Archive dans juillet 2020

« On a voulu y croire » : Nokia court-circuite la Silicon Valley bretonne

Manifestation de salariés et élus syndicaux devant les locaux de Nokia, à Lannion (Côtes-d’Armor), le 23 juin.

Ils ont dégrafé un pan de la bâche blanche de la tente de chantier. Un peu d’air, enfin, dans cet étouffant jeudi de juin. Accoudés à une table de camping, les syndicalistes de Nokia à Lannion (Côtes-d’Armor) scrutent à travers cette fenêtre de fortune l’entrée de leur entreprise. Ils se tiennent prêts à héler l’un ou l’une de leurs 772 collègues qui chercherait leur QG. Depuis l’annonce de Nokia, lundi 22 juin, de supprimer 1 233 postes, dont 402 en Bretagne, pour « atteindre un niveau de rentabilité durable », les équipes sont sous le choc.

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« Nous avons besoin de nous voir pour parler de cette trahison. Ce plan social est humainement et technologiquement incompréhensible. La direction démantèle la recherche et le développement du site, l’avenir de l’entreprise. Du suicide, en somme », grommelle Bernard Trémulot, délégué syndical CFDT. Ingénieur depuis trente-huit ans sur le site lannionnais, il ne se remet pas de cette annonce surprise. Le syndicaliste pensait les équipes « à l’abri », protégées par les « bons chiffres » du premier trimestre 2020 et les « encourageantes perspectives » sur les marchés de la 5G. D’autant que Rajeev Suri, actuel PDG de l’équipementier télécoms finlandais, est sur le départ et ne sera remplacé par Pekka Lundmark qu’à la rentrée.

« Un tsunami social »

Le représentant CFDT ôte ses lunettes rondes et malaxe ses tempes : « Qu’est-ce que je dis aux 200 jeunes ingénieurs récemment recrutés à Lannion avec pour promesse d’être l’avenir de Nokia ? Certains sont encore en période d’essai. » « Que veux-tu ? On a voulu y croire… », soupire Yann Le Flanchec (CGT). Lui aussi pensait que le rachat d’Alcatel-Lucent par Nokia, validé par Emmanuel Macron alors ministre de l’économie, en 2015, protégerait les emplois. En 2016, il avait apprécié l’engagement formulé par sa direction au ministre de la défense de l’époque, Jean-Yves Le Drian. Celle-ci avait assuré qu’elle ferait de Lannion le centre mondial de la recherche en cybersécurité de l’entreprise. Puis encore, en 2018, lors de l’inauguration des locaux qui se dressent derrière lui, M. Le Flanchec s’était laissé séduire par le discours de Thierry Boisnon, directeur France de Nokia, promettant un « avenir pérenne » au site costarmoricain. « Nous avons été naïfs », regrette le syndicaliste.

« Vus de Finlande, nous ne sommes que des pions. A présent, nous affrontons un quatrième plan social depuis 2016. Le dixième en… treize ans. » Avec la crainte que cette énième restructuration soit le prélude à la fermeture de Nokia à Lannion. Interrogée, la direction temporise : « Cette implantation n’est pas remise en cause dans le cadre de ce projet. » Or le « plateau », surnom de la zone industrielle et de son dédale d’avenues surplombant la ville, abritant quelque 4 000 techniciens et ingénieurs, bat au rythme de l’équipementier en télécommunication. L’entreprise est le deuxième employeur privé derrière Orange, l’autre spécialiste des télécoms, aussi confronté à de fréquentes réductions d’effectifs, passé de 1 700 à 1 100 emplois en vingt ans.

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Dix semaines de réserves de masques demandées aux entreprises : Véran veut décentraliser les stocks

Le ministre de la santé, Olivier Véran, au siège de l’OMS à Genève, en Suisse, le 25 juin.

Le gouvernement a demandé mercredi aux entreprises de prévoir dix semaines de stocks de masques afin notamment de permettre de décentraliser les stocks d’équipements de protection sanitaire face à un éventuel rebond de l’épidémie de Covid-19, a fait savoir, jeudi 2 juillet, le ministre de la santé, Olivier Véran.

« Nous préparons la rentrée et il y a un risque de recirculation du virus (…), et nous demanderons aux entreprises de prévoir dix semaines de stocks de masques, avec un petit rappel du fait que nous avons, désormais, des producteurs français », avait déclaré la secrétaire d’Etat Agnès Pannier-Runacher lors d’une audition par la délégation aux entreprises du Sénat mercredi. Elle a expliqué avoir signé « une note » en ce sens, qui doit également être paraphée prochainement par la ministre du travail, Muriel Pénicaud, et le ministre de la santé.

« C’est une consigne qu’il est fondamental de respecter. Nous l’avons vu, notre pays n’était pas suffisamment doté de masques, il y avait eu des consignes qui n’étaient pas suffisamment appliquées, sans doute pas suffisamment claires, les entreprises doivent pouvoir protéger leurs salariés », a ajouté jeudi M. Véran, interrogé sur cette nouvelle directive sur RTL. Cette nouvelle consigne s’intègre dans le « plan en cas de rebond de l’épidémie, afin d’éviter à tout prix de revenir à une solution de confinement généralisé », a-t-il encore assuré.

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« Ça n’arrivera plus »

« On a vu que, quand on a un seul stock centralisé dans un grand entrepôt, on peut en perdre le fil – ça n’arrivera plus –, ça n’est pas les meilleures conditions de stockage possibles et la logistique pour les répartir sur le territoire prend trop de temps. Donc être capable de décentraliser, de déconcentrer les stockages de matériel de protection au sein des territoires, au sein des entreprises, des hôpitaux, des cabinets médicaux, c’est important, » a ajouté le ministre.

Interrogé sur le financement de ces mesures, il n’a pas explicitement répondu, tout en assurant que « personne n’a dit qu’elles [les entreprises] le feraient seules, nous les accompagnons ».

Le ministre s’est, par ailleurs, refusé à commenter les déclarations devant une commission d’enquête parlementaire des ex-ministres de la santé Marisol Touraine, Roselyne Bachelot et Agnès Buzyn sur la gestion gouvernementale en matière de masques, dont la pénurie au début de l’épidémie de Covid-19 fait toujours polémique, relevant qu’il était lui-même convoqué le 28 juillet devant cette commission et lui « réservait [ses] commentaires ».

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Sur l’épidémie

Sur le déconfinement et ses enjeux

Le Monde avec AFP

« Ça va être la lessiveuse » : la difficile reconversion des salariés de l’habillement

Des salariés d’André, en redressement judiciaire, manifestent à Paris, le 30 juin.

Des milliers de familles sont dans l’attente. Partout, en France. Les 3 300 salariés de Camaïeu, au siège de Roubaix et dans les 634 magasins de l’enseigne exploités dans l’Hexagone, devront patienter jusqu’à fin juillet pour connaître qui, des sept candidats, reprendra le leader du prêt-à-porter féminin, à la barre du tribunal de commerce de Lille.

Chez André, enseigne en redressement judiciaire dont la moitié des magasins pourraient être repris par un ancien PDG, François Feijoo, près de 200 des 412 salariés savent déjà qu’ils risquent de perdre leur emploi. Le verdict tombera le 24 juillet.

Les 5 809 employés de La Halle seront eux fixés le 8 juillet. Le tribunal de commerce de Paris décidera alors quels candidats hériteront des 820 magasins de l’enseigne placée en redressement judiciaire à la demande de son actionnaire, le groupe Vivarte. Sur le compte Facebook de leurs représentants syndicaux, beaucoup déversent leur colère en s’interrogeant sur les modalités du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). « Je ne vois pas d’indemnités supralégales », s’agace l’un d’eux. « On aura notre argent dans combien de temps exactement ? », demande un autre. A Montierchaume (Indre), Sandrine (les personnes citées dont le nom n’apparaît pas ont souhaité garder l’anonymat), préparatrice de commandes au sein de l’entrepôt La Halle, s’inquiète de « se retrouver sur le marché de l’emploi à un moment où il y aura plein de plans sociaux ».

« Ça va être la lessiveuse »

En tout, au sein des enseignes Camaïeu, La Halle, André, Un jour ailleurs, Celio, Damart ou Devianne, ils sont déjà plus de 16 000 en France à s’interroger sur leur avenir. Et les prévisions du secteur se font plus alarmantes. Sur l’ensemble de 2020, les ventes d’habillement devraient enregistrer, en moyenne, un recul de 20 % par rapport à 2019, selon l’Institut français de la mode. Procos, la fédération pour la promotion du commerce spécialisé, qui regroupe des secteurs aussi divers que l’habillement, la restauration ou la jardinerie, craint que la crise liée à la pandémie de Covid-19, faute de mesures d’aides, n’entraîne la destruction de « 150 000 à 300 000 emplois en France en 2020-2021 et la fermeture de 50 000 points de vente ».

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Fragilisé par la baisse de la consommation depuis une décennie, le marché de l’habillement a déjà connu, en 2017-2018, une vague de licenciements chez Pimkie, La Halle ou Jules, ou lors de la liquidation judiciaire de New Look et Mim. Dans l’indifférence du monde politique. « On ne peut pas garder les métiers du passé. On ne peut pas garder la bougie quand l’électricité arrive », avait déclaré, en juin 2018, la ministre du travail, Muriel Pénicaud, en jugeant qu’à l’heure de la vente en ligne il fallait investir dans la formation pour accompagner les salariés du commerce vers les « métiers du futur ».

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Repris par les quotidiens, Presstalis devient France Messagerie et se restructure

Dans les locaux de la SAD, à Marseille, pendant la troisième semaine d’occupation, le 25 mai.

Presstalis est sauvé. Le tribunal de commerce de Paris a entériné, mercredi 1er juillet, l’offre de reprise faite par les quotidiens français sur le premier distributeur de la presse en France. « Dès demain, France Messagerie devra travailler sans relâche pour pérenniser son modèle économique », a annoncé, dans un communiqué, Louis Dreyfus, président du directoire du Monde et représentant des quotidiens.

L’entreprise, née après la seconde guerre mondiale, va changer de visage. Rebaptisée « France Messagerie », elle n’emploiera plus que 269 personnes, contre un peu plus de 900 avant sa mise en redressement judiciaire, le 15 mai. Depuis, ses filiales régionales (la SAD et la Soprocom) ont été liquidées, entraînant la suppression de 512 postes. Un plan portant sur la réduction de 130 postes supplémentaires va encore être mené. La distribution sur tout le territoire n’est pas complètement rétablie : elle reste encore perturbée à Marseille. Louis Dreyfus promet de « poursuivre les discussions pour lever les derniers blocages ».

Lire aussi : En pleine crise chez Presstalis, les journaux manquent à l’appel à Toulon, à Lyon et à Marseille

127 millions d’euros

Si la restructuration est aussi importante, c’est que les magazines et les quotidiens, qui étaient jusque-là actionnaires de Presstalis, n’ont pas réussi à s’entendre sur le sauvetage de l’entreprise.

De nombreux magazines ont préféré rallier le concurrent, les Messageries lyonnaises de presse (MLP). A l’image de CMI (Marianne, Elle, Télé 7 jours), dont le propriétaire, Daniel Kretinsky, est actionnaire indirect et minoritaire du Monde. Prisma (Voici, Femme Actuelle…) et Reworld (Biba, Marie France…) ont réduit de moitié le montant des ventes au numéro transitant par le distributeur et ne sont plus actionnaires de la structure.

Alors que Presstalis distribuait 75 % de la presse française, représentant plus de 1 milliard d’euros de ventes en kiosque, France Messagerie devra se contenter de 600 millions d’euros. « Mais c’est beaucoup plus que les 375 millions à 380 millions d’euros que nous visions », fait-on valoir au sein de France Messagerie.

Remettre à flot France Messagerie va coûter 127 millions d’euros. L’Etat a prévu d’injecter 80 millions d’euros, une somme qui s’ajoute aux 95 millions versés ces derniers mois dans Presstalis. Cette nouvelle enveloppe servira notamment à payer les 38 millions d’euros liés aux plans sociaux. Les 47 millions d’euros restants, financés par les éditeurs, seront consacrés en partie à d’autres départs : en 2022, les effectifs pourraient tomber à 215 salariés, selon le jugement du tribunal de commerce consulté par Le Monde.

France Messagerie n’est qu’une première étape : compte tenu de la baisse continue des ventes du papier, l’idée est, d’ici trois ans, soit de rapprocher France Messagerie des MLP, soit de l’adosser à un autre acteur de la logistique. En attendant, les éditeurs français ont perdu 139 millions d’euros de créances – les ventes réalisées avant le redressement judiciaire – dans la faillite de Presstalis.

Les « cas sévères » de Covid-19 reconnus comme maladie professionnelle

Il aura fallu un peu plus de trois mois au gouvernement pour esquisser les modalités permettant à des travailleurs, qui ont contracté le Covid-19 dans le cadre de leur activité, de le faire reconnaître en maladie professionnelle. Le 23 mars, après le décès de cinq médecins, Olivier Véran avait pris cet engagement « pour tous les soignants qui sont tombés malades » : « Il n’y aura aucun débat là-dessus », avait ajouté le ministre des solidarités et de la santé. Une annonce qu’il a finalement concrétisée, mardi 30 juin, dans un communiqué commun, paraphé par son cabinet, celui de la ministre du travail, Muriel Pénicaud, et du secrétaire d’Etat chargé des retraites, Laurent Pietraszewski.

La démarche de l’exécutif comporte deux volets : « une reconnaissance automatique » et systématique pour les soignants ; « une reconnaissance facilitée » pour les autres professionnels « ayant travaillé en présentiel pendant la période du confinement ». Dans un cas comme dans l’autre, l’objectif est d’« éviter les procédures complexes ». Seront concernées les personnes ayant développé une « forme sévère » de la pathologie liée au SARS-CoV-2. Au ministère de la santé, on précise vouloir viser les types « de coronavirus suffisamment graves pour nécessiter une assistance respiratoire ».

Une telle mesure offre « une prise en charge des frais de soins à hauteur de 100 % des tarifs d’assurance-maladie », une meilleure couverture en termes d’« indemnités journalières » lors des arrêts de travail et « une indemnité (…) en cas d’incapacité permanente ». Enfin, si la personne meurt, une rente est versée à ses ayants droit. Pour l’heure, le ministère de la santé indique ne pas être en capacité de donner le nombre de bénéficiaires potentiels, ni le coût du dispositif.

« Un pas en avant »

Seront éligibles à une reconnaissance automatique « tous les soignants des établissements sanitaires et médico-sociaux ». Les personnels non soignants, qui travaillent « en présentiel dans ces structures » pourront également la réclamer, tout comme les individus « assurant le transport et l’accompagnement des personnes atteintes du Covid-19 ». Même chose, enfin, pour les professionnels de santé libéraux. L’automaticité de la reconnaissance pour ces catégories d’actifs se justifie par la présomption « assez forte d’être exposé, quand on soigne des personnes infectées », affirme-t-on au cabinet de M. Véran.

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En Occitanie, les sous-traitants de la filière aéronautique retiennent leur souffle

Un employé de Cauquil, sous-traitant d’Airbus, sur le site de la société, à Mondouzil (Haute-Garonne), le 5 juin.

Un silence assourdissant. « On entend l’air qui s’échappe des machines », se lamente en soupirant Florian Ruscassie. Avant la crise, les allées du site de production de Cauquil étaient bruyantes, arpentées en pleine journée par soixante-quinze salariés. Ce mercredi 24 juin, ils sont moins d’une quinzaine à se croiser. Les étagères, qui supportaient matières premières et pièces finies, sont désespérément vides et vingt-cinq machines, sur trente, sont à l’arrêt.

Cette PME installée à Mondouzil (Haute-Garonne), à une vingtaine de kilomètres de Toulouse, devait enregistrer un résultat record en 2020, affirme le commercial de cette entreprise vieille de soixante-treize ans. Mais la pandémie a douché toutes les prévisions de ce sous-traitant de l’aéronautique. Le résultat annuel sera divisé par deux fin décembre. L’entreprise adapte pour l’instant sa production aux besoins de certains clients de l’aviation d’affaires, mais une restructuration, à la fin de l’année, semble inéluctable. « Nous n’éviterons pas un PSE [plan de sauvegarde de l’emploi] », déplore le patron, Didier Cauquil, qui reste vague quant au nombre de suppression de postes.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Face à la crise, Airbus choisit la manière forte et envisage de supprimer 15 000 postes

Alors que, en 2019, l’aéronautique connaissait une année record, avec un carnet de commandes de 7 500 avions à fournir, soit huit années de production pour les quelque 450 entreprises de la région et leurs 94 500 salariés, l’arrêt du transport aérien provoqué par la crise sanitaire a tout remis en cause.

« De la chair à canon »

Avant même l’annonce par Airbus de la baisse de cadence de production, les trois quarts des entreprises locales anticipaient déjà un chiffre d’affaires en recul de plus de 50 %, selon la Direccte (direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) Occitanie. A court terme, jusqu’à 40 000 emplois seraient même menacés, avance Alain Di Crescenzo, le président de la chambre de commerce et d’industrie d’Occitanie. « Il s’agit d’un risque maximum déterminé à partir d’un postulat : en associant l’aide de l’Etat, la sous-traitance perdra un tiers d’activité en 2021 et un quart en 2022 », prévient-il.

Face à l’urgence, la CGT se mobilise. « Les sous-traitants sont considérés comme de la chair à canon, s’indigne Frédéric Birobent, secrétaire régional de la CGT Occitanie. Ils seront mis sous pression par les donneurs d’ordres. Il n’est pas acceptable qu’une filière ne supporte par les coups durs. » La première organisation syndicale de la filière plaide pour la tenue d’états généraux associant les salariés et appelle à une journée de mobilisation le 9 juillet pour défendre l’emploi. « La survie du secteur doit passer par un changement de rapport entre donneurs d’ordres et sous-traitants. Les règles du jeu doivent changer pour conserver cette industrie », insiste Xavier Pétrachi, délégué CGT chez Airbus.

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En Occitanie, les sous-traitants de la filière aéronautique retiennent leur souffle

Un employé de Cauquil, sous-traitant d’Airbus, sur le site de la société, à Mondouzil (Haute-Garonne), le 5 juin.

Un silence assourdissant. « On entend l’air qui s’échappe des machines », se lamente en soupirant Florian Ruscassie. Avant la crise, les allées du site de production de Cauquil étaient bruyantes, arpentées en pleine journée par soixante-quinze salariés. Ce mercredi 24 juin, ils sont moins d’une quinzaine à se croiser. Les étagères, qui supportaient matières premières et pièces finies, sont désespérément vides et vingt-cinq machines, sur trente, sont à l’arrêt.

Cette PME installée à Mondouzil (Haute-Garonne), à une vingtaine de kilomètres de Toulouse, devait enregistrer un résultat record en 2020, affirme le commercial de cette entreprise vieille de soixante-treize ans. Mais la pandémie a douché toutes les prévisions de ce sous-traitant de l’aéronautique. Le résultat annuel sera divisé par deux fin décembre. L’entreprise adapte pour l’instant sa production aux besoins de certains clients de l’aviation d’affaires, mais une restructuration, à la fin de l’année, semble inéluctable. « Nous n’éviterons pas un PSE [plan de sauvegarde de l’emploi] », déplore le patron, Didier Cauquil, qui reste vague quant au nombre de suppression de postes.

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Alors que, en 2019, l’aéronautique connaissait une année record, avec un carnet de commandes de 7 500 avions à fournir, soit huit années de production pour les quelque 450 entreprises de la région et leurs 94 500 salariés, l’arrêt du transport aérien provoqué par la crise sanitaire a tout remis en cause.

« De la chair à canon »

Avant même l’annonce par Airbus de la baisse de cadence de production, les trois quarts des entreprises locales anticipaient déjà un chiffre d’affaires en recul de plus de 50 %, selon la Direccte (direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) Occitanie. A court terme, jusqu’à 40 000 emplois seraient même menacés, avance Alain Di Crescenzo, le président de la chambre de commerce et d’industrie d’Occitanie. « Il s’agit d’un risque maximum déterminé à partir d’un postulat : en associant l’aide de l’Etat, la sous-traitance perdra un tiers d’activité en 2021 et un quart en 2022 », prévient-il.

Face à l’urgence, la CGT se mobilise. « Les sous-traitants sont considérés comme de la chair à canon, s’indigne Frédéric Birobent, secrétaire régional de la CGT Occitanie. Ils seront mis sous pression par les donneurs d’ordres. Il n’est pas acceptable qu’une filière ne supporte par les coups durs. » La première organisation syndicale de la filière plaide pour la tenue d’états généraux associant les salariés et appelle à une journée de mobilisation le 9 juillet pour défendre l’emploi. « La survie du secteur doit passer par un changement de rapport entre donneurs d’ordres et sous-traitants. Les règles du jeu doivent changer pour conserver cette industrie », insiste Xavier Pétrachi, délégué CGT chez Airbus.

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Un employé de Cauquil, sous-traitant d’Airbus, sur le site de la société, à Mondouzil (Haute-Garonne), le 5 juin.

Un silence assourdissant. « On entend l’air qui s’échappe des machines », se lamente en soupirant Florian Ruscassie. Avant la crise, les allées du site de production de Cauquil étaient bruyantes, arpentées en pleine journée par soixante-quinze salariés. Ce mercredi 24 juin, ils sont moins d’une quinzaine à se croiser. Les étagères, qui supportaient matières premières et pièces finies, sont désespérément vides et vingt-cinq machines, sur trente, sont à l’arrêt.

Cette PME installée à Mondouzil (Haute-Garonne), à une vingtaine de kilomètres de Toulouse, devait enregistrer un résultat record en 2020, affirme le commercial de cette entreprise vieille de soixante-treize ans. Mais la pandémie a douché toutes les prévisions de ce sous-traitant de l’aéronautique. Le résultat annuel sera divisé par deux fin décembre. L’entreprise adapte pour l’instant sa production aux besoins de certains clients de l’aviation d’affaires, mais une restructuration, à la fin de l’année, semble inéluctable. « Nous n’éviterons pas un PSE [plan de sauvegarde de l’emploi] », déplore le patron, Didier Cauquil, qui reste vague quant au nombre de suppression de postes.

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Alors que, en 2019, l’aéronautique connaissait une année record, avec un carnet de commandes de 7 500 avions à fournir, soit huit années de production pour les quelque 450 entreprises de la région et leurs 94 500 salariés, l’arrêt du transport aérien provoqué par la crise sanitaire a tout remis en cause.

« De la chair à canon »

Avant même l’annonce par Airbus de la baisse de cadence de production, les trois quarts des entreprises locales anticipaient déjà un chiffre d’affaires en recul de plus de 50 %, selon la Direccte (direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) Occitanie. A court terme, jusqu’à 40 000 emplois seraient même menacés, avance Alain Di Crescenzo, le président de la chambre de commerce et d’industrie d’Occitanie. « Il s’agit d’un risque maximum déterminé à partir d’un postulat : en associant l’aide de l’Etat, la sous-traitance perdra un tiers d’activité en 2021 et un quart en 2022 », prévient-il.

Face à l’urgence, la CGT se mobilise. « Les sous-traitants sont considérés comme de la chair à canon, s’indigne Frédéric Birobent, secrétaire régional de la CGT Occitanie. Ils seront mis sous pression par les donneurs d’ordres. Il n’est pas acceptable qu’une filière ne supporte par les coups durs. » La première organisation syndicale de la filière plaide pour la tenue d’états généraux associant les salariés et appelle à une journée de mobilisation le 9 juillet pour défendre l’emploi. « La survie du secteur doit passer par un changement de rapport entre donneurs d’ordres et sous-traitants. Les règles du jeu doivent changer pour conserver cette industrie », insiste Xavier Pétrachi, délégué CGT chez Airbus.

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Un silence assourdissant. « On entend l’air qui s’échappe des machines », se lamente en soupirant Florian Ruscassie. Avant la crise, les allées du site de production de Cauquil étaient bruyantes, arpentées en pleine journée par soixante-quinze salariés. Ce mercredi 24 juin, ils sont moins d’une quinzaine à se croiser. Les étagères, qui supportaient matières premières et pièces finies, sont désespérément vides et vingt-cinq machines, sur trente, sont à l’arrêt.

Cette PME installée à Mondouzil (Haute-Garonne), à une vingtaine de kilomètres de Toulouse, devait enregistrer un résultat record en 2020, affirme le commercial de cette entreprise vieille de soixante-treize ans. Mais la pandémie a douché toutes les prévisions de ce sous-traitant de l’aéronautique. Le résultat annuel sera divisé par deux fin décembre. L’entreprise adapte pour l’instant sa production aux besoins de certains clients de l’aviation d’affaires, mais une restructuration, à la fin de l’année, semble inéluctable. « Nous n’éviterons pas un PSE [plan de sauvegarde de l’emploi] », déplore le patron, Didier Cauquil, qui reste vague quant au nombre de suppression de postes.

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Alors que, en 2019, l’aéronautique connaissait une année record, avec un carnet de commandes de 7 500 avions à fournir, soit huit années de production pour les quelque 450 entreprises de la région et leurs 94 500 salariés, l’arrêt du transport aérien provoqué par la crise sanitaire a tout remis en cause.

« De la chair à canon »

Avant même l’annonce par Airbus de la baisse de cadence de production, les trois quarts des entreprises locales anticipaient déjà un chiffre d’affaires en recul de plus de 50 %, selon la Direccte (direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) Occitanie. A court terme, jusqu’à 40 000 emplois seraient même menacés, avance Alain Di Crescenzo, le président de la chambre de commerce et d’industrie d’Occitanie. « Il s’agit d’un risque maximum déterminé à partir d’un postulat : en associant l’aide de l’Etat, la sous-traitance perdra un tiers d’activité en 2021 et un quart en 2022 », prévient-il.

Face à l’urgence, la CGT se mobilise. « Les sous-traitants sont considérés comme de la chair à canon, s’indigne Frédéric Birobent, secrétaire régional de la CGT Occitanie. Ils seront mis sous pression par les donneurs d’ordres. Il n’est pas acceptable qu’une filière ne supporte par les coups durs. » La première organisation syndicale de la filière plaide pour la tenue d’états généraux associant les salariés et appelle à une journée de mobilisation le 9 juillet pour défendre l’emploi. « La survie du secteur doit passer par un changement de rapport entre donneurs d’ordres et sous-traitants. Les règles du jeu doivent changer pour conserver cette industrie », insiste Xavier Pétrachi, délégué CGT chez Airbus.

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Gilles Gateau prend les rênes de l’APEC

Economiste de formation, Gilles Gateau, a baigné dans les chiffres et l’emploi durant toute sa carrière : à la direction générale de l’ANPE de 1993 à 1997, au ministère du travail de Michel Sapin de 2012 à 2014, puis dans le privé comme DRH d’Air France, où il arrive en 2015 en pleine vague de suppressions d’emplois. Un profil « écosocial », qui lui sera bien utile à l’Association pour l’emploi des cadres, où il a pris, mercredi 1er juillet, ses fonctions de directeur général, en plein retournement du marché du travail.

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L’association, qui surfe depuis 2016 sur des records historiques de recrutements, avec trois années successives de croissance à deux chiffres, a vu ses offres d’emploi s’effondrer et passer d’une moyenne quotidienne de 90 000 avant le confinement à moins de 53 000 en avril et 63 000 en juin. 296 600 recrutements étaient attendus en 2020. Mais « il pourrait y avoir entre deux et trois fois moins d’embauches que prévu. Une des premières choses que je demanderai, c’est d’actualiser dès septembre, l’enquête annuelle sur les intentions de recrutements », annonce M. Gateau.

« Rediscuter avec l’Etat »

« Mon intention est aussi de rediscuter avec l’Etat des objectifs 2020, dans la mesure où ils ont été définis dans une phase ascendante de l’emploi. » L’APEC est un organisme paritaire reconnu d’utilité générale qui a une mission de service public pluriannuelle (2017-2021) pour sécuriser le parcours professionnel des cadres, et dont les résultats sont examinés chaque année par un comité de suivi. L’association doit remplir quinze objectifs chiffrés sur quatre axes : les services aux entreprises pour faciliter le recrutement, le service aux cadres pour sécuriser leur parcours professionnel, la collecte et la diffusion des offres d’emploi et, enfin, le travail de veille sur le marché du travail.

Sur un marché de l’emploi sinistré, on voit mal, en effet, comment garantir un taux de 45 % d’actifs en poste parmi les cadres ayant bénéficié des services de l’APEC. C’était pourtant un objectif fixé et tenu en 2019. « Face aux gels d’embauches et à la vague de suppressions d’emplois, notre priorité sera l’accompagnement des entreprises et des jeunes diplômés. Il ne faut pas croire que plus il y a de chômage, plus c’est facile de recruter. Et plus l’offre est rare, moins l’erreur de recrutement est acceptable. L’originalité de l’APEC est de se tourner vers les TPE, PME », affirme Gilles Gateau.

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Si le nouveau directeur général peut, pour sa mission, s’appuyer sur un statut « cadre » dûment inscrit, au terme de deux ans de négociations, dans l’accord national interprofessionnel enfin approuvé par tous les syndicats depuis la signature de la CGT le 18 juin, les moyens vont être réduits par les pertes d’emploi, puisque l’association est financée par une cotisation sur la masse salariale cadre. « Le sujet est soit celui d’un cap de trésorerie à passer, soit un retournement de la dynamique de l’emploi cadre. On n’a pas la possibilité de faire de la dette, reconnaît M. Gateau. Il appartiendra aux partenaires sociaux de réfléchir aux solutions », tranche-t-il. En attendant, l’APEC reprendra son activité en présentiel avec l’accueil des clients à partir du lundi 6 juillet.