Archive dans mai 2022

A Marseille, l’arrêt de « Plus belle la vie », un choc pour l’économie locale

Sur le tournage de « Plus belle la vie », à Marseille, le 23 mars 2022.

Derrière les grands murs ocre du Pôle média de la Belle-de-Mai, dans le 3e arrondissement de Marseille, le cœur de Plus belle la vie (PBLV) bat encore. A l’entrée du parking, des petits panonceaux frappés du logo de la série remercient les fans de leur soutien et de leur fidélité, et annoncent que les acteurs n’arrêteront plus leur voiture « en raison du contexte de crise sanitaire ». Mais, à l’abri des façades aveugles, les équipes qui produisent le pionnier des feuilletons quotidiens français s’activent toujours. « On bosse, bien sûr, même si l’ambiance n’est pas la même que d’habitude. Plus belle la vie a toujours été une grande famille, mais là, les gens se resserrent encore plus », reconnaît, entre deux allers-retours en voiture, Rémi Chiarel, « capitaine transports », plus de dix ans de régie PBLV au compteur.

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Le 5 mai, ici même, la terre a tremblé. Dans le petit studio, celui où tourne habituellement l’équipe D (qui se consacre aux séquences plus intimes, avec peu de comédiens), France Télévisions et Newen – respectivement diffuseur et producteur de Plus belle la vie – sont venus annoncer son arrêt. Après dix-huit ans, la plus longue aventure des séries audiovisuelles françaises prendra fin, le 30 septembre. Le dernier épisode sera diffusé le 18 novembre.

« C’était prévisible, mais, le jour de l’annonce, tout le monde était désabusé », se remémore Zoé Le Bec, technicienne lumière de 28 ans, qui, comme son mari, Félix, perchman, doit depuis quelques années son statut d’intermittente à PBLV. « Sonné », « groggy », « assommé »… Les mêmes mots reviennent en boucle parmi les 600 techniciens, acteurs, assistants qui participent, sur l’année, à la production des cinq épisodes hebdomadaires de ce « soap » familial.

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« Cela n’a pas de précédent d’arrêter un programme aussi ancien », reconnaît Vincent Meslet, directeur général de Newen France. Programme prônant le vivre-ensemble, Plus belle la vie, qui a révolutionné les modes de fabrication des séries et s’est aventuré sur tous les sujets de société (transidentité, violences conjugales, légitime défense, maladie), a été précurseur à plus d’un titre. Cependant, ces dernières années, les audiences se sont érodées, passant de 7 millions de téléspectateurs dans les années 2000 à 2,7 millions sur la saison 2021-2022, selon Médiamétrie. « Les plates-formes et les talk shows de Cyril Hanouna [“Touche pas à mon poste”] et de Yann Barthès [“Quotidien”] ont grignoté le public jeune et la qualité éditoriale des trois autres [séries] quotidiennes a changé le regard sur Plus belle la vie », analyse Stéphane Sitbon-Gomez, le directeur des antennes et des programmes de France Télévisions.

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Exposition à l’amiante : dix-sept anciens salariés de la marine nationale seront bien indemnisés

Le Conseil d’Etat a rejeté un pourvoi en cassation du ministère des armées et confirmé l’indemnisation pour « préjudice moral » lié à l’amiante de dix-sept anciens salariés de la marine nationale. « L’Etat versera une somme de 3 000 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative » aux personnes concernées, précise la décision du Conseil d’Etat rendue vendredi 13 mai.

L’affaire avait été examinée par le tribunal administratif de Rennes en juin 2019, puis par la cour d’appel administrative de Rennes qui avait confirmé sur le fonds, en janvier 2021, le jugement de première instance. Le ministère des armées avait alors saisi le Conseil d’Etat.

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Ces anciens salariés, pour la plupart marins d’Etat ayant passé une partie de leur carrière à bord de bâtiments de la marine nationale, avaient saisi la justice pour avoir été, dans le cadre de leurs fonctions, exposés aux risques présentés par l’inhalation de poussière d’amiante présente sur ces navires.

Ils étaient de ce fait, selon leur requête, exposés à un risque élevé de développer une pathologie grave de nature à engendrer un préjudice d’anxiété indemnisable. L’exposition à l’amiante, interdite en 1997, peut exposer les victimes au cancer de la plèvre susceptible de se déclarer des années plus tard.

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Le Monde avec AFP

Management : « Le développement de l’autonomie conférée aux salariés offre une liberté en trompe-l’œil »

Valoriser son « capital humain », ses « soft skills » (compétences générales), son « savoir-être », voilà autant de conseils donnés aux étudiants et aux salariés pour favoriser leur employabilité. Ces concepts désignent les compétences subjectives comportementales et relationnelles des individus telles que le dynamisme, la créativité, l’esprit d’entreprise et tout autre trait de personnalité qu’un individu peut développer dans sa vie personnelle ou professionnelle.

L’un des enjeux de la valorisation de ces compétences est de souligner que les salariés, loin d’être de simples « charges » pour les entreprises (c’est le statut que leur assigne le système comptable), constituent en fait un véritable capital humain tout aussi déterminant pour leur pérennité que le capital financier détenu par les actionnaires.

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Or, malgré des intentions de départ potentiellement louables, cette tendance générale à la mise en avant des soft skills et du capital humain n’est pas sans risque. C’est en tout cas le résultat d’une étude que nous avons récemment menée et qui aboutit à mettre en garde contre la « face sombre » de ces concepts.

Une nouvelle étape dans la quantification du monde

L’introduction des concepts de capital humain et de soft skills au sein des entreprises et des études scientifiques, particulièrement dans le champ comptable, a entraîné une objectivation des qualités subjectives des individus réduites à des indicateurs pouvant être mis en parallèle avec les performances économique et financière des entreprises.

Cette logique, poussée à l’extrême, amène à légitimer une meilleure valorisation d’un salarié sympathique, docile ou entreprenant, selon des critères subjectifs qui interrogent. Il s’agit d’une nouvelle étape dans la quantification du monde et dans sa marchandisation, puisque c’est ici la « personnalité » des individus qui devient mesurable et valorisable financièrement.

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C’est précisément ce phénomène qui se joue lorsque le groupe Carrefour propose de mettre en place un nouveau dispositif appelé « blabla caisses ». Destinées à recréer du lien social, ces caisses permettent d’instaurer pour les personnes qui le désirent un temps d’échange entre l’hôte de caisse et son client, en leur permettant de prendre le temps de discuter.

Une logique de compétition et de distinction permanente

Si cette idée a été accueillie avec un certain succès par les salariés, qui demeurent libres d’y participer, il s’agit par de telles actions de faire rentrer dans le processus de marchandisation une action, jusqu’à ce jour, normale (échanger avec le caissier ou la caissière), que les mêmes entreprises ont contribué à détruire en installant et en encourageant le passage aux caisses automatiques, et avant cela en augmentant au maximum la cadence des passages en caisse.

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En France, le mauvais bilan des accidents du travail mortels

La France est-elle vraiment la plus mauvaise élève d’Europe en matière d’accidents du travail ? A l’occasion de la Journée internationale de commémoration des travailleuses et travailleurs morts ou blessés au travail, la Confédération européenne des syndicats (CES) a publié un manifeste le 28 avril pour mettre fin aux accidents du travail mortels d’ici à 2030 au sein de l’Union européenne.

Selon les chiffres avancés dans ce document, qui reprend les données d’Eurostat, le nombre d’accidents mortels au travail a globalement diminué ces dix dernières années en Europe, mais il a augmenté en France : passant de 537 en 2010 à 803 en 2019. Le pays enregistre également le taux d’incidence le plus élevé d’Europe, avec 3,53 accidents mortels en moyenne pour 100 000 travailleurs.

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Si on rapporte ce taux au poids des activités « à risque » dans chaque pays, la France arrive deuxième derrière le Luxembourg. Avec ce triste record, l’Hexagone devrait enregistrer près de 8 000 décès supplémentaires dus au travail d’ici à 2030, contre 563 pour la Pologne ou 3 143 pour l’Allemagne.

Sur les réseaux sociaux, Jean-Luc Mélenchon a réagi, accusant la France d’être « championne de l’hécatombe : 1 200 morts du travail par an ». Le leader de La France insoumise a repris les chiffres du rapport annuel de l’Assurance maladie, qui englobe les accidents du travail stricto sensu, mais aussi les accidents sur le trajet domicile-travail et les décès liés aux maladies professionnelles.

« On mélange des chiffres qui ne sont pas comparables »

De l’avis de Me Camille Pradel, avocat spécialiste de la santé au travail, « on mélange des chiffres qui ne sont pas comparables ». Les mauvais résultats de la France s’expliqueraient en partie par une procédure de reconnaissance des accidents du travail plus stricte que dans d’autres pays. En particulier, le caractère professionnel d’une lésion interne (crise cardiaque, rupture d’anévrisme…) n’est pas automatiquement reconnu dans d’autres pays ; alors qu’en France, « toute lésion sur le lieu de travail est présumée d’origine professionnelle ».

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Il n’en demeure pas moins que le nombre d’accidents du travail enregistrés est en augmentation en France depuis dix ans, hormis en 2020. Selon l’Assurance-maladie, la hausse de ces dernières années s’explique en partie par la baisse du chômage : rapporté au nombre de salariés, le taux d’accidents reste stable.

Dans son dernier rapport, l’Assurance-maladie met aussi en avant une « amélioration sensible de la qualité du processus de reconnaissance » des accidents du travail mortels. Une des conséquences de cette amélioration serait « un accroissement statistique du nombre de reconnaissances des AT [accidents du travail] mortels consécutifs à des malaises » (180 cas de plus en 2019 par rapport à 2018).

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« La démocratie doit se développer dans l’entreprise en renforçant la participation directe des travailleurs »

Les dirigeants d’entreprise et les représentants du personnel devraient s’entendre pour développer le dialogue professionnel, c’est-à-dire la participation directe des travailleurs. L’enjeu, c’est le développement des personnes et des organisations ; essentiel pour améliorer la qualité du travail.

Ce dialogue professionnel doit permettre aux travailleurs de réfléchir sur le travail au sein des équipes, avec les manageurs de proximité : sur la manière dont il est organisé, le séquencement des tâches, les rythmes de travail, la polyvalence, les critères de qualité du travail pour les clients, patients ou usagers, et pour la préservation de l’environnement.

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La communication est parfois abondante dans les entreprises, mais celle-ci ne fait pas des travailleurs les acteurs de leur propre travail, des transformations technologiques ou organisationnelles, de leur avenir et de celui de leur entreprise. Cela génère de la frustration.

Progrès social et économique

L’actualité montre que les besoins des salariés sont avant tout matériels dans une période d’incertitude et d’augmentation accélérée des prix à la consommation. Mais la possibilité pour chacun de se réaliser par le travail, d’être reconnu par ses pairs et les manageurs, de pouvoir travailler en confiance reste essentielle. La démocratie ne peut fonctionner uniquement à l’échelle de la société. Elle doit se développer dans l’entreprise en renforçant la participation directe des travailleurs.

Une stratégie syndicale affirmée de soutien à la participation directe des travailleurs peut constituer une voie pour le renouveau du syndicalisme ; pour un syndicalisme capable de renouer avec sa base

Cela est de la responsabilité conjointe des dirigeants et des syndicalistes. L’intérêt commun est celui du progrès social et économique ; d’un juste équilibre du progrès pour les individus et pour les organisations. Cette méthode axée sur le dialogue professionnel évite de s’enfermer ou de s’opposer sur des modèles d’organisation du travail par trop abstraits pour les travailleurs.

C’est par la participation directe des travailleurs que l’autonomie au travail advient et que l’on peut s’inscrire dans une organisation apprenante. L’entreprise y a intérêt pour instaurer un progrès réellement continu et pour réussir ses transformations technologiques ou organisationnelles.

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Dans la période, c’est aussi un enjeu pour l’attractivité des emplois. Les syndicats devraient soutenir ce développement d’un dialogue professionnel constructif, dans l’intérêt des travailleurs, mais aussi de celui des syndicats, afin d’inverser une courbe de désyndicalisation qui peut entraîner l’effondrement de la solidarité entre les différentes composantes du monde du travail.

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Conditionnalité du RSA : « Le droit à l’insertion est une particularité française en train de disparaître »

Dans le programme qu’il a présenté pour sa réélection, le président de la République, Emmanuel Macron, a souhaité que les allocataires du revenu de solidarité active (RSA) aient une obligation de « quinze ou vingt heures d’activité ». Il a comparé cette réforme au « contrat d’engagement jeune », lancé juste avant la séquence électorale, censé compenser le refus d’étendre le RSA aux moins de 25 ans. Ces quinze ou vingt heures constitueraient, selon le président, une « activité qui permet l’insertion ».

La promesse vise en fait deux types de personnes. Les premiers sont les électeurs et les électrices de droite. Le projet est proche de celui de Valérie Pécresse et de collectivités locales comme le Haut-Rhin, où le « bénévolat obligatoire » a finalement été validé par le Conseil d’Etat et la cour d’appel de Nancy en 2020. Le but de l’annonce est évidemment de séduire de nouveaux électeurs par un message de « rigueur ». Les autres personnes visées sont… les pauvres, actuels et futurs allocataires du RSA. Plusieurs enquêtes (y compris des entretiens menés par mes soins) ont montré qu’ils ont reçu cette annonce avec appréhension.

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Dans leur vie courante, ils vivent déjà ce que les sociologues appellent des « freins à l’emploi » – très souvent, la garde d’enfants et le transport ne sont pas disponibles. Mais ils ressentent surtout, plus profondément, une mise en doute de leurs efforts. Le président place en effet sa proposition dans la catégorie des « droits et devoirs renforcés ». C’est un débat aussi ancien que la première mise en œuvre du revenu minimum d’insertion (RMI) en France, en 1988.

En 2014, Jean-Michel Belorgey, député PS et coauteur de la loi sur le RMI, soulignait l’originalité française par comparaison avec l’orientation « punitive » des dispositions sociales britanniques et américaines : on introduisait en France un deuxième droit qui accompagnait l’allocation. Ce fut le droit à l’insertion, qu’on appelle plus souvent, désormais, le droit à l’accompagnement, marquant la spécificité des politiques françaises – une particularité en train de disparaître, à l’instar de ce que souhaite le président de la République pour la protection sociale en général.

« Revenu de survie »

Le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE) a pourtant souhaité, le 28 février, que cet accompagnement soit universellement accessible, à la demande des personnes candidates à l’insertion. Or, il ne l’est pas encore, comme l’a confirmé avec éclat le rapport de la Cour des comptes en janvier : le RSA est sous-financé à hauteur de 40 % des dépenses ; les financements pour l’insertion et l’accompagnement des collectivités locales n’ont cessé de diminuer depuis 2009. Les personnes candidates à l’insertion connaissent parfaitement ces logiques. D’où les craintes des allocataires !

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« Le système de rémunération des fonctionnaires empêche de mettre en place une bonne gestion des ressources humaines »

Face à la remontée de l’inflation, Emmanuel Macron a dû promettre une hausse du salaire des agents publics avant l’été. C’est une volte-face, alors que, fin 2021, la ministre de la fonction publique, Amélie de Montchalin, avait annoncé, pour la cinquième année consécutive, le maintien du gel de la valeur du point d’indice. Le résultat est, pour les fonctionnaires, une absence de lisibilité salariale : tantôt des mesures d’économies financières, comme le gel de la valeur du point, tantôt des revalorisations sectorielles (Ségur de la santé, Grenelle de l’éducation, Beauvau de la sécurité…) au gré de l’actualité des tensions sociales.

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En fait, le fonctionnement actuel du système de rémunération des agents publics empêche de mettre en place une bonne gestion des ressources humaines. Devenu illisible par sa complexité, il entretient des disparités notamment entre les métiers et les sexes, et se trouve complètement inadapté au retour de l’inflation. Le gel du point d’indice engendre une détérioration du pouvoir d’achat ayant pour conséquences une baisse du nombre de candidats aux concours, une démobilisation des agents publics et une part croissante de fonctionnaires rémunérés au smic.

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En effet, le smic progresse plus vite que le salaire moyen de la fonction publique, ce qui entraîne un tassement des grilles indiciaires. Le rattrapage des augmentations successives du smic par les grilles indiciaires fait que de plus en plus d’agents de catégories C et B sont rémunérés au smic. Cela provoque un sentiment de stagnation pour les jeunes agents et signifie pour les plus anciens une forte réduction du différentiel salarial lié à l’expérience.

Ces défaillances nécessitent une architecture de rémunération adaptée aux enjeux d’attractivité, de lisibilité et d’équité. A la revalorisation annoncée de la valeur du point, qui devient urgente, doit donc s’ajouter une refonte plus profonde.

Pour éviter les à-coups salariaux et conforter la confiance salariale entre les agents publics et leur employeur, une formule connue et applicable d’indexation de la valeur du point s’impose pour garantir une progression régulière des salaires et ne plus revivre le gel de longue durée.

Performance collective

Cette indexation offrirait l’occasion de revoir les déterminants de la part salariale indiciaire afin d’accroître sa part au détriment des primes et indemnités, devenues illisibles et injustes. Il faut aller vers une rémunération plus simple, basée sur le métier, moins liée à la qualification et à l’ancienneté. Un agent public percevrait ainsi une rémunération indiciaire comprenant une composante liée à son grade (c’est-à-dire à la qualification et à l’expérience acquise lors de son recrutement), et une autre composante liée aux fonctions et responsabilités exercées. Cela permettrait de réduire la part grandissante du régime indemnitaire non pris en compte dans le calcul des droits à la retraite et de valoriser davantage la pénibilité de certains métiers.

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Réforme des retraites : « Une consultation constructive des partenaires sociaux ne sera pas chose facile »

Dans son discours d’investiture, le président réélu a affirmé, le 7 mai, vouloir partager « les objectifs, les ambitions, les responsabilités au niveau national, en faisant travailler ensemble le gouvernement, l’administration, le Parlement, les partenaires sociaux ». La question d’une véritable concertation entre les pouvoirs publics et les partenaires sociaux sur les réformes que les premiers voudraient engager dans le domaine social, comme celle des retraites, se pose en effet.

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Le dialogue social a pourtant connu de profondes mutations ces deux dernières décennies. Au niveau interprofessionnel d’abord. La loi Larcher du 31 janvier 2007 stipule que toute réforme touchant aux relations de travail, à l’emploi ou à la formation professionnelle doit obligatoirement faire l’objet d’une concertation avec les partenaires sociaux en vue d’une négociation nationale interprofessionnelle. Cette évolution a transformé les partenaires sociaux en prélégislateurs, via des accords nationaux interprofessionnels (ANI). Des ANI ambitieux ont ainsi été conclus, ensuite transposés dans le droit positif, comme celui du 11 janvier 2008 créant la rupture conventionnelle ou celui du 11 janvier 2013 créant le compte personnel de formation. Mais l’ambition et la force normative des ANI ont ensuite diminué, du fait des difficultés à réunir un nombre suffisant de signataires parmi les syndicats de salariés, comme en témoigne l’échec de la négociation sur le dialogue social en janvier 2015. La CGT s’illustre d’ailleurs par sa fréquente absence de signature. Les ANI sur le télétravail du 26 novembre 2020 ou sur la santé au travail du 10 décembre 2020 sont dans cette logique et apparaissent surtout comme un énoncé de principes.

Nouveaux espaces de décision

Au niveau des branches et des entreprises, la place laissée aux partenaires sociaux pour décider de normes dans de nombreux domaines a été élargie par des réformes successives. La dernière d’importance a été opérée par les ordonnances travail de septembre 2017 et la loi Pénicaud de mars 2018, instaurant une double supplétivité, autrement dit un renversement de la hiérarchie des normes. Supplétivité des règles inscrites dans le code du travail par rapport à celles issues de la négociation collective, dans les limites des droits fondamentaux et du droit supranational. Et supplétivité des normes issues de conventions de branches vis-à-vis de celles issues de conventions d’entreprise, dans les limites de « l’ordre public professionnel » défini par les premières. Ces évolutions ont été rendues possibles par les transformations des critères de représentativité des syndicats, amorcées par la position commune signée le 9 avril 2008 par les seules CFDT et CGT, côté syndicats de salariés, qui remplace une représentativité de droit par une représentativité basée sur les résultats des élections professionnelles.

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« Les critères fixés pour avoir une retraite “normale” sont idéalisés (et très masculins) : quarante-trois ans de carrière, ascendante et sans interruption »

Il existe une fausse symétrie entre les programmes électoraux qui envisagent le report de l’âge légal de la retraite à 65 ans et ceux qui proposent de rétablir la possibilité de partir dès 60 ans. En effet, le projet de report de l’âge légal de la retraite à 65 ans ne provient pas d’une réflexion sur le sort des salariés, ni même sur l’équilibre financier du système. Ce projet, et le président de la République l’admet volontiers, est motivé par une stratégie de baisse des dépenses publiques et d’augmentation de la main-d’œuvre disponible. A l’inverse, le projet de retraite à 60 ans porté par la gauche apparaît certes très coûteux, mais il a pour lui le mérite de mettre au cœur des enjeux la question fondamentale du travail, de sa dureté et de poser clairement le sujet des progrès sociaux envisageables ou non pour les cinq ans qui viennent.

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La question de l’âge légal est, à raison, mise au centre des débats, car elle surdétermine toutes les autres : la souffrance au travail, l’aspiration au temps libre, le chômage ou l’invalidité des seniors prendraient une tout autre dimension avec une retraite décalée de trois ans. C’est la raison qui fait de l’âge un enjeu premier pour les assurés. Mais elle n’épuise pas les améliorations possibles du système de retraite. En effet, si notre système de retraite remplit, en moyenne, plutôt bien son rôle, qui consiste à offrir une « mise en sécurité sociale » et un véritable revenu de remplacement aux seniors, il présente également des limites importantes.

Ce que nous montrent les études, c’est que la retraite protège. Elle protège d’abord de l’exposition à des mauvaises conditions de travail, physiques et psychiques. Les travaux récents d’Eric Defebvre et Thomas Barnay soulignent que le passage à la retraite diminue nettement la probabilité de déclarer une incapacité ou un trouble dépressif, particulièrement fort dans les professions exposées à des facteurs de risque.

Carrière idéalisée

La retraite protège également de la précarité. Pour la moitié des ménages au niveau de vie le plus élevé, le passage à la retraite est l’expérience d’une baisse modérée du niveau de vie de 5 % à 25 %, comme l’a mesuré Hicham Abbas, de l’Insee. Pour les plus modestes, en revanche, le passage à la retraite améliore les revenus, car il marque le plus souvent la fin d’un sas de précarité (inactivité, chômage, invalidité) entre le dernier emploi et le début de la retraite. Le passage de la retraite de 60 à 62 ans a d’ailleurs nettement allongé ce sas de précarité qui touche principalement (et massivement) les ouvriers et les employés.

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Les accusations contre Taha Bouhafs rejaillissent sur « Le Média »

Le journaliste au Media Taha Bouhafs à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), samedi 7 mai 2022.

Le Média est-il en train d’affronter la quatrième crise de son histoire ? Avec les accusations d’agressions sexuelles dont Taha Bouhafs est la cible, son employeur voit la sincérité de son engagement féministe contesté par plusieurs anciennes collaboratrices.

Le pure-player réputé proche de La France insoumise a pourtant pris soin de prendre ses distances, dès mercredi 11 mai, avec son reporter, en congés sans solde depuis quelques jours en raison de sa candidature – désormais caduque – aux élections législatives de juin. « Les faits reprochés à Taha Bouhafs sont en totale contradiction avec les valeurs féministes et progressistes que notre coopérative défend depuis sa création, notamment au travers de son engagement éditorial », écrit ainsi la direction du site, promettant de « prendre les mesures qui s’avéreront nécessaires » pour retrouver une certaine cohérence.

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Cette déclaration a immédiatement fait bondir Virginie Cresci, journaliste au Média entre 2018 et 2019, qui a raconté sur Twitter, et pour la première fois publiquement, y avoir été traitée de « menteuse » et de « féminazie » plusieurs fois par son supérieur hiérarchique. « Il n’y a pas d’engagement féministe au Média. Cessez d’instrumentaliser cette cause et soyez dignes », a, à son tour, rétorqué Maud Le Rest, pigiste pour le site entre février et août 2021, sur le réseau social.

Cette dernière témoigne en effet d’une certaine difficulté à voir les sujets ayant notamment trait aux violences faites aux femmes retenus. Motifs invoqués, selon les situations et selon plusieurs témoins contactés par Le Monde : le peu d’audience qu’ils étaient supposés provoquer, ou encore le manque de moyens financiers de l’entreprise, qui obligeait à d’autres arbitrages. A l’époque, la jeune femme venait de répondre à une offre d’emploi spécialisé sur les questions de féminisme et de genre. Mais sa collaboration s’était limitée à des piges, alors que Taha Bouhafs venait, de son côté, de bénéficier d’un emploi pérenne : au Média, aucune journaliste femme ne bénéficie d’un CDI (sur treize salariés, dont deux femmes, selon sa responsable administrative et financière).

« Nous ne sommes pas une organisation masculiniste »

En juin 2021, le rapport de stage d’une étudiante de l’IUT de journalisme de Lannion (Côtes-d’Armor), qui avait fréquenté la petite rédaction pendant plusieurs mois, soulignait cruellement : « La place des femmes est précaire et contraire aux valeurs “féministes” que Le Média cherche tant à avoir. Le Média est dirigé par des hommes, pour des hommes, et ne permet pas d’avoir un traitement correct des contenus LGBTQIA +, progressistes et féministes. » La présentatrice Nadiya Lazzouni et une cheffe d’édition de l’émission matinale, Lisa Lap, assurent au contraire au Monde ne pas travailler dans un climat sexiste.

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