Archive dans mai 2023

Ferroviaire : l’angoisse monte chez le fabricant de roues de train Valdunes, en quête d’un repreneur

Piquet de grève des salariés de Valdunes, société spécialisée dans les roues et les essieux pour le ferroviaire, à Trith-Saint-Léger (Nord), le 9 mai 2023.

Ils sont passés de la consternation à une colère froide. Pourtant, à mesure que les carnets de commandes se réduisaient comme peau de chagrin, l’inquiétude sourdait depuis des mois sur les deux sites nordistes de l’entreprise Valdunes : la forge de Leffrinckoucke (95 salariés), près de Dunkerque (Nord), comme à Trith-Saint-Léger (245 salariés), dans le Valenciennois.

A l’automne 2022, déjà, Philippe Lihouck, délégué CGT à Leffrinckoucke, confiait ses doutes sur l’avenir. Manque d’investissements depuis la reprise de Valdunes par le chinois MA Steel en 2014, désengagement de la SNCF – « qui est passée de 45 000 roues de train commandées par an à 3 500, alors qu’on doit en produire 60 000 pour être à l’équilibre » –, outil industriel vieillissant et dépenses jugées « inconsidérées » par le syndicaliste et ses troupes : tous les signaux étaient au rouge.

Le couperet est tombé, vendredi 5 mai. MA Steel, coté aux Bourses de Hongkong et de Shanghaï, et fort d’un chiffre d’affaires de 14 milliards de dollars (12,8 milliards d’euros), ne dépensera plus un centime pour Valdunes. Immédiatement, les métallurgistes ont cessé le travail. Pneus et palettes se sont enflammés devant les deux usines nordistes. Toutes étiquettes politiques confondues, les élus sont montés au créneau et ont interpellé Bercy et l’Elysée. Objectif : sauver Valdunes, la seule entreprise tricolore à fournir roues, essieux et axes à l’industrie ferroviaire.

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A vrai dire, Valdunes n’est plus vraiment français, mais il emploie toujours 380 métallurgistes dans l’Hexagone. « Au moment où le gouvernement nous parle de réindustrialisation, et alors que l’on martèle qu’il faut développer le ferroviaire pour des raisons écologiques, il serait invraisemblable que l’on ferme », fulmine Maxime Savaux, secrétaire du comité social et économique de Valdunes.

« Coup de massue »

Jeudi 11 mai, les syndicats ont été reçus par le ministre délégué chargé de l’industrie, Roland Lescure. La veille, la direction et l’actionnaire avaient été convoqués à Bercy. A cette occasion, MA Steel a confirmé sa décision définitive. A Leffrinckoucke et à Dunkerque, on veut croire qu’une nationalisation de Valdunes, même partielle, peut sauver l’entreprise et les emplois. Mais « le ministre nous a dit que ce n’était pas d’actualité et qu’il cherchait un repreneur fiable. On connaît la chanson », lâche M. Savaux.

A Trith-Saint-Léger, le maire communiste, Dominique Savary, prépare la manifestation qui devait avoir lieu samedi 13 mai et parle d’un « coup de massue ». Un employé chargé des achats lui a confié que, « depuis plus de trois mois, presque plus rien ne [rentrait] chez Valdunes ». C’est ici que les roues forgées à Leffrinckoucke sont usinées, traitées thermiquement et assemblées. Les activités des deux sites sont complètement liées.

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La part des seniors ni en emploi ni à la retraite s’est accrue

A Pont-Audemer (Eure), le 7 mars 2023.

Voilà une batterie de chiffres dont vont s’emparer les contradicteurs du gouvernement. D’après une note diffusée jeudi 11 mai par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), la proportion de seniors qui ne sont ni en emploi ni à la retraite a un peu augmenté au cours de la décennie écoulée : en 2021, elle a atteint 16 % chez les personnes ayant entre 55 ans et 69 ans, contre 14 % en 2014. Souvent synonyme de précarité pour les femmes et les hommes concernés, le phénomène remet en lumière l’épineuse question du maintien en activité des travailleurs vieillissants, au moment même où l’exécutif impose à la population de rester en poste plus longtemps, l’âge d’ouverture des droits à une pension étant repoussé à 64 ans par la loi promulguée le 14 avril.

L’auteure de l’étude, Eliette Castelain, se montre très prudente sur les origines du problème. Elle constate que depuis 2014, la part des retraités a diminué de huit points, du fait « notamment des différentes réformes » : celle, en particulier, de novembre 2010, qui a décalé de 60 ans à 62 ans l’âge légal de départ, et celle de janvier 2014, qui a allongé la durée de cotisation requise pour être éligible à une pension à taux plein.

Parallèlement, le pourcentage de seniors qui travaillent s’est accru, en grande partie, sous l’effet de ces mêmes réformes, « mais sans compenser totalement » le reflux de la proportion de retraités. Résultat : la part des individus n’ayant ni une pension ni un revenu d’activité a légèrement progressé (de deux points, donc, en sept ans).

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Phénomène très marqué chez les « peu ou pas diplômés »

Parmi les personnes de 55 ans à 61 ans qui se retrouvent dans une telle situation, 19 % sont chômeuses (c’est-à-dire « en recherche active » d’un emploi) et 45 % sont inactives, « pour raisons de santé ou de handicap » : en d’autres termes, il s’agit, le plus souvent, d’un sort qui est subi, comme le relève l’Insee. Les « sans salaire ni pension » (ayant entre 55 ans et 61 ans) sont, à 59 %, des femmes. Le phénomène est très marqué chez ceux qui sont « peu ou pas diplômés », ajoute Eliette Castelain.

La note ne livre pas d’informations sur les ressources de cette catégorie mais elles sont très souvent issues d’allocations-chômage, de minima sociaux et de pensions d’invalidité, comme l’avait expliqué une enquête publiée en 2018 par la direction des études et des statistiques des ministères sociaux.

Enfin, la part des femmes et des hommes ni en activité ni à la retraite est très variable suivant l’âge : en 2021, elle s’élevait à 20 % chez ceux qui avaient 55 ans et à 28 % pour ceux qui avaient 61 ans. Ensuite, chez les générations plus anciennes, ce ratio chutait (17 % pour ceux qui avaient 62 ans, 3 % pour ceux qui en avaient 69).

« Ceux qui pensent le travail ne sont pas ceux qui l’accomplissent et se confrontent à sa réalisation »

Trois fictions cinématographiques sorties récemment en France illustrent les maux du travail, à trois moments de son évolution historique. Désordres, de Cyril Schäublin, met en scène les prémices du taylorisme à la fin du XIXe siècle dans les manufactures horlogères suisses. About Kim Sohee, de July Jung, ausculte le travail de téléopérateurs sud-coréens en open space. Entre les deux s’insère L’Etabli, de Mathias Gokalp, qui raconte le travail à la chaîne à la fin des années 1960 dans l’industrie automobile.

Le chronomètre et la performance sont au cœur de ces trois récits. Le travail échappe à celles et ceux qui l’accomplissent. Il est défini, décortiqué, orchestré et surveillé par celles et ceux qui le conçoivent. Ouvriers et employés ne sont que des exécutants, chargés d’appliquer un script auquel ils ne peuvent déroger sous peine de pénalités et de sanctions, voire d’humiliations. Chaque geste est optimisé, dans l’horlogerie et l’automobile, chaque parole est comptée dans les centres d’appels.

Certes, le travail d’aujourd’hui n’est plus celui des années 1870 ou 1970, les conditions de travail ne sont plus les mêmes. En particulier, la saleté et le bruit n’envahissent plus les usines, comme le montre par exemple le documentaire réalisé par Louis Malle aux usines Citroën (Humain, trop humain, 1974). Mais si les décors changent, si les ambiances et les atmosphères de travail ne sont pas comparables, demeure néanmoins un sentiment de continuité.

L’emprise du chronomètre perdure, et le travail, dans son contenu et dans son organisation, repose sur une coupure entre conception et exécution. Ceux qui disent – et pensent – le travail ne sont pas ceux qui l’accomplissent et se confrontent à sa réalisation. Au nom de la productivité et de la rentabilité, l’univers managérial dicte les rythmes et les manières de faire. Penser et faire, dans le monde du travail, relève résolument de deux univers distincts, malgré l’invitation, parfois sincère, à être « force de proposition », à s’exprimer et à innover.

Frustrations et injustices

En réalité, celles et ceux qui font restent muets, pour l’essentiel, ou ne s’expriment qu’à côté et en dehors. Il est frappant de constater le silence qui règne à propos de l’organisation du travail, de l’enchaînement des gestes, et plus généralement des manières de faire dans les manufactures horlogères et dans les centres d’appels. Non pas parce que les salariés n’ont rien à dire, mais parce qu’ils ne sont que peu écoutés, et peu entendus. Leurs avis ne comptent pas, ou trop peu. Cette coupure reste une des sources principales des tensions, du mal-être, de la pénibilité et du non-sens dans l’accomplissement du travail quotidien.

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« La pandémie de Covid-19 aurait-elle amélioré l’autonomie des salariés autrement plus puissamment que des armées de consultants ? »

Sous réserve d’exceptions et de contre-exemples, le « management à la française » se caractérise globalement par au moins trois spécificités : un socle culturel parfois qualifié de « sens de l’honneur », un rapport particulier à l’autorité, et un déficit de confiance entre les acteurs. Le sociologue Philippe d’Iribarne publiait, il y a déjà plus de trente ans, un ouvrage remarqué dans lequel il soulignait l’influence des cultures nationales sur la gestion des organisations.

La France serait ainsi caractérisée par La logique de l’honneur (Seuil, 1989) léguée par l’histoire, reposant sur les principes d’ordre, de rang prédestiné et de déférence. Il en déduisait que les relations hiérarchiques mettent en rapport des hommes marqués par leur « état » – au sens que l’Ancien Régime donnait à ce terme – et les traditions, droits et devoirs qui lui sont attachés.

L’honneur est ainsi « intimement lié à la fierté que l’on a de son ‘rang’ et la crainte d’en déchoir », la réalité des préséances étant toujours présente aujourd’hui. Philippe d’Iribarne confirme cette conception dans son dernier ouvrage, Le Grand Déclassement (Albin Michel, 2022), en notant que « l’honneur, sous la forme qu’il revêt au sein de la société française, reste un puissant moteur ».

Pour plus d’autonomie dans le travail

Des études ponctuelles ont souligné cette dimension défensive et conservatrice du « management à la française ». Ainsi l’éditeur de logiciels ADP a publié en 2017 une large enquête en ligne menée dans treize pays, visant à faire apparaître les différences de perception du management parmi 5 330 salariés et 3 218 employeurs interrogés. Le constat hexagonal était particulièrement sévère, constatant que les manageurs français sont les moins bien notés d’Europe. Plus grave et plus inquiétant, l’étude révèle que ces manageurs n’ont pas conscience du jugement porté par les salariés et les employeurs sur leurs pratiques…

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L’enquête « Parlons travail », réalisée par la CFDT la même année auprès de 200 000 personnes et comportant près de 200 questions, révélait que 74 % des répondants souhaitaient plus d’autonomie dans leur travail. Le développement du télétravail, en raison de la pandémie, a-t-il permis à ce souhait de se réaliser et de desserrer l’étau de la défiance ? Plusieurs études semblent le confirmer.

Selon une enquête de Terra Nova réalisée au tout début du confinement auprès de 1 860 personnes travaillant à distance (La révolution du travail à distance, avril 2020), 76 % des manageurs interrogés estiment que cette expérience a renforcé la confiance qu’ils placent dans leurs collaborateurs, et 72 % considèrent qu’elle a aussi renforcé la confiance que leur portent leurs collaborateurs. Soixante-deux pour cent de ces derniers estiment que le travail à distance a un effet positif, voire très positif sur la confiance dans les manageurs, et 66 % qu’il a un effet identique sur la confiance que leur portent les manageurs.

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« Le travail est maltraité, dans le secteur privé comme dans le public »

Vingt ans après le premier plan santé au travail porté par Gérard Larcher, alors ministre (2004-2007), la question du travail revient aujourd’hui en haut de l’agenda gouvernemental. C’est salutaire. La colère des travailleurs devant la réforme des retraites a révélé au pouvoir la profondeur du malaise de nombreux Français à l’égard de leur travail. Mais, contrairement à ce que l’on entend trop souvent, il ne s’agit pas là d’une « perte de la valeur travail », au contraire : les enquêtes montrent toutes qu’une large majorité des travailleurs considèrent leur travail comme utile, et la plupart des chômeurs aspirent à un emploi.

En fait, il ne s’agit que d’une confirmation : le travail est maltraité. Les enquêtes européennes sur les conditions de travail montrent, vague après vague, une situation dégradée pour les femmes comme pour les hommes, dans le privé comme dans le public. En 2021, près de la moitié des travailleurs français se déclarent ainsi épuisés, un record dans l’Union européenne. La mortalité au travail inquiète également. Là aussi la France détient le triste record du nombre d’accidents : deux fois plus en valeur absolue que l’Allemagne, pourtant plus peuplée.

Le pouvoir actuel n’est pas entièrement comptable de cette situation. La politique publique du travail dérive depuis une quinzaine d’années : étalement des visites médicales pour cacher la misère de la médecine du travail, moyens dérisoires de la police du travail, démantèlement des CHSCT…

Surtout, les racines du malaise sont plus profondes : les sciences sociales montrent que les difficultés vécues par les travailleurs s’enracinent dans l’organisation du travail, plus précisément dans les ressources dont dispose (ou non) le travailleur pour affronter les situations problématiques, pour arbitrer entre des injonctions contradictoires, pour traduire dans la réalité des prescriptions désincarnées. Par-delà la diversité des situations, il est possible d’identifier au moins trois grands travers du management actuel particulièrement nocifs, et trop courants en France.

Dimension collective

Premier travers, les difficultés au travail sont renvoyées au comportement de l’individu. Maladies professionnelles et accidents du travail proviendraient, dans l’esprit des dirigeants et manageurs, d’une incapacité à respecter les règles en matière de sécurité ou même à mener une vie saine, de gestes et de postures inappropriés. Le rôle du management serait alors d’orienter le comportement professionnel des individus, de répéter les règles, de surveiller et de sanctionner les « fautifs ». Or les recherches montrent que le non-respect des règles résulte plus des défaillances de l’organisation que de l’individu.

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« Les certitudes libérales et technocratiques ont enfanté bien des troubles actuels dans le monde du travail »

Pour gagner notre vie, sommes-nous condamnés à la perdre ? Cette interrogation sur le sens du travail a fait les beaux jours de 1968. Elle résonne aujourd’hui avec une étrange familiarité. Même s’ils sont loin d’aboutir à des prescriptions partagées, les diagnostics du moment sur la crise du travail frappent par leur empressement commun à se satisfaire de quelques indicateurs aux significations discutables pour conclure à l’avènement d’une soudaine « rupture civilisationnelle ».

Que l’on se souvienne, par exemple, de la vague de démissions de 2021-2022 : alors que le phénomène s’explique simplement par le comportement de salariés désireux de tirer avantage d’une conjoncture économique favorable à la mobilité professionnelle, de nombreux observateurs ont eu tôt fait de mettre en avant un argument générationnel. La « grande démission » serait l’expression d’une crise de la « valeur travail » imputable à de jeunes actifs moins prédisposés que leurs aînés à se sacrifier sur l’autel de l’engagement productif.

Il se trouve que cette croyance en des ruptures culturelles opposant des générations entières n’est pas nouvelle. Elle se manifeste à dates régulières depuis plusieurs décennies maintenant. Or les enquêtes sociologiques sur les jeunes ne permettent pas d’en justifier rigoureusement le fondement…

On trouve des paralogismes similaires dans les récits qui, au cours de ces derniers mois, ont tenté de rendre raison des transformations du rapport au travail. Produites et diffusées par des instituts d’études et de sondages, des cabinets de consultants et des clubs de réflexion qui ont investi le marché de l’expertise des futurs du travail, les narrations proposées peinent d’autant plus à convaincre qu’elles ignorent toute profondeur historique, qu’elles s’accommodent d’explications faibles, qu’elles donnent souvent la priorité à l’analyse des opinions plutôt qu’à celle des pratiques.

Dominants et dominés

En dépit de ces limites, l’affaire semble entendue : une épidémie de « flemme » aurait contaminé une grosse partie de la population active, les Français auraient tendance à se replier sur eux-mêmes, les motivations professionnelles ne seraient plus ce qu’elles étaient… Si de telles antiennes n’ont rien d’original, elles résonnent avec la rhétorique gouvernementale qui, afin de justifier sa réforme des retraites, n’a jamais cessé de réclamer plus d’effort et de sueur.

Pour faire pièce à ces récits, une autre histoire mérite d’être contée, qui ne réduit pas le rapport au travail à une simple affaire de « grosse fatigue ». Parce que le travail est un rapport social, il est porteur de domination. Pour le dire en termes webériens (Max Weber, 1864-1920), les relations de travail sont toujours informées par la volonté de dominants désireux d’influencer durablement l’action des dominés. Asymétriques, elles conditionnent aussi bien l’autonomie « au » travail que l’autonomie « du » travail.

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« Il est nécessaire d’augmenter les salaires, de repenser le management et de réformer les organisations du travail »

En France, la proportion de salariés estimant ne pas recevoir « le respect et l’estime que mérite leur travail » oscille entre un tiers et un quart entre 2013 et 2019, selon les enquêtes « Conditions de travail » de la direction de la recherche du ministère du travail. A peine un peu plus de la moitié d’entre eux jugeaient satisfaisants leur salaire ou leurs perspectives de promotion en regard du travail effectué. Le sentiment d’être « bien payé pour les efforts fournis » est particulièrement dégradé. En 2021, seuls 45 % des travailleurs français exprimaient cette opinion, la proportion la plus faible au sein de l’Union européenne, selon l’enquête Eurofound (2021) sur les conditions de travail.

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Ces chiffres témoignent tout d’abord des fortes attentes des Français à l’égard du travail comme activité permettant le développement de soi et l’intégration économique et sociale. A rebours des thèmes de la « grande démission », de la « démission silencieuse », ou même de la « flemme » des salariés français, toutes les grandes enquêtes quantitatives et qualitatives depuis plusieurs décennies démontrent la stabilité de la très grande importance accordée au travail dans notre pays.

La crise sanitaire n’a pas introduit de désengagement du travail, mais peut-être davantage une prise de distance vis-à-vis de ses conditions d’exercice. Le taux d’emploi a atteint, fin 2022, son plus haut niveau jamais mesuré par l’Insee, avec 68,3 % des 15-64 ans en activité. En revanche, la force du mouvement social qui s’exprime autour du passage en force de la réforme des retraites témoigne de l’inquiétude autour des conditions de travail, dont le rôle est déterminant dans le sentiment de reconnaissance, personnelle et sociale, pour les salariés comme pour les travailleurs indépendants, quels que soient les secteurs d’activité.

La France mal placée

Il est en effet difficile de se sentir reconnu lorsque l’on juge impossible de réaliser un travail de qualité ou que celui-ci nous semble absurde, voire nuisible socialement ou écologiquement. Le soutien des collègues et du management est également important. Pour pouvoir reconnaître les efforts des travailleurs, il est essentiel de connaître les contraintes de leur activité réelle, et de leur permettre de peser dans les décisions importantes qui les concernent. Qu’il s’agisse des conditions d’emploi, des perspectives de promotion ou de rémunération, ce sont les attentes de justice, au sein et hors de l’organisation, qui dominent.

Enfin, les travailleurs veulent être respectés en tant qu’individus et être traités également quels que soient leur sexe, leur origine ou leur classe sociale. Sur l’ensemble de ces registres (qualité du travail et participation, soutien social, justice et discriminations), les données d’Eurofound montrent que la France est très mal placée, particulièrement vis-à-vis des pays du nord de l’Europe.

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Climat : comment agir en tant que salarié ?

L’un des premiers thème d’action en entreprise pour diminuer l’empreinte carbone est souvent d’agir sur les transports, en favorisant le vélo, le covoiturage ou les transports en commun.

Ce billet est extrait de l’infolettre « Chaleur humaine », envoyée tous les mardis à 12 heures. Chaque semaine, le journaliste Nabil Wakim, qui anime le podcast Chaleur Humaine, répond aux questions des internautes sur le défi climatique. Vous pouvez vous inscrire gratuitement ici :

« Bonjour, vous avez rappelé dans le podcast sur les gestes individuels que l’on peut aussi agir au sein de son entreprise, mais moi en tant que salariée je ne vois pas trop ce que je peux faire, je travaille dans une grosse structure où les questions climatiques n’ont pas leur place, et je n’ai pas la possibilité comme certains de changer de secteur… comment faire quelque chose au sein de ma boîte ? » (Question posée par Céline à l’adresse chaleurhumaine@lemonde.fr)

« Je n’ai plus de voiture, prends à titre privé exclusivement le train pour mes longs voyages, mange nettement moins de viande, et privilégie les aliments locaux et bio. Mais dans la société où je travaille, je fais clairement partie de la toute petite minorité. Mes collègues se moquent des écolos, ne “croient pas” que le réchauffement climatique soit aussi grave qu’on nous le dit. » (Témoignage de Martin à l’adresse chaleurhumaine@lemonde.fr)

Ma réponse : Oui, les salariés peuvent agir dans leur entreprise, et je reçois régulièrement des témoignages d’initiatives prises dans des grandes et des petites structures. Pour avoir plus de précisions et d’idées, j’ai interrogé Anne Le Corre, cofondatrice du syndicat Printemps écologique, une organisation née en 2020. Je vous invite également à consulter ce rapport de l’Ademe sur la mobilisation écologique des salariés qui s’appuie sur de nombreux exemples (si vous êtes pressés, vous pouvez consulter directement la page 29).

Sur le sujet de la transition et de l’emploi, je vous recommande par ailleurs ce podcast avec la sociologue Dominique Méda, enregistré en mars 2023.

Voici donc quelques pistes, n’hésitez pas à me faire parvenir vos témoignages et vos expériences de mobilisation collective. Evidemment, il s’agit de pistes théoriques, je sais bien qu’au quotidien ces sujets n’enchantent pas forcément les directions ou certains salariés !

1 – Interpeller les représentants du personnel. Ça n’a l’air de rien, mais les élus ont accès à de nombreuses informations sur la stratégie de l’entreprise, et peuvent solliciter directement la direction sur le bilan carbone (qui doit être réalisé tous les trois ans dans les entreprises de plus de 500 salariés), par exemple la consommation d’énergie du bâtiment, le soutien à l’utilisation du vélo et des transports en commun, les choix du restaurant d’entreprise, etc.

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Elon Musk annonce avoir engagé une femme pour diriger Twitter, sans dévoiler son identité

Elon Musk s’entretient avec Linda Yaccarino, au cours d’une conférence à Miami (Floride), le 18 avril 2023.

Comme souvent, Elon Musk s’amuse, même pour les annonces les plus importantes. Le milliardaire a clamé sur Twitter, jeudi 11 mai, qu’il avait embauché une directrice générale pour le remplacer à la tête de la plate-forme, mais sans donner l’identité de l’élue.

« Ravi d’annoncer que j’ai engagé une nouvelle directrice générale pour X/Twitter. Elle commencera dans environ six semaines ! », annonce, dans son message, celui qui a racheté l’entreprise à la fin d’octobre et l’a rebaptisée « X Corp » le mois dernier. « Je vais devenir président exécutif du conseil d’administration et directeur de la technologie, pour superviser les produits, les logiciels et les opérations », ajoute-t-il.

Selon le Wall Street Journal et le New York Times, Linda Yaccarino, directrice de la publicité du groupe de médias américain NBCUniversal, serait en négociations pour ce poste de directrice générale de Twitter.

Le patron de Tesla et SpaceX avait fait un sondage en décembre pour demander aux utilisateurs de Twitter s’il devait ou non quitter la direction de la plateforme. Quelque 17 millions d’entre eux s’étaient prononcés, parmi lesquels 57 % étaient favorables à son départ. Après quelques tergiversations – il avait insinué que ce résultat était le fruit d’une armée de comptes automatisés –, Elon Musk avait fini par tweeter qu’il prévoyait de céder la place dès qu’il aurait « trouvé quelqu’un d’assez fou » pour lui succéder.

Lire l’analyse : Article réservé à nos abonnés Sur Twitter, Elon Musk et sa « bulle de filtre » très droitière

L’action Tesla monte aussitôt de plus de 2 %

Son annonce de jeudi a suscité des commentaires enthousiastes de ses nombreux fans, et aussi fait grimper de plus de 2 % l’action de Tesla à Wall Street, car le temps passé par le dirigeant aux nombreuses casquettes au sein de Twitter inquiète le marché.

L’entrepreneur a transformé le réseau social californien. Le jour du rachat, il a immédiatement congédié l’ancien patron, Parag Agrawal, l’ancienne directrice juridique, Vijaya Gadde, et l’ancien directeur financier, Ned Segal. Il a ensuite abruptement remercié la moitié du personnel, et continué à licencier des employés par dizaines, des ingénieurs qui l’avaient critiqué à Esther Crawford, l’architecte d’un nouvel abonnement et rare soutien public du tempétueux patron.

Le groupe sorti de la cote en Bourse compte désormais environ 2 000 employés au lieu de 7 500, selon des estimations. Le réseau social a aussi beaucoup changé. Elon Musk a laissé revenir de nombreuses personnalités controversées, qui avaient été bannies pour avoir enfreint les règles de modération des contenus.

Les coches bleues qui garantissaient l’authenticité et la crédibilité des comptes qui les avaient obtenues après vérification sont désormais accessibles à tous, moyennant un abonnement payant à Twitter Blue. Et plusieurs organisations de presse occidentales, comme la BBC ou la radio nationale américaine NPR, ont fustigé l’étiquette de « média financé par le gouvernement » qui leur avait un temps été accolée.

Fuite des annonceurs

Ces changements chaotiques et les diverses provocations d’Elon Musk ont fait fuir de nombreux annonceurs, dont dépend le modèle économique de la plate-forme. Twitter est parti pour gagner moins de 3 milliards de dollars (2,75 milliards d’euros) en 2023, contre 4,14 milliards (3,80 milliards) en 2022, soit 28 % de moins, d’après Insider Intelligence.

« Un nouveau dirigeant, c’est la seule façon pour l’entreprise d’avancer », a réagi jeudi Jasmine Enberg, une analyste de ce cabinet d’études. Elle estime que si Elon Musk prend du recul, la société a une chance de « regagner la confiance des annonceurs ». Et de déclarer : « Il est difficile d’imaginer quelqu’un qui soit plus controversé ou cause plus de tort à l’activité publicitaire que Musk. »

A la fin de mars, le multimilliardaire a estimé la valeur de Twitter à 20 milliards de dollars, contre 44 milliards au moment de l’acquisition, selon un document interne consulté par plusieurs médias américains. « [Mais] il semble que nous allons arriver à l’équilibre au deuxième trimestre [de 2023] », a-t-il tweeté.

Le Monde avec AFP

La métropole de Lyon va tester la semaine de quatre jours pour ses agents

Le président de la métropole de Lyon, l’écologiste Bruno Bernard, le 2 juillet 2020, à Lyon.

La métropole de Lyon s’apprête à instaurer la semaine de quatre jours dans l’organisation du temps de travail de ses agents. La mesure commence par une expérimentation d’un an, mise en œuvre à partir de la rentrée scolaire 2023. Elle va d’abord concerner 5 500 agents, sur les 9 600 employés de la fonction publique territoriale que compte la deuxième métropole de France. Menée sur la base du volontariat, cette expérimentation propose trois scénarios possibles de répartition du temps de travail : quatre jours par semaine, quatre jours et demi par semaine, ou une alternance de quatre et cinq jours par semaine.

Par ces formules, chaque salarié aura la possibilité de choisir la durée de ses journées de travail. La quantité totale de travail restera la même, conforme à la législation, sachant que la collectivité est tenue d’appliquer le seuil légal des trente-cinq heures hebdomadaires. La réforme concerne, dans un premier temps, cent vingt services de la métropole lyonnaise. Elle ne s’applique pas à certaines fonctions dont les horaires sont imposés, comme la collecte des déchets, organisée en 3/8. Sa généralisation est envisagée à partir de septembre 2024.

Les écologistes ne se préoccupent pas seulement de l’environnement, ils savent aussi mener une politique sociale offensive. C’est en substance le sens politique que veut donner Bruno Bernard (Europe Ecologie-Les Verts), le président de la métropole, à cette décision. « Les écologistes ont toujours été favorables à la semaine de quatre jours. C’est aussi une demande des organisations syndicales. Après avoir géré le Covid et les formules de télétravail, nous engageons cette réforme de fond à l’échelle de la métropole la plus importante après Paris », précise au Monde Bruno Bernard.

Pour l’élu écologiste, cette possibilité de la semaine de quatre jours va avoir « l’avantage de rendre l’emploi plus attractif », alors que les collectivités sont confrontées à des problèmes de recrutement. « Le contexte social est dur avec la réforme des retraites et la hausse de l’inflation, nous nous engageons pour préserver le pouvoir d’achat et la qualité de vie au travail de nos agents », plaide Bruno Bernard.

Renforcer l’égalité femme-homme

Après avoir analysé les mesures comparables prises à Grenoble, Lille ou Annemasse (Haute-Savoie), mais aussi dans le privé, comme au sein du groupe lyonnais LDLC, leader de la vente de matériel informatique, la métropole de Lyon souhaite gagner en efficacité, en espérant notamment diminuer l’absentéisme. « Nous allons adapter les plannings pour que chaque agent gagne en qualité de vie tout en préservant un service public optimal pour nos habitants », précise Zémorda Khelifi à l’occasion de la présentation du dispositif, mardi 9 mai.

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