Le télétravail limite-t-il la créativité collective ?

Entreprises. Amazon, Google, Meta ou Starbucks ont décidé de mettre fin au télétravail total – et, le plus souvent, de limiter celui-ci à deux jours par semaine au maximum. Ces grandes entreprises mettent en avant le danger que le télétravail fait peser sur leur capacité d’innovation et sur la cohésion de leur culture.

Ce revirement a pu surprendre, car de toutes les prophéties sur le « monde d’après » que la pandémie de Covid-19 a suscitées, l’extension du télétravail est la seule à s’être pleinement réalisée. En outre, les enquêtes ont confirmé, dans un grand nombre de pays, la forte adhésion des salariés à ce mode d’organisation. Les limitations du télétravail ont, de ce fait, donné lieu à de nombreux débats, voire à des menaces de démission de certains salariés, tout en soulignant les recherches encore à conduire pour en éclairer les effets.

Le télétravail est devenu en peu d’années un phénomène de masse. En Europe et aux Etats-Unis, entre 30 % et 60 % des entreprises y ont recours. Les arguments en sa faveur sont connus. Pour les salariés, il supprime les contraintes de déplacement et permet des choix de vie inédits (nomades, « tracanciers », tiers-lieux distanciés). Mais il n’est accessible qu’à une minorité d’entre eux. Pour les entreprises, le télétravail permet d’importants gains de place et l’accès à des compétences mondialement disséminées. Il est, en outre, congruent avec la transformation numérique des métiers et à la croissance des travailleurs de l’information.

Syndicats et pouvoirs publics ont rapidement cerné les dangers du télétravail pour les salariés : isolement psychologique des travailleurs, inadaptation des domiciles ou dangers pour la vie privée. Dangers que tentent principalement de prévenir les règlements et conventions qui encadrent cette forme d’activité.

Peu propice aux interactions informelles

En revanche, les implications organisationnelles et les défis des transformations induites par le télétravail n’ont pas été au centre des débats publics. Les limitations du télétravail signalent certainement une tendance à la reprise du contrôle direct du travail. Mais les déclarations des grands patrons craignant qu’un télétravail trop étendu ne mette en danger la créativité collective ou la culture de l’entreprise n’ont pu être aisément contestées.

Quel est l’effet réel du télétravail, total ou partiel, sur la vie collective et les performances des équipes ? Quelles relations peuvent s’installer entre les télétravailleurs et les salariés qui n’ont pas cette possibilité ? L’imposition d’un jour ou deux de présence suffit-elle pour limiter les risques de tensions internes ou la rigidité communicationnelle des échanges à distance ?

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Management : la fin de « l’entreprise communautaire »

Depuis une dizaine d’années, on assiste, en France et dans nombre de pays occidentaux, à la fin d’un modèle de grande entreprise qui a dominé pendant des décennies le monde industriel et tertiaire, singulièrement durant la période des « trente glorieuses ».

Cette forme, que l’on peut qualifier de « communautaire », se réfère à certaines grandes organisations bureaucratiques caractérisées notamment par des carrières longues, souvent sécurisées, accompagnées d’avantages sociaux importants favorisant l’intégration durable de ses membres, sur fond d’une culture collective globalement partagée. L’expression « entreprise-providence » peut être également mobilisée pour la caractériser.

L’arrivée du capitalisme actionnarial

On peut trouver en partie les racines conceptuelles de ce modèle d’entreprise dans l’ouvrage du juriste Adolf Berle (1895-1971) et de l’économiste Gardiner Means (1896-1988) publié en 1932 aux Etats-Unis, The Modern Corporation and Private Property. Les auteurs y décrivent l’émancipation des dirigeants d’entreprise au détriment des actionnaires dispersés, amorçant ainsi la « révolution managériale » qui, en donnant aux manageurs le contrôle de l’organisation de la firme, impose de nouvelles formes de coordination d’un nombre croissant de salariés.

L’économiste John Kenneth Galbraith (1908-2006) prolongera et éclairera ce courant en développant dans son ouvrage majeur, The New Industrial State, publié en 1967 (Gallimard, 1968 pour la version française, rééd. 1989), le concept de « technostructure ».

Ce modèle a subi une première remise en cause importante et sévère à la fin des années 1970, avec l’arrivée du capitalisme actionnarial, modèle simplificateur théorisé par les « boys » de l’école de Chicago, autour de Milton Friedman (1912-2006), sur la base de ce qui deviendra un best-seller, publié dès 1962, et largement réédité en 1982 et 2002, Capitalism and Freedom (Flammarion, 2019, pour l’édition française).

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Cette approche sera approfondie par les universitaires Michael Jensen et William Meckling sous la forme de la « théorie de l’agence », dès 1976. Mais ce capitalisme actionnarial a surtout été adoubé et institutionnalisé par l’arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher (1925-2013) en Grande Bretagne (1979) et de Ronald Reagan (1911-2004) aux Etats-Unis (1981), sur fond de mondialisation de l’économie.

Individualisation poussée

Mais la véritable transformation se situe au milieu des années 2010, avec l’impératif alors incontournable de la « numérisation », véhiculé notamment par les puissants acteurs que sont les grands cabinets de conseil mondiaux.

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Michelin : des centaines de manifestants contre la fermeture des usines de Cholet et de Vannes, le ministre de l’industrie invectivé

Des employés de Michelin devant le siège social de l’entreprise, à Clermont-Ferrand, le 8 novembre 2024.

Quelques jours après l’annonce de la fermeture des usines de Michelin de Vannes (Morbihan) et de Cholet (Maine-et-Loire), plusieurs centaines de salariés ont manifesté vendredi 8 novembre. Sur le site de Cholet où il s’était rendu « pour être au contact et en soutien des salariés qui vivent un drame humain », le ministre de l’industrie, Marc Ferracci, a été pris à partie verbalement par des employés en détresse, ont constaté des journalistes de l’Agence France-Presse (AFP).

M. Ferracci est resté « trois minutes » devant l’usine, selon des syndicalistes, quittant les lieux peu avant 13 heures après un échange tendu. « Je regrette profondément » la décision de fermer les sites de Cholet et de Vannes « comme je regrette la manière dont elle a été annoncée aux salariés », avait dit un peu plus tôt le ministre, à la sortie d’un comité de pilotage à la sous-préfecture avec des représentants syndicaux et des élus locaux.

Plus de 1 250 emplois au total sont menacés d’ici à 2026. « Je suis content que les politiques voient enfin le vrai visage de Michelin, ils sont tombés de leurs chaises lorsqu’ils ont appris la brutalité » de cette annonce, a déclaré à une correspondante de l’AFP, Romain Denecheau, élu CFDT de l’usine Michelin de Cholet qui participait à cette réunion. Après le départ du ministre, plusieurs centaines de salariés ont défilé dans la zone industrielle de Cholet en scandant : « Cinquante ans pour nous user, cinq minutes pour nous virer », ou : « Il est beau le Bibendum, toujours le fric avant les hommes. »

Dès le début de la matinée, des pneus avaient été enflammés devant le site de Michelin, avec des banderoles ou des inscriptions sur les murs évoquant les « vies brisées » et les « années à trimer pour se faire jeter ». « Merci pour ce super Noël », ont ironisé les quelque 900 « enfants de Michelin » à Cholet, recevant de nombreux signes d’encouragement des passants.

Une commission d’enquête réclamée à l’Assemblée nationale

Devant l’usine Michelin de Vannes, le 8 novembre 2024.

Le député macroniste de Cholet, Denis Masséglia, lui-même insulté vendredi par certains salariés en colère, a dit comprendre ces « personnes qui ont exprimé leurs souffrances » en s’en prenant au ministre de l’industrie. « L’Etat doit les accompagner mais Michelin doit prendre ses responsabilités », a-t-il dit. « Des engagements ont été demandés à Michelin par le gouvernement », a souligné Marc Ferracci, insistant sur « une indemnisation qui soit digne, avec des montants substantiels » et des reclassements en priorité dans le bassin d’emplois de Cholet.

« Non, Monsieur Ferracci, nous ne sommes pas ici pour nous battre pour un chèque, nous sommes ici pour nous battre pour l’emploi », a lancé la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, venue dans la matinée à la rencontre des salariés sur le site de Vannes, où quelque 300 emplois sont également sur la sellette. A Vannes, les salariés ont manifesté dès 6 h 30 pour demander le maintien des emplois en France, avant de planter des croix blanches symbolisant la mort programmée de leur usine. Un rassemblement était aussi organisé à Clermont-Ferrand, où se situe le siège social.

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« Nos fleurons comme Michelin n’en ont plus rien à faire de la France, puisque Michelin, sur 130 000 emplois, n’en a plus que 15 000 en France », a déploré Mme Binet, critiquant « la politique industrielle d’Emmanuel Macron [qui] s’aligne sur les intérêts de ces multinationales ». « On se prend un nouveau mur » à cause de politiques publiques qui n’ont pas su agir pour que les industriels fassent le choix des salariés plutôt que « le choix du profit », a renchéri la députée écologiste Clémentine Autain (ex-LFI).

A l’Assemblée nationale, les députés écologistes et « insoumis » ont demandé la mise en place d’une commission d’enquête sur l’utilisation des fonds publics par Michelin, afin notamment de « comprendre pourquoi il est possible de combiner licenciements massifs, bénéfices d’aides publiques et versements record aux actionnaires sur une même période ». Marc Ferracci a dit que le gouvernement allait publier « dans les prochaines semaines un plan d’urgence pour la filière automobile à l’échelle française et européenne », pour « agir de manière structurelle ». Le plan comprendra des mesures de soutien à la demande et à l’investissement, et « des mesures de protection commerciale qui touchent l’ensemble de la filière ».

Le Monde avec AFP

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Le télétravail est de plus en plus porté par les femmes, qui en veulent toujours plus

Le télétravail est de plus en plus porté par les cadres (61 % contre 45 % en 2021) et par les femmes (51 % contre 43 % en 2019). C’est ce que révèlent, mardi 5 novembre, deux études de la direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail qui se sont penchées sur l’évolution de ce mode d’organisation du travail.

La part de ceux qui travaillent à distance, après s’être envolée pendant la pandémie, a régulièrement diminué ensuite, jusqu’à représenter un salarié sur quatre (26 %) en 2023, et un peu plus d’un actif sur trois, selon Eurostat. Ils étaient 6,1 millions de salariés à télétravailler en 2023.

Les télétravailleurs sont en fait majoritairement des télétravailleuses, que ce soit un jour par semaine (52 % de femmes) ou deux jours (53 % de femmes), mais pas au-delà (47 % de femmes contre 53 % d’hommes).

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Les conditions du télétravail se sont améliorées au point que les télétravailleurs ont globalement un meilleur environnement de travail que les non-télétravailleurs, qu’on parle d’autonomie, de reconnaissance ou d’exigences émotionnelles. « Les télétravailleurs déclarent moins fréquemment être sous pression, ils disent avoir plus d’autonomie », illustre le statisticien Mikael Beatriz, qui précise, concernant la charge mentale, que les femmes font tout autant de tâches domestiques qu’elles soient en télétravail ou pas. « Les écarts hommes-femmes de charge mentale liée au travail domestique sont ainsi accrus en cas de télétravail », analyse la Dares.

L’écart avec les hommes s’est accentué

Les télétravailleurs déplorent moins souvent (14 % en 2023) qu’auparavant (22 % en 2021), et moins souvent que les autres salariés (26 % en 2023), l’insuffisance de moyens pour travailler. Sauf les femmes qui « signalent un peu plus souvent [que leurs homologues masculins] des moyens insuffisants ou inadaptés », remarque la Dares.

Ce qui ne les empêche pourtant pas d’être proportionnellement plus nombreuses à souhaiter télétravailler davantage. En deux ans, l’écart avec les hommes s’est même accentué sur ce sujet. Ensemble, en 2023, plus d’un million de salariés souhaitaient télétravailler davantage, souligne la direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques. « Le décalage est plutôt linéaire, le souhait exprimé est un jour de plus par rapport à l’existant », précise Louis-Alexandre Erb, chargé d’études sur les conditions de travail et la santé à la Dares. En 2023, la moitié des télétravailleurs pratiquaient un jour par semaine ou quelques jours ou demi-journées par mois. Les autres plutôt deux jours, voire trois ou plus (5 % des salariés).

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La directive européenne mise sur la transparence des rémunérations pour réduire les inégalités femmes-hommes

« Dans l’Union européenne, les femmes gagnent en moyenne 13 % de moins que leurs homologues masculins », à travail égal. L’écart de rémunération « a stagné au cours de la dernière décennie », et cette inégalité « expose davantage les femmes à la pauvreté » et pénalise leur retraite, « inférieure de 30 % à celle des hommes en 2018 ». Fort de ce constat, le Conseil de l’Europe ambitionne avec la directive du 10 mai 2023 de réduire les inégalités de rémunération aussi bien dans le secteur privé que dans le public, en amorçant son recadrage dès l’embauche.

Cette loi, transposable en droit français au plus tard le 7 juin 2026, introduit une obligation de transparence dans les offres d’emploi, qui devront mentionner des fourchettes de salaires. « Les candidats à un emploi ont le droit de recevoir, de l’employeur potentiel, des informations sur la rémunération initiale ou la fourchette de rémunération initiale, sur la base de critères objectifs non sexistes, correspondant au poste concerné ; et le cas échéant, les dispositions pertinentes de la convention collective appliquées par l’employeur en rapport avec le poste », précise le texte. Encore plus contraignant, les employeurs auront interdiction de demander aux candidats « leur historique de rémunération au cours de leurs relations de travail actuelles ou antérieures ».

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Autant d’éléments susceptibles de corriger les biais à l’étape du recrutement. Une disposition qu’approuve Mathilde Le Coz, directrice des ressources humaines du cabinet d’audit Mazars : « L’expérience montre que les femmes demandent moins que les hommes lors des entretiens. Si elles connaissent la fourchette, les candidates négocieront mieux leur rémunération. »

Directement ou par le biais de leurs représentants

Pour améliorer la transparence sur la politique de rémunération au fil de la carrière, la directive prévoit la mise à disposition de tous les salariés des « critères qui sont utilisés pour déterminer la rémunération, les niveaux de rémunération et la progression de la rémunération des travailleurs ».

Les salariés pourront prendre l’initiative de s’informer directement ou par le biais de leurs représentants. Ils seront en droit de demander et de recevoir par écrit « les niveaux de rémunération moyens, ventilés par sexe, pour les catégories de travailleurs accomplissant le même travail qu’eux ou un travail de même valeur que le leur ». Un principe d’égalité des rémunérations à un travail « de même valeur » salué par Myriam Lebkiri, chargée de ce sujet à la CGT.

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Construction, commerce, automobile… La France menacée par une vague de plans sociaux

Lors d’une assemblée générale des salariés de l’usine Michelin, à Cholet (Maine-et-Loire), le 5 novembre 2024.

Annoncés au début de la semaine, les plans sociaux d’Auchan (2 500 emplois) et de Michelin (1 250 emplois) ouvrent-ils une saison en enfer sur le front social ? Me Philippe Druon, associé chez Hogan Lovells, spécialiste des procédures collectives et des restructurations, admet avoir une vision « peu réjouissante » de l’avenir : « Nous sommes face à une crise profonde, structurelle, des modes de vie, de consommation, du travail. A cela s’ajoutent des mutations comme celle vers la voiture électrique. Cela touche presque tous les secteurs : la distribution, l’automobile, la construction, l’immobilier, la tech… »

Dans les cabinets tels que le sien, les dossiers d’entreprises en difficulté arrivent d’autant plus nombreux que les prêts garantis par l’Etat accordés pendant la pandémie de Covid-19 doivent désormais être remboursés, sur fond d’instabilité politique et sociale. Et ce n’est pas fini : « Si Trump applique son programme, on va déguster… », soupire Me Druon.

Le secteur de l’automobile est emblématique. Concentré de mutations structurelles et de fragilités plus conjoncturelles, il est frappé à la fois par la baisse des ventes de voitures particulières, toujours 15 % en dessous de leur niveau d’avant-Covid-19, la transformation technologique avec le passage à l’électrique et des prix de l’énergie plus élevés que ceux payés par les concurrents chinois.

Les constructeurs automobiles sous pression

Ajoutez à cela le durcissement de la réglementation européenne sur les émissions de CO2 en 2025, qui met les constructeurs sous pression et, souvent, un prêt garanti par l’Etat, obtenu pendant la pandémie, qu’il faut rembourser.

A l’arrivée, une cohorte d’entreprises se retrouve en grande difficulté. L’annonce de la fermeture de deux usines Michelin, à Vannes et à Cholet (Maine-et-Loire), avec plus de 1 250 emplois, mardi 5 novembre, montre que la situation n’épargne pas les groupes les plus solides et mondialisés. Valeo avait auparavant annoncé chercher des repreneurs pour trois de ses sites en France, avec 1 120 emplois à la clé. L’équipementier Forvia, autre géant français, a annoncé 10 000 suppressions de postes en Europe dans les cinq ans qui viennent.

Les petits équipementiers sont au cœur de la tourmente : dans les Ardennes, Walor, qui fabrique notamment des bielles pour poids lourds – avec 245 emplois sur deux sites – est en redressement judiciaire. Dans la Loire, Anderton Castings, qui usine des pièces en aluminium avec 53 salariés, vient d’être mis en liquidation judiciaire. Le groupe belge Dumarey aurait pu déposer une offre de reprise. Mais il est lui-même en difficulté. Il supprime 248 emplois à Strasbourg dans sa filiale Powerglide (ex-Punch) qui produit des boîtes de vitesses pour l’équipementier allemand ZF, lequel a mis fin à son contrat.

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Management dans la culture : en finir avec « une insoutenable légèreté »

Livre. « Le management dans la culture est un sujet “accessoire”. » « Création et management sont définitivement irréconciliables. » « La gouvernance dans la culture ne peut être raisonnable. » C’est un chapelet d’idées reçues et de lieux communs (43 au total) que nous propose l’ouvrage collectif En finir avec les idées fausses sur le management dans la culture (Editions de l’Atelier), sous la direction de Michel Barabel, professeur affilié à Sciences Po Executive Education, Pascale Levet, professeure associée à l’IAE Lyon School of Management, et Thierry Teboul, directeur général de l’Afdas (Assurance-formation des activités du spectacle), l’opérateur de compétences de la culture.

Cette accumulation de contrevérités vise tout à la fois à alerter sur les errances passées et actuelles du secteur de la culture, et aussi à souligner l’urgence de faire évoluer la gestion collective au sein de ses structures.

Les errances passées et actuelles tout d’abord. « Combien de fois n’a-t-on pas entendu que l’injonction managériale n’avait pas sa place dans un secteur qui puise sa force créative dans la disruption et la résistance à un certain conformisme économique ?  », résume M. Teboul. Introduire des règles managériales reviendrait ainsi à faire entrer le loup dans la bergerie culturelle, à pervertir, en quelque sorte, la pensée créatrice. En conséquence, le sujet a bien souvent été éludé et traité par le mépris.

Il y a pourtant urgence à « en finir une bonne fois pour toutes avec l’insoutenable légèreté du management dans la culture », soulignent les auteurs. Tout d’abord parce que, comme dans toute autre organisation, « le gérant (…) doit s’intéresser à la paix sociale, au bien-être et à la satisfaction de ses employés », précise Rémi Lourdelle, secrétaire national F3C-CFDT (Fédération Conseil, Communication, Culture). « L’ombre prestigieuse de l’artiste et de sa liberté ne peut nier la foule des anonymes travailleurs de la culture avec leurs savoir-faire, leurs règles et leurs procédures », note l’économiste Pierre-Yves Gomez, qui souligne que « ces lieux culturels (…) ont besoin d’être régulés. »

Exposition aux risques psychosociaux

C’est d’autant plus vrai que le secteur a pu souffrir de cette absence d’encadrement structuré. Une étude Prodiss/Audencia Business School de 2017 avait mis en lumière « les signes d’une attente non satisfaite des permanents », expose Malika Seguineau, directrice générale d’Ekhoscènes, un syndicat du spectacle vivant : « La moitié des salariés interrogés déclaraient ne pas avoir de fiche de poste (…), la grande majorité n’avaient pas accès à un plan de formation, ni même à un accord sur l’organisation et la durée du temps de travail ».

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Egalité femmes-hommes : les leçons des pays les plus avancés

« A partir du 8 novembre à 16 h 48, les femmes travailleront encore gratuitement cette année. Et ce jusqu’à fin décembre », alerte Rebecca Amsellem, fondatrice du collectif Les Glorieuses. Le constat se répète chaque année en novembre. En 2024, c’est un peu moins qu’en 2023, mais il reste encore près de deux mois de travail gratuit à résorber pour compenser les inégalités salariales entre les femmes et les hommes.

Ce calcul élaboré par l’économiste féministe Rebecca Amsellem est certes perfectible, mais incarne symboliquement le retard ou les avancées des politiques de réduction des inégalités. Pour obtenir la parité totale sans avoir à attendre cent trente quatre ans, comme le prédit le Forum économique mondial (« Global Gender Gap Index 2024 »), les femmes devraient-elles claquer la porte des DRH ou « se rouler par terre » ? « J’ai vu certains hommes le faire », confie le directeur général de l’Association pour l’emploi des cadres, Gilles Gateau.

L’efficacité de la méthode, c’est le sujet d’un rapport publié jeudi 7 novembre par Les Glorieuses pour mettre en lumière les actions qui ont permis des avancées significatives de réduction des inégalités, dans quelques pays de l’Union européenne (UE) et au-delà. Leur objectif ? « Que tous les expert·e·s, les femmes et hommes politiques et les dirigeant·e·s puissent répondre à cette question récurrente : “Qu’est-ce qui a réellement fonctionné pour réduire l’écart salarial ?” avec des enseignements pratiques », explique Mme Amsellem.

L’Espagne et la Suède

Ce rapport, qui est entre les mains de la secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, Salima Saa, depuis peu, n’est pas un recueil de recettes, mais plutôt un retour sur les expérimentations, les mobilisations collectives et les politiques publiques qui ont permis aux entreprises d’aboutir à des résultats au Rwanda, en Nouvelle-Zélande, aux Etats-Unis, en Islande, dans l’Union européenne, en Suède et en Espagne.

Les bons élèves de l’Union européenne que sont l’Espagne et la Suède se sont fortement appuyés sur les politiques publiques.

En Espagne, l’amélioration est à la fois récente et fulgurante. L’écart salarial a été réduit de 10 points en dix ans, en passant à 8,7 % en 2022 contre 18,7 % en 2012, indique le rapport qui reprend les chiffres de Funcas. Le centre d’analyse espagnol spécialiste de la recherche économique et sociale explique cette performance par « un niveau d’éducation plus élevé » des jeunes générations. « Parmi les moins de 25 ans, les femmes gagnent en moyenne plus par heure que les hommes du même âge », illustre le think tank.

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Emploi des seniors : les négociations butent sur l’idée d’un CDI réservé aux chômeurs âgés

Le président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), François Asselin (à gauche), et le vice-président de l’organisation syndicale, Eric Chevée, arrivent à Matignon, à Paris, le 5 avril 2023.

Comme un air de déjà-vu. Lundi 4 novembre, les syndicats et le patronat ont, encore, étalé leurs divergences sur les solutions à appliquer pour réduire le chômage des salariés en fin de carrière. Réunis pour la troisième fois dans le cadre des négociations consacrées à l’emploi des seniors, les protagonistes ont consacré une bonne partie de leurs échanges au contrat dit de « valorisation de l’expérience ». Ce projet, qui déroge au droit commun afin de faciliter le recrutement des demandeurs d’emplois proches de l’âge de la retraite, est défendu par les mouvements représentant les chefs d’entreprise. Mais les organisations de salariés se montrent très réservées, comme au début de l’année, lorsque les acteurs sociaux avaient examiné une telle idée durant le cycle de pourparlers sur un « nouveau pacte de la vie au travail », qui s’étaient soldés par un échec, le 10 avril.

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Le dispositif mis en avant aujourd’hui est très proche de celui que le patronat avait proposé il y a un peu plus de six mois. Il s’agit d’une expérimentation, sous la forme d’un contrat à durée indéterminée qui est ouvert aux chômeurs ayant au moins 60 ans – 57 ans si un accord de branche le stipule.

Pour l’entreprise, le système imaginé recèle plusieurs avantages. D’abord, elle a la possibilité de mettre fin à la relation de travail si son collaborateur a le droit de partir à la retraite et s’il a atteint l’âge qui lui permet de toucher une pension à taux plein. Dans ce cas de figure, la société n’a pas à payer la « contribution patronale spécifique » de 30 % sur le montant de l’indemnité de mise à la retraite. En outre, elle bénéficie d’une « exonération progressive de cotisations d’assurance-chômage » (qui augmentent à mesure que son salarié prend de l’âge).

« Incompréhension »

Quant au titulaire du contrat, une règle en sa faveur est prévue : si sa rémunération est inférieure de 30 % à celle qu’il percevait dans son précédent poste, une compensation lui est versée, en tenant compte des droits à l’assurance-chômage qui lui restent.

A l’issue de la rencontre, les représentants des syndicats ont fait part, face à la presse, de leurs réticences à l’égard d’un tel mécanisme, notamment à cause des allègements de cotisations qu’il instaure au profit des patrons. Olivier Guivarch, secrétaire national de la CFDT, y a vu « une brèche » dans le régime d’indemnisation des demandeurs d’emploi, qui est censé être « solidaire et mutualisé ». Au nom de la CGT, Sandrine Mourey a exprimé son « incompréhension » : pourquoi faudrait-il des dispositions particulières pour une catégorie de travailleurs, « alors qu’on ne veut pas stigmatiser [les seniors] » ? Secrétaire confédérale de FO, Patricia Drevon a déclaré que son organisation restait défavorable à cette option, tout comme au moment des tractations en vue d’un « nouveau pacte de la vie au travail ». Pour sa part, le chef de file de la CFTC, Frédéric Belouze, a manié l’euphémisme : « Ça nous pose une vraie question », a-t-il dit, en relevant que la mesure n’était « pas chiffrée ».

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Les subtilités juridiques des transferts de savoir-faire

Droit social. « Il sera libre à toute personne de faire tel négoce ou d’exercer telle profession, art ou métier qu’elle trouve bon. » Le décret d’Allarde du 17 mars 1791 voulait lutter contre les puissantes corporations et (déjà) fluidifier le marché du travail.

Décret aujourd’hui encore évoqué par la Cour de cassation, censurant des clauses de non-concurrence portant une atteinte excessive au « principe fondamental de libre exercice d’une activité professionnelle ». A la liberté du travail pour un salarié, à la liberté d’entreprendre pour celui voulant se mettre à son compte : en interdisant ces clauses, la Californie a ainsi facilité la création de start-up par d’anciens salariés des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon).

Hier destinées à interdire un transfert de « savoir-faire » manuel ou technique, ces clauses ne doivent pas être confondues avec les secrets de fabrication, soit « tout procédé offrant un intérêt pratique ou commercial mis en usage par un industriel, et tenu caché ».

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Ils bénéficient toujours d’une protection pénale : « Le fait pour un directeur ou un salarié de révéler ou de tenter de révéler un secret de fabrication est puni d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 30 000 euros » (L. 1227-1 du code du travail), y compris de la part des prestataires.

Hier un peu naïve

Ils sont l’objet d’un intérêt renouvelé dans la guerre économique qui est la nôtre, du fait de services étrangers s’intéressant de près aux entreprises sensibles (« Les débauchages, vecteur de déstabilisation pour les entreprises », DGSI, décembre 2023, Flash n° 98).

Hier un peu naïve, la Cour de cassation ne s’en laisse plus conter.

Côté chambre sociale, l’arrêt du 25 septembre 2024 met en scène une collaboratrice senior ayant recopié sur cinq clés USB personnelles des données sur des processus de fabrication auxquelles elle n’avait pas accès. Une telle copie de données, même non divulguées à des tiers (du moins pas encore) « constitue en elle-même une faute grave ».

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Côté chambre commerciale et donc concurrence déloyale, selon un arrêt du 7 décembre 2022 : « Le seul fait, pour une société à la création de laquelle a participé l’ancien salarié d’un concurrent, de détenir des informations confidentielles relatives à l’activité de ce dernier et obtenues par ce salarié pendant l’exécution de son contrat de travail constitue un acte de concurrence déloyale. »

« Obligation » et « clause »

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