Morts au travail : la CGT dénonce le manque de moyens pour la prévention

La secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, lors d’une action en hommage aux travailleurs décédés à la suite d’un décès lié au travail, l’Hôtel de Ville de Paris, jeudi 25 avril.

Un parterre de roses blanches et 450 silhouettes noires en carton pour commémorer les travailleurs qui ont perdu la vie dans le cadre de leur activité ces dernières années : c’est l’action qu’a réalisée la CGT, jeudi 25 avril à midi, sur la place de l’Hôtel-de-Ville de Paris. A l’approche de la Journée mondiale de la sécurité et de la santé au travail, prévue dimanche 28 avril, le syndicat a mené une vingtaine de manifestations dans l’Hexagone.

« Nous souhaitions qu’il y ait autant de silhouettes que de morts au travail, mais nous n’avons pas pu car il y en a trop, réagit Sophie Binet, secrétaire générale du syndicat, au pupitre installé devant la mairie : « 1 227 salariés morts en 2022, 738 d’un accident du travail, 286 d’un accident de trajet, et 203 des suites d’une maladie professionnelle reconnue. C’est un scandale national, mais ce chiffre est encore sous-estimé car il ne prend pas en compte les chiffres de la fonction publique ou les indépendants… »

Les familles, associations de victimes et représentants du syndicat ont tour à tour exprimé leur colère devant ce mauvais bilan, qu’ils attribuent à l’insuffisance des moyens consacrés à la prévention des risques professionnels. La CGT fait notamment le lien entre le nombre de morts élevé et la disparition, en 2019, dans les entreprises des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. L’inspection du travail a, par ailleurs, perdu 16 % de ses effectifs entre 2015 et 2021, selon la Cour des comptes. En début d’année, une centaine de postes qui devaient être ouverts en interne dans la fonction publique ne l’ont pas été, et 370 sections demeurent vacantes dans le pays.

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La confédération pointe aussi la situation difficile de l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), organisme financé par une partie des cotisations des employeurs, et qui produit des études scientifiques sur les causes des accidents : en quinze ans, l’INRS est passé de 650 à 550 salariés, et fonctionne depuis un an sans convention d’objectifs et de gestion, alors même qu’un accord national interprofessionnel signé par tous les partenaires sociaux prévoyait de lui donner des moyens supplémentaires, et d’affecter, en tout, près de 300 millions d’euros à la prévention.

Davantage de sanctions

Cet argent devait provenir des importants excédents de la branche accidents du travail de la Sécurité sociale, mais le gouvernement n’a pas encore donné de feu vert. « Il nous manque quinze millions [d’euros] de budget, et pendant ce temps 600 millions [d’euros] ont été prélevés dans la branche pour compenser l’augmentation des cotisations employeur à la suite de la réforme des retraites, fustige Marc Benoît, syndicaliste de l’institut. C’est de l’argent pris sur le dos de la recherche, de la prévention et des victimes. »

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Le nombre de demandeurs d’emploi se stabilise au premier trimestre 2024

Après un semestre de hausse dans la seconde partie de l’année 2023, le nombre de demandeurs d’emploi sans aucune activité (catégorie A) a été quasi stable au premier trimestre de 2024 en France (hors Mayotte). Selon les chiffres publiés jeudi 25 avril par la direction des statistiques du ministère du travail (Dares), le taux est en légère baisse de 0,1 %, portant le nombre de personnes inscrites à 3,028 millions (– 4 300 inscrits, par rapport au dernier trimestre).

En incluant l’activité réduite (catégories B et C), le nombre de demandeurs d’emploi est aussi stable au premier trimestre par rapport au trimestre précédent (+ 2 600 inscrits), et s’établit à 5, 4 millions. Cette stabilité du chômage intervient après deux trimestres de hausse consécutive, avec 0,6 % d’augmentation à l’été 2023 et + 0,2 % à l’automne. Sur un an, le nombre de chômeurs sans activité a progressé de 0,1 % au premier trimestre et le nombre total de demandeurs d’emploi, en incluant l’activité réduite, de 0,6 %.

En France métropolitaine, le chômage des jeunes de moins de 25 ans a continué d’augmenter, bien que moins vite qu’au quatrième trimestre 2023. Il progresse de 0,5 % sur le trimestre et de 5,3 % sur un an. En revanche, celui des 50 ans et plus a baissé de 0,5 % sur le trimestre, et de 1,8 % sur un an.

Nouvelle réforme de l’assurance-chômage à venir

Les chiffres de la fin d’année 2023 qui avaient porté le taux de chômage à 7,5 % ont mis à mal l’objectif affiché par le président de la République, Emmanuel Macron, de parvenir au plein-emploi d’ici 2027 – autour de 5 %. Pour « inciter davantage à la reprise de l’emploi », le premier ministre, Gabriel Attal, a annoncé un nouveau durcissement des règles de l’assurance-chômage et un accroissement des contrôles des personnes au chômage. Le locataire de Matignon souhaite notamment durcir la période d’affiliation, c’est-à-dire le temps de travail nécessaire pour ouvrir des droits à une allocation.

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Aujourd’hui, il est nécessaire d’avoir travaillé six mois sur les vingt-quatre derniers pour ouvrir des droits. « Ce qui m’importe, c’est moins de faire bouger les règles pour celui qui a travaillé toute sa vie et qui se retrouve avec un licenciement économique (…) que des situations où on voit qu’il y a un système qui s’est organisé pour des multiplications de petits contrats courts entre lesquels on bénéficie du chômage », a-t-il déclaré, reconnaissant que cela « oriente » les changements à venir « vers les conditions d’affiliation ». Pour fixer ces nouvelles règles, le gouvernement a annoncé, lundi, qu’il fixera par décret dans les prochaines semaines de nouvelles règles d’indemnisations pour les demandeurs d’emploi, applicables « à partir du 1er juillet prochain ».

Le Monde avec AFP

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« La crise de la valorisation du travail distend le lien entre contribution et rétribution »

Les débats sur le partage de la valeur reviennent régulièrement dans le débat public. Et pour cause : les primes et autres dispositifs de rémunération variable sont un pansement sur une jambe de bois. Ils ne répondent en rien au fond du problème, qui n’a pas grand-chose à voir avec le pouvoir d’achat. Le travail reste le fondement de notre valeur sociale. Il ne s’agit pas seulement de ce marqueur particulier qu’est le salaire net, qui détermine une bonne partie de nos possibilités. Mais du sentiment de contribuer activement à quelque chose : le bien-être de sa famille, l’avenir de son entreprise, parfois le bien commun.

Or, notre société connaît manifestement une crise de la valorisation du travail, qui distend le lien entre contribution et rétribution. Cette crise est particulièrement aiguë aux deux pôles du marché du travail. Au bas de l’échelle de rémunération, les rapports annuels du Groupe d’experts sur le smic donnent à voir un problème majeur : l’écrasement des différences entre des niveaux de qualification autrefois perçus comme significatifs, mais qui ne le sont plus aujourd’hui. Ce problème touche le privé, avec les trappes à bas salaires et la smicardisation, mais aussi le public.

La faible valeur économique reconnue à des métiers qualifiés et à forte valeur ajoutée pour la société (infirmière, instituteur) est en passe de devenir un problème de fond : non seulement parce que ces catégories expriment une colère sociale susceptible de se traduire en crise politique, mais aussi parce que la modestie des rémunérations et des perspectives finit par poser un réel problème d’attractivité et donc de qualité des recrutements.

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A cette crise du « travail essentiel », insuffisamment valorisé et en mal de reconnaissance, correspond en miroir une autre crise du travail : celle affectant ce que l’anthropologue David Graeber a appelé les « bullshit jobs », occupés par des salariés effectuant des tâches inutiles et vides de sens. Ces emplois sont l’inverse des précédents : nombreux dans les grandes organisations, ils sont souvent bien rémunérés, mais leur valeur réelle est imperceptible, et donc décorrélée de la valeur économique qui leur est reconnue via la rémunération.

La valeur du travail pas qu’une question de rétribution

Cette décorrélation, montre l’anthropologue, est facteur de dépression, d’anxiété, parfois d’un effondrement de l’estime de soi. A la question : « Qu’est-ce que je vaux ?  », à laquelle notre travail est censé apporter une réponse substantielle, ces formes de travail et ces niveaux de salaire n’apportent aucune réponse significative. Cette double crise du travail trouve aujourd’hui sa manifestation dans toute une série de phénomènes, parfois anecdotiques ou marginaux, mais qui font système quand on les réunit. L’importance donnée à la retraite, vue comme un salut à cette misère morale, en est un.

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Groupe Casino : après l’annonce du plan social, une période d’angoisse s’ouvre pour des centaines de salariés

Dans un magasin Casino, à Villefranche-sur-Saône (Rhône), le 28 avril 2023.

Employé depuis trente-six ans dans le supermarché Casino Valence 2, Laurent Cordier est « sous le choc ». Cet élu FO au comité social et économique (CSE) de l’établissement a reçu, mercredi 24 avril en milieu de matinée, un appel de son responsable régional qui lui a appris que son supermarché, et les 62 salariés qui y travaillent, deviendrait le 27point de vente pour lequel Casino n’a toujours pas de repreneur.

M. Cordier passe donc du côté des salariés sous le couperet d’un licenciement économique. Le groupe Casino (repris le 27 mars par un consortium constitué de l’homme d’affaires tchèque Daniel Kretinsky, associé à Marc Ladreit de Lacharrière, fondateur de la holding Fimalac, et au fonds d’investissement britannique Attestor) a annoncé, mercredi, dans un communiqué « la suppression nette de 1 293 à 3 267 postes au maximum », à la suite de son plan de transformation, qui adapte « la taille de ses fonctions support dans ses différents sièges ainsi que son réseau logistique ». L’écart entre les deux chiffres provient du nombre de magasins non repris qui baisseraient le rideau.

Partout dans le groupe (qui gère les enseignes Casino, Franprix, Monoprix), les salariés sont partagés entre « inquiétude » et « soulagement » d’avoir enfin des informations après plusieurs mois d’incertitudes. « C’est une casse sociale moindre que l’on ne pouvait présager, même si c’est toujours trop », estime Nathalie Devienne, déléguée SNTA-FO. « Reste à savoir quels postes exactement et quelles compensations », ajoute Jean Pastor, délégué CGT et représentant de l’intersyndicale. Les premières réunions commenceront le 6 mai.

En tout, 1 293 postes seraient supprimés dans les différents sièges du groupe, dont 554 à Saint-Etienne, qui emploie 1 564 personnes, alors que les salariés s’attendaient à davantage. Les repreneurs s’étaient engagés à préserver un maximum d’emplois au siège historique du distributeur, auprès des élus locaux et de Bercy. Ce moindre mal semble possible grâce à la réintégration de prestations qui étaient externalisées, « comme les fiches de paie de Monoprix », relève M. Pastor.

Logistique et sièges touchés

Cela n’a pas empêché le maire (ex-Les Républicains) Gaël Perdriau, également président de la métropole stéphanoise, de réagir, mercredi, en évoquant un « nombre important de suppressions de postes ». Il dit vouloir rencontrer « prochainement de nouveau l’équipe de direction en place pour consolider la présence du groupe sur Saint-Etienne ».

Dans la logistique, 740 postes, sur un total de 2 140, sont menacés, et quatre entrepôts seront fermés à Besançon, Toulon, Limoges et Gaël, en Ille-et-Vilaine. Chez Monoprix, un plan social de 102 personnes sur 1 111 au siège social de Clichy (Hauts-de-Seine) a été annoncé.

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« Travailler moins ne suffit pas » : un plaidoyer pour changer la nature du travail

C’est une idée qui a sensiblement « gagné en popularité dans les dernières années ». La réduction du temps de travail trouve aujourd’hui de plus en plus de défenseurs dans les pays occidentaux.

La semaine de quatre jours séduit des voix à gauche comme à droite de l’échiquier politique. « Elle apparaît comme un levier pour l’amélioration de la qualité de vie », relève Julia Posca, sociologue et chercheuse canadienne à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques, dans son ouvrage Travailler moins ne suffit pas (Ecosociété). Elle a même, parmi ses adeptes, des employeurs désireux de renforcer leur attractivité, poursuit l’autrice, constatant que « le vent semble être en train de tourner ».

Au fil de son ouvrage, la sociologue constate cet engouement croissant, relève les multiples expérimentations menées sur le sujet, tout en rappelant que ce mouvement va dans le sens de l’histoire, le temps de travail poursuivant un mouvement baissier depuis plus d’un siècle. On consacre aujourd’hui en moyenne 67 000 heures de notre existence au travail, contre environ 200 000 heures au début du XXe siècle, précise-t-elle, s’appuyant sur les calculs de son homologue Jean Viard.

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L’autrice souligne qu’une nouvelle étape – une « diminution généralisée des heures travaillées sans perte de salaire », qui pourrait s’incarner par le passage à la semaine de quatre jours – « constituerait une avancée sociale importante ». Cela étant, et c’est tout le sens de son propos, elle estime que se focaliser sur le temps de travail risque de nous détourner d’autres problématiques qui sont à la source des souffrances et de la perte de sens de nombre de salariés.

Des modèles alternatifs, telles les coopératives

Elle appelle donc à dépasser la question du temps passé au bureau ou à l’usine – « travailler moins ne suffit pas » – pour s’intéresser au travail de façon beaucoup plus systémique. Conditions et organisation du travail, répartition du pouvoir, finalité des tâches accomplies… Mme Posca estime que c’est la nature du travail elle-même qui doit changer, afin qu’il ne soit plus « une expérience intrinsèquement aliénante ».

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La chercheuse oppose donc au modèle actuel une utopie du travail « démarchandisé, démocratisé et dépollué », à même, à ses yeux, de redonner du sens à ses acteurs. Elle appelle ainsi, en écho à la sociologue Dominique Méda, à redonner sa place à la « délibération collective », afin que les travailleurs se « réapproprie[nt] la capacité de prendre des décisions économiques ». Cela passe par la mise en avant de modèles alternatifs, telles les coopératives.

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France Travail prévoit moins d’embauches et moins de CDI en 2024

Dans une agence France Travail, à Nantes, le 26 mars 2024.

C’est une baisse. La deuxième consécutive, et cette fois elle est franche. Les intentions d’embauche ont reculé de 8,5 % en 2024 (2,8 millions) par rapport à 2023 (3,04 millions), selon les résultats de l’enquête annuelle de France Travail, sur les « Besoins en main-d’œuvre des entreprises ». Cette étude annuelle de l’ex-Pôle Emploi, présentée mercredi 24 avril et réalisée avec le concours du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc) entre octobre et décembre 2023, est un baromètre annuel de l’emploi très attendu et très approfondi. Il porte sur 24 secteurs d’activité et 2,4 millions d’établissements, dont 426 000 ont répondu.

Après le tout petit effritement du volume d’intention d’embauche des sociétés françaises constaté pour 2023, France Travail a donc enregistré 257 000 projets de recrutements de moins que l’année précédente. Voilà qui commence à représenter un volume conséquent de non-embauches qui laisse craindre, sur fond de croissance morose et d’entreprises en difficulté (Casino, Duralex), le début d’une série négative. D’autant plus que cette donnée fait écho aux chiffres de l’Urssaf qui, ce même jour, affichent une autre baisse, celle des embauches de plus d’un mois réalisées au premier trimestre. Un recul dès le début de l’année principalement causé par un fléchissement de l’emploi stable (CDI) dans les grandes entreprises et dans les secteurs de l’industrie et de la construction.

Pour aller encore un peu plus dans le sens d’un marché de l’emploi qui commence à se dégrader, l’enquête Besoins en main-d’œuvre prévoit sur l’ensemble de l’année un fort recul des CDI (38,2 % des intentions de recrutement contre 54,3 % en 2023 et 45,2 % en 2019). 61 % de projets de recrutement seraient en emploi durable (CDI et CDD de six mois et plus) au lieu de 72 % en 2023 et la part d’employeurs recruteurs est réduite à 28 % contre 31 %. Les deux tiers des CDI prévus visent à remplacer des salariés partis définitivement ou à répondre aux besoins d’une nouvelle activité. France Travail explique la diminution des emplois stables envisagés par un volume moindre des nouvelles activités. En 2024, le premier motif de recrutement est le surcroît d’activité ponctuel.

« Mouvement de recul général »

« Le mouvement de recul général touche toutes les tailles d’entreprises », précise Stéphane Ducatez, directeur général adjoint chargé du réseau de France Travail. La baisse du nombre de projets varie de 6,7 % à 9,6 % dans les établissements de moins de 200 salariés selon leur effectif et dépasse les 10 % dans les plus grandes entreprises. Hormis les activités financières et d’assurance qui sont les seules à augmenter leur volume d’embauches de 6,4 %, quasiment tous les secteurs envisagent d’embaucher moins. Le recul le plus marqué étant dans la construction (– 18,1 %) et le commerce (– 12,7 %).

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Requiem pour le vendredi, épicentre du télétravail

Dans le roman Robinson Crusoé, de Daniel Defoe, Vendredi, ainsi nommé en raison du jour de la semaine où il est apparu, incarne le bonheur de l’altérité, venant briser la solitude du naufragé sur son île. En entreprise, depuis quelque temps, la réalité est totalement inverse : vendredi, sans « V » majuscule cette fois, c’est un peu le moment où vous ne croisez plus personne, ou tout au moins pas grand monde. Ce qui n’a pas que des inconvénients. A la cantine, habituellement bondée, le vendredi, vous pouvez virevolter paisiblement d’un œuf mayo à une crème pâtissière en faisant votre choix en toute tranquillité, sans la pression angoissante de la foule affamée.

Vous pouvez aussi vous imaginer à loisir dans un remake à petit budget du film Je suis une légende, où Will Smith erre dans les rues dépeuplées d’un New York postapocalyptique. Si un virus a infecté vos collègues, c’est bien celui des évolutions du travail, l’après-Covid ayant débouché sur une saine relativisation des figures imposées de la vie salariale.

Pourquoi le labeur devrait-il être forcément organisé pour ressembler à une punition, avec ses journées à rallonge qui s’enchaînent inlassablement et ses week-ends riquiqui ? Le vendredi, journée plébiscitée pour le télétravail, se trouve à l’épicentre de ce réaménagement radical des rythmes professionnels, avec des effets domino manifestes.

Tectonique des foules

Récemment, mon collègue Philippe Escande évoquait la crise de l’immobilier de bureau américain, qui serait en grande partie due à cette reconfiguration. D’après le baromètre de la société Kastle, en moyenne, dans les dix plus grandes villes des Etats-Unis, 60 % des employés sont présents dans les locaux les quatre premiers jours de la semaine, contre 30 % le cinquième. Faites un tour dans le quartier d’affaires de la Défense, à l’ouest de Paris, et vous constaterez, au doigt mouillé, que la tectonique des foules y est sensiblement la même.

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Une enquête menée par le magazine Challenges confirme, à l’aide de multiples facteurs, ce phénomène de désaffection pour le vendredi in situ. Ainsi, le nombre de passagers de la RATP aurait diminué le vendredi plus que les autres jours de la semaine par rapport à son niveau d’avant-Covid-19, quand, d’après la plate-forme de location de voitures entre particuliers Getaround, les réservations de véhicules pour les week-ends XXL démarrant dès le jeudi seraient passées de 17 % des réservations totales avant la pandémie à 25 % aujourd’hui. Tendances corroborées par l’index de trafic TomTom : c’est désormais le jeudi entre 17 et 18 heures que Paris connaîtrait ses pires bouchons, signe de grands départs.

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Duralex, affaibli par la crise de l’énergie et l’inflation, a été placé en redressement judiciaire

Le site du verrier Duralex à La Chapelle-Saint-Mesmin, dans l’agglomération d’Orléans (Loiret), le 7 septembre 2022.

Trois ans après son dernier sauvetage, Duralex vient à nouveau d’être placé en redressement judiciaire. Le tribunal de commerce d’Orléans a rendu sa décision, mercredi 24 avril, assortie d’une période d’observation de six mois. L’objectif est de tenter de trouver un repreneur, avec un prochain rendez-vous, fixé dès le 5 juin 2024. En vingt ans, c’est la quatrième fois que l’avenir de Duralex et de ses 230 salariés est en suspens et, à chaque épisode, l’équation se complique davantage.

Célèbre pour ses verres de cantine ultra-solides, la société, implantée à La Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret), dans l’agglomération d’Orléans, était, depuis 2021, aux mains de La Maison française du verre, qui exploite aussi Pyrex à Châteauroux. Adossée au fonds d’investissement européen Kartesia, elle avait repris Duralex à la barre du tribunal, et son projet, jugé solide, avait, à l’époque, suscité un vif espoir.

« On était fiers d’être repris par un autre verrier, on y croyait, et l’on se disait que l’on allait enfin s’en sortir, résume un salarié (les personnes citées dont le nom n’apparaît pas ont requis l’anonymat). Pour nous, c’est un coup de massue, et l’on est d’autant plus déçus. »

Un redressement impossible en 2022

Le nouveau patron s’était engagé à investir 17 millions d’euros sur trois ans pour relancer l’activité, le tout, sans casse sociale. Mais l’entreprise a vite été rattrapée par la guerre en Ukraine et la crise de l’énergie. En 2022, la verrerie, très consommatrice d’électricité et de gaz, a vu ses factures s’envoler. Assommée par un contrat d’approvisionnement aux conditions très défavorables, elle a fini par appeler l’Etat au secours.

Bercy lui a accordé un prêt de 15 millions d’euros, et Duralex a fait le dos rond en mettant son four en veille durant cinq mois pour limiter la casse. L’entreprise espérait ensuite repartir sur de meilleures bases, mais, là encore, rien ne s’est déroulé comme prévu. L’inflation et la baisse de la consommation sont venues freiner les ventes. Le chiffre d’affaires de 2023 a plafonné à moins de 26 millions d’euros, en baisse par rapport aux 29,4 millions atteints en 2022.

Dans ce contexte chahuté, le pari de redresser Duralex s’est révélé impossible à tenir. La direction a préféré jeter l’éponge, « afin de préserver les intérêts de l’entreprise ». « Malgré les efforts opérationnels et les investissements continus, les pertes n’ont pu être endiguées », a déclaré l’entreprise dans un communiqué, sans exposer l’ampleur du déficit.

Une succession de crises

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Transport aérien : vague d’annulations de vols, malgré la levée du préavis de grève

A l’aéroport de Roissy - Charles-de-Gaulle, le 16 septembre 2022.

Ce n’est pas au bout de la nuit, mais, plus tard, dans la matinée, que les laborieuses négociations sur la réforme du contrôle aérien ont finalement abouti entre la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) et les organisations d’aiguilleurs du ciel. Le très majoritaire Syndicat national des contrôleurs du trafic aérien (SNCTA) a sifflé, mercredi 24 avril, la fin de la partie, en levant le préavis de grève prévue pour jeudi 25 avril. Pour éviter un mouvement qui s’annonçait massif et des annulations de vols en proportion, le gouvernement a cédé sur la principale revendication du SNCTA, qui réclamait l’accès pour les contrôleurs en fin de carrière aux indices salariaux les plus élevés de l’administration.

La loi, qui oblige depuis le début de l’année les aiguilleurs du ciel à se déclarer en grève quarante-huit heures avant le début du mouvement, a eu un effet boomerang inattendu. Les autorités et la DGAC ont pu cette fois mesurer la très forte mobilisation des contrôleurs aériens à l’appel de leurs organisations, et notamment du SNCTA. Outre la grève de jeudi, les concessions acceptées par le gouvernement permettent aussi de lever le préavis de grève qui planait pour le week-end de l’Ascension, les 9, 10 et 11 mai.

Toutefois, l’accord très tardif intervenu mercredi ne permet pas totalement d’éviter les perturbations du trafic, même si le SNCTA appelle les aiguilleurs à « annuler [leur] déclaration préalable » de grève. Jeudi, la DGAC prévoit toujours l’annulation de centaines de vols. Elle demande aux compagnies aériennes de réduire leur programme de vols à hauteur de 75 % à Orly et de 55 % à Roissy – Charles-de-Gaulle. La DGAC appelait d’ailleurs « les passagers qui le peuvent à reporter leur voyage et à s’informer auprès de leur compagnie aérienne pour connaître l’état de leur vol ».

« Plus de sécurité, moins de retards »

Mercredi, Patrice Vergriete, le ministre délégué aux transports, s’est félicité d’un accord « gagnant-gagnant », sans toutefois donner de détails sur son contenu. Selon lui, « l’usager va y trouver plus de sécurité, moins de retards ». Contrairement aux autres syndicats, qui plaidaient pour une modification substantielle de la réforme en négociation, le SNCTA réclamait surtout des hausses de rémunérations.

Le syndicat majoritaire plaidait aussi pour une remise à plat du temps de travail des aiguilleurs, qui prendrait en compte « la saisonnalité, les heures de pointe, en semaine, le week-end et la journée ». « Il y a eu des mesures statutaires qui ont été données, mais pas la totalité de ce que souhaitaient les syndicats », a signalé le ministre.

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Duralex, en difficulté financière depuis la crise énergétique, placé en redressement judiciaire

Des produits Duralex exposés dans un magasin, à La Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret), le 26 novembre 2012.

En difficulté depuis la crise énergétique de 2022, le tribunal de commerce d’Orléans a décidé, mercredi 24 avril, de placer le verrier français Duralex en redressement judiciaire, avec une période d’observation de six mois, a appris l’Agence France-Presse (AFP), auprès du tribunal.

Au cours d’une audience qui a duré un peu plus d’une heure, le tribunal a nommé deux mandataires judiciaires, et a renvoyé l’affaire au 5 juin. « Le tribunal espère trouver un repreneur » pour la société française en difficulté, a expliqué à la presse un magistrat à l’issue de l’audience.

Duralex avait subi de plein fouet la flambée des prix du gaz consécutive à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, en février 2022, et avait été sauvé temporairement par un prêt de l’Etat de 15 millions d’euros, qui lui avait permis de rouvrir son four verrier et de relancer sa production, après cinq mois de fermeture.

Cependant, au cours de l’exercice 2023, « de nouvelles difficultés ont émergé », attribuables à l’inflation, à un environnement de consommation « en fort retrait » et à une « concurrence exacerbée », précise la société, ajoutant que, « malgré les efforts opérationnels et les investissements continus, les pertes n’ont pu être endiguées ».

Le Monde avec AFP

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