Des femmes de chambre devant le film « Petites mains » : « Il paraît qu’on a tous un moment de gloire ! »

Des femmes de chambre devant le film « Petites mains » : « Il paraît qu’on a tous un moment de gloire ! »

« Petites mains », le film de Nessim Chikhaoui.

L’excitation de la salle témoigne d’une situation inhabituelle. « Oh ! tu as pu venir aussi ! », lancent des femmes à la collègue qui les rejoint. Elle confie : « Ils m’ont donné une journée de congé ! », suscitant l’émerveillement général. « Moi, je pourrais bien m’endormir ! », s’amuse une autre en faisant mine de s’enfoncer dans le moelleux des sièges canapés du Club 13, salle parisienne qui projette, en avant-première, Petites mains, de Nessim Chikhaoui (sortie le 1er mai) – elle n’a terminé son service qu’une demi-heure plus tôt.

Femmes de chambres au Bristol, le cinq-étoiles de la rue du Faubourg-Saint-Honoré, à Paris, elles ont été invitées à voir ce film tourné sur leur lieu de travail, aux côtés d’autres employées d’hôtel de la capitale. Notamment celles de l’Ibis Batignolles, célèbres pour le long combat qui leur a permis d’obtenir une hausse de salaire et l’amélioration de leurs conditions de travail en 2021 – leur leader, Rachel Keke, a été élue députée depuis.

C’est de leur histoire que s’est librement inspiré le film, pour leur « rendre un hommage » totalement assumé par les producteurs Alice Labadie et Matthieu Tarot (Albertine Productions), « sans misérabilisme », sous la forme d’une comédie enjouée, qui fait néanmoins des problématiques du secteur le ressort du récit : la sous-traitance qui précarise les « externes », l’intensité des cadences, les gestes répétitifs et les charges lourdes, qui laissent les dos « en vrac », les pieds douloureux, les corps meurtris. Le dédain des clients transparaît dans ces chambres sens dessus dessous et ces salles de bains souillées.

« Mieux comprendre pourquoi on a fait tout ça »

Petites mains de Nessim Chikhaoui.

Applaudissements nourris : le film a fait mouche. « Ça m’a fait revivre nos vingt-deux mois de lutte, confie à la sortie Valérie Mikamona, toujours employée à l’Ibis Batignolles. Mes enfants, mes petits-enfants ont suivi ce combat, parfois ils ne comprenaient pas pourquoi nous nous entêtions… [Elle s’interrompt, rattrapée par l’émotion]. Alors j’espère que ça leur permettra de mieux comprendre pourquoi on a fait tout ça… »

« Ça raconte vraiment notre métier… J’en ai pleuré », confesse Malvide Rafael, au Bristol depuis trente-cinq ans. « Mais on a la chance de ne pas être externalisées, nous ! Et les lève-lits [qui soulagent les dos], on les a obtenus il y a dix ans », se félicite-t-elle. « Enfin, quand même, les tendinites, les mains foutues, vous les avez ! », souligne son compagnon, Manuel Da Silva. « A force de tourner les clés dans les serrures, j’ai une ténosynovite au poignet », confirme une femme derrière lui.

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LJD

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