Management : « Le développement de l’autonomie conférée aux salariés offre une liberté en trompe-l’œil »

Management : « Le développement de l’autonomie conférée aux salariés offre une liberté en trompe-l’œil »

Valoriser son « capital humain », ses « soft skills » (compétences générales), son « savoir-être », voilà autant de conseils donnés aux étudiants et aux salariés pour favoriser leur employabilité. Ces concepts désignent les compétences subjectives comportementales et relationnelles des individus telles que le dynamisme, la créativité, l’esprit d’entreprise et tout autre trait de personnalité qu’un individu peut développer dans sa vie personnelle ou professionnelle.

L’un des enjeux de la valorisation de ces compétences est de souligner que les salariés, loin d’être de simples « charges » pour les entreprises (c’est le statut que leur assigne le système comptable), constituent en fait un véritable capital humain tout aussi déterminant pour leur pérennité que le capital financier détenu par les actionnaires.

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Or, malgré des intentions de départ potentiellement louables, cette tendance générale à la mise en avant des soft skills et du capital humain n’est pas sans risque. C’est en tout cas le résultat d’une étude que nous avons récemment menée et qui aboutit à mettre en garde contre la « face sombre » de ces concepts.

Une nouvelle étape dans la quantification du monde

L’introduction des concepts de capital humain et de soft skills au sein des entreprises et des études scientifiques, particulièrement dans le champ comptable, a entraîné une objectivation des qualités subjectives des individus réduites à des indicateurs pouvant être mis en parallèle avec les performances économique et financière des entreprises.

Cette logique, poussée à l’extrême, amène à légitimer une meilleure valorisation d’un salarié sympathique, docile ou entreprenant, selon des critères subjectifs qui interrogent. Il s’agit d’une nouvelle étape dans la quantification du monde et dans sa marchandisation, puisque c’est ici la « personnalité » des individus qui devient mesurable et valorisable financièrement.

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C’est précisément ce phénomène qui se joue lorsque le groupe Carrefour propose de mettre en place un nouveau dispositif appelé « blabla caisses ». Destinées à recréer du lien social, ces caisses permettent d’instaurer pour les personnes qui le désirent un temps d’échange entre l’hôte de caisse et son client, en leur permettant de prendre le temps de discuter.

Une logique de compétition et de distinction permanente

Si cette idée a été accueillie avec un certain succès par les salariés, qui demeurent libres d’y participer, il s’agit par de telles actions de faire rentrer dans le processus de marchandisation une action, jusqu’à ce jour, normale (échanger avec le caissier ou la caissière), que les mêmes entreprises ont contribué à détruire en installant et en encourageant le passage aux caisses automatiques, et avant cela en augmentant au maximum la cadence des passages en caisse.

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LJD

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