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Avec l’augmentation des frais universitaires en France, les étudiants africains moins séduits par l’Hexagone

Pour la rentrée 2019, la diminution de candidatures venues du continent serait de l’ordre de 30 % à 50 %, selon la Conférence des présidents d’université.

Cette année, les étudiants africains ne sont pas nombreux à s’inscrire dans des universités françaises. A quelques jours de la fin du dépôt des dossiers, c’est actuellement sûr. Le président du comité de communication de la Conférence des présidents d’université (CPU), François Germinet, estime la diminution générale des sollicites d’étudiants africains « de l’ordre de 30 % à 50 % ». « C’est ce qui ressort des remontées de terrain de la part des présidents d’université à l’échelle nationale », pointe-t-il. A l’université de Cergy-Pontoise, qu’il préside, il enregistre une réduction d’environ 30 % des candidatures africaines.

La cause est simple. Dès la rentrée 2019, un étudiant non originaire de l’Union européenne (UE) devra payer 2 770 euros pour une année de licence à l’université, au lieu de 270 euros jusqu’à actuellement. Pour un master, il devra payer 3 770 euros, contre 243 euros avant. Soit des frais plus de dix fois supérieurs à ceux approuvés par un Européen…

Derrière cette transformation, il y a le changement annoncé le 19 novembre 2018 par Edouard Philippe. Cette « stratégie d’attractivité », nommée « Bienvenue en France », vise à porter de 343 000 à 500 000 le nombre d’étudiants étrangers à l’horizon 2027. Pour cela, le gouvernement compte résumer la politique des visas, mais aussi augmenter les droits d’inscription universitaires pour les étudiants extra-européens tout en triplant les bourses, au motif que cela mènera davantage d’équité.

Les Africains représentent 46 % des étudiants étrangers

Le premier effet ne va pas dans le sens espéré. A l’université Bordeaux-Montaigne, où les Africains indiquaient jusque-là 54 % des étudiants non européens, « nous avons constaté une diminution très nette des candidatures », se dévaste sa présidente, Hélène Velasco-Graciet : « C’est pourtant une tradition bordelaise d’accueillir ces jeunes venus notamment des pays francophones. »

Même remarque à Paris-Nanterre, où un étudiant international sur trois est issu du continent. Là encore, la baisse des candidatures est qualifiée de « très notable » par la vice-présidente des relations internationales, Sonia Lehman-Frisch. En 2018, ils étaient 11 630 à avoir candidaté ; cette année, ils sont 7 695, soit une baisse de 44 %. Les Algériens, nationalité la mieux existante, ne sont que 2 523 à avoir sollicité pour la rentrée, contre 3 638 l’année précédente.

Les établissements savaient que ce public moins aisé serait amplement touché. Or selon l’organisme public Campus France, les étudiants africains évoquent 46 % des 343 000 étudiants étrangers inscrits à ce jour dans l’enseignement supérieur français. La France est l’un des pays qui accueillent le plus de jeunes originaires du continent, et surtout d’Afrique du Nord, puisqu’un quart des étudiants étrangers inscrits en France viennent du Maroc (12 %), de l’Algérie (9 %) et de la Tunisie (4 %).

Pour essayer de nuire les effets de la mesure, les universités ont cherché des solutions. La moitié des universités, les Instituts nationaux des sciences appliquées (INSA) et d’autres établissements d’enseignement supérieur ont déclaré qu’ils n’appliqueront pas cette augmentation à la rentrée 2019. L’université Paris-Nanterre est dans ce groupe : elle n’augmentera pas les droits d’inscription jusqu’à la fin des études des néo-entrants. Comme les autres établissements, elle utilisera un décret de 2013 qui permet d’exonérer entièrement ou partiellement jusqu’à 10 % des étudiants (hors boursiers).

« Une menace pour la richesse culturelle et scientifique »

« Cette mesure gouvernementale fait peser une menace sur la richesse culturelle et scientifique que les étudiants africains représentent pour notre université », déclare Sonia Lehman-Frisch.

Le directeur pédagogique du groupe INSA, Claude Maranges, rappelle quant à lui un problème de timing : « C’était trop tard pour mettre en place cette politique efficacement. On exonérera partiellement les étudiants extra-européens pour 2019, puis on mettra en place un système de bourses pour aider ceux qui en ont besoin à partir de l’année suivante. » Lui aussi s’alarme pour les étudiants africains, qui forment une part très sérieuse des étudiants étrangers au sein de ces écoles d’ingénieurs : « C’est pour cette population-là qu’on a peur, surtout pour celle du Maghreb. »

La diminution des sollicites d’inscription pour 2019 justifie déjà les craintes que le monde universitaire avait énoncées dès l’annonce du plan gouvernemental. D’emblée, Hélène Velasco-Graciet avait apprécié que cette discrimination par l’argent « reniait la tradition humaniste des universités ». Pour elle, « il n’y a pas de différence à faire entre les étudiants en fonction de leurs origines géographiques, sociales ou culturelles ». Un point de vue partagé par Sonia Lehman-Frisch, pour qui « cette mesure s’oppose à notre intime conviction que l’université est ouverte à tous et est contre la sélection par l’argent ».

Pour François Germinet aussi, l’enseignement supérieur français devrait être plus amplement ouvert aux étudiants africains. Depuis son observatoire qu’est la CPU, il additionne que « le système bloque énormément d’étudiants africains, puisqu’on ne sélectionne que 1 % des candidats ». Ce qui lui fait dire que le combat doit aussi porter sur l’aide aux universités africaines dans l’entrée de formations additionnelles.

 

Des nouvelles voies pour intégrer dans les grandes écoles

Le gouvernement débute une action qui doit exprimer des passages pour améliorer la « diversité sociale » dans les établissements les plus prestigieux, aujourd’hui tous soumis à un concours.

Après les annonces d’Emmanuel Macron sur la suppression de l’ENA et l’ouverture de la haute fonction publique, la ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, détaille au Monde le chantier ouvert pour améliorer la diversité sociale dans les grandes écoles, présenté mardi 4 juin devant la Conférence des grandes écoles.

Vous lancez une mission sur la diversité sociale dans les grandes écoles. En quoi consiste-t-elle ?

Dans la continuité des éclaircis du président de la République et du grand débat national, il est temps d’avoir, dans nos grandes écoles, une représentation plus ressemblante de notre société, dans son inégalité géographique et sociale. L’enseignement supérieur compte 38 % de boursiers, mais ils sont seulement 19 % à l’Ecole normale supérieure (Paris) et 11 % à Polytechnique, qui n’assemblait que 2 % d’enfants d’ouvriers et d’agents dans sa dernière promotion.

J’envoie actuellement une lettre de mission aux directeurs de l’Ecole polytechnique, des Ecoles normales supérieures (Paris, Saclay, Lyon) mais aussi  de l’Essec, de HEC, et de l’ESCP Europe, qui sont partants pour s’engager sur le sujet. J’attends leurs premières propositions à la mi-juillet. Notre ambition est forte, cela ne pourra être seulement cosmétique. Nous fixerons un calendrier et des objectifs chiffrés.

L’avocat et technocrate Frédéric Thiriez, ancien président de la Ligue de football professionnel, a été désigné par Emmanuel Macron pour œuvrer sur la cession de l’ENA et l’ouverture de la haute fonction publique. Cela ne fait-il pas doublon ?

Le point commun entre ces deux missions, c’est l’objectif de diversité sociale et particulièrement de la haute fonction publique, dont certaines grandes écoles, comme Polytechnique, sont le vivier. Mais l’ENA est dans le périmètre du ministère de la fonction publique. Nous nous occupons là de l’ensemble des grandes écoles, y compris les écoles d’ingénieurs et les écoles de commerce les plus prestigieuses.

Trois formes devront être étudiées : la différenciation des voies d’accès, l’objet des formations et la vie étudiante, ainsi que l’égal accès aux activités et aux emplois à la sortie. S’il faut en passer par la voie législative, on le fera.

Vous apercevez la création de voies alternatives au concours, sur le modèle des « conventions éducation prioritaire » de Sciences Po pour les lycéens de quartiers désavantagés. Etes-vous prête à refaire le débat sur la discrimination certaine, au pays du concours et du mérite républicain ?

La grande progression de l’enseignement supérieur privé

Depuis deux décennies, le secteur privé monte en force : les familles sont de plus en plus abondantes à admettre de payer le prix fort contre la promesse d’une insertion professionnelle rapide.

Le succès scolaire est, en France, une affaire particulière. Plus d’un demi-siècle après les pavés dans la mare faite par les sociologues Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron (Les Héritiers, en 1964, et La Reproduction, en 1970), la situation n’a, au mieux, guère développé, au pire, s’est augmentée. Plus que jamais les différences de naissance sont calquées, voire appuyées, par les parcours scolaires et universitaires. Stabilisées dès les années collège, elles dominent dans l’enseignement supérieur où la règle est aussi constant qu’au tarot : moins l’on dispose d’atouts maîtres – ici sociaux et scolaires – dans son jeu, plus l’effort requis pour gagner la partie est pénible.

Dans un système méritocratique dirigé par la règle du concours, il est important d’aller chercher le point qui fera la différence dans la multitude de prépas privées.

Quel a été l’impact de l’extraordinaire accroissement de l’enseignement supérieur privé depuis vingt ans (+ 76 %) dans cette privatisation du succès scolaire ? Le premier est d’avoir engendré une voie nouvelle et conciliatrice entre filières sélectives (prépas, BTS, DUT, etc.) et non élitistes (licence universitaire) pour les familles qui ont les reins suffisamment solides pour garantir des frais de connaissance en moyenne de 8 000 à 10 000 euros annuels. Deuxième effet : une contribution nette à l’accroissement de la pression scolaire avec la multiplication de prépas en tout genre. Dans un système méritocratique régi par la règle du concours, il est tentant d’aller chercher le point qui fera la différence dans la multitude de prépas privées entraînant les jeunes là où la pression est la plus intense – médecine, droit, Sciences Po, études artistiques, etc. L’offre, en la matière, a éclaté.

Ces deux phénomènes, qui participent à affermir le poids des ressources financières dans les études, coexistent avec des effets plus favorables. Ainsi, inversement à une idée répandue, les clients de l’enseignement supérieur privé ne se mobilisent pas exclusivement entre les classes les plus aisées : 22,7 % des étudiants y sont boursiers (40 % dans le public). Les élèves financent leurs études grâce à des jobs d’appoint, des prêts, les dispositifs sociaux créés par les écoles ou, formule encore plus économique, en choisissant pour l’éducation.

Le privé a plus d’accessibilités que le service public à assembler son offre à la demande du monde économique. Sans lui, des secteurs aussi dynamiques que le luxe, le sport, l’animation, la mode, le jeu vidéo et la digitale seraient en peine de découvrir toutes les compétences dont ils ont besoin. Il s’est aussi ajusté aux évolutions des conduites des jeunes en soignant ses approches pédagogiques et en quêtant, de plus en plus, l’aval de l’Etat, quitte à banaliser son offre. Enfin, de manière plus structurelle, les écoles de management, d’ingénieurs ou de design ont souvent été motrices dans la constitution de ces écosystèmes associant universités, institutions de recherche et entreprises – il en existe dans toutes les régions, et on les dit essentielles dans la course à l’innovation et à la propagation internationale de notre enseignement supérieur.

 

Il faut terminer avec la séparation verticale et horizontale de la fonction publique

Le spécialiste en science des organisations offre des chemins de réflexion pour que la réforme de l’ENA bénéficie à l’ensemble de la fonction publique

Derrière la cession projetée de l’Ecole nationale d’administration (ENA) et des grands corps, se représente un chantier bien plus sérieux (et où se situent les réels enjeux), celui de toute la fonction publique. Quelques pistes d’idées peuvent être présentées, en sus bien sûr des essentiels réformes « amont » de notre système éducatif.

Il faut écarter de tout concours administratif ce qui avait miné la conformité du concours de l’ENA, à savoir la nécessité d’une longue préparation, celle-ci ayant pour effet d’évincer de multiples candidatures pour défaut de support financier familial vacant sur plusieurs années. Le travail « ordinaire », c’est-à-dire l’expérience professionnelle acquise dans la société civile, doit être une modalité de préparation parmi d’autres.

Corollaire positif de cette cession, mettre en place des critères précis mais ouverts admettant à toutes les formes d’excellence (scolaire, mais aussi associative, artistique, sportive, professionnelle de tous corps de métiers) de venir taper à la porte de la fonction publique, sur la base d’un dossier assemblant des éléments prouvant les qualités mises en avant, complété le cas échéant d’un entretien doté d’une trame précise tenue à la connaissance des candidats.

Evaluation formative

En matière d’estimation professionnelle, passer d’une culture de la notation chiffrée, infantilisante, à une culture de l’évaluation formative, c’est-à-dire assistant aux progrès de sa pratique professionnelle et de ses compétences, mais sans traduction chiffrée et sans conséquence en termes d’amélioration. Cette évaluation formative pourrait être réalisée plusieurs fois par an (par exemple, tous les trois ou six mois) ou encore à la sollicitation du fonctionnaire à n’importe quel moment. Elle serait alors perçue comme un soutien, non comme une menace.

Un ancien militaire doit pouvoir solliciter en administration centrale de l’éducation nationale, et un ancien maître, au ministère des finances

L’appréciation dite « sommative » à enjeu d’accroissement, de prime ou de promotion peut poursuivre d’être réalisée, mais sur une base moins fréquente, par exemple, tous les trois ans, ou à la requête du fonctionnaire (mais pas plus d’une fois par an).

En termes de gestion des carrières, mettre fin à la séparation des fonctions publiques. Un ancien militaire doit pouvoir postuler en administration centrale de l’éducation nationale, et un ancien enseignant, au ministère des finances. Ceci admets de mettre fin non seulement aux grands corps, mais aux corps ministériels tout court, qui tendent à former les postes clés de leur ministère respectif en chasse gardée.

 

Université : une hausse des frais d’inscription pour les étudiants étrangers

Les universités choisissent des politiques de retranchement variées à vers des étudiants extra-européens, soumis à des « frais différenciés » à partir de la rentrée prochaine.

Le gouvernement n’a pas lâché, bien que la forte altercation des syndicats étudiants et enseignants. Et aussi celle de la conférence des présidents d’université (CPU), qui sollicitait la suspension de la mesure.

Les « frais différenciés » pour les étudiants étrangers extracommunautaires (hors UE) ont bien été gravés dans un arrêté, présenté au Journal officiel le 21 avril, pour une abstraction dès la rentrée 2019. Leurs droits d’inscription passent à 2 770 euros par an en licence et 3 770 euros en master, contre 170 euros et 243 euros jusqu’alors.

La mesure, qui ne s’appose pas à ceux qui étaient inscrits à l’université avant cette rentrée couperet, concernera en revanche tous les derniers arrivants, à partir de cette date, année après année. Les doctorants ne sont, eux, pas intéressés par la mesure, a avisé la ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, en février.

Sur le terrain cependant, c’est une grille tarifaire très diverse qui est en train de se dessiner dans les facs, au gré des votes des conseils d’administration. Car, si le ministère de l’enseignement supérieur a soutenu l’augmentation générale contestée, il a dans le même temps précisé, dans un décret, les modalités d’exonération permises aux établissements. Chaque université peut en effet dispenser de droits d’inscription 10 % de ses étudiants. Un dispositif disponible comme chacun l’entend, et donc, si les établissements le décident, en faveur des étudiants extracommunautaires.

« Universités à plusieurs vitesses »

Les universités doivent actuellement faire dans l’urgence leur choix de régime de diminution. Car le temps presse pour donner cet éclaircissement aux candidats, alors que certaines des procédures d’inscription se terminent le 10 mai.

Mise en pratique bienvenue de « l’autonomie » des universités ? « Hypocrisie » d’un gouvernement qui révoque la « patate chaude » aux différents établissements ? Les analyses différentes. « On se dirige vers des universités à plusieurs vitesses », dénonce pour sa part Hervé Christofol, à la tête du Snesup-FSU, l’un des syndicats de personnels de l’enseignement supérieur qui s’élève contre ce « dilemme » face auquel le gouvernement place les établissements de l’enseignement supérieur, avec cette nouvelle ressource potentielle, à l’heure des nécessités budgétaires.

Des universités connectées pour les jeunes dans les zones ruraux

Douze lieux  vont ouvrir à la rentrée prochaine, pour maintenir le parcours d’études dans les villes isolées des grands centres universitaires.

La mesure commence à petite échelle mais elle est promise à monter en puissance. Treize « campus connectés » recevront des étudiants dans des villes éloignées des grandes métropoles universitaires, à la rentrée prochaine. La ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, devait l’enseigner vendredi 3 mai, à l’occasion d’un déplacement à la Digitale académie à Montereau-Fault-Yonne (Seine-et-Marne), où une quarantaine d’étudiants font déjà une formation à distance, dans un espace de travail commun.

Le lieu va être labellisé « campus connecté » à cette occasion, tandis que douze autres s’y augmenteront : à Saint-Brieuc et Redon (Bretagne), Bar-le-Duc et Chaumont (Grand-Est), Nevers, Autun et Lons-le-Saunier (Bourgogne-Franche-Comté), Privas (Auvergne-Rhône-Alpes), Cahors, Le Vigan et Carcassonne (Occitanie) et Saint-Raphaël (Provence-Alpes-Côte d’Azur). L’objectif, d’ici 2022, étant d’établir une centaine de structures de ce type.

Le Président de la république l’a annoncé lors de son discours du 25 avril, à la sortie du grand débat : sa volonté de créer des « campus connectés » s’inscrit dans l’optique « réconcilier la métropole, la ville moyenne et le rural ». Dans ces territoires ruraux, ces petites et moyennes villes, dont les gênes ont été fortement mises en lumière par le mouvement des « gilets jaunes », l’offre d’enseignement supérieur est le plus souvent limitée. Tandis que les pénuries sont multiples, face à la mobilité géographique que nécessiterait une poursuite d’études, allant du manque de moyens financiers aux barrières psychologiques et à l’autocensure.

Les taux de parcours après le bac y sont souvent plus faibles qu’ailleurs, déclare le ministère, citant l’exemple de l’Ardèche, ou seulement 50 % des bacheliers poursuivent des études supérieures – contre 78 % à l’échelle nationale – tandis que la quasi-totalité des lycéens du Lot sont obligés de quitter leur département pour faire une formation postbac.

« Lutter contre l’exode rural »

Ces futures universités dans des locaux mis à disposition par les collectivités territoriales (villes, départements, régions), avec un « coach » (non enseignant) pour dix étudiants, doivent permettre à ceux qui le veuillent de suivre une formation à distance avec un « accompagnement de proximité ». Ils nécessiteraient réunir une trentaine d’étudiants par site, à la prochaine rentrée.

Un tutorat sera aussi exercé par les enseignants de l’université qui dispensent ces formations à distance. Une soixantaine de cursus devrait être proposée aux étudiants, particulièrement des licences universitaires et des BTS. Pour débuter, l’Etat apporte une enveloppe de 50 000 euros par campus, ainsi que 1 000 euros par étudiant qui débuteront leur formation en ligne.

« C’est une très bonne chose d’apporter dans nos territoires cet enseignement supérieur dans de bonnes conditions », ajoute Vincent Chauvet, maire (MoDem) d’Autun.

« C’est une très bonne chose d’apporter dans nos territoires cet enseignement supérieur dans de bonnes conditions », déclare Vincent Chauvet, maire (MoDem) d’Autun, qui y voit une forme de décentralisation du service public. Sa ville de 14 000 habitants compte recevoir une vingtaine d’étudiants à la rentrée 2019, dans un espace consacré. Cela admettra, espère-t-il, à des bacheliers qui auraient abandonné aux études supérieures, « pour des raisons monétaires, mais aussi parce que certains ont la sensation que la “grande ville”, ce n’est pas pour eux », de changer d’avis. Il a déjà reçu une trentaine de candidatures, alors que le projet débute tout juste à être connu. « C’est aussi une manière de lutter contre l’exode rural, de garder nos jeunes sur le territoire, ils vont étudier à Lyon ou à Dijon, et ne reviennent pas », défend-il.

Dans le groupe de l’enseignement supérieur, les réactions peuvent être cependant plus nuancées. « C’est une solution captivante, mais de manière provisoire, estime un universitaire, qui ne manque pas de convoquer les taux élevés d’échec dans les formations à distance. Pour lutter contre l’autocensure et l’assignation à résidence, il faut principalement assister ces jeunes à bouger et leur donner la possibilité d’aller apprendre dans de bonnes conditions à l’université. »

La réforme de l’ENA

Le Président de la République désire en finir avec l’Ecole nationale d’administration dans sa forme récente. Cette réforme, si elle aboutit, doit permettre de renouer avec une méritocratie ouverte à tous.

Quand Emmanuel Macron s’engage de mouvoir la fonction publique pour la rendre plus proche des citoyens, l’expérience de force qui se joue autour de l’Ecole nationale d’administration (ENA) en dira long sur sa capacité ou non à s’émanciper des grands corps, dont il est lui-même issu et qui ont fini par dessiner une véritable forteresse au sein de l’Etat. Emmanuel Macron a réaffirmé, lors de sa conférence de presse du 25 avril, qu’il voulait en finir avec l’ENA dans sa forme contemporaine.

Les élévations du grand débat national l’ont convaincu qu’il pouvait réaliser avec hardiesse : dans l’opinion, les énarques sont aussi dévalorisés que les élus. Loin d’être perçus comme des serviteurs zélés de l’intérêt général, ils sont vus comme les représentants d’une oligarchie qui a égaré le sens des réalités. Pourtant, le chef de l’Etat s’est bien gardé de trancher dans le vif. Il a préféré confier à l’un des anciens élèves de l’école, Frédéric Thiriez, avocat auprès du Conseil d’Etat et de la Cour des comptes, le soin d’offrir une réforme de son recrutement, des formations qu’elle délivre et de la carrière qu’elle offre.

Rien n’est donc acté ; or ce qui s’est joué ces dernières années encourage à la réticence. En 1995, déjà, l’un de ses anciens élèves, Jacques Chirac, avait prévu d’en finir avec l’ENA, y voyant le symbole « d’une élite qui a failli, d’une caste qui se coopte ». Il n’y était pas arrivé. Nicolas Sarkozy non plus, qui, douze ans plus tard, s’était montré choqué de constater que, à 26 ans, un certain nombre de jeunes gens frais émoulus de l’école, la tête bien faite, mais en manque flagrant de terrain, étaient assurés d’une carrière à vie dans les hautes sphères de l’Etat ou à la tête de grandes entreprises. Il leur suffisait pour cela de sortir dans la botte, cette quinzaine de places que le Conseil d’Etat, l’inspection générale des finances et la Cour des comptes conservent chaque année aux mieux classés du concours de sortie.

Péril d’endogamie

L’idée de vouloir produire une élite administrative formée sur la méritocratie n’était pas mauvaise au moment où l’ENA a été créée, en 1945. Il s’agissait alors de rétablir le pays en luttant contre le népotisme qui régnait avant guerre dans les différents ministères. A son apogée, l’école, fruit d’un consensus entre le général de Gaulle et le communiste Maurice Thorez, a fourni à l’Etat ses meilleurs modernisateurs, mais, au fil du temps, l’ambition principale s’est affadie.

L’Etat a perdu en force et en prestige, l’enseignement s’est banalisé, l’embauche s’est rétrécie. En dépit de trois voies de vestibule différentes et d’un nombre important de boursiers, l’école ne garantit plus la démocratisation de la haute fonction publique : les enfants de cadres supérieurs y sont surreprésentés, les fils ou filles d’ouvrier quasiment absents. Il en résulte un risque d’endogamie renforcé par le classement de sortie, qui admet à une élite de fructifier dans l’entre-soi, avec, qui plus est, la certitude de durer bien plus longtemps que les ministres qu’elle est censée servir.

Il faut rattacher avec l’esprit de 1945, celui d’une méritocratie ouverte à tous et véritablement au service de l’Etat. Une réforme est bel et bien urgente, mais, une fois dit cela, le plus dur reste à faire, car, outre la résistance des grands corps, une inquiétude, réelle, est à lever : et si le service public n’était plus capable de captiver les meilleurs ?

« Retirer l’ENA ne fera pas passer la nécessité d’aménager les cadres de la fonction publique »

Ancien étudiant de l’ENA, David Guilbaud montre, qu’il faut protéger la conception républicaine du « fonctionnaire citoyen », dont le statut lui admet d’octroyer, sans doute de répression, son avis cultivé à son échelle afin que celle-ci puisse immobiliser en connaissance de cause.

Après plus d’une semaine de rumeurs, le président de la République a fait part aux citoyens des termes qu’il a pris après le grand débat national. « On ne va pas supprimer telle ou telle chose pour faire des symboles », a-t-il déclaré. Avant de joindre, quelques dizaines de minutes plus tard, qu’il comprenait bien, malgré tout, effacer l’Ecole nationale d’administration dans le cadre d’un grand changement de la haute fonction publique.

Il entend aussi voir les « grands corps » annulés, sans que l’on comprenne bien la cause d’une suppression de ces corps d’inspection et de contrôle, ni ce par quoi ils pourraient être transformés et avec quelles garanties d’indépendance pour l’exercice de leurs missions. De même, la justification d’une cession de l’ENA reste impossible à discerner : sauf à démanteler l’Etat, cela ne fera pas passer le besoin de former les cadres de la fonction publique.

Protéger la conception républicaine

Qu’importe, les hauts agents sont invités à s’amuser : le gouvernement a d’ores et déjà escompté une réforme profonde des règles de la fonction publique « pour le bien des fonctionnaires » – a déclaré le chef de l’Etat – et la haute fonction publique ne sera pas tenue à l’écart de cette « modernisation indispensable ». Mais de quoi parle-t-on, au juste ? Trois sujets ont été fort légitimement réputés par le président : le recrutement des hauts fonctionnaires, leur formation et l’amplification de leur carrière.

Sur ce dernier sujet, il faut affirmer une autre fois  que le statut de la fonction publique, qui donne aux fonctionnaires la sécurité de leur emploi, est vertueux. Comme l’a rappelé l’ancien ministre de la fonction publique Anicet Le Pors, il permet de concrétiser une triple exigence de capacité, d’estime au service public et d’intégrité. Etendre le recours au contrat dans la fonction publique menace ces exigences. Contre le risque d’un retour en arrière vers davantage d’autoritarisme hiérarchique, il faut, au contraire, protéger la conception républicaine du « fonctionnaire citoyen », dont le statut lui admet de donner, sans crainte de sanction, son avis cultivé à sa hiérarchie afin que celle-ci puisse décider en connaissance de cause.

La sélection discriminatoire de l’ENA

Professionnel en science des organisations, Alain Klarsfeld note, que ce sont une consistante assistance familiale et financière et les biais de sélection inconsciente qui reproduisent une augmentation de la fonction publique électif.

Entre les annonces espérées jeudi 25 avril, il en est une qui fait jaillir beaucoup d’encre. L’Ecole nationale d’administration (ENA) serait annulée. On peut comprendre aisément les motifs d’une telle cession. Avec les années, l’ENA en est venue à participer tout ce qu’une grande partie des Français haïssent, à savoir l’élitisme, non pas en tant que tel, mais en tant qu’il ne repose pas sur une base légale. Que l’ENA soit ou pas effacée, une pensée s’impose à elle (ou à l’école qui prendra la relève), comme à toute la grande fonction publique.

Un des concepts sous-tendant le caractère immérité des évolutions de sélection de l’ENA est celui de la ségrégation sociale. Pour cela ils appellent de différencier les notions de discrimination directe et indirecte. Qualifier les processus de sélection (à l’entrée et au classement de sortie) de l’ENA de discriminatoires socialement pour en tirer la conclusion qu’il faut annuler l’ENA, c’est aller trop vite en besogne et c’est passer à côté des enjeux les plus importants.

Le processus de sélection de l’ENA ne produit pas de discrimination directe. Par discrimination directe, il faut savoir la prise en compte directe de critères interdits tels que l’origine, le sexe, les mœurs, la condition économique, etc. (la loi liste 25 critères). Il est fort peu acceptable, même si jamais entièrement à exclure, que les examinateurs des copies anonymes et les jurys d’oraux prennent en compte l’un ou l’autre de ces critères dans leur évaluation.

Enfants de hauts fonctionnaires

Le processus de sélection de l’ENA produit par contre une discrimination indirecte. Cette ségrégation détournée repose à la fois sur l’initiative de la composition peu diverse de la population des « gagnants » (admis au concours externe, et surtout, ceux sortis dans la « botte », ou élevé de la distribution de sortie mélangeant toutes les voies d’accès) et sur la conformité des épreuves de sélection (ou plutôt leur absence de légitimité).

En effet, à la sortie du concours extérieur et à l’organisation de sortie, la proportion dominante d’enfants de cadres supérieurs et notamment de hauts fonctionnaires (ou anciens hauts fonctionnaires passés au privé) est nettement stupéfiante, et n’a fait que s’accroître au cours des dernières décennies. Cette proportion est provocante, mais pas encore, en tant que telle, particulière de discrimination indirecte, laquelle suppose en outre une épreuve attentif des processus de sélection.

 Existe-t-il un racisme institutionnel »

La dirigeante du syndicat étudiant interdit la fermeture fin mars à la Sorbonne de la pièce de théâtre « Les Suppliantes », d’Eschyle, à la mise en scène dénoncée de « blackface ».

L’UNEF, segonde syndicat étudiant, s’est caractérisée sur la scène universitaire en supportant la fermeture de la pièce de théâtre Les Suppliantes, à la Sorbonne, le 25 mars. Mélanie Luce, qui a pris les rênes de l’organisation étudiante en février 2019, conserve cette position controversée.

Que répondez-vous aux nombreux universitaires qui ont révoqué cette condamnation des Suppliantes comme un « antiracisme dévoyé » et un « contresens » autour du « blackface » ?

Des étudiants de la Sorbonne sont venus nous voir pour nous parler de cette pièce, qui avait utilisé, l’année dernière, le « blackface », ce maquillage en noir qui existe dans le théâtre pour parodier. Ils étaient offensés. Même si cette pièce date du Ve siècle av. J.-C., elle s’inscrit dans l’actualité, la jouer ainsi, c’est soutenir le poids du « blackface ».

Le réalisateur a beau avoir définitivement choisi des masques cette fois-ci, ces derniers caricaturent de la même manière les personnes racisées, c’est-à-dire qui supportent un processus de racisation du fait des caractéristiques attribuées à leur couleur de peau. Nous avons demandé au metteur en scène de ne pas avoir recours à ce procédé, d’autres choix présentaient pour reproduire les Danaïdes. Ce n’est pas possible de reprendre aujourd’hui une mise en scène avec des connotations racistes. Le racisme, ce n’est pas une opinion, c’est un délit.

N’est-ce pas au juge d’arrêter en la matière ?

La totalité des étudiants à l’entrée de la pièce a été spontané. Nous concevons qu’ils aient réagi et se soient nommés. Il faut que cette pièce ait lieu mais sans mise en scène raciste. On soutient la culture, mais on est antiraciste. On pourrait aller au tribunal, mais ce n’est pas notre volonté, nous voulons parler avec le metteur en scène.

Nous sommes une génération qui est beaucoup plus délicate aux questions de discriminations. Nous avons conscience que le racisme transparaît dans tout notre quotidien. Ce n’est pas uniquement l’extrême droite, cela vient de toute la société, on peut avoir des pratiques racistes sans s’en rendre compte. C’est le principe d’une norme qui a été intériorisée.