Quand les outils numériques simplifient le service d’aide à domicile

L’aide à domicile Sylvie Rossignol assiste Angèle, à Chapdes-Beaufort (Puy-de-Dôme), le 16 mars 2022.

Prêter sa carte bancaire, son porte-monnaie ou son chéquier à une aide à domicile pour qu’elle fasse les courses peut être angoissant pour une personne vulnérable. A l’inverse, devoir passer au crible les tickets de caisse au retour des magasins pour justifier de chaque dépense et s’exposer à un désaccord sur les montants est tout aussi inconfortable pour l’aide à domicile. Quant à l’entreprise prestataire qui emploie l’intervenant, la surveillance de ces transactions et l’éventualité de contentieux sont également chronophages.

C’est pour répondre à ces contraintes que Sébastien Vray a créé, en 2020, Ezio, une solution de paiement conçue pour les services à la personne. Il s’agit d’une carte de paiement, prêtée à l’auxiliaire de vie ou à l’aide à domicile, qui lui permet d’effectuer des achats en toute transparence. « On simplifie, on automatise et on sécurise, explique le jeune Vendéen. Le bénéficiaire est rassuré, le travail de l’intervenant est facilité, et l’entreprise gagne du temps ! Longtemps, elle a dû avancer l’argent en espèces à ses employés pour refacturer ensuite la dépense à ses clients, c’était du temps perdu dans un secteur où le coût humain est énorme et où chaque minute compte ! » L’entreprise équipe aujourd’hui, avec un système d’abonnements, plusieurs grosses enseignes du secteur, comme APEF, Générale des services ou O2.

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En Auvergne-Rhône-Alpes, une fraude au CPF estimée à 15 millions d’euros en deux ans

A Wimereux (Pas-de-Calais), le 30 avril 2024.

L’office national anti-fraude (ex-service national des douanes judiciaires) de Lyon a démantelé un vaste réseau de détournement présumé de fonds au préjudice du compte personnel de formation (CPF), à partir d’une dizaine de sociétés de formation fictives, reliées à des comptes bancaires domiciliés au Luxembourg et dans l’Etat américain du Nouveau-Mexique. Le montant total de l’escroquerie est estimé par les douaniers à 15 millions d’euros, sur une période de deux ans, entre janvier 2022 et février 2024.

Sept suspects ont été interpellés dans la Loire et les Alpes-Maritimes et mis en examen, dont quatre ont été placés en détention provisoire, dans le cadre de l’instruction judiciaire ouverte en avril 2023 par la juridiction interrégionale spécialisée de Lyon, pour « escroquerie en bande organisée » et « blanchiment ». A l’issue de la perquisition de 19 sites, les enquêteurs des douanes, assistés de gendarmes et de policiers du RAID, ont saisi 50 000 euros en espèces et des avoirs criminels pour une valeur de 1,3 million d’euros.

L’affaire a débuté par un signalement de la brigade de contrôle et de recherche de la direction des finances publiques de la Loire, intriguée par l’activité de trois sociétés déclarées comme organisme de formation, dont les fonds perçus par la Caisse des dépôts et consignations, au titre du financement du CPF, partaient directement sur les comptes d’une entreprise enregistrée au Nouveau-Mexique.

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Le modèle des services à la personne prend de l’âge et cherche des forces

Quel point commun entre un étudiant donnant un cours de maths au bambin, un coach sportif à domicile, un autoentrepreneur qui taille la haie du jardin, une femme de ménage et une auxiliaire de vie auprès d’une vieille personne dépendante ? Toutes ces activités appartiennent à la grande famille des services à la personne. Un attelage hétéroclite de 26 métiers, mêlant l’indispensable et le superflu, dont Jean-Louis Borloo a voulu favoriser l’essor, il y a tout juste vingt ans.

En février 2005, quand il présente son plan de développement des services à la personne, le ministre de l’emploi ne cache pas s’inspirer des travaux de l’économiste Michèle Debonneuil et de son concept d’« économie quaternaire », qui considère que les services au consommateur sont appelés à devenir un secteur majeur de l’économie au XXIe siècle. Le ministre est convaincu que grâce à ces services de proximité, et alors que le taux de chômage frise 10 % en France, il y a matière à créer des dizaines de milliers d’emplois non délocalisables, tout en facilitant la vie des ménages.

Pour mener à bien son projet, Jean-Louis Borloo a deux idées maîtresses. En ajoutant des aides sociales et fiscales aux dispositifs déjà existants (notamment une réduction d’impôt de 50 % qui deviendra un crédit d’impôt), il allège le coût de ces services, soutient la demande et compte réduire le travail au noir, qui mine le secteur. « Grâce aux aides, déclarer son salarié revenait moins cher que de le dissimuler », résume Julien Jourdan, directeur général de la Fédération française des services à la personne et de proximité (Fédésap, organisation patronale). Le ministre favorise également le déploiement de grandes enseignes privées, dans l’espoir qu’elles fassent jouer la concurrence, proposent une offre large et de qualité, améliorent les droits sociaux des salariés et professionnalisent les métiers.

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Un monde du travail en dégradation s’étale sur les réseaux sociaux

« Toi qui ne crois pas que le sens de ta vie passera par ton taff, toi qui négocies une rupture conventionnelle, toi qui ne vis pas qu’à travers l’objectif de “faire carrière”, toi qui négocies pour cinq heures de télétravail face à l’inflexibilité de ton employeur et toi qui souhaites moins de place de l’emploi dans ta vie, voire l’abolition du travail. » Cette énumération n’émane pas d’un tract syndical ou d’une affiche politique. Non, c’est la description qui accueille les visiteurs du forum « AntiTaff », sur le réseau social Reddit.

Dans cette communauté virtuelle, les 59 000 membres – la version anglo-saxonne attire près de 3 millions d’internautes – racontent leur quotidien (« Je suis apprentie en microcrèche privée et les conditions de travail sont insoutenables »), se donnent des conseils pour « se faire virer » ou pour forcer « leur patron à accepter leurs congés »…

Loin des salariés qui glorifient leur vie professionnelle sur LinkedIn, les communautés comme « AntiTaff » sont légion sur les réseaux sociaux. Sur Facebook, les groupes « neurchis » (pour « chineur » en verlan) ont explosé depuis la pandémie de Covid-19 : la grande majorité d’entre eux, comme « Neurchi de flexibilisation du marché du travail » (178 000 membres), servent à partager des contenus humoristiques, quand deux autres présentent une foule de témoignages sur le monde du travail, dans des secteurs bien plus variés : « Neurchi de collègues à éclater au sol » (67 000 membres) et « Neurchi de patrons à éclater au sol » (72 000 membres) ont émergé fin 2020.

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« Je n’ai pas envie de faire des épilations de gens crades jusqu’à 70 ans » : dans l’intimité des salons de beauté, le travail sous contrainte des esthéticiennes

Accroupie sur la pointe des pieds, Camille Nicodeme, 20 ans, astique au chiffon le sol d’une cabine. « Mais pourquoi y a de la cire partout ? », peste pour elle-même l’apprentie esthéticienne. Sa collègue Frédérique Sueur, 27 ans et en CDI, apparaît depuis le sous-sol, les bras chargés d’un énorme paquet de serviettes propres. Dans cet institut parisien, les employées font le ménage entre les rendez-vous.

Le ding-dong délicat de la porte d’entrée interrompt leur travail. Une cliente entre, en retard. Le planning est serré, ce vendredi férié, et c’est la deuxième retardataire d’affilée. « J’ai speedé de ouf, j’ai mal au poignet », avait protesté Frédérique après le départ de la cliente précédente. Mais l’esthéticienne ne laisse transparaître ni sa douleur ni son irritation à celle qui vient de franchir la porte d’entrée.

L’institut Beauté-Lo est à l’angle d’une rue calme du 9e arrondissement. Il est chic, à l’image du quartier. L’espace d’attente et ses bancs accueillent les visiteurs avec thé, café, bonbons. Les murs ont été recouverts de bois et de faux lierre, la lumière apaise, des bougies parfumées embaument. Un air doux au piano couvre les murmures qui s’échappent des cabines.

« Sous-payée »

Allongée sur sa couchette, la cliente ferme les yeux. Frédérique, penchée sur son visage, y applique la cire en complimentant la ligne de ses sourcils. « La température, c’est OK pour vous ? » Elle pose des bandes, frotte, retire des poils, et engage la conversation. La dorlotée lui raconte les mails qu’elle reçoit sans arrêt, Noël qu’elle fêtera à Londres – elle « adore Noël à Londres » –, son week-end mère-fille au château de Vaux-le-Vicomte (Seine-et-Marne). Frédérique s’en enthousiasme avec elle.

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« Tant de témoignages de discrimination, de lois votées, mais si peu de condamnations »

Amare a envoyé 210 candidatures pour une demande de stage non rémunéré, sans obtenir une seule réponse. Brahim a changé d’identité, se faisant appeler Baptiste, et a reçu des réponses à ses demandes de stage restées jusque-là infructueuses. Yasmine a obtenu un entretien, mais s’est vue raccompagnée vers la sortie lorsque le recruteur a constaté qu’elle portait un voile. Sindi a été destinataire d’un e-mail qu’elle n’aurait pas dû recevoir, où il était écrit que son CV, bien que « remarquable », ne passerait pas dans l’étude, car elle est « noire ». Abdoulaye est parti faire son stage à l’étranger avec un peu de rancune à l’endroit du pays dans lequel il a fait tout son droit. Abdel est resté le seul de son master 2 sans stage durant des mois. On aimerait croire à une coïncidence, mais il est aussi le seul de son master à avoir un nom et un prénom à consonance maghrébine.

Combien d’études, de travaux, de livres ont démontré qu’avoir un prénom à consonance étrangère, maghrébine ou africaine réduisait considérablement les chances d’avoir une réponse aux demandes d’entretien ?

Combien de lois, depuis celle du 1er juillet 1972, sont venues donner corps à « l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion » proclamée par l’article premier de la Constitution ?

Tant de témoignages, tant de lois votées, mais si peu de condamnations pour des faits de discrimination, visée à l’article 225-1 du code pénal : moins de cinq en 2022, six en 2021 et aucune en 2020. Et on s’attend à ce que les chiffres pour les années 2023 et 2024 se comptent à peine sur les doigts d’une main.

Honte et fatalisme

Pourquoi cet écart avec ce que nous percevons au quotidien ?

D’abord, parce que ces discriminations sont invisibles. Invisibles judiciairement, mais également dans le débat public. Tout le monde dispose d’une anecdote sur le sujet, d’un exemple flagrant de discrimination, notamment à l’embauche, vécu par un proche. Mais tout le monde l’accepte, ou du moins le tait, comme si c’était une fatalité à laquelle il fallait collectivement adhérer.

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Transport : un sous-traitant d’Action recourt à des pratiques illégales

Des camions de l’entreprise italienne Torello, stationnés devant la plateforme logistique d’Action, à Belleville-en-Beaujolais (Rhône), le 8 février 2025.

Depuis la fin de décembre 2024, tous les soirs et week-ends, une trentaine de camions stationnent devant la plateforme logistique d’Action, à Belleville-en-Beaujolais (Rhône). En journée, des chauffeurs roumains et serbes livrent les magasins du hard-discounter dans une douzaine de départements environnants, et patientent les week-ends, dormant dans leur camion depuis des semaines, alors que la réglementation exige qu’ils passent quarante-cinq heures hors de leur véhicule tous les quinze jours. « Du jour au lendemain, on a vu ces camions débarquer, témoigne un syndicaliste d’une entreprise qui a travaillé ici par le passé. Le samedi, quand on va là-bas, les chauffeurs sont à l’abandon, ils n’ont pas d’endroit où dormir, font leurs besoins et leur lessive sur le bord de la route. »

En fin d’année 2024, le groupe italien Torello a repris une partie de la traction des semi-remorques françaises Action, remplaçant plusieurs entreprises françaises, sous-traitantes de l’entreprise suisse Kuehne + Nagel. Trente salariés français ont ainsi été écartés. Les lignes acquises par l’italien ont été confiées à des conducteurs roumains et serbes, par le biais de sa filiale slovaque, un montage fréquent dans le transport transnational. Les chauffeurs étrangers disent recevoir une rémunération de 2 700 euros par mois (2 000, une fois leurs frais de vie retirés), d’autant qu’ils déclarent avoir dû payer à leur employeur quelques milliers d’euros pour leur visa, leur formation et leur permis de conduire. A l’heure, leur salaire avoisine 10 euros.

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PFAS : la CGT demande une « rencontre d’urgence » à Matignon et des mesures de protection des travailleurs

Rassemblement devant la cour d'appel de Lyon, le 11 février 2025.

C’est à un dilemme aujourd’hui « impossible à résoudre » que veut s’attaquer la CGT. Alors que l’impact des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS) sur l’environnement et la santé des populations a encore été souligné par une série d’enquêtes menées par 30 médias dont Le Monde, pointant la responsabilité des industriels – 20 sites de production en Europe, 230 usines utilisatrices –, le syndicat refuse que les travailleurs en soient réduits à cette mauvaise équation : « Si l’entreprise continue à polluer, elle tue physiquement ; si elle ferme, elle tue socialement. »

Dans un courrier adressé à Matignon, jeudi 6 février, la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, les secrétaires généraux des fédérations de la chimie et de la métallurgie, ainsi qu’Agnès Naton, secrétaire de la CGT Auvergne-Rhône-Alpes, où se situent plusieurs sites concernés, demandent ainsi au premier ministre une « rencontre d’urgence » face à ce « nouveau scandale sanitaire », pour élaborer des solutions qui prennent en compte à la fois le devenir de l’industrie et la santé des populations. A commencer par celle des travailleurs.

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« “Marianne” est un journal différent, dont le sort ne devrait laisser personne indifférent »

C’est l’histoire d’un journal qui veut être vendu. Vous avez bien lu : vendu. Une incongruité. Une de plus dans l’histoire de Marianne. D’habitude, les salariés se battent pour ne pas être cédés. Pas nous. Et pas par coquetterie ou goût du contre-pied. Vous allez comprendre.

Notre actuel propriétaire, CMI [Czech Media Invest], groupe de presse détenu par le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, lequel est représenté en France par Denis Olivennes, nous a annoncé, huit mois après nous avoir mis en vente, que nous ne l’étions plus.

L’idée ? Une reprise en main éditoriale de la part de CMI : il nous faudrait être moins critiques avec « les pouvoirs », plus souples sur les sujets européens et « transatlantiques », mais aussi plus « probusiness ». Passons sur la caricature qu’induit en creux cette présentation de notre travail, et venons-en au projet qui accompagne cette reprise en main. Il se résume, pour l’heure, à accompagner la baisse du nombre des lecteurs par une baisse notable, voire drastique, des effectifs et, possiblement, de la pagination. En clair, le projet de CMI consiste en une gestion peu enthousiasmante de notre fin de vie. La courbe des ventes chute, chutons avec elle…

Un essai clinique innovant

Ce projet, contrairement à l’image qu’en a eue le grand public, ne s’est pas limité à un simple changement de direction. Bien sûr, un tel changement n’est pas une petite affaire. Loin de là. Mais il ne dit pas tout. Il ne dit pas les quelque 60 employés de Marianne, les dizaines de pigistes, et, au passage, les familles qui sont derrière. Surtout, un tel récit ne permet pas de rappeler qu’un journal, ce ne sont pas que des dirigeants que l’on change ou que l’on place, mais c’est aussi un projet éditorial, commercial et industriel qui se doit d’être cohérent.

Aux soins palliatifs du projet CMI, nous préférons un essai clinique innovant, un remède cohérent, justement, dont nous pressentons qu’il permettra de prolonger notre espérance de vie. Il s’agit de l’offre de reprise portée par des investisseurs issus de l’économie sociale et solidaire et du monde mutualiste. Une offre qui vise à terme à faire de l’entreprise Marianne une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC).

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Vladimir Atlani, consultant et économiste : « Nous devons nous préparer à la généralisation de l’intelligence artificielle dans les entreprises »

« Anti-manuel d’intelligence artificielle. Les nouvelles questions que pose l’IA », de Vladimir Atlani et Victor Storchan, Eyrolles, 2024, 192 pages, 22 euros.

Face au risque de destruction massive d’emplois, Vladimir Atlani, consultant et enseignant à Sciences Po en économie et sur les enjeux de l’intelligence artificielle (IA), fondateur du groupe d’éducation Stamp Education, coauteur d’un Anti-manuel d’intelligence artificielle avec Victor Storchan (Eyrolles, 2024), appelle à repenser notre politique éducative et à orienter les apprentissages vers les métiers pratiques ou interpersonnels.

Vous estimez que l’usage de l’intelligence artificielle fait profondément évoluer la communication entre l’homme et la machine. Pourquoi ?

Vladimir Atlani : Une véritable rupture s’est en effet opérée au tournant des années 2010 dans notre manière de parler aux machines. Jusqu’alors, nous utilisions un jeu d’instructions clair, explicite, exhaustif : le code informatique.

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