Archive dans 2023

« Quel est l’impact de l’Index de l’égalité professionnelle ? »

[Contraindre les entreprises à une obligation de résultats sur l’égalité femmes-hommes ne suffit pas, si ces résultats sont incomplets, démontrent les chercheurs pour le projet du Liepp. Thomas Breda est professeur associé à l’École d’économie de Paris et chargé de recherche au CNRS. Il est également responsable du programme Travail et Emploi à l’Institut des politiques publiques. Marion Leturcq est chargée de recherche à l’Ined (Institut National des Études Démographiques). Ses travaux portent sur les inégalités femmes-hommes de patrimoine ainsi que sur le marché du travail, en lien avec l’évolution des modes de vie en couple. Paul Dutronc-Postel est économiste sénior à l’IPP et responsable du programme Environnement à l’Institut des politiques publiques. Joyce Sultan Parraud est économiste sénior à l’IPP. Diplômée de l’École d’économie de Paris, elle participe aux travaux de l’IPP liés au marché du travail et à l’emploi. Maxime Tô est responsable du programme retraites à l’IPP. Il travaille en particulier sur les questions d’offre de travail, sur les inégalités salariales entre les femmes et les hommes et sur la réforme du système des retraites. ]

Afin de lutter contre les inégalités entre femmes et hommes sur le marché du travail, la loi du 5 septembre 2018 « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » a fait évoluer le cadre normatif en soumettant les entreprises à une obligation de transparence et de résultat en matière d’égalité professionnelle.

la loi témoigne d’un changement de paradigme : alors que les diverses politiques antérieures soumettaient essentiellement les entreprises à une obligation de moyens, cette loi introduit pour la première fois une obligation de résultat. Celle-ci est basée sur la création d’un instrument de mesure commun des inégalités professionnelles : l’Index de l’égalité professionnelle.

Le décret du 8 janvier 2019 définit les modalités pratiques de calcul de cet Index. Celui-ci est composé de quatre indicateurs et a pour objectif une meilleure application du principe inscrit dans la loi : « à travail de valeur égale, salaire égal ». L’obligation de publier l’Index a été échelonnée. Elle concerne les entreprises de plus de 1 000 salariés depuis le 1er mars 2019, celles de plus de 250 salariés le 1er septembre 2019, puis toutes les entreprises d’au moins 50 salariés depuis le 1er mars 2020.

Les entreprises dont l’Index est en dessous du score de 75 points ont trois ans pour mettre en place des mesures correctives (avec des possibilités d’assouplissement). L’étude sur l’Évaluation de l’Index d’égalité professionnelle, publiée par l’Institut des politiques publiques et présentée dans cette contribution, propose une évaluation de l’effet de la mise en place de l’Index sur les écarts salariaux et plus généralement les inégalités entre les femmes et les hommes dans les entreprises concernées (Breda, T. et al, 2023).

Il vous reste 87.91% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

La coopérative ferroviaire Railcoop au bord du gouffre

Le rêve d’une compagnie de trains partagée et participative est en train de tourner au cauchemar. Réunis en assemblée générale le 7 octobre à Figeac (Lot), les sociétaires de la coopérative ferroviaire Railcoop – un cas unique au monde – ont voté à 88,5 % en faveur du maintien de l’activité et à 85,5 % en faveur de la poursuite des négociations avec le fonds d’investissement espagnol Serena Partners, qui pourrait sauver la situation financière de l’entreprise. Car, depuis sa création en 2019, cette société coopérative d’intérêt collectif, qui veut relancer des lignes de trains voyageurs et de fret, cumule les difficultés et les échecs.

Au début de l’été, une campagne de levée de fonds n’avait pas atteint ses objectifs et la direction avait contacté Serena Partners pour tenter d’éponger des dettes qui s’élèveraient à un million d’euros, et augmenter le capital en créant une société annexe. Après l’arrêt, début 2023, d’une ligne de transport de marchandises entre Figeac (Lot) et Saint-Jory (Haute-Garonne), la mise en service de la ligne Lyon-Bordeaux, pour les voyageurs, est pour sa part à nouveau reportée.

« Ce très large soutien exprimé par nos sociétaires, 6 000 votants, avec une participation de 42 %, est un encouragement précieux pour la gouvernance de Railcoop », a réagi la direction. « Si nous arrivons à définir des solutions crédibles, nous proposerons au tribunal de commerce un “plan de continuation”, pour ouvrir une procédure de redressement judiciaire », précise-t-elle cependant. Avec un budget d’environ 8,5 millions d’euros, Railcoop était très loin des objectifs financiers affichés en 2020, de l’ordre de 50 millions d’euros.

Budget insuffisant et choix contestés

Dans un contexte européen d’ouverture à la concurrence du rail, la société voulait rouvrir de vieilles lignes non exploitées et impliquer utilisateurs et voyageurs dans un modèle coopératif original, en y intégrant des collectivités locales et départementales. Avec près de 16 000 sociétaires, Railcoop s’est toutefois heurté rapidement à un budget insuffisant et à la difficulté de travailler avec SNCF Réseau, ainsi qu’à des choix jugés contestables de sa direction.

« Malgré l’obtention de créneaux de circulation, SNCF Réseau nous imposait de lourdes contraintes techniques et réclamait surtout une redevance sur les lignes qui nous condamnait », affirme un sociétaire, qui souhaite garder l’anonymat. Des tensions sont également apparues au sein de l’entreprise, après les démarches menées auprès de Serena Partners, « bien loin de l’esprit coopératif », selon le sociétaire.

Il vous reste 23.35% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« Les jeunes saisonniers cherchent aujourd’hui des emplois qui correspondent à leurs valeurs »

L’industrie du tourisme repose essentiellement sur une main-d’œuvre saisonnière. Près d’un million de travailleurs saisonniers embauchés chaque année en France. Sans les saisonniers, les hébergements, les restaurants, les centres de loisirs et les sites touristiques ne pourraient pas fonctionner pleinement. Pourtant, chaque année, la problématique reste la même : le recrutement des travailleurs saisonniers se fait dans la douleur, bien qu’il soit largement anticipé.

Certes, les horaires atypiques de ces métiers jouent un rôle important dans ces difficultés de recrutement, mais au-delà de la question du travail saisonnier en lui-même, la problématique du logement est rapidement devenue le frein principal dans des endroits particulièrement touristiques. Les saisonniers, payés au smic, n’ont pas les moyens de louer un studio. Une réalité d’autant plus frappante durant l’hiver, les postes saisonniers étant à pourvoir dès septembre et les prix étant plus onéreux près des stations de ski.

La crise sanitaire n’a pas aidé le secteur, entraînant une perte considérable de 8 milliards d’euros de chiffre d’affaires pour le tourisme hivernal en 2020, une ruée vers les résidences secondaires et l’explosion d’Airbnb au pied des 350 pistes françaises et, par conséquent, une hausse des prix en raison d’une pénurie de logements. La récente réforme de l’assurance-chômage a aussi pesé : dorénavant, les personnes qui n’ont jamais travaillé doivent travailler au minimum six mois pour ouvrir leurs droits et ont tout intérêt à trouver un contrat longue durée.

65 000 postes saisonniers non pourvus en 2022

Enfin, la crise sanitaire a permis aux saisonniers de se reconvertir dans une autre profession, souvent mieux rémunérée et avec des horaires moins contraignants. Ce qui fait que 65 000 postes saisonniers sont restés non pourvus en 2022. Mais, au-delà de ces problématiques déjà connues, la crise liée au Covid-19 a fait émerger un nouvel enjeu, celui du management des saisonniers.

Les profils des travailleurs ont évolué et leurs aspirations ont considérablement changé la dynamique du travail saisonnier. Les jeunes saisonniers cherchent aujourd’hui des emplois qui correspondent à leurs valeurs. Cela implique de meilleures conditions de travail, évidemment, mais aussi des perspectives d’évolution de carrière et, surtout, un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, ce qui n’est pas le fort de cette industrie à l’heure actuelle.

Avec le rebond du tourisme hivernal, qui retrouve son niveau d’avant la crise, la concurrence entre les acteurs du tourisme s’est accrue pour attirer les saisonniers qualifiés et a rendu leur fidélisation plus difficile. Si l’emploi ne leur convient pas, les candidats sont sûrs de pouvoir retrouver de manière quasi instantanée un nouveau contrat de saisonnier offrant des conditions plus avantageuses. Cette rotation constante de personnel peut entraîner une perte de savoir-faire et une déstabilisation de l’organisation.

Il vous reste 41.64% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

L’emploi américain au plus haut, obstacle à la baisse des taux

Quand les bonnes nouvelles sont aussi des mauvaises : les Etats-Unis ont créé 336 000 emplois au mois de septembre, plus que les 170 000 attendus et que la moyenne des douze derniers mois (267 000), tandis que le taux de chômage est resté stable à 3,8 %. Cette excellente tenue du marché de l’emploi a été saluée par Joe Biden, qui a vanté son bilan depuis son entrée à la Maison Blanche en janvier 2021 : « Cela représente près de 14 millions d’emplois – dont 815 000 dans le secteur manufacturier – créés grâce au Bidenomics », s’est vanté le président sur X (l’ancien Twitter), qui a ensuite prononcé une allocution à la Maison Blanche. « Le taux de chômage est resté inférieur à 4 % pendant vingt mois consécutifs ; la plus longue période depuis cinquante ans. »

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés L’économie américaine continue à créer des emplois

Toutefois, ce chiffre complique la tâche de la Réserve fédérale (Fed), qui doit ramener à 2 % l’inflation, qui se trouve aujourd’hui à 3,7 % sur un an. Résultat, les marchés tablent sur un maintien durable du loyer de l’argent à niveau élevé, et les taux d’intérêt à dix ans se sont envolés à 4,85 % – soit l’un des plus hauts niveaux depuis la période précédant la grande crise financière de 2008 –, avant de redescendre à 4,79 % à la clôture, ce qui reste considérable.

Les observateurs toutefois essayent de se rassurer en examinant plus en détail les statistiques, tel Jason Furman, économiste à Harvard et l’un des meilleurs spécialistes du dossier : « Première réaction aux chiffres de l’emploi : choc. Deuxième réaction : nervosité. Réflexion plus approfondie : cela pourrait être très bien. 336 000 emplois [et] une croissance des salaires qui est encore modérée. » En effet, les rémunérations des salariés américains n’ont augmenté que de 0,2 % entre les mois d’août et septembre, contre 0,3 attendu, ce qui marquerait une décélération de la hausse salariale, signe précurseur d’un marché de l’emploi sous contrôle.

Le risque de stagflation

Le climat a profondément changé cet été, lorsque les Etats-Unis se sont aperçus que l’intelligence artificielle ne doperait pas l’économie immédiatement même si elle est sa nouvelle frontière et que la Fed tiendrait bon pour faire refluer l’inflation jusqu’à 2 %. Elle ne veut pas réitérer les erreurs des années 1970 et 1980 qui conduisirent à lâcher la bride trop tôt et à provoquer un mix d’inflation et de stagnation connue sous le nom de stagflation.

La méfiance est de mise, avec la grève dans l’automobile qui va entraîner des hausses de salaires supérieures à 20 % sur quatre ans, le découplage avec la Chine qui entraîne une hausse des coûts et le déficit budgétaire en hausse, qui devrait atteindre 6,5 % du PIB pour l’exercice clos le 30 septembre 2023. La banque centrale prévoit de maintenir longtemps élevé le loyer de l’argent. Ses taux directeurs sont déjà passés de zéro en mars 2021 à 5,25 % actuellement.

Il vous reste 42.06% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Les arrêts de travail en téléconsultation sont désormais sous surveillance

La téléconsultation, propice aux arrêts de travail abusifs ? C’est ce qui ressort en filigrane du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2024 présenté le 27 septembre en conseil des ministres et qui prévoit de limiter à trois jours les arrêts de travail prescrits en téléconsultation, sauf quand ils le sont par le médecin traitant. Le projet exige aussi de recourir à un échange vidéo ou téléphonique et non simplement au tchat ou aux SMS pour délivrer un arrêt.

Officiellement, il s’agit d’une mesure de santé publique visant à garantir la qualité des soins. Mais, à en juger par de récentes déclarations du ministre de l’économie, Bruno Le Maire, et de responsables de la Caisse nationale d’arrêt maladie (CNAM), cette mesure vise aussi à endiguer la forte augmentation du nombre d’arrêts maladie (+ 7,9 % en 2022) qui s’obtiendraient plus facilement par téléconsultation.

Soit parce que des salariés multiplient les rendez-vous sur les plates-formes jusqu’à tomber sur un praticien complaisant ou crédule. Soit parce que le médecin, disposant de moins d’éléments pour établir son diagnostic, accorde par sécurité plus facilement un arrêt au patient en distanciel qui se plaint d’être malade.

Le contrôle de plates-formes de téléconsultation

Le Medef se dit bien sûr favorable à un « meilleur encadrement du dispositif d’arrêt maladie via la téléconsultation ». Agnès Giannotti, présidente du syndicat de médecins généralistes MG France, se félicite pour sa part que « les autorités prennent enfin conscience de la nécessité de mettre des garde-fous face à l’essor des plates-formes de téléconsultation ».

Mais Jocelyne Cabanal, secrétaire nationale chargée des questions de santé à la CFDT, est plus critique. Elle considère que cette mesure « stigmatise les salariés alors même que l’accès à un médecin traitant peut être compliqué. Mieux vaut renforcer le contrôle des plates-formes de téléconsultation ».

Medadom, Livi ou Qare, c’est le nom des plates-formes qui ont pris les devants sur ce point. Sur Livi, un patient obtient au mieux cinq jours d’arrêt maladie à la suite d’une téléconsultation. La réduction de ce délai ne gêne pas la plate-forme sachant que « 90 % des arrêts délivrés sont déjà inférieurs ou égaux à trois jours », précise son directeur médical Nicolas Leblanc.

Medadom se targue d’appliquer la règle des trois jours d’arrêt maximum depuis 2019. Cette disposition a été inscrite dans sa charte médicale au même titre que l’interdiction faite au patient de solliciter deux rendez-vous le même jour sur la plate-forme. « On a pris position sur différents sujets sensibles pour parer à toute polémique », explique le cofondateur de Medadom, Nathaniel Bern.

Il vous reste 29.12% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Vincent Valinducq, médecin : « Personne n’aurait imaginé que mon premier patient serait ma mère »

« J’avais 20 ans » : « Le Monde » interroge une personnalité sur ses années d’études et son passage à l’âge adulte. Ce mois-ci, Vincent Valinducq, également chroniqueur de l’émission « Télématin », sur France 2, revient sur son parcours singulier, commencé comme docker, et sur ses quatorze années d’aidant de sa mère dépendante.

Intelligence artificielle : le gouvernement lance une expérimentation dans la fonction publique

Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques, le 27 septembre 2023, dans la cour du Palais de l’Elysée, à Paris.

Le gouvernement a officiellement lancé une expérimentation de l’intelligence artificielle (IA), jeudi 5 octobre, consistant à mettre cette technologie à disposition d’agents publics pour améliorer le service rendu aux usagers. L’opération, présentée le jour même par le ministre de la transformation et de la fonction publiques, Stanislas Guerini, lors d’une table ronde à Paris avec des chercheurs et des experts de l’IA, vise à permettre à l’administration d’alléger la charge de travail des agents, afin qu’ils puissent consacrer plus de temps à l’accompagnement des Français qui en ont le plus besoin, que ce soit au téléphone ou au guichet. « L’erreur » consisterait à « opposer la numérisation des services publics à l’humanisation », plaide Stanislas Guerini.

L’intelligence artificielle est déjà là, souligne-t-il, utilisée dans les entreprises comme dans l’administration (notamment pour lutter contre la fraude fiscale). « Soit on se met la tête dans le sable, soit on essaie de mettre cette technologie au service de l’humain et des agents », expose le ministre en rappelant qu’il s’agit là d’« une rupture technologique très profonde, peut-être anthropologique ».

Concrètement, 3 500 agents sont aujourd’hui chargés de répondre, par le biais du site Internet intitulé « Services Publics + », aux questions des Français sur leur expérience avec l’administration. Un millier de ces fonctionnaires se sont portés volontaires dans neuf réseaux (Caisse nationale d’assurance-vieillesse, Caisse nationale d’Assurance-maladie, trois préfectures, etc.) pour tester un outil d’intelligence artificielle qui les accompagnera dans la rédaction de leurs réponses aux usagers. Dans tous les cas, assure le ministère, c’est l’agent qui a le dernier mot : c’est lui qui évalue la réponse proposée par la machine, et qui l’envoie.

Pour M. Guerini, l’utilisation de l’IA peut être un moyen de convaincre les usagers les plus éloignés des services publics que l’Etat ne les abandonne pas. « Il faut que ces outils apportent des solutions aux “gilets jaunes” », assure le ministre, pour qui ces derniers doivent être « les VIP du service public, parce que c’est pour eux qu’il est le plus important ». C’est tout l’enjeu de cette expérimentation : voir si cette technologie peut aider les citoyens à effectuer leurs démarches administratives et obtenir une solution à leurs problèmes.

Cinq cents postes en 2024

Pour les Français qui ont le plus de difficultés, dans leur vie personnelle mais aussi dans leur rapport aux services publics, l’intelligence artificielle peut présenter un autre atout. « C’est une technologie très facile à utiliser, et elle représente donc une chance de réduire le fossé numérique », a relevé Laurent Daudet, président et cofondateur de l’entreprise LightOn, spécialisée dans ce domaine, lors du lancement de l’expérimentation, jeudi, au ministère de la transformation et de la fonction publiques. Une étude de l’Insee, publiée en juin, montre que 15 % de la population ne dispose pas des compétences numériques de base ou ne se sert pas d’Internet.

Il vous reste 34.26% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

En redressement judiciaire, la Maison de la literie aiguise les appétits

Vue du rayon literie du magasin Conforama, à proximité de la Samaritaine, le 27 septembre 2005, sur les quais de la Seine, à Paris. AFP PHOTO JACK GUEZ (Photo by JACK GUEZ/AFP)

Les salariés de l’enseigne Maison de la literie parviendront-ils à retrouver des nuits paisibles ? Jeudi 5 octobre, huit candidats au rachat de sa maison mère, le groupe IFP (lnternationale de franchise et de participation) en redressement judiciaire, présentaient leur offre auprès du tribunal de commerce de Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire).

Un « grand oral » portant sur la reprise des 301 magasins, dont 35 détenus en propre, exploités sous diverses enseignes (Maison de la literie, Univers du sommeil, Tousalon, Mobeco, Place de la literie…), ainsi que sur ses deux usines de fabrication en France, situées à Autun, en Saône-et-Loire, et à Confolens, en Charente. En tout, 203 salariés, dont 37 au siège et 84 dans la production.

Si les candidats se pressent, c’est que le marché est porteur. Le secteur de la literie a progressé de 3,6 % en valeur au cours des huit premiers mois de l’année, d’après l’IPEA (l’Institut de prospective et d’études de l’ameublement), lorsque celui du meuble recule de 0,5 %. Et, en 2022, les ventes de sommiers et matelas avaient à peine reculé de 1 % sur un an, à 1,8 milliard d’euros, dont un tiers du marché réalisé par les enseignes spécialisées. De plus, le segment du moyen-haut de gamme fabriqué en France, sur lequel est positionnée l’entreprise, séduit les consommateurs et évite les surcoûts liés à l’importation.

Erreurs de gestion

Comment dès lors expliquer la chute de la Maison de la literie ? Par des erreurs de pilotage et un enchevêtrement d’une myriade de sociétés, qui ont conduit l’entreprise à accumuler des pertes au fil des ans. Charges trop élevées supportées par le siège, mauvaise gestion opérationnelle des succursales qui tombent dans le rouge… Certains magasins en propre perdent entre 200 000 et 300 000 euros par an. Pour les renflouer, le groupe puise dans les redevances de ses 266 franchisés, dont l’activité se tient bien et gonfle leurs frais de gestion. Les usines, enfin, n’ont pas les moyens d’investir dans la modernisation de leur outil de production, une part importante de leurs bénéfices étant aspirés par les entités de distribution et le siège.

Il faut remonter le fil de l’histoire pour comprendre comment l’entreprise en est arrivée là. En 1980, Pierre Elmalek fonde la Maison de la literie, puis devient PDG d’IFP lors de sa création, en 1994. Il s’associe, en 2012, avec le groupe belge Veldeman, qui apporte son outil industriel contre 50 % du capital d’IFP. Sur le papier, le modèle est vertueux, avec des magasins qui se fournissent exclusivement auprès des usines du groupe. Mais les dettes commencent vite à s’accumuler. Hors de question pour M. Elmalek de fermer des magasins intégrés même s’ils sont déficitaires et, en 2015, Veldeman prend la majorité du capital pour assurer la continuité de la branche distribution.

Il vous reste 40.17% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Casino annonce avoir signé un accord contraignant pour la restructuration de sa dette

Un supermarché Casino à Laventie, dans le nord de la France, le 12 juin 2023.

Le distributeur en difficultés financières Casino a, comme attendu, conclu un accord contraignant pour la restructuration de sa dette avec ses principaux créanciers, dans la continuité de l’accord de principe trouvé fin juillet, a-t-il annoncé jeudi 5 octobre dans un communiqué.

Casino, 200 000 salariés dans le monde dont 50 000 en France, était étranglé par une dette de 6,4 milliards d’euros à la fin de 2022, mais sa restructuration est permise par une offre de reprise émanant du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, du Français Marc Ladreit de Lacharrière et du fonds britannique Attestor. La restructuration est attendue au premier trimestre 2024.

Cet accord prévoit d’une part l’apport de 1,2 milliard d’euros d’argent frais par ces candidats à la reprise, d’autre part que la dette de Casino soit réduite de près de 5 milliards d’euros et que les activités de Casino en Amérique latine, pour laquelle travaillent les trois quarts des quelque 200 000 salariés du groupe, soient cédées.

Lire le décryptage : Article réservé à nos abonnés Les défis de Daniel Kretinsky, nouveau maître de Casino

Placement en sauvegarde accélérée

Le groupe a déclaré dans un communiqué avoir « conclu un accord de lock-up relatif à sa restructuration financière », avec le consortium de repreneurs et avec « des créanciers détenant économiquement 75 % du Term Loan B1, des principaux groupes bancaires commerciaux et certains des créanciers susvisés détenant économiquement 92 % du revolving credit facility (RCF), ainsi que des porteurs des obligations émises par Quatrim représentant 58 % de ces obligations ».

Il s’agit en d’autres termes des créanciers dits sécurisés du groupe. Pour les créanciers non sécurisés, Casino explique « poursuivre ses discussions » afin « d’obtenir leur adhésion à celui-ci ».

Casino devra ensuite demander son placement en sauvegarde accélérée, un processus au terme duquel les créanciers récalcitrants seront embarqués « de manière contrainte s’il le faut » puisque la loi le prévoit, relevaient plusieurs sources fin juillet au moment de la signature de l’accord de principe.

La procédure amiable de conciliation dans laquelle se tiennent les discussions sur la dette de Casino court jusqu’au 25 octobre et Casino prévoit la réalisation de la restructuration de sa dette au premier trimestre 2024.

Le Monde avec AFP