Archive dans 2023

A l’Assemblée nationale, le projet de loi « plein-emploi » adopté grâce au soutien de la droite

L’Assemblée nationale avant la séance de questions au gouvernement, le 10 octobre 2023.

Fruit d’un accord entre le camp présidentiel et le parti Les Républicains (LR), le projet de loi « plein-emploi » a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale, mardi 10 octobre, par 310 voix contre 251.

Outre les trois groupes de la coalition présidentielle – Renaissance, MoDem et Horizons –, seuls les députés de droite ont voté ce texte présenté par l’exécutif comme une « nouvelle étape » vers le plein-emploi – soit un taux de 5 % de la population active au chômage, contre 7,1 % actuellement – d’ici à 2027. Toutes les formations de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), le Rassemblement national (RN) et une grande partie des élus du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT) ont voté contre.

Adopté en juillet par un Sénat dominé par la droite et le centre, le projet de loi réorganise le service public de l’emploi en créant France Travail – à la place de Pôle emploi –, et réforme le revenu de solidarité active (RSA), à travers un « contrat d’engagement réciproque », qui contraint la plupart des bénéficiaires à effectuer une quinzaine d’heures d’activités par semaine. Cette mesure phare était absente de la première mouture du texte.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Le plein-emploi, un horizon accessible en 2027 ?

Alors que l’exécutif excluait un nombre d’heures minimal d’activités à effectuer, privilégiant un suivi « personnalisé », le ministre du travail, Olivier Dussopt, a finalement trouvé un terrain d’entente au Palais-Bourbon avec le groupe LR de soixante-deux élus, indispensable pour obtenir une majorité. Et il a soutenu un amendement du député (LR) des Hauts-de-Seine Philippe Juvin. Désormais, le projet prévoit que le versement du RSA soit conditionné à au moins quinze heures d’activité par semaine, sans plafond, à l’exception des « personnes rencontrant des difficultés particulières (…) en raison de leur état de santé, de leur handicap » ainsi que les « parents isolés sans solution de garde pour un enfant de moins de 12 ans ».

Durcissement des conditions de versement du RSA

Les députés ont ajouté que la durée pourra être réduite en fonction de « la situation individuelle » de l’allocataire. « Nous pensons qu’une partie de notre système social est dévoyée. Il “désincite” au travail, au lieu de ramener vers le travail. Que tous ceux qui peuvent travailler, travaillent », a justifié mardi M. Juvin depuis la tribune de l’Assemblée nationale.

Quelques minutes plus tard, le député (LIOT) du Nord Benjamin Saint-Huile a déploré ce « mariage coûteux » entre le camp présidentiel et LR. « Vous avez cédé et considéré que la seule alliance possible était avec LR », a-t-il fustigé à destination de M. Dussopt assis, face à lui, au banc des ministres.

Il vous reste 47.14% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Comptabilité d’entreprise : « Exiger que la matérialité s’étende au-delà du domaine économique est en réalité simpliste »

La comptabilité extrafinancière, dont la finalité est de mesurer les liens d’interdépendance qui existent entre une entreprise et son écosystème, et de favoriser l’évolution des entreprises vers des modes opératoires plus soutenables, est un enjeu climatique et social immense. En effet, détourner ne serait-ce que 1 % de la capitalisation financière mondiale chaque année grâce à de nouvelles normes comptables financerait les 4 000 milliards d’euros nécessaires à une transition juste à l’échelle de la planète.

Encore faut-il, pour que cette bascule des marchés s’opère, que l’on soit en mesure de compter tout ce qui compte. Pour ce faire, une réponse mondiale est en cours d’élaboration au sein de l’International Sustainability Standards Board (ISSB), sous l’égide de la Fondation IFRS (l’organisme international des normes comptables), adoubée par les autorités internationales de régulation des marchés financiers.

Ce qui compte, en comptabilité d’entreprise, est ce qui est matériel : une information dont l’omission pourrait influencer la décision d’acheter ou de vendre des actions d’une entreprise, ou de lui prêter ou pas des capitaux.

Dans ce domaine, l’Europe a fait un choix normatif ambitieux, en exigeant que la matérialité s’étende au-delà du domaine économique : en plus de ses bailleurs de fonds, il s’agit pour l’entreprise de compter tout ce qui importe pour toutes ses parties prenantes. Pour définir cette approche, un terme a été choisi : la « double matérialité » – « Corporate Sustainability Reporting Directive » (CSRD), ou directive sur la publication d’informations extrafinancières pour les grandes entreprises.

Une triple illusion

Evidente de prime abord, cette conception est en réalité simpliste. Devenue le cri de ralliement de ceux qui rejettent en bloc la matérialité ordinaire des marchés financiers, désormais réputée « simple », elle entretient une triple illusion et porte un angle mort dangereux.

La première illusion est que la puissance performative de la matérialité serait en soi transposable hors de l’économie. Séduisant, mais piégeux. La matérialité d’une information sur les marchés est sanctionnée par une décision immédiate, claire et forte : acheter ou vendre. Or, le volet non économique d’une double matérialité ne motive aucune sanction immédiate, claire ou forte. Un sujet majeur pour un acteur sera en effet secondaire pour un autre.

Par exemple, la pollution d’une rivière entraînera des préoccupations bien différentes selon qu’il s’agit de la municipalité qui supportera le coût de la dépollution, de l’association de pêche locale qui déplorera la disparition de son espèce favorite, ou d’une ONG qui ne décomptera au contraire que les espèces protégées.

Il vous reste 55.3% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« Nous les ouvriers », sur France 2 : un siècle et demi d’une aventure humaine, douloureuse et solidaire

Carte postale vers 1910 : « Magasin de gros des coopératives de France. Usine d’Audierne (conserves de poissons). Huilage et mise en boîtes ».

FRANCE 2 – MARDI 10 OCTOBRE À 21 H 10 – DOCUMENTAIRE

Après Nous paysans (5,5 millions de téléspectateurs en novembre 2022), le réalisateur Fabien Béziat s’attelle, cette fois avec Hugues Nancy, à retracer un siècle et demi d’histoire de la classe ouvrière. Sur le même principe : les séquences d’images d’archives commentées en voix off, selon une progression chronologique, alternent avec les entretiens réalisés auprès d’une trentaine d’ouvriers, apprentis, actifs ou retraités – sur leur lieu de travail, chez eux ou dans des entrepôts désaffectés.

Intéressante, la partie historique se révèle toutefois sans surprise, surtout pour ceux qui se souviennent du Temps des ouvriers (série de Stan Neumann, 2020). A l’image de l’utilisation d’un extrait de La Sortie de l’usine Lumière à Lyon (1895), des frères Lumière, en introduction et en conclusion. A la narration, le comédien Anthony Bajon (La Prière, de Cédric Kahn, 2018) prend des intonations de lutte des classes et s’exprime à la première personne du pluriel. « C’est nous qui… fabriquons, faisons, manifestons, nous battons… pour des droits dont tous profitent », dit-il. Le manque de reconnaissance est présent tout au long du film.

Le travail des enfants est dénoncé, comme les cadences insoutenables, mais on y souligne la fierté, la solidarité et les acquis sociaux, au fil des deux conflits mondiaux (avec pour conséquences l’emploi des femmes et d’immigrés), des grèves de 1936 puis des grèves insurrectionnelles de 1947-1948 – que le commentaire déclare « oubliées » – et de Mai 68. Si les années 1970 marquent l’apogée de la classe ouvrière, la fin des « trente glorieuses » annonce les fermetures massives. « J’ai tant pleuré pour y aller. Après j’ai tant pleuré parce qu’on n’y allait plus », résume Martine Geselle, de la filature Leurent, à Tourcoing (Nord).

Conditions de travail

Emouvants et sincères, les témoignages donnent tout son intérêt au film. Jean-Pol Massina raconte sa peur à son arrivée dans la mine à 14 ans ; Christian Corouge « incarne » l’usine Peugeot de Sochaux ; Aimable Patin, les Charbonnages de France ; Pascale Gloaguen et Nicole Lesage, la sardinerie de Douarnenez. Denise Bailly-Michels montre une photo de son père, Charles Michels, syndicaliste et militant communiste. Elle lit la lettre envoyée avant qu’il soit fusillé par les nazis, le 22 octobre 1941 : « Nous nous sommes battus pour que les travailleurs aient une vie meilleure. Cela viendra. »

Les conditions de sécurité et de travail se sont effectivement améliorées pour les 5 millions d’ouvrières et d’ouvriers d’aujourd’hui. Leur nombre devrait augmenter, boosté par les relocalisations – comme celle de la filature Emanuel Lang à Hirsingue (Haut-Rhin) – et la transition écologique. Indispensables ouvriers : pour la première fois de l’histoire des Etats-Unis, un président, Joe Biden, a apporté son soutien aux grévistes de l’usine General Motors du Michigan, le 26 septembre.

Nous les ouvriers, documentaire de Fabien Béziat et Hugues Nancy (Fr., 2023, 90 min), suivi de « La Nuit du documentaire », consacrée au travail, à partir de 22 h 50.

A la Banque de France, le suicide de deux salariés empoisonne le dialogue social

Le climat social se tend à la Banque de France. Au cours d’un comité social et économique (CSE) qui se réunit mercredi 11 octobre, les représentants des salariés devraient voter une demande d’expertise « pour danger grave et imminent ». L’enquête serait confiée au cabinet Technologia. Cette demande d’expertise intervient après que deux salariés ont mis fin à leurs jours en juin, deux drames qui n’auraient pas, selon les représentants syndicaux contactés, suscité de réponse adaptée de la part de la direction de l’établissement. Sollicitée, celle-ci n’a pas souhaité s’exprimer officiellement en amont du CSE.

Les deux salariés en question travaillaient pour la filière fiduciaire, qui est chargée de l’impression des billets de banque d’abord, et de leur tri ensuite, opération qui vise à retirer de la circulation les exemplaires abîmés ou les faux billets. Tous deux étaient élus du personnel : l’un était en poste dans le Nord, l’autre au centre de La Courneuve (Seine-Saint-Denis). « Ces deux suicides n’ont pas eu lieu sur le lieu de travail, mais l’un des deux collègues décédés a laissé une lettre incriminant ses conditions de travail », explique un document de la CGT-Banque de France.

A la suite de ces deux drames, la Banque de France a mis en place une cellule psychologique et lancé une enquête paritaire en interne sur le deuxième suicide, et dont les conclusions sont attendues pour fin octobre. L’affaire, déjà dramatique en soi, a pris un tour plus socialement sensible le 11 septembre.

« Une forme de mépris »

Ce jour-là se tenait un CSE extraordinaire consacré aux conditions de travail, en présence de l’inspection du travail. Or, ni le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, ni aucun des deux sous-gouverneurs, Denis Beau ou Agnès Benassy-Quéré, n’étaient présents. « Nous avons vu cela comme une forme de mépris, de désintérêt », explique Yannick Guillemaud, élu du Syndicat national autonome du personnel de la Banque de France (SNABF-Solidaires) et représentant des salariés au conseil général de la banque – l’équivalent du conseil d’administration. « On voulait donner sa chance au dialogue », regrette Benoît Chauvet, secrétaire général du SNABF-Solidaires, deuxième syndicat de la Banque de France, derrière la CGT. Les deux organisations rassemblent environ 70 % des voix, la CFE-CGC représentant environ 23 % des suffrages exprimés lors des dernières élections, en mars.

« Entre juin et septembre, la banque n’a fait aucune communication générale », fait également remarquer Hugo Coldeboeuf, délégué syndical de la CGT-Banque de France. Ce dernier n’hésite pas à faire le parallèle avec la situation qui a mené 35 salariés de France Télecom à se donner la mort entre 2008 et 2009. « L’épuisement du corps social est très palpable, ça craque », insiste-t-il.

Il vous reste 39.9% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

L’exécutif suspecté de vouloir réduire l’indemnisation des accidents du travail

Le gouvernement est-il en train de réduire les droits des personnes dont la santé ou l’intégrité physique s’est altérée à cause de leur emploi ? La polémique monte depuis que le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2024 a été présenté, le 27 septembre, en conseil des ministres. A son article 39, le texte contient des mesures pour « moderniser l’indemnisation d’accident du travail ou de maladie professionnelle ». Un intitulé trompeur aux yeux de deux organisations ayant pignon sur rue : l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante (Andeva) et la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (Fnath). Elles dénoncent un « bras d’honneur » et une « trahison » à l’égard des salariés.

A l’origine de la controverse, il y a un renversement de jurisprudence à l’occasion de deux arrêts rendus le 20 janvier par la Cour de cassation. Les litiges renvoyaient à un système de réparations, construit à partir de 1898 sur la base d’un compromis entre les syndicats et le patronat. Lorsqu’un individu est reconnu, par la « Sécu », comme étant victime d’une maladie ou d’un accident lié à son métier, il touche une rente de la part de la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) du régime général. Ce même individu a, de surcroît, la possibilité de toucher de nouveaux dédommagements – en plus de la « rente AT-MP » – si son employeur est condamné pour « faute inexcusable ».

C’est cette mécanique que la Cour de cassation a chamboulée. Grâce à ses deux décisions du 20 janvier, les victimes ont droit à une réparation complémentaire, pour leurs souffrances physique et morale, sans avoir à prouver que ce préjudice spécifique n’est pas pris en charge – alors qu’auparavant, elles devaient le démontrer.

« Forte augmentation des dépenses » pour les employeurs

Mais l’affaire a connu un rebondissement. Dans l’accord national du 15 mai sur la branche AT-MP qu’ils ont signé unanimement, les syndicats et le patronat ont demandé au gouvernement de prendre des dispositions face à cette jurisprudence susceptible – selon eux – de remettre en cause le compromis « historique » de 1898 et la « nature » de la rente AT-MP.

L’article 39 du PLFSS est présenté par le gouvernement comme une réponse à cette requête des partenaires sociaux – même si FO et la CGT disent, aujourd’hui, ne pas se reconnaître dans cette disposition. Pour l’exécutif, il s’agit également, comme l’indique l’étude d’impact du projet de loi, « d’améliorer l’indemnisation » des victimes d’AT-MP, « tout en limitant le risque économique pour les entreprises », celles-ci étant mises à contribution dans le cadre d’une procédure pour faute inexcusable. Si aucune mesure n’était prise, cela entraînerait « une forte augmentation des dépenses » pour les employeurs, mais aussi pour la branche AT-MP et le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante.

Il vous reste 9.21% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Un salarié contrôlé par un client mystère a été licencié

Droit social. Il y a contrat de travail quand une personne s’engage à travailler pour le compte et sous la direction d’une autre personne moyennant rémunération. Il a été déduit de cette définition jurisprudentielle du contrat de travail un pouvoir d’organisation du travail. Il s’y ajoute, selon la formule du célèbre arrêt Poliet-Chausson de la Cour de cassation du… 16 juin 1945, encore reprise en substance en 1987, que l’on ne peut « priver le patron d’un pouvoir disciplinaire, inhérent à sa qualité (…) sous la seule réserve du contrôle de l’autorité judiciaire ».

Le législateur a encadré, notamment par la loi Auroux du 4 août 1982, ce pouvoir disciplinaire. Toutefois, sauf pour des motifs discriminatoires, des agissements de harcèlement moral ou des faits de harcèlement sexuel qui sont qualifiés par la loi de « faute », il s’est bien gardé – et c’est logique – de dresser une liste exhaustive de comportements fautifs. Il appartient à l’employeur de démontrer la réalité du fait, puis de qualifier celui-ci d’agissement fautif ou d’abstention fautive, pour ensuite appliquer une sanction devant figurer au règlement intérieur de l’entreprise, tout en suivant une procédure décrite dans le code du travail.

Il se pose dès lors la question de la preuve de ce qui déclenche ce pouvoir disciplinaire. Il ne fait guère de doute que l’essor et la démocratisation des technologies de contrôle à distance des appareils numériques, de vidéosurveillance ou de géolocalisation ont conduit à renouveler le cadre d’appréciation de l’exercice du pouvoir disciplinaire de l’employeur.

Circonstances déloyales

Le contentieux lié à l’utilisation de ces technologies comme mode de preuve est abondant. Les tribunaux écartent classiquement les preuves obtenues dans des circonstances déloyales ou par un procédé portant une atteinte injustifiée ou disproportionnée aux droits et libertés du salarié.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Avec la crise sanitaire, un risque accru de sanctions disciplinaires

C’est un moyen pour le moins original qui a conduit à un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 6 septembre 2023 : le recours à un rapport fait par un client mystère à l’appui d’une sanction. Ce dernier est chargé par une entreprise ou un prestataire de se faire passer pour un client ordinaire pour tester la qualité des services de toute structure recevant du public. Le client mystère se rend sur les lieux pour observer et évaluer la prestation, en fonction d’un cahier des charges et d’une série de critères, éventuellement avec un scénario défini par le commanditaire.

Un salarié, employé dans le domaine de la restauration, avait fait l’objet d’une visite d’un client mystère, lequel a relevé à cette occasion de graves manquements à la procédure d’encaissement des repas. Sur la base des faits constatés lors de ce contrôle, l’employeur a déclenché une procédure disciplinaire à l’encontre du salarié en cause qui a conduit à un licenciement.

Il vous reste 25.84% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Hollywood : les scénaristes entérinent l’accord avec les studios

Des acteurs grévistes manifestent devant les locaux de Netflix situés à Hollywood, à Los Angeles, le 27 septembre 2023.

Les scénaristes d’Hollywood ont approuvé à une quasi-unanimité l’accord avec les studios, mettant ainsi fin officiellement à l’une des plus longues grèves de l’histoire de l’industrie aux Etats-Unis.

« 99 % des membres de la WGA [Guilde des scénaristes] ont voté en faveur de la ratification » de l’accord avec les studios, a écrit ce syndicat sur les médias sociaux.

En septembre, après 148 jours de grève, le syndicat des scénaristes avait annoncé un accord avec les grands studios Disney et Netflix en faveur d’une revalorisation de leur rémunération, en berne à l’ère du streaming, et des mesures de protection face à l’intelligence artificielle (IA).

La ratification de cet accord par une majorité des 11 500 membres du syndicat ne faisait aucun doute et les scénaristes avaient repris le travail, permettant le retour sur les ondes des principaux talk-shows américains la semaine dernière.

« Un progrès important pour notre industrie »

Si les scénaristes sont de retour au travail, quelque 160 000 acteurs, cascadeurs, danseurs et autres professionnels du petit et du grand écran, qui avaient rejoint la grève en juillet, n’ont toujours pas d’accord avec les studios.

Les pourparlers entre les acteurs grévistes du grand syndicat SAG-Aftra (pour Screen Actors Guild‐American Federation of Television and Radio Artists – « Guilde des acteurs-Fédération américaine des artistes de la télévision et de la radio ») et les patrons de studios d’Hollywood ont commencé la semaine dernière et devaient reprendre lundi.

Mais les revendications salariales portées par la SAG-Aftra, de même que la demande de garanties face à l’intelligence artificielle (IA), vont plus loin que celles de leurs collègues scénaristes.

Les acteurs craignent que l’IA ne soit utilisée pour cloner leur voix et leur image, sans leur consentement et sans rémunération.

L’Alliance des producteurs de films et de télévision, qui représentait les plus grands studios de l’industrie lors des négociations avec la WGA, a salué lundi la ratification du nouveau pacte avec les scénaristes qui « représente des gains et des protections significatifs » pour ces derniers et « constitue un progrès important pour notre industrie ».

Le Monde avec AFP

Grève des contrôleurs aériens : 40 % des vols annulés à Paris-Orly vendredi

Des voyageurs attendent leur vol à l’aéroport de Paris-Orly.

La direction générale de l’aviation civile (DGAC) a demandé, lundi 9 octobre, aux compagnies aériennes de renoncer à 40 % de leur programme de vols vendredi à Paris-Orly, le deuxième aéroport français, en raison d’une grève interprofessionnelle relayée par un syndicat de contrôleurs aériens.

Les transporteurs ont également été appelés à réduire de 20 % leur programme de vols à Marseille-Provence et de 15 % à Beauvais, a précisé dans un communiqué la DGAC, en prévenant que l’activité des centres en route de la navigation aérienne, qui gèrent les appareils circulant dans le ciel français, serait également affectée.

« Du jeudi 12 octobre 2023 dans la soirée jusqu’au samedi 14 octobre 2023 à 6 heures du matin, le trafic aérien sera perturbé au départ et à l’arrivée des aéroports de Paris-Orly, Marseille-Provence et Beauvais », a ajouté la DGAC dans son communiqué. « En dépit de (…) mesures préventives, des perturbations et des retards sont néanmoins à prévoir », a souligné la DGAC, qui invite « les passagers qui le peuvent à reporter leur voyage et à s’informer auprès de leur compagnie aérienne pour connaître l’état de leur vol ».

Des « inégalités de salaires » à la DGAC

Le syndicat ayant appelé à faire grève est l’Union syndicale de l’aviation civile-CGT (USAC-CGT), minoritaire au sein des contrôleurs aériens mais déjà en pointe au printemps dans la mobilisation contre la réforme des retraites. Parmi les points défendus par l’USAC-CGT figure le fait que « les agents DGAC commencent à être impactés par la réforme ». L’organisation a aussi relevé « de plus en plus d’inégalités à la DGAC, en particulier en matière de salaires » et critiqué « le dynamitage du service public de l’aviation ».

Ce préavis intervient un mois après que le premier syndicat de contrôleurs aériens, le SNCTA, s’est engagé à respecter une « trêve olympique », c’est-à-dire à ne pas faire grève d’ici à la fin des Jeux olympiques et paralympiques prévus en France pendant l’été 2024.

De nombreuses journées de grève des contrôleurs aériens français en début d’année, lors du conflit sur les retraites, avaient conduit la DGAC à demander aux compagnies aériennes d’annuler de façon préventive une partie de leurs vols.

Le Monde avec AFP

Prix Nobel d’économie : Claudia Goldin, « Femina economicus »

Claudia Goldin, à Cambridge (Massachusetts), aux Etats-Unis.

Le jury de la Banque de Suède a doublement innové, à son échelle, en décernant, lundi 9 octobre, son prix 2023 pour la science économique, parfois appelé « Nobel de l’économie » à Claudia Goldin. Pour la première fois, il a choisi une femme comme lauréate unique – les deux précédentes, Elinor Ostrom en 2009 et Esther Duflo en 2019, étaient « colauréates » aux côtés d’économistes masculins – Oliver Williamson pour la première, Abhijit Banerjee et Michael Kremer pour la seconde. Et il a choisi une économiste spécialiste des inégalités de genre.

Ce champ de la recherche économique s’est énormément développé depuis une quinzaine d’années, surtout aux Etats-Unis, mais le jury suédois l’avait jusqu’ici ignoré, alors que « l’entrée massive des femmes sur le marché du travail est un des phénomènes économiques majeurs dans les pays développés au XXe siècle », note Hélène Périvier, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE-Sciences Po), spécialiste des politiques sociale et familiale.

« Claudia Goldin, aujourd’hui âgée de 77 ans, est enfin récompensée comme pionnière : elle a été la première économiste à se saisir de la femme comme objet économique », observe Philippe Askenazy, directeur de recherche au CNRS, professeur associé à l’Ecole normale supérieure et chercheur à l’Ecole d’économie de Paris. « Et elle a beaucoup œuvré pour promouvoir les femmes dans la discipline », ajoute-t-il, par exemple en poussant les étudiantes à entrer dans la carrière, en concevant des programmes destinés à les y attirer, et en prenant elle-même d’importantes responsabilités.

Professeure à Harvard

Car tout en s’efforçant ainsi de mieux « coller » à l’air du temps, la vénérable institution suédoise se conforme à ses traditionnels canons de la reconnaissance institutionnelle. Claudia Goldin est professeure d’économie à Harvard, cœur du système universitaire américain – elle fut d’ailleurs la première femme à y obtenir un poste de professeur titulaire au département d’économie, en 1990. Elle a été présidente de l’American Economic Association (2013-2014), a reçu de nombreux prix et elle est membre des plus prestigieuses institutions de recherche américaines (National Bureau of Economic Research, National Academy of Sciences).

Surtout, dans la plus pure tradition de la théorie économique, ses recherches portent sur la façon dont les comportements individuels des femmes américaines sur le marché du travail « répondent » à des chocs ou à des incitations externes, de quelque ampleur qu’ils soient : la mobilisation économique et industrielle née de la seconde guerre mondiale, l’apparition de la pilule contraceptive, l’arrivée d’un enfant, les pratiques de recrutement ou de gestion des carrières des entreprises et des organisations.

Il vous reste 51.34% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« Que sait-on du travail ? » : avec l’Index de l’égalité professionnelle, des bonnes notes sans impact majeur

25,6 % : A peine plus d’un quart des postes de l’emploi privé sont effectivement concernés par le calcul des écarts de rémunération, au sens de l’Index de l’égalité professionnelle. Cet outil de mesure, né en 2018, soumet les entreprises de plus de cinquante salariés à une obligation de résultat en matière d’égalité femmes-hommes. De fait, 43,9 % des emplois en sont exclus car appartenant à des structures de moins de cinquante salariés. Pour le reste, soit ils ont été écartés par la méthodologie du gouvernement, soit les entreprises concernées ont déclaré leur index « incalculable ».

Ce chiffre, parmi d’autres, témoigne des nombreux défauts de l’index, pointés par une équipe de chercheurs de l’Institut des politiques publiques (IPP). Leurs résultats sont synthétisés dans une contribution pour le projet de médiation scientifique « Que sait-on du travail ? » du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (Liepp), diffusé en collaboration avec les Presses de Sciences Po sur la chaîne Emploi du site Lemonde.fr.

Les auteurs rappellent d’abord le fonctionnement de cette grille de notation d’un genre nouveau. Chaque entreprise est notée sur cent points, un total qui additionne un certain nombre de paramètres : l’écart de salaire horaire entre femmes et hommes (40 points), un indicateur de mobilité salariale (35), les augmentations de salaire des femmes à l’issue d’un congé maternité (15), et le nombre de femmes et hommes parmi les dix plus hautes rémunérations de l’entreprise (10). En cas de score en dessous de 75/100, les entreprises ont trois ans pour mettre en place des mesures correctives.

Si la note moyenne des sociétés n’a cessé d’augmenter, passant de 82,4/100 en 2018 à 85,9/100 en 2021, les chercheurs mettent en évidence que la mise en place de l’Index n’a pas de réel effet sur les inégalités femmes-hommes dans les entreprises concernées. En effet, les entreprises qui publient l’Index ne réduisent pas particulièrement plus vite les discriminations que les autres.

L’analyse de l’IPP remet aussi en cause la méthodologie de l’Index, complexe et demandant du temps – ce qui n’est pas chose aisée pour des PME sans service de ressources humaines – en plus d’exclure des calculs une grande partie de la population salariée (notamment ceux ayant une ancienneté dans l’entreprise inférieure à six mois). Par ailleurs, certains raccourcis comme l’application d’un seuil de tolérance (tous les écarts inférieurs à 5 % sont ramenés à 0) donnent « une représentation plus resserrée des écarts de salaire femmes-hommes ».

Il vous reste 24.37% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.