros. » Quelque 8 000 entreprises pourraient être concernées.

La viabilité de d’entreprise un sujet de l’après confinement

Mais pour La P’tite Fabrique, la viabilité de l’entreprise est un sujet de l’après-confinement. L’horizon est peut-être celui de la liquidation. Il y a encore trop d’inconnues : sur la liberté de voyager, sur les mariages reportés, etc. Aux yeux des jeunes trentenaires, l’utilité sociale est plus urgente que l’avenir de l’entreprise. La priorité numéro un était de fabriquer des masques. « On a commencé d’abord pour nos proches, puis on a mis un tutoriel sur les réseaux sociaux, qui a déclenché une première commande de 800 masques. Ce n’était pas le but. Ça ne suffira pas non plus à payer les salaires, mais tant qu’il y aura besoin de masques, on les fabriquera », raconte Charlène.

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Covid-19 : les services de paie au rythme de Sisyphe

« Le calcul de la paie de mars et d’avril est devenu kafkaïen, par exemple pour le salarié qui était sur cette période en chômage partiel, puis en arrêt total de travail pour garde d’enfant, et enfin malade du Covid-19. »
« Le calcul de la paie de mars et d’avril est devenu kafkaïen, par exemple pour le salarié qui était sur cette période en chômage partiel, puis en arrêt total de travail pour garde d’enfant, et enfin malade du Covid-19. » Philippe Turpin / Photononstop

Droit social. Les soignants, les travailleurs des chaînes d’approvisionnement alimentaire et en biens essentiels et ceux des services publics sont à juste titre mis en avant, félicités et encouragés pour leur labeur dans des conditions souvent plus que difficiles. D’autres protagonistes restés dans l’ombre sont fort sollicités par l’incessant réaménagement du droit social mis en œuvre depuis la mise en place du confinement le 16 mars : les services de paie et les partenaires sociaux.

Leur travail de coulisses est d’autant plus remarquable que l’administration gouvernementale en charge, urgence oblige, n’a d’abord fixé que les grands principes, puis a peu à peu précisé les règles, les rendant plus complexes. Ordonnances, décrets, arrêtés se succèdent pour annuler, corriger ou amender ce qui vient d’être acté.

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On citera en premier lieu les négociateurs d’accords d’entreprise dérogatoires temporaires pour la mise en œuvre de l’activité partielle. Il s’agissait d’abord de déterminer tant le nombre de salariés concernés que la part d’activité partielle par catégorie ou service. Les règles du dispositif ayant évolué, la négociation a dû être adaptée au fur et à mesure. Des compléments à l’indemnité d’activité partielle ont été créés.

Une forte réactivité

En un temps record, de nombreuses autres conditions de travail ont été revues. On songe à l’organisation des congés, au sort des primes d’assiduité, des titres-restaurants, à la prise en charge de frais exceptionnels de transport, à l’aménagement du temps de travail et au paiement des heures supplémentaires, pour les services informatiques, par exemple, etc. Les accords publiés révèlent les efforts de solidarité et de responsabilité des partenaires sociaux.

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Pour les services de paie, le travail s’est considérablement complexifié. Les calculs de rémunérations se sont individualisés. Parmi les salariés au travail, certains ont vu leurs horaires diminuer ; d’autres non. Certains relèvent pour partie de l’indemnité de travail partiel, non soumise à cotisations sociales ; d’autres non.

La catégorie des absents au travail a vu s’appliquer trois régimes juridiques : celui des malades « ordinaires », avec délai de carence de trois jours avant versement d’indemnités journalières par la Sécurité sociale, d’une part ; celui des victimes du Covid-19, sans délai de carence ; enfin, le groupe des parents d’enfants de moins de 16 ans, qui n’avaient pas d’autre possibilité que l’arrêt maladie pour garde d’enfants, et à qui étaient attribuées des indemnités exceptionnelles versées par la Sécurité sociale, mais dont il fallut tenir compte pour la paie.

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Réhabiliter l’économie : la troisième voie

« Défaire le capitalisme, refaire la démocratie. Les enjeux du délibéralisme », d’Eric Dacheux et Daniel Goujon. Erès, 360 pages, 29,50 euros.
« Défaire le capitalisme, refaire la démocratie. Les enjeux du délibéralisme », d’Eric Dacheux et Daniel Goujon. Erès, 360 pages, 29,50 euros.

Le livre. Le monde change, mais la science économique évolue peu. Depuis Adam Smith (1723-1790) et sa théorisation du fonctionnement de la société industrielle naissante, le noyau dur de la science économique est toujours le même : impératif de croissance, utilitarisme et recherche du profit.

Alors que les crises économique, écologique et démocratique n’ont jamais été aussi patentes, nous restons prisonniers de cadres de pensée hérités du XVIIIe siècle. « Rien ne justifie pourtant cet immobilisme théorique », soulignent Eric Dacheux et Daniel Goujon dans Défaire le capitalisme, refaire la démocratie : les enjeux du délibéralisme (Erès). Montrer que l’on peut penser différemment l’économie est le premier objectif de cet essai.

« Préparer la transition vers une société post-capitaliste plus démocratique et plus écologique demande que l’on change de logiciel intellectuel », estiment le professeur des universités en sciences de l’information et de la communication à l’université Clermont Auvergne et le maître de conférences en sciences économiques à l’université Jean-Monnet de Saint-Etienne.

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La crise de 1929 et la crise de 2008 ont révélé les failles de la construction libérale de l’économie. Le cadre théorique du XVIIIe siècle est en déphasage avec la réalité économique présente, qui se caractérise par la financiarisation, la montée de l’immatériel, la numérisation… « Toutes ces évolutions historiques devraient conduire à abandonner l’idée que le marché est le meilleur facteur d’allocation des ressources. »

« Tout devient marchandise »

La domination du capitalisme génère trois crises : politique, économique et écologique. Convergentes, ces crises sont le signe de la transformation de nos sociétés démocratiques en « une société où chacun est en concurrence contre tous, où tout devient marchandise, y compris la nature ». Sous couvert d’adaptation au réel, l’ordre économique détruit toute pensée alternative.

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Contre cette tendance lourde, des citoyens développent des initiatives proposant des modalités économiques alternatives : la preuve que la démocratie n’est pas la face politique du capitalisme. « Au contraire, c’est en revitalisant la démocratie que l’on peut lutter contre les crises du capitalisme. »

L’ouvrage s’appuie sur les critiques traditionnelles faites au capitalisme, mais repose surtout sur l’analyse des réponses données aujourd’hui par les citoyens aux maux qu’ils subissent. « Un cadre théorique en résonance avec les théories passées, mais qui s’ancre profondément dans la réalité du terrain », afin de sortir des fausses alternatives que sont capitalisme ou communisme, marché ou Etat, globalisation ou repli identitaire.

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Coronavirus : « Commençons par faire des métiers très féminisés, sous-payés, qui contribuent au bien-être de tous, des métiers valorisés »

Tribune. La crise actuelle due à l’épidémie de Covid-19 met en lumière la contradiction qui existe entre, d’un côté, l’apport essentiel de certains métiers pour le bien-être général et, de l’autre, la faiblesse de leur rémunération et de leur reconnaissance au plan symbolique comme économique. Cette contradiction est particulièrement flagrante pour un ensemble de métiers très féminisés.

Les femmes qui exercent des métiers du « care » (soin aux personnes), infirmières, aides-soignantes, agentes hospitalières d’entretien, aides à domicile, assistantes maternelles, etc., sont aujourd’hui en première ligne pour soigner les patients atteints de Covid-19, s’occuper des personnes âgées dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ou se déplacer à leur domicile, garder les enfants de celles et ceux obligé.es d’aller travailler. Jusqu’alors leur travail était invisible, prolongeant de fait leur assignation aux tâches domestiques, de soin et d’aide au sein de la famille.

D’autres femmes exerçant dans des secteurs plus mixtes, tels que la grande distribution, sont aujourd’hui néanmoins surexposées car très présentes dans les métiers nécessitant un contact direct avec le public, telles les caissières. Elles exercent, elles aussi, une fonction qui se révèle vitale à la lumière de la situation actuelle : permettre l’approvisionnement alimentaire.

En finir avec le smic à vie

Déjà en « temps normal » les conditions de travail des caissières sont éprouvantes. Majoritairement embauchées à temps partiel, et donc avec un salaire partiel – un smic partiel –, leurs horaires variables d’une semaine sur l’autre et l’obligation d’effectuer des heures complémentaires permettent aux employeurs d’adapter en permanence leur présence aux flux de clientèle. Les critères de rentabilité sont restés prévalents après le déclenchement de l’épidémie et elles ont dû se battre pour obtenir des mesures de protection minimales.

Quant aux infirmières, il n’est pas acceptable que leur niveau de rémunération par rapport au salaire moyen soit en France le plus bas des pays de l’OCDE

Toutes ces travailleuses, dont les conditions de travail sont exténuantes, les compétences non ou mal reconnues, les salaires très bas et sans évolution, sont soudain portées aux nues. Il a fallu une pandémie pour que l’on reconnaisse que leur travail joue un rôle irremplaçable en termes de lien social et répond à un besoin vital.

Les qualifications de ces salariées doivent être reconnues en prenant en compte leurs savoir-faire relationnels et techniques et en leur conférant un statut. Les qualités relationnelles requises pour ces emplois (capacités d’écoute, disponibilité, instauration de la confiance, etc.) sont considérées comme « naturellement féminines » et ne sont donc pas valorisées comme compétences, alors qu’elles résultent en grande partie de l’apprentissage dans la sphère familiale du rôle social attribué aux femmes.

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