Archive dans avril 2020

Coronavirus : la Société générale essuie une perte de 326 millions d’euros au premier trimestre

Première banque française à publier ses comptes trimestriels, la Société générale a affiché, jeudi 30 avril, une perte nette de 326 millions d’euros sur les trois premiers mois de 2020. Les résultats de l’établissement ont été affectés par le plongeon des marchés financiers et par une hausse de ses provisions pour risque de crédit non remboursé, la crise liée à la pandémie due au coronavirus faisant craindre des défauts de paiements en série. Le marché parisien a sanctionné ces résultats, le titre plongeant de 8,62 %, à 14,26 euros, à la clôture.

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Le groupe a avancé de six jours l’annonce de ses résultats « dans un environnement volatile, avec des rumeurs qui circulent », a déclaré son directeur général, Frédéric Oudéa, au cours d’une conférence de presse téléphonique.

Touchées de plein fouet par « la dislocation des marchés actions en mars », les activités de banque de financement et d’investissement (BFI) ont enregistré une perte de 537 millions d’euros sur le trimestre, contre un bénéfice de 140 millions un an plus tôt. Particulièrement touchées, les activités « actions » ont vu leur revenu chuter de 99 % entre janvier et mars, pour n’atteindre que 9 millions d’euros.

« Un matelas de sécurité élevé »

La dégradation des comptes de la Société générale s’explique, par ailleurs, par la flambée de ce que les banques appellent le « coût du risque », c’est-à-dire les provisions qu’elles doivent constituer pour faire face à des pertes, parce que de nombreux crédits souscrits par des entreprises et des professionnels ne pourront pas être remboursés. Au premier trimestre, ce coût du risque a été multiplié par trois, pour atteindre 820 millions d’euros. Pour l’ensemble de l’année 2020, le groupe bancaire estime que cette remontée brutale du coût du risque pèsera sur ses résultats à hauteur de 3,5 à 5 milliards d’euros (dans le scénario d’un arrêt prolongé de l’économie).

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« L’essentiel, et la bonne nouvelle, c’est que nous sommes entrés dans cette crise avec un matelas de sécurité élevé », a indiqué M. Oudéa, la banque disposant d’un ratio de solvabilité – qui mesure la solidité des banques – de 12,6 % au 31 mars. Le groupe table sur un ratio compris entre 11 % et 11,5 % à la fin 2020. Soit un niveau supérieur de 200 à 250 points de base de celui exigé par les superviseurs bancaires.

Dans ce contexte, la Société générale, qui enchaîne depuis plusieurs années les plans de restructuration, a annoncé, jeudi, « un effort additionnel de réduction des coûts de l’ordre de 600 à 700 millions d’euros en 2020 ». Mais la direction s’est engagée à ce qu’il s’opère sans réduction d’effectifs cette année.

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La récession en zone euro sera « de – 5 % à – 12 % » en 2020, selon Christine Lagarde

S’il y avait le moindre doute sur l’ampleur de la crise économique en cours, la Banque centrale européenne (BCE) et une série d’indicateurs économiques y ont mis fin, jeudi 30 avril. Christine Lagarde, la présidente de l’institution monétaire, prévoit une récession « entre – 5 % et – 12 % » pour la zone euro, en 2020. « La contraction est d’une magnitude et d’une vitesse sans précédent », a-t-elle expliqué, lors d’une conférence de presse donnée par vidéo.

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Au premier trimestre, le recul du produit intérieur brut (PIB) est effectivement historique, selon les données publiées jeudi : – 3,8 % dans la zone euro (le pire depuis la création de cette série statistique en 1995), dont – 5,8 % en France (le pire depuis la création de cette série statistique en 1949), – 5,2 % en Espagne, – 4,7 % en Italie… Ces chutes vertigineuses sont le résultat du confinement, qui n’a pourtant été imposé que graduellement courant mars. Le deuxième trimestre, avec un confinement presque complet de tous les pays sur l’ensemble du mois d’avril, sera bien pire : « les indicateurs pointent vers – 15 % d’un trimestre sur l’autre » pour la zone euro, a continué Mme Lagarde.

Dans le brouillard

Tous les signaux sont au rouge. « Au début, seuls certains secteurs étaient sévèrement affectés, a observé la présidente de la BCE. On parlait du tourisme, du transport, du divertissement… Et puis, graduellement, des secteurs entiers de l’économie ont été tout simplement fermés. Ca commence tout juste à se voir dans les statistiques, avec les premiers chiffres du premier trimestre. »

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Pour la suite, les indicateurs de la consommation sont « en chute libre », le marché du travail s’est « profondément détérioré », le déclin est visible « dans le secteur manufacturier mais aussi dans le secteur des services »… En Allemagne, a souligné Christine Lagarde – qui s’exprimait devant une salle de presse vide – 718 000 entreprises ont recours au chômage partiel. En France, 425 000 sociétés, couvrant plus de dix millions d’employés, sont concernées. En Italie, six millions de salariés sont dans la même situation.

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La présidente de la BCE a ajouté qu’elle est dans un brouillard complet sur la suite à attendre pour l’économie européenne. Combien de temps dureront les confinements ? L’épidémie due au coronavirus sera-t-elle contrôlée ? Les restaurants et les hôtels rouvriront-ils, et à quelle échéance ? Les consommateurs oseront-ils y retourner ? « Ca rend notre travail de prévision de l’économie extrêmement difficile », a-t-elle précisé.

L’incertitude est la même en ce qui concerne l’inflation, estimée par Eurostat à 0,4 % en avril en zone euro, contre 1,7 % un an plus tôt. Au premier abord, la région semble donc s’approcher de la déflation. Mais, derrière cette statistique, se cache une réalité très diverse. D’un côté, les prix de l’énergie s’effondrent, reflet d’un marché pétrolier qui a implosé ces dernières semaines. De l’autre, les prix alimentaires s’envolent (+ 3,6 %), en particulier pour les produits frais (« aliments non transformés »), qui flambent à + 7,7 %.

« Une pause »

Dans ces conditions catastrophiques, l’institution de Francfort n’a pas pris de grande mesure, ce jeudi, mais elle a affiché sa détermination à continuer à soutenir l’économie européenne. En mars, dans l’urgence, elle avait annoncé un « plan pandémie » consistant à acheter pour 750 milliards d’euros de dette des Etats jusqu’à la fin de l’année.

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Dans ce cadre, elle dépense environ 5 milliards d’euros par jour. A ce rythme, l’enveloppe sera épuisée à l’automne. La BCE a donc tenu à rassurer les marchés, se disant « tout à fait prête à augmenter la taille [du plan pandémie] et à ajuster sa composition, autant et aussi longtemps que nécessaire ».

Par ailleurs, la BCE a effectué l’équivalent d’une nouvelle baisse de son taux d’intérêt. Désormais, les banques qui augmentent leurs prêts auprès des entreprises, et en particulier des PME, pourront se financer à – 1 %, contre – 0,75 % jusqu’à présent. En clair, la Banque centrale les subventionne, à condition qu’elles fassent tourner l’économie. Cette mesure doit permettre aux établissements bancaires européens d’économiser environ 3 milliards d’euros, selon les calculs de Frederik Ducrozet, spécialiste de la BCE à Pictet, une banque privée.

Avec cette conférence de presse, l’institution monétaire « a marqué une pause », fait savoir Marchel Alexandrovich, économiste à la banque Jefferies. C’était attendu, l’annonce du plan pandémie en mars ayant permis de calmer les marchés. Ceux-ci tablent maintenant sur de nouvelles mesures d’ampleur lors de la réunion du mois de juin, peut-être avec une augmentation du plan pandémie à 1 000 milliards d’euros, voire plus. D’ici là, l’ampleur des conséquences économiques sera peut-être un peu plus claire.

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Cela laisse du temps aux Etats européens pour agir. Ces derniers demeurent en désaccord sur la possibilité de mutualiser une partie de leurs dettes, peut-être avec la création d’un fonds spécial en commun. « Une politique ambitieuse et coordonnée des Etats est essentielle », a rappelé Mme Lagarde, qui leur demande d’aller « plus loin ». Après l’intervention décisive de la BCE le mois dernier, la balle est désormais dans le camp des gouvernements européens.

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Appel à témoignages : télétravail, charge mentale, perte d’activité… mesdames, comment faites-vous face ?

La crise du Covid-19 et les mesures de confinements instaurées pour endiguer la pandémie exposent les femmes de façon singulière. Infirmières, aides-soignantes, caissières sur le terrain toute la journée et qui retrouvent les tâches domestiques le soir : racontez-nous votre quotidien.

Cadres, salariées, employées qui travaillent à domicile pendant le confinement, et probablement plusieurs semaines encore au-delà du 11 mai : comment conjuguer télétravail, école à la maison, tâches domestiques ? Est-ce l’occasion, pour le conjoint confiné, d’en faire plus ? Les témoignages de conjoints dans ce cas sont les bienvenus ! Comment ne pas frôler le burn-out ?

Toutes celles qui, dans la restauration, l’hôtellerie, le tourisme, la culture se retrouvent au chômage partiel ou sans activité pour un moment encore : comment faire face à ces problématiques ?

Racontez-nous votre quotidien, vos inquiétudes.

Votre témoignage, que nous lirons avec attention, pourra être utilisé dans le cadre d’un article à paraître dans Le Monde sur ce sujet. N’oubliez pas de mentionner un numéro de téléphone ainsi qu’une adresse électronique que vous consultez souvent : nous pourrions être amenés à vous contacter pour des précisions. Votre anonymat pourra être préservé si vous en faites la demande.

Covid-19 : la crise peut devenir une catastrophe humanitaire pour les travailleurs de l’économie informelle

Guy Ryder, directeur général de l’OIT, à Pékin, en novembre 2019.
Guy Ryder, directeur général de l’OIT, à Pékin, en novembre 2019. Florence Lo / REUTERS

L’ampleur de la crise économique et sociale dépassera probablement ce qui était prévu il y a encore peu. Dans un nouveau rapport, publié jeudi 29 avril, l’Organisation internationale du travail (OIT) revoit à la hausse ses prévisions de pertes d’heures travaillées. Dans une précédente étude, il y a trois semaines, la baisse du temps effectivement travaillé avait été estimée à 4,5 % au premier trimestre 2020, comparé au quatrième trimestre 2019, ce qui équivaut à 130 millions d’emplois à plein temps. Pour le deuxième trimestre, le repli atteindra 10,5 %.

« On continue de perdre des emplois à une vitesse extraordinaire. Nous avions estimé cette perte à 195 millions pour le deuxième trimestre. Aujourd’hui, nous tablons plutôt sur l’équivalent de 305 millions de postes supprimés », annonce Guy Ryder, le directeur général de l’OIT, qui regroupe les représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs de 187 Etats membres.

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La dégradation de l’emploi dans le monde est due à la prolongation et à l’extension des mesures de confinement. En dehors de la Chine, où l’activité a partiellement redémarré au début du mois d’avril, « la situation s’est aggravée ailleurs, et 64 pays supplémentaires ont adopté des mesures de fermeture depuis le 1er avril, pour la plupart en Afrique, en Europe et Asie centrale, et dans les Amériques ». Ainsi, 68 % des travailleurs dans le monde vivent dans des pays où il existe des mesures de fermeture, obligatoire ou recommandée, des entreprises.

« La prochaine pandémie sera la famine »

L’OIT insiste sur l’extrême gravité que fait peser cette crise sur le secteur de l’économie informelle, soit 2 milliards de travailleurs dans le monde. Quelque 76 % d’entre eux (1,6 milliard) sont « fortement affectés par les mesures de confinement, dans les secteurs les plus touchés ». Ces travailleurs, majoritairement des femmes, n’ont aucune possibilité de travail à distance, ne disposent généralement pas de protection sociale et ont un accès limité aux services de santé. Pour eux, les pertes de revenus devraient atteindre 60 % à l’échelle mondiale, mais la chute pourrait s’élever à 81 % sur les continents où ce secteur est le plus important, en Afrique et en Amérique latine.

« Sans réaction internationale pour aider ces pays les plus défavorisés, qui n’auront pas les moyens de soutenir cette économie informelle, cette catastrophe deviendra un drame humanitaire, prévient Guy Ryder. Sinon, comme a alerté le Programme alimentaire mondial, la prochaine pandémie sera la famine. »

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Les DRH n’adhèrent ni au traçage ni à la prise de température

« Pour respecter la distanciation physique, 70 % des entreprises maintiendront leurs salariés en télétravail total ou partiel »
« Pour respecter la distanciation physique, 70 % des entreprises maintiendront leurs salariés en télétravail total ou partiel » Eric Eric Audras/Onoky / Photononstop

« Dans la mesure du possible, on va privilégier le télétravail après le 11 mai », témoigne Olivier Guilbaud, avant de répéter pour insister : « Dans la mesure du possible. » Jusqu’à présent, son cabinet s’est organisé pour poursuivre son activité, malgré le confinement : les collaborateurs et stagiaires sont invités à travailler depuis chez eux. Quant à lui, il va au bureau de temps en temps récupérer des documents papiers et relever le courrier.

Mais l’activité en présentiel ne peut pas être repoussée indéfiniment : il a besoin de voir ses clients et de se déplacer pour des expertises. L’avocat a donc commandé quelque 200 masques chirurgicaux sur la centrale d’achat du barreau de Paris, mais il ne s’attend pas à les recevoir avant le 15 mai, au plus tôt.

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Après avoir dû modifier brutalement leurs structures de travail, les dirigeants et salariés sont dans l’attente de pouvoir retrouver une organisation sûre et pérenne. Mais, à moyen terme, les espoirs d’un retour à l’avant-crise sont minces. Dans sa présentation de la stratégie de déconfinement, Edouard Philippe appelle à de « nouveaux plans d’organisation du travail, avec une attention particulière aux emplois du temps, aux gestes barrière, à l’aménagement des espaces de travail ».

Le gel hydroalcoolique et les masques font l’unanimité

Un casse-tête majeur des responsables des ressources humaines, qui se disent prêts à relever le défi. Selon la dernière enquête de l’Association nationale des DRH (ANDRH), dévoilée par Le Monde, 78 % des 531 entreprises interrogées entre le 20 et le 27 avril n’appréhendent pas ou peu la reprise de l’activité. Les principales mesures d’hygiène font consensus (mise à disposition de gel hydroalcoolique, distribution de masques dits « grand public », surveillance spécifique de la médecine du travail, cellule d’écoute et de soutien du personnel…) et recueillent l’adhésion de plus de 75 % des sondés.

En revanche, un suivi du personnel avec une application de traçage à l’instar de StopCovid, à l’étude par le gouvernement, ne fait pas l’unanimité : seul un tiers des 531 répondants y est favorable. Tout comme la prise de température des salariés à l’entrée des locaux (51 % ne sont pas d’accord).

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« Ce sont des dispositifs dont les contours sont encore très flous et Edouard Philippe n’a pas levé les doutes sur leur utilité [la prise de température n’a pas été évoquée dans l’allocution et le premier ministre a jugé prématuré le débat sur une application de traçage]. A ce jour, cela représente plus de difficultés de mise en place que d’avantages pour l’entreprise », explique Benoît Serre, vice-président de l’ANDRH.

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Fin du confinement : « Un chômage partiel excessivement généreux peut freiner la reprise du travail »

Tribune. Le confinement actuel a des conséquences potentiellement désastreuses sur l’emploi et les revenus des ménages. Pour soutenir le revenu des salariés pendant le confinement, la France, comme la plupart des pays européens, s’appuie essentiellement sur le chômage partiel. L’Etat prend ainsi en charge une grosse part des rémunérations au plus fort de la crise afin de conserver les relations de travail intactes. Le chômage partiel évite de mettre des millions de personnes au chômage et de détruire des emplois que les entreprises devront recréer, ce qui pourrait ralentir la reprise.

Toutefois, ce rôle d’accélérateur du chômage partiel ne peut fonctionner que si la phase de déconfinement est bien gérée, car cet outil porte aussi le risque d’enferrer l’économie dans une longue récession.

Dispositif des plus généreux

De ce point de vue, la France doit être très vigilante : son dispositif de chômage partiel est désormais l’un des plus généreux des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et concerne près d’un salarié sur deux. Sachant que les carnets de commande de nombreux secteurs vont être impactés pendant un certain temps, un chômage partiel excessivement généreux peut considérablement freiner la reprise du travail.

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Cela aggraverait la baisse du produit intérieur brut (PIB), avec à la clef la disparition de nombreuses très petites entreprises (TPE) et PME, malgré les autres aides de l’Etat. Les défaillances en chaîne risqueraient de fragiliser le système bancaire – une crise financière prenant alors le relais de la crise sanitaire. Le chômage finirait alors par progresser fortement et durablement, ce qui aurait des conséquences dramatiques sur la santé et la mortalité.

Pour échapper à ce scénario catastrophe, la stratégie de déconfinement partiel doit inciter à la reprise de l’activité, faciliter la poursuite du télétravail lorsque c’est possible, et cibler les aides sur les secteurs et les personnes en difficulté. En effet, nous ne sommes qu’au début de l’épidémie, qui doit durer plusieurs mois, et il n’est pas envisageable que la moitié des salariés soient en chômage partiel durant toute cette période.

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Ainsi, entrepreneurs et salariés des secteurs dont l’activité va rester restreinte après le 11 mai – notamment dans le tourisme, les loisirs, les transports ou la restauration – doivent être protégés plus longtemps par l’assurance-chômage, tandis que leurs entreprises doivent pouvoir recourir au chômage partiel dans son format actuel. Leurs charges sociales et leurs impôts doivent être réduits, dès lors qu’elles maintiennent l’emploi ou qu’elles embauchent afin de poursuivre leur activité.

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« Le chômage partiel n’est efficace que si le choc économique ne change pas la structure de production »

Tribune. Il est difficile aujourd’hui de savoir quelle sera la meilleure réponse économique à apporter à moyen terme à la crise sanitaire. L’incertitude reste forte. Dans le très court terme, la réponse des Européens, consistant à massivement subventionner le chômage partiel, a été une excellente réponse : en confinant les salariés mais en les payant entre 60 % et 84 % de leurs salaires selon les pays, on évite une perte brutale de revenus et on limite la propagation du virus.

Le succès du mécanisme – au 28 avril, la Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques) comptabilisait des demandes pour 11,3 millions de salariés, soit un salarié sur deux, et 4,8 milliards d’heures pour des durées de douze semaines à 35 heures par salarié en moyenne – est à la fois rassurant et inquiétant. Rassurant, car cet amortisseur social fonctionne. Inquiétant, car son ampleur – entre 8 et 10 milliards d’euros par mois – et la durée prévue sont importantes.

A titre de comparaison, la crise de 2007 aura vu les entreprises consommer 130 millions d’heures de chômage partiel sur l’ensemble de la période 2007-2010. Certes, ce ne sont que les demandes initiales potentielles, et elles seront peut-être moindres, mais on sent bien que le recours sera in fine massif.

Eviter la pénurie de main-d’œuvre

Or le chômage partiel est très contraignant et exclut de travailler, pour éviter les effets d’aubaines. Sauf qu’il faut bien assurer les chaînes de production si une demande réduite reste présente. Les trois premiers secteurs en volume de recours au chômage partiel sont les commerces, l’hébergement et la restauration, et un secteur de « services divers » (« MN » dans la nomenclature officielle) qui contient notamment le commerce automobile, les agences de voyages et les agences de location diverses.

La question à se poser est double : peut-on assouplir les règles du chômage partiel pour éviter la situation de pénurie de main-d’œuvre dès que le confinement sera partiellement levé le 11 mai, certaines entreprises maximisant le recours au chômage partiel ? Et, question plus prospective mais à moyen terme : le monde d’après sera-t-il identique à celui d’avant au niveau des secteurs ?

Si de nombreuses études (Cahuc 2019, Boeri 2011) ont mis en avant les bienfaits de l’activité partielle – en particulier en Allemagne – pour contenir la hausse du chômage en 2008, ces mêmes études n’oublient pas de souligner que l’activité partielle n’est efficace que lorsque le choc économique ne change pas la structure de production. Le chômage partiel a, dans ce cas, vocation à donner de l’air aux entreprises.

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Le douloureux effondrement du tourisme en Europe du Sud

A Venise, le 22 avril.
A Venise, le 22 avril. MANUEL SILVESTRI / REUTERS

Comme un air de déjà-vu. « Ou bien de cauchemar, cela dépend des jours : en ce moment, ce sont les montagnes russes émotionnelles », confie Bruno Gomes. Lorsqu’il observe les rues de Porto depuis sa fenêtre, cet entrepreneur a le sentiment de revoir sa ville telle qu’elle était il y a quinze ans, avant que le Portugal ne devienne une destination prisée : déserte. Triste.

« Tout est fermé depuis que la pandémie a plongé le pays dans l’état d’urgence, le 18 mars », raconte-t-il. En 2010, après avoir perdu son emploi, cet ancien designer graphique a lancé We Hate Tourism, une entreprise organisant des tours à Lisbonne et à Porto. A l’époque, le pays s’enfonçait dans la récession.

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Depuis début mars, la totalité des réservations pour le printemps sont tombées à l’eau : sa structure de cinq salariés doit débourser plusieurs milliers d’euros pour rembourser les clients. Et ce, alors que la saison estivale s’annonce déjà compromise. « Tout est mort. Nous nous préparons à devoir repartir de zéro, encore, comme nous avions dû le faire après la crise de 2008, confie-t-il, avec ce mélange de détermination et de fatalisme propre aux Portugais. D’une certaine façon, nous avons l’habitude. Mais ça ne rend pas les choses plus faciles. »

Situation préoccupante

En Grèce, en Italie, en Espagne, comme au Portugal et dans toute la région, les mêmes inquiétudes s’expriment. Pour ne pas dire angoisses. Lundi 27 avril, les pays du sud de l’Europe ont tiré la sonnette d’alarme lors d’un Conseil européen informel consacré au sujet.

Ils réclament un « fort soutien » au tourisme, et qu’une partie des mesures de relance envisagées par les Etats membres, sur lesquelles planche Bruxelles, soient consacrées au secteur. De son côté, le commissaire européen au marché intérieur, Thierry Breton, plaide pour l’instauration d’un « plan Marshall » en faveur du tourisme, en référence au programme de reconstruction du Vieux Continent après la seconde guerre mondiale.

C’est dire si la situation est préoccupante : parmi les secteurs affectés par la pandémie de Covid-19 et l’arrêt partiel de l’activité, le tourisme est frappé de plein fouet.

Selon la Commission européenne, les pertes de revenus devraient grimper à 50 % pour les hôtels-restaurants en 2020, à 70 % pour les agences de voyage, et à 90 % pour les compagnies aériennes et les croisiéristes. Sur le seul mois de mars, estime les économistes d’UBS, les recettes se sont déjà effondrées de 68 % en Europe, qui pèse la moitié du marché mondial du tourisme. En particulier en Italie (– 95,6 %), en Espagne (– 77 %), en Grèce et au Portugal (– 70 %).

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Le PIB américain chute de 4,8 % en rythme annuel

Le produit intérieur brut (PIB) américain a reculé de 4,8 % au premier trimestre 2020 en rythme annuel, selon les chiffres provisoires publiés par le département du commerce américain. Il s’agit du plus fort recul enregistré depuis la récession de 2008. Ce chiffre, qui doit être affiné encore à deux reprises, prend en compte l’arrêt de l’économie américaine, qui a commencé début mars sur la côte ouest, en Californie et dans la région de Seattle, et mi-mars sur la côte est, avec la fermeture des écoles de New York, épicentre de l’épidémie due au coronavirus.

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La croissance était de 2,1 % au quatrième trimestre 2019 et de 2,3 % sur l’ensemble de l’année.

26 millions de chômeurs

Dans le détail, la consommation a reculé de 7,6 % avec un effondrement des achats de biens durables (– 16 %), en particulier dans l’automobile. La consommation de services a, elle, baissé de 10 %, avec la fermeture des restaurants et de toutes les activités culturelles et sportives. L’investissement est également en baisse de 5,6 % avec un recul supérieur à 15 points dans les biens d’équipement. La baisse de 8,7 % des exportations s’explique, notamment, par le recul des services (– 29,8 %), en particulier des transports. Les importations de biens et services ont reculé de 15 %. La seule hausse concerne les dépenses publiques, qui ont crû de 0,7 point par rapport au trimestre précédent.

Cette contraction de 4,8 points de l’économie s’explique par une chute de 5,26 points de la consommation, de 0,96 point de l’investissement. Les échanges ont contribué positivement de 1,3 point à la croissance (chute moins forte des exportations que des importations) et le gouvernement, dont les dépenses n’ont pas baissé, de 0,13 point.

Le revenu disponible des ménages a, quant à lui, progressé de 0,5 point, (après 1,6 au dernier trimestre 2019) en raison, notamment, des dépenses gouvernementales. En temps de crise, le taux d’épargne des ménages a progressé de 7,6 % à 9,6 %.

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Les observateurs prévoient une chute encore plus brutale au deuxième trimestre, avec la fermeture de la quasi-totalité de l’économie américaine en avril et sa tentative de déconfinement prévue pour le mois de mai. Cette crise s’est traduite par une envolée sans précédent du chômage, avec plus de 26 millions d’Américains – sur une population active d’environ 165 millions – inscrits au chômage en quatre semaines.

Des mesures de soutien et quelques ratés

Pour éviter une catastrophe sociale digne des années 1930, le gouvernement fédéral, avec l’appui conjoint des républicains et des démocrates, a voté une indemnité chômage fédérale de 2 400 dollars (2 209 euros) par mois, et ce jusqu’à l’automne. S’y ajoute un chèque fédéral de 1 200 dollars par personne, à condition de gagner moins de 75 000 dollars par an, auxquels s’ajoutent 500 dollars par enfant. Les fonds arrivent progressivement.

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Enfin, Washington a débloqué 660 millions de dollars (608 millions d’euros) de prêts éventuellement non remboursables aux PME, à condition qu’elles conservent leurs salariés. Cette politique a connu des ratés, en raison de la défaillance des serveurs informatiques et le comportement de nombreuses institutions, comme l’université d’Havard, la chaîne de hamburgers Shake Shack ou l’équipe de football Los Angeles Lakers, censées être prospères, qui ont demandé et obtenu l’argent du contribuable. Ces mesures de soutien apparaîtront pour le deuxième trimestre.

Ce chiffre du PIB est publié alors que la Réserve fédérale américaine (banque centrale, Fed) achève ses deux journées mensuelles de réunion ce mercredi. En deux fois, elle a baissé ses taux directeurs à un niveau compris entre 0 % et 0,25 % pour juguler la crise et inondé le marché de liquidités. Le président de la Fed, Jerome Powell, devrait répéter son engagement à soutenir l’économie. Wall Street devait ouvrir en hausse, persuadée du soutien de M. Powell.

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Sur l’épidémie

Sur le confinement et ses conséquences

Comment prendre sa retraite en étant confiné

Le service de demande unique de retraite en ligne est accessible à partir du site Info-retraite.fr.
Le service de demande unique de retraite en ligne est accessible à partir du site Info-retraite.fr. SAM EDWARDS / Caiaimages / Photononstop

Ce n’était pas un poisson d’avril, près de 3 000 seniors ont déposé une demande de retraite unique en ligne le 1er avril. Plus exactement 2 990.

Depuis son lancement, en mars 2019, c’est le meilleur score quotidien enregistré par ce service très pratique, qui permet de liquider sa retraite de façon 100 % dématérialisée, envoi des pièces justificatives compris et, surtout, en une seule fois – plus besoin de s’adresser séparément à chacun de ses régimes, de base et complémentaires. Environ 315 000 demandes de retraite ont ainsi été introduites durant les douze premiers mois et demi d’existence de cet outil, donc environ 830 par jour en moyenne.

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Finalement, près de la moitié des demandes totales de retraite réalisées depuis un an ont été effectuées par ce biais, déclarent les équipes d’Info-retraite.fr, le site interrégime.

S’y prendre quatre à six mois à l’avance

Si cette possibilité rencontrait déjà un succès certain avant la crise sanitaire, le confinement devrait l’accentuer encore, au moins provisoirement. Car le message des caisses de retraite a en effet été clair ces dernières semaines : surtout ne reportez pas votre demande de retraite malgré le confinement, mais effectuez-la en ligne, de préférence Dominique Prévert, du cabinet Optimaretraite, dit ainsi :

« Dans le cadre des demandes de retraite que nous traitons pour nos clients, nous constatons que les caisses se montrent extrêmement souples ces temps-ci, les dossiers avancent bien plus rapidement que d’habitude, il n’y a donc aucune raison de ne pas faire sa demande. »

« Le conseil est, comme en temps normal, de s’y prendre quatre à six mois en avance pour déposer son dossier », rappelle François-Xavier Selleret, directeur général de l’Agirc-Arrco, le régime complémentaire des salariés. Malgré le confinement, « il n’y a pas de raison de le faire plus tôt, ni plus tard » que d’ordinaire, renchérit Renaud Villard, le directeur général de l’Assurance-retraite, le régime général.

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Le délai recommandé pour introduire sa demande varie cependant selon les régimes : c’est par exemple au moins six mois dans les régimes de la fonction publique, et trois mois pour la Cipav, la principale caisse des libéraux (mêmes délais que d’habitude).

« Nous avons pris des mesures pour assurer le versement des premières pensions, même en cas de dossier incomplet. Nous procédons à des liquidations de droits provisoires, afin de garantir la continuité des revenus », assure M. Selleret. « L’important est de prendre date et de permettre à nos équipes de commencer à étudier votre dossier », affirme M. Villard.

L’idée est donc, durant le confinement, de déposer votre demande même si vous n’avez pas toutes les pièces justificatives sous la main pour une raison ou pour une autre.

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Attention, toutefois, dans les textes, introduire sa demande de retraite au moins quatre mois avant son départ, accompagnée de toutes les pièces justificatives listées dans ce document, est nécessaire pour avoir le droit de bénéficier du dispositif de « garantie de versement des pensions » de base qui s’applique aux salariés et aux indépendants (commerçants et artisans). Et donc de se voir verser une pension dès son premier mois de retraite, sans attendre.

Formulaire de demande unique prérempli

Comment demander sa retraite sur Internet ? Le plus simple est de créer votre compte personnel sur le site interrégimes, Info-retraite.fr. En cliquant sur l’onglet « ma demande de retraite », vous accéderez à un formulaire de demande unique prérempli, les éléments de votre dossier étant automatiquement reportés.

Vous pouvez vous y prendre en plusieurs fois, en enregistrant vos données. Une fois votre demande envoyée, elle parviendra à vos différents régimes, qui reviendront vers vous pour compléter votre dossier, le cas échéant. A noter que ce service unifié en ligne ne concerne pas (encore) les demandes de pensions de réversion, mais que cela ne devrait plus tarder…

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Vous pouvez aussi déposer votre demande, unique toujours, sur le site de l’un de vos régimes. La démarche par courrier demeure possible, bien sûr, pour ceux qui n’ont pas Internet ou qui ne sont pas en mesure de réaliser l’opération en ligne.

Ce que vous risquez si vous attendez et que vous ne demandez pas votre retraite dans les délais conseillés ? « Vous avez le droit de vous y prendre à la dernière minute, juste avant votre date de départ, mais vous risquez alors de ne pas recevoir votre première pension à temps, le premier mois de votre retraite, des rattrapages seront opérés les mois suivants », explique Dominique Prévert.

Le calendrier des versements des pensions maintenu

Durant le confinement, les pensions, de base comme complémentaires, sont versées aux mêmes dates qu’à l’ordinaire, assurent les régimes, qui affichent généralement les calendriers des paiements sur leur site. « Les caisses de retraite sont pleinement mobilisées, le paiement des retraites sera assuré aux échéances habituelles », indique l’Union retraite, le service interrégimes. « Les reports de versements de cotisations que nous avons autorisés n’ont pas d’impact sur les versements des pensions », explique, par exemple, François-Xavier Selleret, directeur général de l’Agirc-Arrco. « Nous utilisons pour cela notre trésorerie, nous n’avons pour l’heure pas eu besoin de puiser dans nos réserves », dit-il encore.

Le Monde