Archive dans juin 2020

« On fait comme si de rien n’était alors que tout a changé » : des salariés racontent leur retour au bureau

Gary Cole, dans le film « Office Space » (1999), de Mike Judge.

Devinette : qu’est-ce qui a l’odeur du bureau, les meubles du bureau, l’aspect du bureau, mais qui n’est pas le bureau ?

Réponse : le bureau en juin 2020. Comme les écoliers qui redécouvrent leur salle de classe après les vacances d’été, de nombreux salariés français retrouvent ces jours-ci leur lieu de travail. Mais rien n’est tout à fait comme avant, et une « étrangeté familière » se dégage de ces retrouvailles.

D’abord parce qu’eux-mêmes ont changé. Pendant trois mois, 5 millions de Français ont découvert de manière empirique qu’ils n’avaient pas besoin d’être au bureau pour travailler. Qu’en pantoufles, sur un coin de table, un enfant sous le bras et un casque sur les oreilles, c’était parfois inconfortable mais cela fonctionnait aussi. Maintenant qu’ils peuvent progressivement y retourner, ce n’est donc pas tant le travail que la vie de bureau qu’ils espèrent retrouver. Tout ce qui ne se mesure pas en tâches accomplies, mais en réflexions de couloir, blagues de machine à café, discussions de cantoche.

Plateaux déserts

Seulement voilà : la cantine est fermée. Les plantes vertes sont toutes mortes. Il y a un sens de circulation dans les couloirs, l’accès à la machine à café est plus réglementé qu’un tarmac d’aéroport et les plateaux sont déserts. Même si le gouvernement a livré, le 24 juin, un « protocole de déconfinement » allégé aux entreprises, elles se soumettent encore à des règles de sécurité sanitaire importantes. Par une sorte de mise en abîme extrême, certaines ont même adopté des pratiques de télétravail dans l’open space : les salariés sont invités à rester chacun assis derrière leur ordinateur pour les réunions, menées en visioconférence alors que tout le monde est là. Moins de risque sanitaire, et moins de bla-bla inutile, expliquent les inventeurs de ce concept déprimant.

Mais alors, à quoi ça sert, le bureau ?

Alice (certains prénoms ont été modifiés) n’est pas certaine d’avoir trouvé la réponse. A la fin de sa première vraie journée de retour au travail, lundi 22 juin, cette responsable marketing de 42 ans dans une petite entreprise lyonnaise est abattue. « On fait comme si de rien n’était alors que tout a changé. Personne ne se parle, chacun est enfermé dans son bureau, on reste à 2 mètres les uns des autres. Nous n’avons même pas eu une réunion d’accueil. Avant, on sortait tous déjeuner, là chacun prend son pique-nique dans son coin. »

Après trois mois de télétravail serein en famille, Valentine, cadre de 48 ans dans le secteur financier, a elle aussi franchi la porte de ses bureaux haussmanniens, à Paris, avec une certaine appréhension. « Lorsqu’on est arrivés, nos affaires étaient dans des cartons pour la désinfection, on avait l’impression que les locaux avaient été vidés. Il y avait un côté assez surréaliste. Quand on entre, le matin, le gardien nous fait émarger et nous remet une petite enveloppe avec nos deux masques pour la journée. Il y a des distributeurs de gel partout. On n’a pas le droit de monter à deux dans l’ascenseur, ni d’aller à la machine à café à plus de deux. Le port du masque est obligatoire. Bref, le retour à la normale, ce n’est pas pour aujourd’hui. »

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En France, la carrière des Noirs se heurte à un mur

Momar Nguer, ancien membre du comité exécutif de Total et conseiller de son PDG, Patrick Pouyanné, à La Défense (Hauts-de-Seine), en octobre 2018.

Adieu, le portrait d’Uncle Ben’s sur les paquets de riz, celui d’Aunt Jemima sur les préparations pour pancakes. Les industriels américains Mars, PepsiCo ou encore Colgate-Palmolive ont promis, ces derniers jours, de purger leurs marques de tout « stéréotype raciste ». Google, Apple, Bain Capital se sont engagés à débourser 100 millions de dollars (88,6 millions d’euros) pour lutter contre les discriminations raciales. Même le très puissant Jamie Dimon, patron de JPMorgan, a posé un genou à terre devant les photographes, en soutien au mouvement #BlackLivesMatter (« les vies noires comptent »).

Depuis le calvaire éprouvé par George Floyd, asphyxié sous le poids d’un policier blanc à Minneapolis (Minnesota), le 25 mai, les entreprises américaines multiplient les gestes pour affirmer leur volonté de prendre en compte un appel à la justice qui résonne dans le monde entier. « Avec la mise à mort de George Floyd, tous les Noirs du monde ont eu le sentiment qu’un genou était posé sur leur cou. Je suis très éloigné des Etats-Unis, je suis francophone, je ne vis pas dans le même environnement et je n’ai pas le même passé. Mais il y a cette solidarité dans la douleur, car on lui a fait subir ce sort parce qu’il est Noir », témoigne Momar Nguer, ancien membre du comité exécutif de Total et désormais conseiller de son PDG, Patrick Pouyanné.

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« Demain, cette révolte peut se traduire par un mouvement de boycott envers les produits des entreprises qui, par exemple, n’ont pas ouvert leurs états-majors aux personnes issues de la diversité. Et ça peut aller très vite », prévient-il.

Greg Glassman, le propriétaire de la chaîne de salles de sport CrossFit vient d’en faire l’expérience. Sous la pression, il a annoncé, mercredi 24 juin, la cession de son enseigne, vouée aux gémonies depuis qu’il a tenu des propos indignes sur George Floyd.

Face à cette déferlante mondiale, les entreprises françaises restent mutiques, comme si elles se sentaient à peine concernées par un drame purement américain. Du côté de leurs directions, le constat est pourtant accablant.

« Selon un baromètre réalisé à la fin de 2017, moins de 1 % des administrateurs du CAC 40 et des entreprises du SBF 120 sont des Français d’origine non européenne. Depuis, la situation n’a pas progressé », précise Laetitia Hélouet, coprésidente du Club XXIe siècle, créé en 2004 « pour offrir à la société française une vision positive de la diversité ». Le club a publié en 2018 un annuaire de personnalités issues de la diversité ayant le profil pour devenir administrateurs indépendants. « Ça a moyennement marché », constate Mme Hélouet, qui promet une nouvelle version, étoffée, fin 2020.

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« La gouvernance de nos entreprises reste coupée des analyses de risques à plus d’un an »

Tribune. Les économistes ne cessent de nous alerter : si on veut retrouver les rendements d’avant pour compenser rapidement les pertes accumulées par le capital pendant la crise, les tensions sociales, mais aussi le retour de la demande et la capacité d’investissement des entreprises poseront problème.

Le monde n’a cessé de désinvestir sur les biens communs depuis trente ans, dans la santé, l’éducation, l’environnement ; on a préféré des choix en faveur de besoins superficiels, de gaspillages et d’une surrémunération de quelques-uns. Exemple : l’industrie du tabac réalise une performance de 25 % avant impôt, sur le dos des assurances sociales.

Incurie

Ces transferts excessifs ont laissé croire à beaucoup de manageurs et de rentiers que leur revenu était légitime, alors qu’ils n’ont jamais procédé d’un débat ni d’une clarification aux bons niveaux ; ils reflètent l’étroitesse des modes de gouvernance de nos entreprises, très coupées des analyses de risques systémiques à plus d’un an.

Comme on vient de le vivre de façon prémonitoire, on sait pourtant que c’est la gestion plus ou moins réussie de ces risques systémiques – climat, biodiversité, ressources, déchets, inégalités, infrastructures, etc., c’est-à-dire les… dix-sept cibles des objectifs du développement durable des Nations unies – qui va dicter notre capacité à répondre aux besoins des générations qui viennent dans le contexte planétaire chaotique.

C’est la gestion plus ou moins réussie de ces risques systémiques – climat, biodiversité, ressources, déchets, inégalités, etc. – qui va dicter notre capacité à répondre aux besoins des générations qui viennent dans le contexte planétaire chaotique

Si nous ne finançons ni ne régulons pas mieux ces enjeux au sein même du processus économique, et non en le réparant a posteriori, la planète sera à nouveau piégée par son incurie.

Mieux vaut dire la vérité : non seulement, les fonds et les actionnaires devront attendre longtemps un retour à bonne fortune, mais encore celui-ci n’est pas souhaitable. Nous ferions donc mieux de tirer parti de cette situation pour passer d’une rémunération du capital imposée par les investisseurs à une rémunération négociée avec eux.

Certes, personne ne peut décréter les bons ratios. C’est tout l’enjeu de la fameuse « valeur partagée » proposée par Michael Porter [professeur d’économie de l’université d’Harvard] il y a dix ans pour recommander aux entreprises de s’adresser aux besoins non satisfaits de la société civile. Mais le concept a plus conforté des oligopoles qu’il n’a organisé des péréquations entre le Nord et le Sud, les nantis et les autres.

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Le chômage baisse mais se maintient à un niveau élevé

La situation s’améliore sur le marché du travail, tout en restant désastreuse. En mai, le nombre de demandeurs d’emploi sans aucune activité (catégorie A) a reculé de 149 900 en France (outre-mer compris sauf Mayotte), soit -3,3 % par rapport à avril, selon les statistiques diffusées, jeudi 25 juin, par le ministère du travail et par Pôle emploi. Il s’agit d’une baisse inégalée depuis la création de ces statistiques en 1996, ce qui constitue une nouvelle encourageante.

Elle doit cependant être nuancée par un autre donnée, très impressionnante : il y avait, le mois dernier, un peu plus de 4,42 millions de personnes inscrites dans la catégorie A. Un niveau stratosphérique : jamais la barre des quatre millions n’avait été franchie avant la récession entraînée par l’épidémie de Covid-19.

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Reflux dans toutes les régions sauf la Corse

La diminution observée en mai est évidemment liée au redémarrage graduel de l’économie, qui est perceptible depuis la levée du confinement, le 11 mai. Toutes les tranches d’âge sont concernées par cette tendance, surtout chez les individus d’au moins 25 ans (-3,6 %). Les jeunes tirent aussi partie de cette embellie – très relative –, mais de façon moins nette (-1,1 %). Le reflux s’observe dans toutes les régions – exceptées la Corse.

Cette évolution s’explique principalement par le fait que des dizaines de milliers de personnes, auparavant sans poste, en ont retrouvé un en mai, tout en restant inscrites dans les fichiers de Pôle emploi. Elles ont, du même coup, basculé dans les catégories B et C – celles des demandeurs d’emploi dits en « activité réduite » : leurs effectifs ont d’ailleurs progressé fortement, de près de 211 000 (+14,2 %).

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Si on additionne les catégories A, B et C, la tendance reste orientée à la hausse, même si elle est moins soutenue en mai (+ 61 000) comparée à celle d’avril (+ 209 300) : au total, il y avait en mai 6,125 millions d’individus, avec ou sans contrat de travail, qui pointaient au service public de l’emploi. C’est le chiffre le plus élevé depuis la mise en place de cette série statistique en 1996.

Les dessous des fiançailles entre But et Conforama

Bientôt le dénouement ? Les discussions se sont accélérées entre les dirigeants de Conforama et les propriétaires de son rival But en vue de préparer d’éventuelles fiançailles entre les deux enseignes de distribution d’ameublement. Une alliance qui leur permettrait de devenir le numéro un du meuble en France avec un quart du marché, devant le géant suédois Ikea.

Après avoir sollicité le 18 mars sans succès un prêt garanti par l’Etat (PGE) de 320 millions d’euros, Conforama a été incité par les banques et l’Etat à discuter avec son concurrent But pour envisager un rapprochement, a expliqué Helen Lee-Bouygues, la présidente du conseil d’administration de Conforama Holding, aux syndicats lors d’une réunion, le 29 mai. Le courrier de Mobilux, la maison mère de But, qu’elle leur a lu, stipule que cette « marque d’intérêt » a été faite « à la demande du CIRI », la cellule de Bercy qui vient en aide aux entreprises en difficulté.

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Aucune offre ferme n’a encore, à ce jour, été formulée, mais le schéma mis sur la table a déjà séduit les syndicats. Il permettrait d’éviter un redressement judiciaire et assurerait aux 1 500 salariés qui sont actuellement sur le départ, à la suite de la restructuration de Conforama annoncée en juillet 2019, de bénéficier des conditions financières négociées lors du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).

« Ils reprennent tout »

Celui-ci a, en effet, été suspendu dans l’attente d’une solution de financement, provoquant la colère des salariés, certains en étaient même venus à envisager des actions violentes, comme d’incendier des magasins.

Dans ces conditions, les propositions des actionnaires de But – bien que non engageantes à ce stade – ne pouvaient guère être plus rassurantes : « L’offre prendra en compte la marque Conforama, tous les magasins (sauf ceux fermés), la logistique, le SAV, le siège social, tous les salariés de Conforama (à l’exception des victimes du PSE), tous les locaux détenus par Conforama France. (…) Aucune suppression d’emploi autre que celles liées au PSE actuel n’est prévue », énumère le syndicat FO après une réunion, le 17 juin, avec les représentants de Mobilux. « Ils reprennent tout, y compris le PSE et les mesures extralégales », précise Jacques Mossé-Biaggini, délégué syndical central FEC-FO. Les deux enseignes coexisteraient, avec chacune leur autonomie, comme dans le modèle Fnac Darty. Seule « la centrale d’achat SISL n’est pas incluse dans le projet », indique FO.

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La compagnie aérienne Qantas va supprimer 6 000 emplois

Le directeur général de Qantas, Alan Joyce, lors d’une conférence de presse à Sydney (Australie), jeudi 25 juin 2020.

La compagnie aérienne australienne Qantas a annoncé, jeudi 25 juin, la suppression de 6 000 emplois et le maintien au sol d’une centaine d’appareils, et ce afin d’économiser plus de 9 milliards d’euros et de traverser la crise due au coronavirus. Le directeur général, Alan Joyce, a expliqué que ce plan de restructurations sur trois ans ne visait ni plus ni moins qu’à sauver le fleuron de l’aviation australienne de « la pire crise jamais essuyée par le secteur ».

« Cette année était censée être une année de célébrations pour Qantas, celle du centenaire », a expliqué M. Joyce dans un communiqué. « Clairement, les choses ne se passent pas comme prévu. » La chute de la demande avait déjà forcé Qantas à suspendre jusqu’en octobre 2019 tous ses vols internationaux, en dehors de ceux vers la Nouvelle-Zélande.

Le trafic intérieur est en train de repartir, car la majorité des Etats australiens sont parvenus à contenir l’épidémie. Mais les frontières internationales devraient demeurer fermées à la majorité des passagers étrangers jusqu’à l’année prochaine. Et un regain de cas à Melbourne, deuxième ville du pays, est venu rappeler que la menace du coronavirus demeurait bien réelle.

« Nous devons nous mettre en position pour plusieurs années où le chiffre d’affaires sera bien moindre. Et cela signifie de devenir une plus petite compagnie à court terme », a affirmé M. Joyce en commentant la suppression de près d’un poste sur cinq. La compagnie emploie actuellement 29 000 personnes.

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« Peu de latitude »

En plus des 15 milliards de dollars australiens d’économies, le « plan de reprise post-Covid » prévoit de lever 1,9 milliard de dollars (1,16 milliard d’euros) en actions. Le groupe a annoncé que le contrat de M. Joyce, le directeur général le mieux payé du pays, serait prolongé jusqu’à l’achèvement du plan.

Les suppressions d’emplois concerneront Qantas et sa filiale « low cost » Jetstar. Au total, 15 000 salariés sont au chômage technique depuis mars. Le groupe espère que la moitié d’entre eux auront repris le travail d’ici à la fin de l’année.

M. Joyce a reconnu « l’impact énorme » du plan de reprise « pour des milliers de personnes ». « La perte de milliards de dollars de chiffre d’affaires ne nous laisse pas beaucoup de latitude », a-t-il cependant affirmé.

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Le premier ministre australien, Scott Morrison, dont le gouvernement conservateur a débloqué des milliards de dollars australiens pour tenter de réduire les répercussions économiques de la crise, a qualifié de « déchirantes » les suppressions d’emplois chez Qantas. « Ce sont des journées difficiles pour l’Australie », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse.

Marché national

Le Conseil australien des syndicats (ACTU), principale organisation syndicale du pays, a dénoncé le plan de Qantas en appelant M. Morrison à prolonger le programme d’aide « JobKeeper » qui permet aux entreprises de continuer à verser une partie des salaires en dépit de la baisse d’activité liée au coronavirus. « S’il est possible de maintenir l’emploi d’Alan Joyce, pourquoi ne peut-on pas négocier avec les syndicats le maintien de JobKeeper pour sauver ces emplois ? » s’est interrogée la présidente d’ACTU, Michele O’Neil.

Sur les 150 appareils maintenus au sol par Qantas en mars, 100 le resteront pendant une période allant jusqu’à un an, y compris tous les A380 de la flotte, a annoncé Qantas. La compagnie a également reporté les nouvelles commandes d’Airbus A321neo et de Boeing 787-9 Dreamliners.

Elle s’est dite raisonnablement optimiste pour son avenir. « Près de deux tiers de nos bénéfices d’avant la crise provenaient du marché national, qui a des chances de se remettre le plus rapidement », a souligné M. Joyce. « Nous sommes numéro un sur les liaisons classiques et à bas coût en Australie, où les distances rendent le transport aérien essentiel. »

Son seul concurrent australien, Virgin Australia, s’est mis en cessation de paiements en avril, et discute avec deux repreneurs potentiels, Bain Capital et Cyrus Capital Partners.

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Le Monde avec AFP

Portes ouvertes à l’hôpital : le podcast « Au turbin ! » explique en quatre épisodes où sont passés les moyens

« Alors que la fréquentation a explosé ces dernières années, les urgences doivent faire avec la réduction de moyens » (Façade de l'hôpital Georges-Pompidou).

A bout de souffle, c’est l’état du système de santé que la pandémie de Covid-19 a crûment mis en lumière.

Dans son podcast mensuel, la sociologue Amandine Mathivet en dresse le portrait à travers des témoignages de soignants, et de cadres de santé, qu’on a peu entendus, ainsi que d’autres acteurs du secteur médico-social, descendus dans la rue il y a quelques jours pour réclamer davantage de moyens.

Les interviews sont structurées en quatre épisodes pour entrer dans le détail du quotidien des urgences, des problématiques des cadres, de la question de l’ambulatoire, pour expliquer où sont passés les moyens et évoquer comment fonctionner autrement.

En introduction au premier podcast, sur les services des urgences, Fanny Vincent, coautrice de l’ouvrage La Casse du siècle. A propos des réformes de l’hôpital public (2019), consacré à l’hôpital public, revient sur les différentes réformes qui se sont succédé ces dernières années et les effets pervers de la tarification à l’acte.

Selon cette sociologue, ce mode de financement des établissements hospitaliers introduit en 2007 les incite à « se recentrer sur ce (…) qui est rentable pour eux », comme les greffes ou la chirurgie ambulatoire. Et ce, au détriment d’autres prises en charge, à l’instar de la gériatrie.

La spécialiste revient aussi sur la diminution des moyens alloués aux hôpitaux publics consécutive aux différentes réformes qui, en vingt ans, ont répondu à une logique de rationalisation et réorganisé les services. La priorité étant donnée à la médecine ambulatoire, cinq mille lits d’hospitalisation à temps complet ont ainsi été supprimés dans les hôpitaux publics en l’espace de vingt ans, dit-elle.

Réduction de moyens

Alors que la fréquentation a explosé ces dernières années, les urgences doivent faire avec la réduction de moyens. Précédant la pandémie, le mouvement de grève massif de 2019 avait révélé le ras-le-bol des médecins urgentistes face à la saturation de leurs services.

Interrogé dans le cadre du podcast, l’un d’entre eux décrit les choix arbitraires qu’il est amené à faire au quotidien pour pallier la pénurie de lits et les tensions qui en découlent entre les services, malgré le tri en amont des nouveaux arrivants. « J’ai régulièrement zéro lit le matin quand on commence la prise en charge des patients », dénonce ce médecin.

Le deuxième épisode donne la parole à des cadres de santé, souvent accusés d’être de mauvais gestionnaires car déconnectés du terrain. Le podcast met le doigt sur leurs propres difficultés : ces responsables administratifs doivent composer avec le manque de personnel et des agents épuisés qui enchaînent les arrêts maladie – 10,2 jours en moyenne par an pour les salariés des établissements de santé, contre 7,9 dans l’ensemble des secteurs.

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« Il est temps de poser une limite décente aux écarts de revenus »

Notre plaidoyer pour un écart décent de rémunération au sein de l’entreprise et de la société est fondé sur un simple principe éthique. Qui peut se prévaloir, quels que soient son mérite et son talent, de créer en un mois plus de richesses que quiconque en un an ? L’affirmer de façon péremptoire, c’est être oublieux de notre « endettement mutuel » : nous sommes collectivement héritiers de l’œuvre de ceux qui nous ont précédés et redevables de la communauté de travail à laquelle nous appartenons. Toute réussite personnelle est le fruit de ces deux réalités que personne ne peut nier.

« Est-ce ainsi que les hommes vivent ? » En rendant visible le caractère vital de métiers mal rémunérés, l’épisode pandémique a mis en évidence notre interdépendance non seulement planétaire mais sociale. Il nous permet d’ouvrir à nouveau un débat largement méprisé ces dernières décennies : l’échelle des salaires est un choix profondément politique qui traduit l’échelle de valeur d’une société.

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Limiter les écarts de salaire est donc constitutif du contrat social, mais aussi de notre dessein économique et écologique commun. La démesure dans la concentration des richesses génère des modes de vie incompatibles avec un développement soutenable : l’appât du gain et le consumérisme mimétique nous enferment dans une normalité marchande qui épuise nos vies et la planète. A l’inverse, poser une limite ouvre la voie à un rééquilibrage avec d’autres sphères de l’existence.

Puissant désir de justice

C’est aussi une question de saine économie. L’indécence, tout autant que l’indolence, fragilise la conscience professionnelle et l’esprit d’entreprise. L’injustice mine l’effort : une société plus égalitaire est aussi une société plus productive et plus créative. Tout nous invite donc à agir de façon préventive, en résorbant les inégalités directement à la source de la distribution des revenus.

« Tout nous invite à résorber les inégalités directement à la source de la distribution des revenus »

En effet, alors que l’impôt peine à atténuer la toxicité des effets de concentration de la richesse, notre proposition est facteur d’assainissement et d’efficacité pour l’économie. Tandis que le partage inique de la valeur produite induit une désolidarisation effective au sein de l’entreprise, le fait de poser une limite aux écarts de revenus génère une solidarité mécanique entre les dirigeants et l’ensemble des salariés reconnus comme partie constituante de celle-ci.

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Le Berry ne veut pas être rayé de la carte industrielle

Manifestation des salariés de la Halle contre la menace qui plane sur près de 500 emplois dans les deux plateformes logistiques de la Halle (Issoudin et à la Malterie à Montierchaume). 20 juin 2020 Chateauroux, France. Copyright Agnès Dherbeys / MYOP pour le Monde.

AGNES DHERBEYS / MYOP POUR « LE MONDE »

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Publié aujourd’hui à 02h34

Pour défiler dans les rues de Châteauroux en ce samedi 20 juin, elles ont soigneusement préparé leurs pancartes. Certaines ont choisi une caricature, un slogan qui fait mouche. D’autres ont préféré rappeler l’une de ces petites phrases qui font les grands discours mais sonnent parfois douloureusement, confrontées à la réalité.

Valérie, 51 ans, dont vingt-huit à travailler pour La Halle, a choisi celle-ci, tirée de la toute première allocution du président de la République sur la crise due au Covid-19, le 12 mars : « Tout sera mis en œuvre pour protéger nos salariés, nos entreprises, quoi qu’il en coûte. » En dessous, elle a ajouté : « Merci pour la facture ! La Halle, tous au chômage. »

Triple peine

Le 2 juin, les salariés de la célèbre enseigne d’habillement et de chaussures ont en effet appris, sidérés, la mise en redressement judiciaire de leur entreprise à la demande de leur maison mère, le groupe Vivarte. La fermeture des 850 magasins de la marque pendant le confinement a englouti la trésorerie d’une enseigne déjà en crise, fragilisée par des années de restructuration pour éponger une dette colossale, consécutive au rachat du groupe par LBO (par effet de levier) en 2004. 5 809 emplois sont menacés en France.

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Et particulièrement les 489 que l’enseigne compte dans le petit département de l’Indre, où sont installés les deux entrepôts logistiques de la marque, l’un à Montierchaume, l’autre à Issoudun, pour lesquels aucun repreneur ne s’est jusqu’ici officiellement porté candidat. Ils avaient jusqu’au 24 juin minuit pour faire une offre.

Manifestation des salariés de La Halle, à Châteauroux, le 20 juin.

Dans la manifestation de plusieurs centaines de salariés et d’élus qui a traversé le centre-ville de Châteauroux, une semaine après que le même cortège a traversé Issoudun, les salariés de La Halle s’inquiétaient de subir une triple peine : être au chômage, en pleine crise, dans un département particulièrement touché. « Le Berry, c’est une zone sinistrée !, s’alarmait Valérie. A la télé, on entend parler de Renault, des avions, mais personne ne parle de nous ! Alors que le Berry est en train de tout perdre ! C’est aussi pour ça qu’on est là, pour dire qu’on a beau être le Berry, on existe ! »

Derrière elle, des salariés d’Astronics PGA, fabricant d’équipements électriques pour les cabines d’avion à Montierchaume : des pancartes dans leur dos rappellent les 71 licenciements annoncés chez eux le 15 juin, consécutifs à une baisse de 50 % de l’activité.

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Un seul candidat à la reprise du chausseur André, touché de plein fouet par la crise

Un magasin André à Dunkerque (Nord), le 25 janvier 2017.

L’ancien PDG François Feijoo est le seul candidat à la reprise de l’enseigne de chaussures André (groupe Spartoo), première entreprise de la distribution à avoir été placée en redressement judiciaire en raison de la crise du Covid-19, ont confirmé, mercredi 24 juin, des sources concordantes.

L’ancien président d’Eram de 2013 à 2019, qui a déjà dirigé André lorsque l’enseigne faisait encore partie du groupe Vivarte de 2005 à 2013, est le seul candidat, a affirmé à l’Agence France-Presse (AFP) Christophe Martin, délégué central CGT de l’entreprise, confirmant une information du quotidien Les Échos.

« Effectivement, une offre a été déposée pour la reprise de 47 magasins [sur environ 180 points de vente en France] par M. Feijoo, l’ancien PDG de notre entreprise », a confirmé M. Martin.

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M. Feijoo, qui a terminé début juin un deuxième mandat de président de la Fédération du commerce spécialisé Procos, a précisé dans la soirée à l’AFP que son projet, qu’il est en train de finaliser avec des banques et des investisseurs, devrait lui permettre de reprendre « un peu plus de 200 salariés sur environ 400 ».

D’autres candidats sont sur les rangs, a-t-il précisé, mais pas pour poursuivre l’activité de l’enseigne, seulement pour en récupérer certains fonds de commerce.

Décision attendue le 24 juillet

M. Feijoo a également affirmé avoir bon espoir de réunir les fonds nécessaires, qu’il estime s’élever à « une quinzaine de millions d’euros », pour une « reprise de la société mais avec un périmètre réduit : la marque, les magasins les plus performants, le siège et les entrepôts ».

M. Martin a exprimé sa « satisfaction » car M. Feijoo « connaît très bien le monde de la chaussure et à l’époque [où il dirigeait André], cela fonctionnait très bien ; nous avions de bons résultats », a-t-il souligné. M. Feijoo défendra son projet le 1er juillet lors d’une audience devant le tribunal de commerce de Grenoble, où se trouve le siège de Spartoo, avant une décision finale attendue le 24 juillet.

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L’enseigne plus que centenaire avait été placée en redressement judiciaire le 1er avril après avoir dû fermer tous ses magasins et perdu près de quatre millions d’euros en quinze jours Achetée en 2018 par le site de vente en ligne Spartoo, André a réalisé en 2019 un chiffre d’affaires de 100 millions d’euros mais essuyé 10 millions de pertes. L’enseigne avait déposé le bilan le 23 mars.

« Nous perdons 250 000 euros par jour de chiffre d’affaires » depuis la décision gouvernementale de fermer les commerces « non essentiels », avait alors expliqué Boris Saragaglia, le PDG de Spartoo.

Avant l’arrivée du Covid-19, la distribution a dû faire face à de multiples crises depuis plusieurs mois : outre les différents mouvements sociaux (« gilets jaunes », grèves contre la réforme des retraites), le secteur a subi une baisse des achats de vêtements et de chaussures neuves, une tendance des consommateurs à se tourner vers le marché de l’occasion ainsi que la mode des « sneakers », les chaussures de sport portées à la ville.

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Le Monde avec AFP