« On a voulu y croire » : Nokia court-circuite la Silicon Valley bretonne

« On a voulu y croire » : Nokia court-circuite la Silicon Valley bretonne

Manifestation de salariés et élus syndicaux devant les locaux de Nokia, à Lannion (Côtes-d’Armor), le 23 juin.

Ils ont dégrafé un pan de la bâche blanche de la tente de chantier. Un peu d’air, enfin, dans cet étouffant jeudi de juin. Accoudés à une table de camping, les syndicalistes de Nokia à Lannion (Côtes-d’Armor) scrutent à travers cette fenêtre de fortune l’entrée de leur entreprise. Ils se tiennent prêts à héler l’un ou l’une de leurs 772 collègues qui chercherait leur QG. Depuis l’annonce de Nokia, lundi 22 juin, de supprimer 1 233 postes, dont 402 en Bretagne, pour « atteindre un niveau de rentabilité durable », les équipes sont sous le choc.

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« Nous avons besoin de nous voir pour parler de cette trahison. Ce plan social est humainement et technologiquement incompréhensible. La direction démantèle la recherche et le développement du site, l’avenir de l’entreprise. Du suicide, en somme », grommelle Bernard Trémulot, délégué syndical CFDT. Ingénieur depuis trente-huit ans sur le site lannionnais, il ne se remet pas de cette annonce surprise. Le syndicaliste pensait les équipes « à l’abri », protégées par les « bons chiffres » du premier trimestre 2020 et les « encourageantes perspectives » sur les marchés de la 5G. D’autant que Rajeev Suri, actuel PDG de l’équipementier télécoms finlandais, est sur le départ et ne sera remplacé par Pekka Lundmark qu’à la rentrée.

« Un tsunami social »

Le représentant CFDT ôte ses lunettes rondes et malaxe ses tempes : « Qu’est-ce que je dis aux 200 jeunes ingénieurs récemment recrutés à Lannion avec pour promesse d’être l’avenir de Nokia ? Certains sont encore en période d’essai. » « Que veux-tu ? On a voulu y croire… », soupire Yann Le Flanchec (CGT). Lui aussi pensait que le rachat d’Alcatel-Lucent par Nokia, validé par Emmanuel Macron alors ministre de l’économie, en 2015, protégerait les emplois. En 2016, il avait apprécié l’engagement formulé par sa direction au ministre de la défense de l’époque, Jean-Yves Le Drian. Celle-ci avait assuré qu’elle ferait de Lannion le centre mondial de la recherche en cybersécurité de l’entreprise. Puis encore, en 2018, lors de l’inauguration des locaux qui se dressent derrière lui, M. Le Flanchec s’était laissé séduire par le discours de Thierry Boisnon, directeur France de Nokia, promettant un « avenir pérenne » au site costarmoricain. « Nous avons été naïfs », regrette le syndicaliste.

« Vus de Finlande, nous ne sommes que des pions. A présent, nous affrontons un quatrième plan social depuis 2016. Le dixième en… treize ans. » Avec la crainte que cette énième restructuration soit le prélude à la fermeture de Nokia à Lannion. Interrogée, la direction temporise : « Cette implantation n’est pas remise en cause dans le cadre de ce projet. » Or le « plateau », surnom de la zone industrielle et de son dédale d’avenues surplombant la ville, abritant quelque 4 000 techniciens et ingénieurs, bat au rythme de l’équipementier en télécommunication. L’entreprise est le deuxième employeur privé derrière Orange, l’autre spécialiste des télécoms, aussi confronté à de fréquentes réductions d’effectifs, passé de 1 700 à 1 100 emplois en vingt ans.

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LJD

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