Les RH cherchent à encadrer l’usage de l’IA par leurs salariés, entre surveillance et éducation

Au salon VivaTech, qui s’est tenu à Paris à la mi-juin, l’intelligence artificielle (IA) a mis des étoiles plein les yeux aux chercheurs, aux recruteurs et aux ingénieurs, enthousiasmés par les dernières innovations. A l’aide de l’IA générative, bien loin des Alpes, L’Oréal cultive des edelweiss et des plantes asiatiques menacées de disparition ; la RATP gère ses machines autolavantes ; Bouygues construit toujours plus vite grâce à l’analyse accélérée des données par l’IA.

Mais ce fut aussi l’occasion pour les entreprises de rappeler, tel un mantra, que l’accompagnement des salariés est essentiel, d’autant plus que la prise en main des outils est plus rapide que la formation des salariés. Seul un cadre sur quatre a déjà bénéficié d’une formation à l’IA, indique l’Association pour l’emploi des cadres.

S’agit-il de surveillance, de contrôle ou d’encadrement ? « On n’en est pas au flicage, parce que les entreprises n’ont pas encore conscience de tout ce que les salariés peuvent faire avec l’IA », remarque Mickaël Vandepitte, directeur produit RH de la PME Septeo. Mais le manque de culture IA et de maîtrise des outils est une nouvelle source de risques. « L’IA s’est démocratisée brutalement, avec une crainte légitime des entreprises de fuite d’informations, voire d’espionnage économique », remarque Benoît Serre, ancien vice-président de l’Association nationale des DRH.

« Les chargés de clientèle, constatant que ça leur facilite la vie, n’attendent pas d’être formés. On a eu au début des fuites de données de type “manuel d’utilisation”, reconnaît Nourdine Bihmane, DG de Konecta, une multinationale spécialisée dans l’expérience client. Elles ont été réglées par la mise en place de contrôles techniques et par de l’éducation au fonctionnement des outils. » Pour encadrer l’usage, les responsables des ressources humaines élaborent des règles, des chartes, des modes de contrôle et des politiques de sensibilisation consacrées à l’« éducation » des effectifs.

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Morts au travail : l’hécatombe chez les jeunes touche même les mineurs

Un apprenti maçon de 15 ans, mort après avoir été percuté par un engin de chantier, le 30 avril, dans les Alpes-Maritimes. Un lycéen en bac pro de 17 ans, écrasé sous une poutre métallique de 500 kilos, le 16 mai, dans une usine de Saône-et-Loire. Un élève de 2de, en stage dans un magasin Gifi à Saint-Lô pour quelques jours, tué, le 17 juin, par la chute d’une palette. Un stagiaire de 16 ans percuté mortellement par un engin dans un établissement agricole, le 4 juillet, dans le Maine-et-Loire…

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Morts au travail : une prise de conscience timide et tardive

Les récits dramatiques d’accidents du travail mortels s’accumulent ces derniers mois chez les mineurs. Ces drames s’ajoutent aux accidents subis par les moins de 25 ans. La fréquence des accidents du travail est deux fois et demi plus élevée dans cette population que dans le reste des salariés, selon l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS). En 2023 – derniers chiffres officiels –, 33 travailleurs de moins de 25 ans sont décédés sur leur lieu de travail.

Pourtant, le code du travail est censé protéger les mineurs : les moins de 18 ans ont l’interdiction d’exercer certaines tâches, comme celles pouvant exposer à une température extrême, d’autres, comme le travail en hauteur ou la manipulation d’engins de levage, souvent à l’origine d’accidents graves, sont réglementées et soumises à dérogation.

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Morts au travail : une prise de conscience timide et tardive

Le 26 juillet 2023, Jules Pertet quitte son domicile aux aurores. Depuis six mois, il est employé sur le site nîmois de Paprec, leader français du recyclage. Quelques jours plus tôt, le jeune ouvrier de 21 ans, en CDI depuis quelques semaines, avait confié à sa mère, Sylvie, son intention de démissionner, se sentant en insécurité et insuffisamment écouté. En début d’après-midi, alors qu’il procède au nettoyage d’une machine à l’arrêt, comme c’est toujours le cas lors des changements d’équipe, l’appareil redémarre brutalement. Sa tête est happée, son crâne sectionné. Il meurt sur le coup.

Un épisode funeste qui n’a malheureusement rien d’exceptionnel au sein des usines Paprec. Un peu plus d’un an auparavant, le 8 avril 2022, Paul, 23 ans, avait eu le même accident sur la même machine, à Lansargues, dans l’Hérault. Même s’il a survécu miraculeusement, le jeune intérimaire en a gardé des séquelles dramatiques : après de multiples fractures aux bras et à la main et une partie du cuir chevelu scalpée, Paul est aujourd’hui handicapé à plus de 40 %. Après son accident, l’enquête a révélé de nombreuses non-conformités sur la machine. Cela n’a pourtant entraîné aucune vérification sur les autres sites du groupe.

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« Plus le management a gagné du terrain, moins il est compris et même toléré »

A la suite d’une mission d’enquête européenne menée par leurs soins, trois hauts fonctionnaires de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) ont acquis la conviction que le management à la française était de médiocre qualité et en retard sur les pratiques de ses voisins, ce qui justifierait, à leurs yeux, une nécessaire « inflexion ». En effet, l’impact de ce « mauvais » management ne se limiterait pas seulement à la qualité de vie au travail ou aux conditions de travail des salariés, il aurait aussi un effet sur les politiques sociales – comprendre, le taux d’emploi, les arrêts maladie, l’absentéisme, le sentiment de perte de sens au travail et in fine le risque de désengagement des salariés. De quoi justifier l’intervention de la puissance publique pour redresser la barre.

Constatant que le management français serait plus encadré par la réglementation que ses voisins, mais de manière indirecte, les trois hauts fonctionnaires suggèrent une intervention plus directe pour remédier à ce qu’ils considèrent comme un paradoxe : « Modifier une ou plusieurs dispositions législatives dans l’objectif d’infléchir effectivement et durablement les pratiques managériales en France ; inscrire les pratiques managériales dans les thèmes du dialogue social obligatoire de la qualité de vie et des conditions de travail ; inscrire les pratiques managériales parmi les orientations stratégiques faisant l’objet de la procédure d’information-consultation avec le comité social et économique (CSE) ; étendre les pouvoirs du CSE en matière d’organisation du travail… » Rien que ça !

S’il faut bien reconnaître que le management toxique est malheureusement une réalité avérée et qu’il crée effectivement des dégâts destructeurs et peu réparables pour les victimes comme pour la collectivité, est-ce une raison suffisante pour que l’Etat s’en mêle, au-delà de la pénalisation de telles pratiques déviantes déjà en place ? On peut très sérieusement en douter.

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Devoir de vigilance : la justice rappelle la « bonne gestion » des risques

A son corps défendant, La Poste vient de donner à la justice l’occasion de clarifier ce qu’est un « bon » plan de vigilance, au sens de la loi. En effet, la cour d’appel de Paris a confirmé, mardi 17 juin, un premier jugement qui enjoignait à La Poste de « compléter le plan de vigilance par une cartographie des risques destinée à leur identification, leur analyse et leur hiérarchisation ». Cette décision a une vocation clairement pédagogique : rappeler que le devoir de vigilance n’est pas un simple reporting, mais une norme de « bonne gestion », qui impose de démontrer le bien-fondé et la réalité des actions mises en place.

La loi sur le devoir de vigilance est une loi de 2017, pour laquelle la France a été pionnière avant d’être suivie par l’Allemagne, puis par l’Union européenne avec une directive générale (Corporate Sustainability Due Diligence Directive, ou CS3D), adoptée en 2024 et aujourd’hui en débat.

La loi française impose aux (grandes) entreprises de répertorier les atteintes possibles aux droits humains et environnementaux chez leurs fournisseurs, puis d’engager des mesures pour les éviter ou les réduire.

Or le syndicat Sud PTT avait contesté la conformité du plan de vigilance 2021 de La Poste, et la justice lui a définitivement donné raison : la loi impose bien aux entreprises de démontrer l’existence d’une « gestion des risques » outillée et vérifiable. Ce qui est donc reproché à La Poste n’est pas d’être inconsciente de ces risques, et son plan de vigilance en fournissait une description générale.

Actions préventives ou curatives

Il lui est en revanche demandé de présenter une « cartographie » des « risques les plus graves » auxquels elle se trouve confrontée chez ses fournisseurs. De plus, ces risques doivent être expliqués avec une « précision » suffisante pour que l’on puisse comprendre leur gravité et l’efficacité des actions préventives ou curatives que l’entreprise s’engage à réaliser. Néanmoins, La Poste ne fait l’objet d’aucune astreinte financière, marquant la volonté des juges de rappeler la loi, sans stigmatiser l’entreprise.

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Une vague de suicides secoue la direction générale des finances publiques

Le choc remonte au 10 janvier. Ce vendredi matin-là, une très violente surprise attend les premiers agents qui arrivent au centre des finances publiques de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Ils découvrent un de leurs collègues, un jeune inspecteur, pendu dans le hall d’accueil. Après avoir quitté les locaux la veille, il est revenu et s’est donné la mort sur le lieu même où il travaillait. Il n’avait pas 30 ans. Les fonctionnaires sont d’autant plus marqués que ses deux parents sont, eux aussi, agents des finances publiques.

C’est le début d’une impressionnante série noire. Depuis le 1er janvier, douze personnes dépendant de la direction générale des finances publiques (DGFiP) se sont suicidées à travers la France, et huit autres ont tenté de le faire, selon le comptage réalisé par cette administration du ministère de l’économie et des finances. Vingt tragédies en six mois. « Ce sont des drames qui traumatisent tout notre collectif, et des chiffres préoccupants, admet la directrice, Amélie Verdier. Je ne veux en rien les minimiser. »

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A Thouars, l’ancienne école a été transformée en tiers-lieu pour réveiller la ville : « Les énergies existaient, on en a démultiplié les effets »

On a fini par comprendre que tous les chemins ne mènent pas à Rome, mais celui des écoliers peut conduire à Thouars (Deux-Sèvres) et, plus précisément, place du 4-Août. A condition, toutefois, de descendre la rue de la Porte-de-Paris en venant du nord ou de monter la rue Saint-Médard en arrivant du sud puis, dans les deux cas, d’emprunter un tronçon de la rue de la Porte-au-Prévost.

Au MZ, à Thouars (Deux-Sèvres), le 6 juin 2025.

Un dédale de voies étroites qui serpentent entre les siècles, se jouent du soleil, égarent les touristes et, malgré une absence notable de signalétique, mènent sans coup férir au MZ. Au quoi ? Au MZ, tiers-lieu magnétique qui, selon l’un de nos informateurs, « a rendu le sourire aux 14 000 habitants recensés ». Encore un tiers-lieu ? Tout doux ! Si le pays en compte au moins 3 500 en 2023, selon l’Agence nationale pour la cohésion des territoires, celui-ci ne fait pas les choses à moitié.

Depuis deux ans, c’est ici que Thouars catalyse ses énergies, combine ses talents, agrège ses différences. Du mercredi au samedi, de 12 heures à 20 h 30 (et jusqu’à minuit le vendredi et le samedi), le MZ ne désemplit pas. Les concerts sont gratuits, les expos aussi. Pianos en libre-service, expresso à 1,20 euro, pinte de blonde à 6,60 euros. On peut apporter à manger.

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Avignon, la nouvelle cité des apprentis comédiens

Lors de l’inauguration de l’Ecole internationale de théâtre Jacques-Lecoq, à Avignon, en juillet 2024.

L’Ecole internationale de théâtre Jacques-Lecoq, l’Ecole supérieure des arts du rire (ESAR) et, bientôt, l’école du Théâtre du Chêne-Noir : de plus en plus d’apprentis comédiens vivent à l’année à Avignon. Contrainte de quitter ses locaux historiques parisiens (le Central, où elle était installée depuis 1976), l’institution Lecoq a trouvé refuge, depuis octobre 2023, dans une ancienne caserne de pompiers, réaménagée et mise à disposition par la mairie avignonnaise. Créée par l’entrepreneur Frédéric Biessy, directeur général des théâtres La Scala, et soutenue par l’humoriste Jérémy Ferrari, l’ESAR accueille depuis septembre 2024 sa première promotion dans les locaux de La Scala Provence. Quatre-vingt-cinq élèves d’un côté, 50 de l’autre, deux formations très différentes, l’une mythique (Lecoq), fondée en 1956, qui compte parmi ses diplômés des figures de la scène telles que Christoph Marthaler, Julie Deliquet ou Olivier Letellier ; l’autre dans l’air du temps (ESAR), portée par le succès du stand-up. Mais un même sentiment parmi les étudiants : celui de sentir dans « un cocon », « une bulle » au sein des remparts de la cité des Papes.

En ce printemps ensoleillé, l’ambiance de la ville est très calme, loin de l’effervescence suscitée chaque été par le festival. Bon nombre de ces jeunes resteront en juillet à Avignon, la plupart pour travailler sur des postes de régisseur, à la billetterie ou à l’accueil pour des compagnies programmées dans le « off », quelques-uns pour se frotter à la scène. Ainsi, le Belge Vladimir Venanzi, le Français Aliocha Kasprzak et le Suisse Anthony Crettex, trois vingtenaires, élèves de la première promotion de l’ESAR, présenteront The Threeman Show au Théâtre de l’Observance. « L’idée d’un trio est née de notre rencontre au sein de l’école. Notre objectif n’est pas de proposer trois fois vingt minutes de stand-up, mais d’imaginer une parodie d’émission de télé-réalité dans laquelle des humoristes seraient en concurrence », explique Anthony Crettex. « J’avais besoin de rejoindre un collectif et de travailler sans le formatage des plateaux de comedy club », complète Aliocha Kasprzak. Eux ont pu se payer cette nouvelle formation – 9 200 euros l’année – grâce au soutien de leurs parents.

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Les risques psychosociaux pèsent sur l’absentéisme

La 17e édition du baromètre de l’absentéisme et de l’engagement du cabinet Ayming, publiée le 13 juin, relève que les salariés français ont été malades 23,3 jours par an en 2024, contre 12 en 2012. Cette forte augmentation a été mesurée en interrogeant 1 000 professionnels des ressources humaines (RH) du secteur privé. Et 49 % des sondés déclarent l’absentéisme élevé, voire très élevé, dans leur entreprise. Ainsi, 55 % des acteurs RH estiment ne pas avoir les bons indicateurs, voire ne pas en avoir du tout, pour le réduire.

Le vieillissement de la population active ne suffit pas à expliquer ce phénomène, qui coûte 4 000 euros par an et par salarié aux organisations, selon le Conservatoire national des arts et métiers. Les professionnels RH qui ont répondu au baromètre mentionnent, par ordre décroissant d’importance des causes de l’absentéisme : les maladies non professionnelles, la démotivation et l’insatisfaction professionnelle, des problèmes personnels, les accidents du travail et le burn-out.

Autant de causes susceptibles d’affecter le moral et la santé mentale des collaborateurs. Parce qu’il occasionne un report de la charge de travail, l’absentéisme dégrade en effet les conditions de travail, le climat social et la motivation, engendrant un cercle vicieux qui nourrit les risques psychosociaux (RPS).

Le groupe de protection sociale Malakoff Humanis dresse le même constat dans son baromètre annuel sur l’absentéisme 2025 publié le 5 juin. Cette étude auprès d’échantillons représentatifs de dirigeants d’entreprise et des salariés du secteur privé montre d’abord que 51 % de ceux qui jugent moyenne ou mauvaise leur santé mentale ont subi au moins un arrêt dans l’année, contre 42 % pour l’ensemble de l’échantillon.

« Les salariés tardent à consulter »

Avec 15 % des arrêts prescrits en 2024, les affections mentales constituent désormais la deuxième cause d’absentéisme pour raison médicale, derrière les maladies ordinaires (45 %), mais devant les accidents du travail (13 %) et les troubles musculo-squelettiques (11 %). « La parole s’est libérée. Les salariés, notamment les jeunes, n’hésitent plus à consulter sur ce motif. Cela a aussi contribué à l’inflation des arrêts », précise Anne-Sophie Godon-Rensonnet, directrice accompagnement et prévention en entreprise à Malakoff Humanis.

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