Archive dans mai 2022

Amazon France : un seul syndicat a signé la proposition d’augmentation générale des salaires de la direction

Parmi les syndicats représentatifs des quelque 15 500 salariés d’Amazon France, seul un, le syndicat des cadres CFE-CGC, a signé, mardi, l’accord avec la direction sur une augmentation générale des salaires de 3,5 %, que les autres organisations ont jugé insuffisante dans un contexte de forte inflation.

« Nous ne sommes pas signataires parce que cette proposition reste indécente », explique, à l’Agence France-Presse, Morgane Boulard, déléguée syndicale centrale CFDT, au terme d’une dernière réunion, mardi. Mais elle se dit « plutôt satisfaite que la direction ne soit pas redescendue à 3 % d’augmentation ».

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Le 1er-Mai, les différents syndicats représentatifs (CFDT, SUD, CGT, CAT, CFE-CGC) avaient en effet regretté que la direction du géant américain leur fasse du « chantage », en leur « disant que si les syndicats ne signaient pas » mardi leur proposition à + 3,5 %, une augmentation de 3 % des salaires serait décidée unilatéralement.

Finalement, seule la CFE-CGC a signé un accord allant dans le sens d’une revendication très ancienne de sa part sur le 13e mois de certains salariés. Après deux heures et demie de négociations, la direction française du groupe a décidé de « rester de manière unilatérale sur 3,5 % d’augmentation », a expliqué Morgane Boulard.

Les syndicats réclament 5 % face à l’inflation

« Ils ont écouté les demandes de l’intersyndicale », abonde Hakim Taoufik, délégué syndical central du CAT. Les organisations n’ont toutefois pas signé, car elles souhaitaient « au moins 5 %, dans la mesure où l’inflation est aujourd’hui de 4,8 % et que, alors qu’il y a quelques années le salaire de base chez Amazon était de 15 % à 20 % au-dessus du smic, il ne l’est plus que de quelques centimes maintenant ».

La direction a rogné sur quelques avantages existants précédemment, comme le nombre d’absences autorisées sans justificatif, qui passe de trois à un, « une meilleure indemnité de départ à la retraite, ou encore des aménagements d’horaires pour les personnes voulant avoir recours à une PMA [procréation médicalement assistée] », détaillent Morgane Boulard et Hakim Taoufik.

Dans un communiqué, la direction s’est dit « heureuse de confirmer la proposition d’augmentation salariale attractive faite par Amazon, qu’[elle pensait] bien positionnée pour [ses] salariés et qui sera mise en place au sein de [ses] huit centres de distribution, tout comme d’autres mesures financières ». Parmi ces mesures : un statut d’agent de maîtrise pour les techniciens informatiques, ou encore des primes de fin d’année maintenues, précise-t-on de même source.

Le mouvement social avait éclaté le 4 avril sur les huit sites logistiques d’Amazon en France. La CGT avait notamment relevé qu’Amazon allait « faire payer 5 % de taxe à ses vendeurs pour faire face à la hausse des carburants », mais refusait « de donner 5 % à ses salariés pour qu’ils puissent faire face à la hausse des carburants ».

Le géant américain a réalisé 33 milliards de dollars [31 milliards d’euros] de bénéfices en 2021, même si l’inflation et les pénuries pèsent sur ses perspectives économiques pour 2022.

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Le Monde avec AFP

Métiers du « care » : « Derrière chaque personne se cache une autre personne sans l’aide de qui la première ne serait pas autonome »

Dans le secteur privé comme dans le secteur public, 4,6 millions de personnes œuvrent au quotidien pour fabriquer nos quotidiens, les rendre fluides et confortables. Souvent au détriment des leurs (« “Les Invisibles”, une plongée dans la France du back-office », Fondation Travailler autrement, mars 2022).

Ces invisibles, ce sont tout à la fois les métiers du lien (lien social, mais aussi du relationnel avec les centres de contact et de service à distance), du soin – à l’hôpital, en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), dans les crèches, notamment –, de la « continuité économique et sociale » et de la vie quotidienne (logistique et commerce, enlèvement des ordures ménagères, propreté urbaine…).

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Une forme d’éthique venue des Etats-Unis, l’éthique du « care » [le prendre soin de l’autre], tente depuis quarante ans d’attirer notre attention sur ces métiers. Si elle s’est focalisée historiquement sur l’univers des soins au sens large, une économie du « care » englobe plus largement ces métiers de « première nécessité », dont nous avons pu mesurer l’importance durant la crise sanitaire et ses confinements successifs.

Manque de reconnaissance

Si l’on consulte les résultats de l’enquête au travers du prisme de cette éthique, ses enseignements prennent une lumière hélas bien tamisée. Issue d’une réflexion féministe, l’éthique du « care » a toujours pointé, y compris pour les femmes elles-mêmes, les inégalités de genre et de revenu : certaines femmes ont en effet la jouissance d’un temps que d’autres femmes rendent possible, des femmes moins privilégiées.

De fait, 54 % des « invisibles » sont des femmes. Elles viennent accueillir ma fille le matin, tôt, à l’école, elles viennent la chercher à 16 h 30 et s’en occupent jusqu’à l’heure du bain, bref elles s’engagent auprès d’elle toute la journée pour lui apprendre à devenir une petite personne au sein d’une communauté. C’est très banal, cela se passe dans ma vie comme dans la vôtre. Cette forme d’éthique nous a ainsi appris que derrière chaque personne se cachait une autre personne sans l’aide de qui la première ne serait pas autonome. Or ces personnes sont, le plus souvent, des femmes.

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Cette éthique nous a sensibilisés également au fait que les « invisibles » manquaient cruellement de reconnaissance au sens premier du terme : 50 % des ménages dits invisibles perçoivent ainsi moins de 2 000 euros bruts par mois. A cela s’ajoute, sinon un mépris, au sens où l’entend le philosophe et sociologue allemand Axel Honneth, du moins indéniablement une piètre estime de soi, lorsque le regard de l’autre n’est pas valorisant pour les tâches que je réalise chaque jour (La Lutte pour la reconnaissance, Folio, 2013 et 1992 pour l’édition originale).

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Bruno Palier : « L’usure au travail constitue une motivation forte de départ à la retraite »

Malgré l’allongement de la durée de vie, de plus trois mois chaque année jusqu’à récemment, la plupart des Français ne souhaitent pas travailler plus longtemps. Quand l’occasion se présente, ils partent en retraite le plus tôt possible. Différentes enquêtes analysent les motivations de ces départs à la retraite.

Celle menée par la Caisse nationale d’assurance-vieillesse (CNAV) en 2008, confirmée par de nombreuses enquêtes dirigées depuis par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) du ministère des affaires sociales, souligne que ceux qui veulent bien travailler plus longtemps sont ceux qui associent travail et « réalisation de soi, épanouissement personnel, valorisation et expression de soi, utilité sociale, bien-être et lien social ». Il s’agit le plus souvent de cadres, de professions intellectuelles, de diplômés du supérieur.

En revanche, ceux, beaucoup plus nombreux, qui souhaitent partir le plus tôt possible associent travail et « fatigue au travail (physique et morale), contraintes (horaires, rythme de vie), obligations, usure, stress, pression, dégradation de l’ambiance au travail et du statut personnel ». Les enquêtes menées depuis confirment que l’usure au travail constitue une motivation forte au départ.

De nombreux travaux de sociologues montrent depuis longtemps les dégradations des situations de travail et du rapport au travail en France. Les troubles musculo-squelettiques (TMS) représentent une très forte majorité des maladies professionnelles et augmentent depuis dix ans (35 000 nouveaux cas par an). Tous ces indices soulignent le rythme toujours plus soutenu de l’organisation du travail, les contraintes organisationnelles accrues et le stress au travail.

« Course au rendement »

Il s’agit là des conséquences concrètes des stratégies retenues par la plupart des entreprises françaises. Pour rester compétitives dans une économie mondialisée, les entreprises ont choisi de ne garder que les salariés les plus productifs, et de leur demander de travailler toujours plus intensément. Si l’on regarde les taux d’emploi en France, en particulier ceux des seniors, on s’aperçoit qu’ils sont plus faibles que dans beaucoup de pays européens : 53,3 % des personnes de 55-65 ans sont en emploi en 2018, tandis que la moyenne européenne est de 58,7 % (71,4 % en Allemagne ou 77,9 % en Suède), ce qui a fait dire au candidat Macron que l’on travaillait moins en France qu’ailleurs.

Certes, moins de gens travaillent que dans d’autres pays, en particulier parmi les seniors, mais ceux qui travaillent le font de manière de plus en plus soutenue. La France combine un taux d’emploi faible des seniors et des jeunes avec une productivité horaire du travail parmi les plus élevées d’Europe (117 pour la France pour une base 100 correspondant à la moyenne européenne, données Eurostat pour 2019).

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Une amélioration des droits des travailleurs détenus

Dans le centre de détention d’Oermingen (Bas-Rhin), des détenus travaillent de 7h15 à 12h45 au sein d’un atelier de menuiserie géré par l’association Emmaüs, le 18 mars 2021.

Alors que l’élection présidentielle a mis en lumière les conditions d’exercice du droit de vote des détenus, qui ont été grandement facilitées sous le quinquennat d’Emmanuel Macron, une autre promesse du chef de l’Etat pour garantir une plus grande dignité aux personnes incarcérées a trouvé sa concrétisation. Un décret paru au Journal officiel du 26 avril instaure, à compter du 1er mai, un « contrat d’emploi pénitentiaire » entre le détenu et le représentant de la structure qui le fait travailler.

« C’est une évolution positive que l’on salue, mais on est encore loin de faire entrer le droit du travail en prison », observe-t-on à l’Observatoire international des prisons (OIP) – section française. La création de ce contrat d’emploi pénitentiaire avait été annoncée par Eric Dupond-Moretti en avril 2021, le ministre de la justice ayant affiché sa volonté de développer le travail en prison et de renforcer les droits sociaux du travailleur détenu.

Prévu dans la loi du 22 décembre 2021 « pour la confiance dans l’institution judiciaire », ce contrat vient remplacer l’acte d’engagement unilatéral. « L’objectif est de créer des conditions d’exercice qui se rapprochent de ce que serait une relation de travail avec un employeur, une fois que ces personnes auront retrouvé pleinement leur place dans la société », explique-t-on au sein de l’administration pénitentiaire.

Que la personne incarcérée postule pour travailler au service général de la prison (préparation des repas et distribution, petit entretien des bâtiments, etc.), à la régie industrielle pénitentiaire (fabrication d’équipements, imprimerie, etc.), à un emploi dans l’atelier en concession d’une entreprise privée ou pour une structure d’insertion par l’activité économique, le cheminement sera le même. Une fois qu’un détenu, condamné ou en détention provisoire, aura été « classé » au travail par la direction de la prison, un entretien aura lieu entre le donneur d’ordre (privé ou public) et l’intéressé.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés « On a de plus en plus de personnes qui n’ont jamais travaillé » : le travail en prison, facteur de réinsertion

« Un niveau de rémunération indécent », selon l’OIP

Il s’agit d’un processus de recrutement totalement inédit. Jusqu’ici, c’est l’administration pénitentiaire qui avait la main sur le choix des personnes affectées à tel ou tel atelier ou concession, pas l’employeur. Le but est d’assurer aux entreprises une certaine liberté.

La contrepartie sera la signature d’un contrat dans lequel seront précisées la nature du travail, la période d’essai, la durée du travail, la rémunération, les conditions de paiement des heures complémentaires et les conditions de rupture du contrat. Ce dernier pouvant être suspendu en cas de baisse temporaire d’activité, ou révoqué pour motif économique ou force majeure.

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1er-Mai, en direct : « On s’approche du but », déclare Jean-Luc Mélenchon à propos d’un accord entre les partis de gauche en vue des législatives

Philippe Martinez (CGT) : « Emmanuel Macron connaît les messages, mais il faut qu’il les entende »

Le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, sur la place de la République à Paris, le 1er mai 2022.

Quelques minutes avant le début de la manifestation parisienne, place de la République, les leaders syndicaux ont pris la parole devant les journalistes. Ce 1er-Mai, qui intervient une semaine après le second tour de l’élection présidentielle, constitue « une opportunité exceptionnelle pour montrer que les exigences sociales sont toujours là », assure Philippe Martinez, le patron de la CGT.

En tête des attentes, il y a ce que « l’on entend dans les entreprises », c’est-à-dire les salaires, a-t-il précisé, en affirmant que la revalorisation du smic, en vigueur depuis ce dimanche (+ 2,65 %), ne suffit pas. « La qualité de l’emploi » pose aussi problème, avec un nombre croissant de « précaires ». Sans oublier, bien sûr, « la protection sociale et la question des retraites ».

« C’est une manifestation sociale », a-t-il indiqué, centrée sur les enjeux « sociaux et environnementaux », même si « l’actualité politique est riche ». Emmanuel Macron « connaît tous ces messages, mais après, il faut qu’il les entende, et ce n’est pas son point fort ».

S’agissant de la promesse du chef de l’Etat de se montrer plus à l’écoute que lors de son premier mandat, M. Martinez remarque que « ce n’est pas la première fois » que le locataire de l’Elysée tient un tel discours. « La meilleure façon de le faire changer, c’est qu’il y ait du monde aujourd’hui et dans les jours à venir, dans les entreprises, dans les services, a-t-il poursuivi. C’est ça, la meilleure réponse pour lui déboucher les oreilles. »

Au sujet de la réforme des retraites, M. Martinez pense qu’elle peut déclencher des « mobilisations avant la rentrée [de septembre], car le niveau de mécontentement (…) est très fort », en lien avec les régimes de pension, mais aussi avec les salaires. Selon lui, « il ne faut pas jouer avec le feu. Souvent, on se brûle ».

Une poignée de « gilets jaunes » étaient présents devant le service d’ordre qui entourait les dirigeants de syndicat. « On est les vrais révolutionnaires, nous », a lancé l’un d’eux, un drapeau français à la main. Lui et d’autres ont chanté les refrains habituels (« On est là », « Emmanuel Macron, président des patrons »).

Bertrand Bissuel

1er-Mai, en direct : cortège dense à Paris, heurts et dégradation en marge de la manifestation

« Je suis là pour dire à Emmanuel Macron que je suis opposée à toutes ses mesures »

Après un vote en faveur de Jean-Luc Mélenchon au premier tour de l’élection présidentielle, Emma, 21 ans, et Marine, 23 ans, se sont résignées à voter pour Emmanuel Macron. « Mais uniquement pour faire barrage à Marine Le Pen », prévient Emma, étudiante en licence d’anglais à la Sorbonne, où elle s’était déjà mobilisée durant l’entre-deux-tours pour protester contre les résultats donnant le président sortant et la candidate d’extrême droite en tête.

Elles sont dans le cortège parisien du 1er-Mai. « Aujourd’hui, je suis là pour signifier à Emmanuel Macron, que, malgré mon vote, je suis opposée à toutes ses mesures », prévient Emma, rousse aux grands yeux noirs, évoquant notamment sa volonté de réformer l’université. « Je ne veux pas que mes enfants soient contraints de payer des milliers d’euros pour pouvoir faire des études supérieures », s’alarme la jeune femme.

Pour suivre son master de philosophie, Marine cumule d’ailleurs deux « petits boulots », surveillante dans un lycée et baby-sitter. « C’est absurde, pour étudier, j’en suis à devoir sacrifier mes études en travaillant beaucoup trop à côté », commente la jeune femme, pour qui le quinquennat d’Emmanuel Macron « a été marqué par une entrée dans la précarité, avec une baisse de nombreuses aides ». Elle évoque également « les périodes de confinement éprouvantes pour les étudiants, dont Macron se moquait totalement ».

Pour ce 1er-Mai, elle souhaite appeler à la responsabilité du président : « Macron a des vies entre les mains, chaque décision prise, c’est des quotidiens qui sont bouleversés. »

Alors que beaucoup de leurs amis craignent désormais de descendre dans la rue « à cause des violences policières qui émergent désormais à chaque manifestation », les deux étudiantes se réjouissent de défiler, cette fois, dans « un calme relatif », même si le défilé a été émaillé d’affrontements avec des forces de l’ordre.

Cécile Bouanchaud

1er-Mai : suivez en direct les manifestations de la Journée internationale des travailleurs

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