« Le travail est maltraité, dans le secteur privé comme dans le public »

« Le travail est maltraité, dans le secteur privé comme dans le public »

Vingt ans après le premier plan santé au travail porté par Gérard Larcher, alors ministre (2004-2007), la question du travail revient aujourd’hui en haut de l’agenda gouvernemental. C’est salutaire. La colère des travailleurs devant la réforme des retraites a révélé au pouvoir la profondeur du malaise de nombreux Français à l’égard de leur travail. Mais, contrairement à ce que l’on entend trop souvent, il ne s’agit pas là d’une « perte de la valeur travail », au contraire : les enquêtes montrent toutes qu’une large majorité des travailleurs considèrent leur travail comme utile, et la plupart des chômeurs aspirent à un emploi.

En fait, il ne s’agit que d’une confirmation : le travail est maltraité. Les enquêtes européennes sur les conditions de travail montrent, vague après vague, une situation dégradée pour les femmes comme pour les hommes, dans le privé comme dans le public. En 2021, près de la moitié des travailleurs français se déclarent ainsi épuisés, un record dans l’Union européenne. La mortalité au travail inquiète également. Là aussi la France détient le triste record du nombre d’accidents : deux fois plus en valeur absolue que l’Allemagne, pourtant plus peuplée.

Le pouvoir actuel n’est pas entièrement comptable de cette situation. La politique publique du travail dérive depuis une quinzaine d’années : étalement des visites médicales pour cacher la misère de la médecine du travail, moyens dérisoires de la police du travail, démantèlement des CHSCT…

Surtout, les racines du malaise sont plus profondes : les sciences sociales montrent que les difficultés vécues par les travailleurs s’enracinent dans l’organisation du travail, plus précisément dans les ressources dont dispose (ou non) le travailleur pour affronter les situations problématiques, pour arbitrer entre des injonctions contradictoires, pour traduire dans la réalité des prescriptions désincarnées. Par-delà la diversité des situations, il est possible d’identifier au moins trois grands travers du management actuel particulièrement nocifs, et trop courants en France.

Dimension collective

Premier travers, les difficultés au travail sont renvoyées au comportement de l’individu. Maladies professionnelles et accidents du travail proviendraient, dans l’esprit des dirigeants et manageurs, d’une incapacité à respecter les règles en matière de sécurité ou même à mener une vie saine, de gestes et de postures inappropriés. Le rôle du management serait alors d’orienter le comportement professionnel des individus, de répéter les règles, de surveiller et de sanctionner les « fautifs ». Or les recherches montrent que le non-respect des règles résulte plus des défaillances de l’organisation que de l’individu.

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LJD

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