Archive dans juin 2020

« L’hôpital public doit revenir à des évidences ou disparaître »

Tribune. La crise du Covid-19 est une épreuve terrible pour notre pays et notre système de santé. Nos hôpitaux étaient anémiés avant la vague, par de nombreuses années de restrictions. Malgré cela, les soignants ont pris les rênes de l’hôpital et inventé des organisations nouvelles. Alors que la population se protégeait par le confinement, il fallait du courage pour venir à l’hôpital organiser et soigner au risque d’être contaminé et de contaminer sa famille.

Mais le constat est clair : tous ont répondu à l’appel. La société civile s’est aussi largement investie dans cet élan, témoignant ainsi une reconnaissance inédite pour les soignants, qui ont été touchés par ces marques d’encouragement. Nul doute que ces gestes ont agi comme un baume sur les plaies d’un hôpital public déjà épuisé.

Il est épuisé de répéter dans le vide que soigner n’est pas produire à la chaîne. Que soigner n’est pas rentabiliser une usine et n’est pas quantifiable sur des tableaux de recettes-dépenses.

Il est épuisé de répéter des évidences, qui, se diluant de tribune en tribune, deviennent inaudibles. L’hôpital public doit revenir à ces évidences ou disparaître.

Alors profitons du regain d’énergie qui nous a été transmis pour revenir une fois de plus sur quelques évidences. Les hôpitaux n’attirent plus ni infirmières ni aides-soignantes. La fuite vers le secteur privé est massive. Avant le Covid-19, cinq cents postes d’infirmière n’étaient pas pourvus à l’AP-HP, avec neuf cents lits fermés par manque d’effectifs ! L’intérim s’est donc banalisé en silence.

Effectifs insuffisants

Dans certains services, jusqu’à 50 % des effectifs sont assurés par l’intérim ou la suppléance. Qu’est-ce que cela veut dire ? Les patients sont pris en charge par des personnes qui viennent assurer ponctuellement une mission de soins, sans lien durable avec l’équipe médicale et paramédicale. Pour qu’un service fonctionne et tende vers l’excellence, il faut une émulation et tous doivent regarder dans la même direction.

Or, nos services sont gangrenés par l’intérim et la mutualisation à outrance, rendus indispensables par des effectifs insuffisants. Cela déstructure les équipes, sape les expertises, empêche que des liens se créent entre patients et soignants, mais aussi au sein d’une équipe. Pourtant, ces liens sont l’âme d’un hôpital.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi « La question de la gouvernance hospitalière doit être repensée »

L’intérim porte en lui une forme de dévalorisation et sous-entend, pour chacun : vous n’êtes pas indispensable à l’équipe. Et comment imaginer, par exemple, qu’un neurochirurgien se lance dans une intervention délicate en étant assisté par une infirmière étrangère au service et à ce type de chirurgie ?

Il vous reste 61.18% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.