« Les critères fixés pour avoir une retraite “normale” sont idéalisés (et très masculins) : quarante-trois ans de carrière, ascendante et sans interruption »

« Les critères fixés pour avoir une retraite “normale” sont idéalisés (et très masculins) : quarante-trois ans de carrière, ascendante et sans interruption »

Il existe une fausse symétrie entre les programmes électoraux qui envisagent le report de l’âge légal de la retraite à 65 ans et ceux qui proposent de rétablir la possibilité de partir dès 60 ans. En effet, le projet de report de l’âge légal de la retraite à 65 ans ne provient pas d’une réflexion sur le sort des salariés, ni même sur l’équilibre financier du système. Ce projet, et le président de la République l’admet volontiers, est motivé par une stratégie de baisse des dépenses publiques et d’augmentation de la main-d’œuvre disponible. A l’inverse, le projet de retraite à 60 ans porté par la gauche apparaît certes très coûteux, mais il a pour lui le mérite de mettre au cœur des enjeux la question fondamentale du travail, de sa dureté et de poser clairement le sujet des progrès sociaux envisageables ou non pour les cinq ans qui viennent.

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La question de l’âge légal est, à raison, mise au centre des débats, car elle surdétermine toutes les autres : la souffrance au travail, l’aspiration au temps libre, le chômage ou l’invalidité des seniors prendraient une tout autre dimension avec une retraite décalée de trois ans. C’est la raison qui fait de l’âge un enjeu premier pour les assurés. Mais elle n’épuise pas les améliorations possibles du système de retraite. En effet, si notre système de retraite remplit, en moyenne, plutôt bien son rôle, qui consiste à offrir une « mise en sécurité sociale » et un véritable revenu de remplacement aux seniors, il présente également des limites importantes.

Ce que nous montrent les études, c’est que la retraite protège. Elle protège d’abord de l’exposition à des mauvaises conditions de travail, physiques et psychiques. Les travaux récents d’Eric Defebvre et Thomas Barnay soulignent que le passage à la retraite diminue nettement la probabilité de déclarer une incapacité ou un trouble dépressif, particulièrement fort dans les professions exposées à des facteurs de risque.

Carrière idéalisée

La retraite protège également de la précarité. Pour la moitié des ménages au niveau de vie le plus élevé, le passage à la retraite est l’expérience d’une baisse modérée du niveau de vie de 5 % à 25 %, comme l’a mesuré Hicham Abbas, de l’Insee. Pour les plus modestes, en revanche, le passage à la retraite améliore les revenus, car il marque le plus souvent la fin d’un sas de précarité (inactivité, chômage, invalidité) entre le dernier emploi et le début de la retraite. Le passage de la retraite de 60 à 62 ans a d’ailleurs nettement allongé ce sas de précarité qui touche principalement (et massivement) les ouvriers et les employés.

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LJD

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