« Les entreprises doivent se fixer des objectifs sur l’usage de l’avion pour les déplacements de leurs salariés »

Les voyageurs d’affaires représentent 12 % des passagers et génèrent jusqu’à 75 % des revenus sur certains vols. Les entreprises ont donc un vrai rôle à jouer dans la transition vers une aviation plus durable. Certains trajets pourraient encore être évités, par le recours à la visioconférence ou en groupant davantage les déplacements dans une même zone géographique. Pour les trajets restants, l’usage du train est de plus en plus encouragé, mais reste conditionné au cadre que permet chaque entreprise.

Airbus A350-1000, au Salon du Bourget (Seine-Saint-Denis), en 2019.

En Europe notamment, le ferroviaire pourrait être plus utilisé, mais nécessite d’assouplir les processus au niveau de l’employeur, le déplacement pouvant demander plus de temps et coûter plus cher.

Comment, en tant que salarié, ne pas ressentir une dissonance quand on s’efforce à titre personnel de ne plus prendre l’avion, tout en étant amené à le prendre potentiellement plusieurs fois par an pour des raisons professionnelles ? Comment envisager de travailler pour une entreprise qui ne prendrait pas en considération cet enjeu – et, plus largement, qui ne ferait pas davantage d’efforts pour diminuer ses émissions ?

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Les entreprises confrontée à une remontée du virilisme

Le lancer de hache, c’est le nouveau défouloir en 2025. L’entreprise Rejolt, spécialisée dans l’événementiel, qui vante les « poussées d’adrénaline qui se déclinent désormais en groupe », propose ce dispositif très à la mode au sein du CAC 40. « Les demandes ont augmenté de 30 % en un an, indique le directeur général de Rejolt, Laurent Gabard. On travaille exclusivement avec les très grandes entreprises, tous secteurs confondus. Le team building est vraiment en train d’exploser, c’est devenu un outil RH, avec des activités proches du bureau, à petit budget, qui s’organisent localement. Les salariés ont besoin d’extérioriser leur stress et de couper le rythme de la journée. » Le team building a toujours été une manière de transmettre ce qu’on attend des salariés.

Les entreprises, qu’elles soient publiques ou privées, font-elles face à une remontée du virilisme ? Lors de la présentation des locaux restaurés du siège d’Axa, le 21 mai, la DRH de l’assureur, Karima Silvent, s’est félicitée, pour vanter les conditions de travail, de l’existence d’une salle de sport tout équipée avec sac de boxe, tapis d’entraînement et autres vélos d’intérieur. Le confort des lieux et les rémunérations ont aussi été évoqués, dans un second temps.

« Le monde du travail s’est façonné autour de valeurs viriles », rappelle la sociologue Haude Rivoal, associée au Centre d’études de l’emploi et du travail et autrice du livre La Fabrique des masculinités au travail (La Dispute, 2021). Une dynamique dont les principales caractéristiques sont la valeur accordée à la force, le rapport distancié au féminin et l’attachement à la division sexuelle du travail. « L’expression de la virilité – idéal de force, puissance – sert à inférioriser le féminin. Avant, il y avait une domination masculine qui prenait des formes de mise à l’écart des femmes dans les instances dirigeantes », décrit la sociologue.

Quatre axes de transmission

Sous les dorures des salons de l’hôtel particulier du XVIIIe siècle de La Vaupalière, à Paris, où siège le groupe Axa, il n’y a que des portraits d’hommes. De fait, il n’y avait pas de femmes dans les instances à l’époque des mutuelles de l’UAP, qui ont fusionné avec Axa en 1999. La compagnie d’assurances est désormais quasi exemplaire en termes de parité, avec 48 % de femmes aux postes de direction générale et 38 % au comité exécutif. Mais la fresque installée dans le nouveau bâtiment, qui en retrace l’histoire jusqu’à aujourd’hui, ne compte qu’une seule femme.

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Licenciement à plus de 50 ans chez les professionnels des ressources humaines

Carnet de bureau. Sur une centaine, la grande majorité des clients de Me Céline Giraud ont plus de 50 ans. Ce sont des salariés qui ont souvent plus de dix ans d’ancienneté et dont les entreprises se séparent durement, après avoir dégradé pendant des mois leurs conditions de travail, après les avoir mis à l’écart, au terme de burn-out ou autres longs arrêts maladie. Un paysage social malheureusement ordinaire pour un avocat qui défend les salariés au conseil des prud’hommes.

Mais pour Me Giraud, le cas de sa cliente, licenciée pour « faute grave » au printemps 2024 à l’âge de 52 ans, sans indemnité ni avertissement, est emblématique du fait qu’il l’oppose à l’Association nationale des DRH (ANDRH). Une association loi 1901 qui compte une dizaine de salariés et fédère plus de 6 000 responsables de ressources humaines, chargés du bon fonctionnement des organisations du travail dans le respect du « capital humain ».

Embauchée en 2017, sa cliente a été convoquée à un entretien préalable au licenciement pendant son arrêt de travail. « C’est tombé comme un couperet. Tous les indicateurs étaient au vert. J’étais régulièrement félicitée et augmentée, surchargée de travail jusqu’à en tomber malade, puis brutalement licenciée. Je n’ai pu dire au revoir à personne. Pour moi, c’est l’incompréhension totale », témoigne-t-elle, sous le couvert de l’anonymat.

Elle avait alerté à plusieurs reprises sur la surcharge de travail, entre 2021 et 2024. Assumant les tâches de collègues ayant quitté l’ANDRH sans être remplacés, elle a souvent été amenée à travailler très tard le soir, très tôt le matin, le week-end. « J’arrivais un peu avant 8 heures, parfois je n’avais dormi que deux ou trois heures. Je m’occupais du service adhésion, de la gestion des mails, avec 70 comptes bancaires et autant de cartes de crédit, de la relation avec les 70 groupes en région, plus le suivi du budget. Je rentrais chez moi vers 20 heures et m’y remettais vers 22 heures pour la gestion des virements et des adhésions », décrit-elle.

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« La ménopause s’accompagne d’une perte de revenus de 10 % en moyenne »

Les pénalités salariales liées à la maternité sont bien étudiées en économie. Les travaux de Camille Landais, lauréat du Prix du meilleur jeune économiste 2016, mettent en évidence que la naissance d’un enfant se traduit par une importante perte de revenu pour les femmes.

En France, selon des données récentes publiées par Camille Landais et ses coauteurs, cette pénalité liée à la maternité est de 25 %. Elle est encore bien plus élevée dans les pays où les normes sociales sur les rôles de genre sont plus traditionnelles et où les politiques publiques autour de la petite enfance sont moins développées. En Italie, par exemple, elle s’élève à 33 % et en Allemagne, à 41 %.

Cette perte de revenu ne peut être expliquée par les trajectoires des femmes sur le marché du travail ou la sortie de la vie active. Elle ne peut non plus s’expliquer par les contraintes – bien réelles – imposées par la naissance d’un enfant. Outre le fait que les hommes hétérosexuels ne subissent aucune perte de revenu liée à la naissance d’un enfant – ce qui pourrait peut-être s’expliquer par le fait que les mères s’occupent encore des enfants de manière prépondérante –, les copères dans un couple homosexuel non plus. Or, tout porte à croire qu’au moins l’un d’eux doit bien s’occuper de l’enfant. Les économistes concluent donc que, au moins en partie, la pénalité de la maternité peut être comprise à l’aune des discriminations sur le marché du travail. Cette pénalité liée à la maternité est l’une des raisons des écarts salariaux entre les femmes et les hommes – jusqu’à 80 % en France.

Manifestation à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, à Paris, le 8 mars 2025.

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Amazon accusé de contourner la loi avec la livraison gratuite de livres

Des employés d’Amazon préparent des commandes au centre de distribution de la multinationale américaine à Augny, près de Metz, le 29 août 2024.

Amazon contourne la loi française en expédiant sans frais de port des livres à retirer dans des casiers automatisés, a réaffirmé le médiateur du livre, autorité publique indépendante, dans un avis rendu mardi 27 mai à la ministre de la culture, Rachida Dati. Cela confirme un désaccord de fond entre la France et le géant du commerce en ligne au sujet de la législation sur l’économie du livre. En l’occurrence, la dispute concerne l’interprétation d’une loi qui, depuis octobre 2023, impose des frais de port de 3 euros minimum pour toute expédition de livres neufs, « sauf si le livre est retiré dans un commerce de vente au détail de livres ».

Amazon France estime que cette disposition lui permet de livrer gratuitement dans ses casiers automatisés, ou lockers. Chargé de trancher, le médiateur, Jean-Philippe Mochon, avait déjà affirmé en février que ces casiers ne permettaient pas légalement de supprimer les frais de port. En revanche, Amazon peut livrer gratuitement des livres retirés, par exemple, à l’accueil d’un supermarché qui a un rayon librairie, ajoutait-il alors.

Trois mois plus tard, le médiateur du livre « ne peut que constater un très net désaccord » avec le groupe américain, qui « récuse cette lecture de la loi et entend maintenir le retrait gratuit en casiers », déplore-t-il. « Le retrait gratuit de livres en casiers automatisés constitue aujourd’hui un réel défi à la mise en œuvre de la loi », estime l’autorité publique.

Echec de la médiation

Selon lui, cela concerne « un tiers (voire davantage) des milliers de points de retrait gratuit » pour les colis Amazon. L’entreprise prend ainsi le risque d’entrer en conflit frontal avec l’exécutif. En décembre, Rachida Dati dénonçait « un contournement de la législation ». « On va y répondre », assurait alors la ministre de la culture.

Amazon France a déploré, mardi dans un communiqué, au sujet des avis successifs du médiateur du livre, « certaines conclusions de ces rapports qui se nourrissent d’une lecture biaisée du droit applicable ». Le groupe américain continue d’assurer qu’il facilite l’accès des Français aux livres dans les communes où les librairies sont absentes. Alors que Paris défend une forme d’exception culturelle pour sauver son réseau de librairies indépendantes, Amazon dénonce une mesure disproportionnée.

Le Syndicat de la librairie française (SLF) accuse le groupe d’avoir « une stratégie délibérée de pertes sur le marché du livre » pour provoquer la disparition de points de vente. « Le SLF se félicite de cette confirmation ferme et sans ambiguïté et déplore le dédain avec lequel la plateforme américaine traite la loi française. Il appelle la ministre de la culture (…) à faire cesser ces pratiques », a-t-il affirmé mardi dans un communiqué.

La médiation ayant échoué, l’affaire peut être portée devant la justice. La France attend par ailleurs un avis de la Cour de justice de l’Union européenne au sujet de sa loi de 2021 sur l’économie du livre, dite « loi Darcos », qu’Amazon juge non conforme au droit communautaire.

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Le marché du livre en France a souffert en 2024, les ventes reculant de 3 % en volume et de 1 % en valeur, d’après l’institut NielsenIQ GfK. Les libraires estiment qu’ils risquent de ne pas connaître une année meilleure en 2025.

Le Monde avec AFP

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Fraudes aux retraites versées à l’étranger : la Cour des comptes plaide pour des contrôles accrus

Devant la Cour des comptes, à Paris, le 8 avril 2025.

La Cour des comptes aime apporter sa contribution à des débats qui sentent le soufre. Dans un rapport dévoilé lundi 26 mai, la haute juridiction consacre un chapitre à « la fraude aux retraites versées à l’étranger ». Pour combattre le phénomène, des actions ont été engagées, avec des résultats à la clé, et il convient de continuer dans ce sens, écrivent les magistrats de la rue Cambon, à Paris. Les chiffres qu’ils fournissent semblent relativiser l’ampleur financière du problème, sans pour autant le minimiser – bien au contraire.

Fin 2022, 1,1 million de femmes et d’hommes résidant hors de la France percevaient une pension de la Caisse nationale d’assurance-vieillesse (CNAV) – soit 7,2 % des bénéficiaires affiliés à ce régime. De son côté, l’Agirc-Arrco, le système complémentaire des salariés du privé, allouait une retraite à quelque 853 000 individus domiciliés à l’étranger. Les prestations octroyées par ces deux régimes s’élevaient à 5,9 milliards d’euros, soit 2,7 % des sommes qu’ils avaient attribuées à leurs affiliés. C’est en Algérie, au Portugal et en Espagne que les montants les plus importants sont distribués – à hauteur, respectivement, de 1,3 milliard d’euros, 1,1 milliard d’euros et 700 millions d’euros.

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Chez Carrefour, l’externalisation à marche forcée des magasins, un sujet social toujours brûlant

Le PDG de Carrefour, Alexandre Bompard (au centre, de face), et le ministre de l’économie, Eric Lombard (au centre, de profil), rencontrent des employés et des clients à la caisse d’un supermarché Carrefour, à L’Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne), le 16 mai 2025.

C’était le 31 mars, devant la commission d’enquête sur les aides publiques aux entreprises. L’audition du PDG de Carrefour, Alexandre Bompard, s’attarde sur la stratégie du géant de la grande distribution d’externaliser la gestion de ses magasins déficitaires, une quarantaine par an, par le recours à la location-gérance. « Les salariés le vivent mal, insiste le sénateur communiste de Seine-Saint-Denis et rapporteur de la commission Fabien Gay. Les méthodes des [repreneurs] pour revenir à l’équilibre détériorent les conditions de travail. » « Il y a une inquiétude des salariés, reconnaît Alexandre Bompard. Mais un entrepreneur sauve un magasin non pas en rognant sur le social, mais grâce à l’énergie commerciale qu’il déploie. Je vous invite à venir dans les magasins concernés… »

Concerné, l’hypermarché Carrefour de Flers-en-Escrebieux (Nord) l’est justement. Mardi 20 mai, le point de vue des salariés sur leur passage en location-gérance quinze mois plus tôt s’affiche sans détour sur tracts et pancartes : « Non à la boucherie sociale. » A l’appel des syndicats FO et CFDT, une soixantaine sont rassemblés devant le magasin. « Ça fait vingt-neuf ans que je travaille chez Carrefour. Aujourd’hui, financièrement, je n’y arrive plus, lâche Patrice, 57 ans, divorcé et père de trois enfants (les salariés n’ont pas souhaité donner leurs noms). Avant, on avait de l’intéressement, de la participation, avec ça j’arrivais à payer mes crédits et à faire face aux imprévus. Maintenant, à peine je touche ma paie que je suis déjà à découvert. Là, j’ai dû faire réparer ma voiture… Je peux même plus payer une glace à mes enfants. »

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Qui « représente » les cadres ?

« Représenter : rendre présent quelqu’un qui est absent. » Plus facile à dire qu’à faire quand il s’agit des 21 millions de salariés français, du grand groupe au petit salon de coiffure, et alors que les effectifs syndicaux ont été divisés par trois depuis 1950 (10 % dans le privé en 2007, 7,8 % en 2020).

Manifestation du 1ᵉʳ mai 2025, à Paris.

Concernant la négociation collective, l’indispensable changement de logiciel date de la loi du 20 août 2008, qui a voulu relégitimer les acteurs et accords. Exit la présomption irréfragable de représentativité pour les confédérations désignées par l’Etat : comme la vraie autorité, la représentativité ne tombe pas d’en haut, elle se constate d’en bas. Cette loi a créé un nouveau critère, qui a changé beaucoup de choses en créant un marché des voix : l’audience électorale emporte tout aujourd’hui, à tous les niveaux.

Négocier un accord national interprofessionnel ou de branche est donc réservé aux syndicats ayant obtenu au moins 8 % des suffrages exprimés. Reflet de divisions appelées en France « pluralisme ».

Stabilité du « club des cinq »

« To be or not to be… » C’est l’enjeu des résultats publiés le 9 avril, issus d’un travail de Sisyphe : la consolidation des élections 2021-2024 pour nos 90 000 comités sociaux et économiques, et des élections de représentativité TPE [très petites entreprises] de décembre 2024, qui va permettre de désigner les négociateurs au niveau interprofessionnel et dans nos 250 branches pour la période 2026-2029.

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