Archive dans février 2020

L’emploi des cadres sur de nouveaux sommets en 2020

L’emploi cadre marquera un nouveau record en 2020, affirme l’Association pour l’emploi des cadres (APEC) dans ses prévisions publiées vendredi 14 février. 281 300 encadrants ont été recrutés en 2019 et ils seront 5 % de plus cette année, soit 296 600. Le seuil des 300 000 devrait être dépassé en 2022. « Cette bonne dynamique va se poursuivre. Les entreprises continuent de recruter massivement, car les transformations exigent toujours plus d’expertises », commente, le directeur général de l’APEC, Bertrand Hébert, qui émet toutefois un bémol pour les seniors qui n’en profitent pas tous.

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Quelques chiffres récents confirment cette orientation. Spécialiste de l’ingénierie, Alten a annoncé le 11 février le recrutement de 4 400 postes en CDI en 2020 (dont 1 900 en Ile-de-France) : 4 000 ingénieurs, 260 business manager et 140 cadres pour les fonctions supports. Dans les télécommunications, le 6 février, la DRH d’Orange Valérie Le Boulanger, qui présentait son plan stratégique « Engage 2025 », déclarait vouloir doubler le nombre d’experts techniques d’ici à 2025 pour atteindre plus de 20 000 personnes.

« En deux ans, ce sont 150 000 nouveaux postes qui ont été créés », insiste Gaël Bouron, responsable adjoint du pôle études de l’APEC. L’enquête annuelle de l’association a été menée du 21 octobre au 31 décembre auprès de 10 000 entreprises représentant 1,7 million de salariés. Elle fait le bilan du nombre de nouveaux CDI et CDD d’au moins un an, des promotions internes et des départs depuis janvier 2019. Depuis plusieurs années, le haut niveau de recrutement a favorisé leur mobilité, passée de 6 à 9 % entre 2015 et 2018. Mais en 2019, les entrées et les promotions internes ont été nettement supérieures aux sorties, avec 74 800 créations nettes d’emplois.

Intégration de la transformation numérique

L’essoufflement de la croissance économique, à 1,2 % du PIB en 2019, n’a eu que peu d’impact sur l’emploi des cadres. Après trois années de progression à deux chiffres des recrutements, le rythme s’est toutefois ralenti avec une hausse de 6 % en 2019 et de seulement 5 % pour 2020. « Mais les recrutements sont plutôt indexés sur les investissements des entreprises, en hausse de 4,2 % en 2019 », explique Gaël Bouron. En 2020, les entrepreneurs devraient maintenir leur propension à investir, afin de poursuivre l’intégration de la transformation numérique, explique l’APEC.

Le chômage baisse, mais « les difficultés sont devant nous »

Le chômage a atteint, fin 2019, son plus bas historique depuis 2008. Les chiffres de l’Insee publiés jeudi 13 février établissent le niveau de chômage à 8,1 % de la population active (hors Mayotte), soit 2,4 millions de personnes. Cette baisse, quasi continue depuis 2015, a poussé la ministre du travail, Muriel Pénicaud, à juger « franchement atteignable » l’objectif d’un taux de chômage à 7 % pour 2022.

Mais pour l’économiste Mathieu Plane, de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), si ces chiffres sont très bons, ils doivent être relativisés eu égard au « halo du chômage », zone grise qui concerne un nombre toujours croissant d’individus situés entre chômage et inactivité.

Comment expliquez-vous cette baisse du chômage ?

Plusieurs éléments peuvent expliquer cette baisse qui, avec 0,4 point en un trimestre, est forte. Le premier, c’est que les créations d’emplois sont dynamiques. Avec 40 000 créations nettes au quatrième trimestre 2019 et 210 000 sur l’année, on voit un marché du travail dynamique, malgré la croissance qui ralentit. Mais ces créations d’emplois n’expliquent pas, à elles seules, la baisse de 0,7 point de chômage sur l’année. Avec la démographie et la croissance actuelles, on devrait plutôt avoir une diminution de 0,4 ou 0,5 point.

« La hausse du halo du chômage, c’est le point noir de l’analyse »

S’ajoute le phénomène du halo du chômage, qui a beaucoup augmenté (90 000 personnes en plus sur l’année 2019). Ces personnes-là sont à la limite du chômage, sans recouper les critères du chômage au sens du Bureau international du travail (BIT), la norme utilisée par l’Insee. Cela concerne des gens qui souhaitent travailler, mais qui ne sont pas présents dans les statistiques : soit ils ne sont pas immédiatement disponibles pour travailler, soit pas en recherche active d’un emploi. Et cette hausse, c’est le point noir de l’analyse.

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Pourquoi le halo du chômage change-t-il la donne ?

Son augmentation est bizarre. Le halo du chômage est en forte augmentation, alors que le marché du travail reprend avec, depuis 2015, la création nette d’un million d’emplois. Or, normalement, si le marché du travail est dynamique, comme il l’a été en 2019, le halo du chômage devrait aussi se résorber : les gens se disent qu’il y a des opportunités de boulot et se réinsèrent. Cette hausse est donc difficilement compréhensible, ce n’est pas un phénomène classique. La question se pose : est-ce que ces personnes, qui ne sont aujourd’hui plus considérées comme au chômage, vont revenir dans ces statistiques dans les prochains mois ? Il faut donc être prudent sur ces chiffres.

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Pour revenir sur les créations d’emplois, les récentes lois de libéralisation du marché du travail ont-elles eu un effet bénéfique ?

Il est un peu tôt pour l’évaluer. Potentiellement, oui, mais j’émettrais des réserves. Ces réformes, comme la loi travail (2016), visent plutôt à réduire la dualité du marché du travail en flexibilisant le CDI pour faciliter les embauches en CDI, à la place de contrats précaires (CDD, intérim). Cela n’a pas tellement joué sur le volume d’emplois, mais sur le taux de CDI, qui a augmenté au quatrième trimestre 2019.

Comment expliquer ces créations nettes d’emplois l’an passé ?

Les chiffres bénéficient de l’effet retardé des mesures fiscales du quinquennat précédent, type CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) et pacte de responsabilité, qui sont arrivés à maturité et ont participé à baisser le coût du travail. S’est ajoutée à cela, en 2019, la transformation du CICE en baisses de cotisations sociales, qui a contribué à verser exceptionnellement aux entreprises 20 milliards d’euros. Cela a boosté les créations d’emplois au premier semestre 2019. S’ajoute encore la montée en charge des contrats de professionnalisation, les apprentissages ainsi que les plans de formation, mais qui sont plus marginaux.

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On remarque aussi une forte amélioration pour l’emploi des seniors, pour quelle raison ?

« Il y a un phénomène d’aspiration globale vers l’emploi »

C’est assez difficile de répondre simplement. Mais, après plusieurs années de recul du chômage, l’ensemble des populations en bénéficient. Quand il y a un chômage de 10 %, un chômage de masse, les entreprises embauchent au plus facile. Avec les difficultés de recrutement actuelles, elles se tournent à nouveau vers une main-d’œuvre qu’elles utilisaient moins, comme les seniors. Si on voit le chômage comme une file d’attente, il faut plusieurs années pour voir arriver ceux du fond de la fille, et observer ainsi la baisse du chômage de longue durée et celui des seniors – c’est aujourd’hui le cas. Cela signifie qu’il y a un phénomène d’aspiration globale vers l’emploi.

Voir nos graphiques : Chômage : une décrue sensible depuis le début du quinquennat Macron

Avec une telle dynamique, l’objectif gouvernemental d’atteindre un taux de chômage à 7 % en 2022 est-il envisageable ?

Nos simulations nous indiquent que ce n’est pas la probabilité la plus élevée, environ une chance sur six. Car les difficultés sont devant nous : les prévisions de croissance sont plutôt à la baisse, et les politiques fiscales de baisse des cotisations sociales et de crédits d’impôt sont, sauf grande surprise, derrière nous. Cela ne laisse plus beaucoup de grain à moudre et s’ajoutent les personnes situées dans le halo du chômage, dont un certain nombre va repasser dans les statistiques. Bref, le pari n’est pas évident.

Les personnels hospitaliers restent mobilisés, onze mois après les premières grèves

Le personnel médical quitte l’hôpital de Caen lors d’une manifestation, le 3 février.
Le personnel médical quitte l’hôpital de Caen lors d’une manifestation, le 3 février. SAMEER AL-DOUMY / AFP

Onze mois après les premières grèves dans des services d’urgences parisiens, les personnels soignants inquiets de la dégradation de l’hôpital public continuent de se faire entendre.

Pour la troisième fois en quatre mois, ils se rassembleront vendredi 14 février à Paris et dans une cinquantaine de villes à travers le pays pour demander « la réouverture de lits » et « le recrutement de personnels en nombre suffisant et avec des salaires décents ». Une journée décrite comme celle de la « remobilisation » par Hugo Huon, le président du Collectif Inter-Urgences, après plusieurs semaines d’un agenda social écrasé par la grève contre la réforme des retraites.

Sur le terrain, les médecins font désormais vivre le mouvement qui avait été lancé par les paramédicaux. Depuis le 27 janvier, les hôpitaux du pays vivent ainsi au rythme des démissions – très symboliques – de chefs de service de leurs fonctions administratives, les soins et l’enseignement étant toujours assurés. Près de 1 200 d’entre eux avaient brandi cette menace le 14 janvier si le gouvernement refusait d’ouvrir des négociations budgétaires. Selon les derniers chiffres du Collectif Inter-Hôpitaux (CIH), près de 780 ont effectivement envoyé leur lettre de démission, non sans quelques tensions dans certains établissements.

« Notre directrice pensait qu’on bluffait, qu’on ne passerait pas à l’acte, raconte Cécile Vigneau, responsable – démissionnaire – du service de néphrologie au CHU de Rennes, où une cinquantaine de médecins ont sauté le pas le 27 janvier. Elle nous a dit qu’elle ne comprenait pas qu’on ait démissionné de nos charges avant de voir si les mesures de la ministre portaient leurs fruits. »

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« On est loin du compte »

La ministre de la santé, Agnès Buzyn, qui a repoussé à la mi-mars sa prochaine rencontre avec des représentants des médecins démissionnaires, estime qu’il faut désormais laisser le temps au plan d’urgence annoncé le 20 novembre 2019 par le gouvernement d’entrer pleinement en vigueur. Celui-ci comprend notamment des primes pour certaines catégories de soignants, des budgets pour l’amélioration de la qualité de vie au travail et une reprise par l’Etat d’un tiers de la dette des établissements de soins publics, soit 10 milliards d’euros en trois ans.

« Tant que ces mesures concrètes ne sont pas visibles dans le quotidien des soignants, ils resteront dans le niveau d’insatisfaction que l’on connaît parce qu’ils veulent que ça change tout de suite », a lancé Mme Buzyn lors de ses vœux à la presse le 28 janvier, estimant que, parmi les médecins démissionnaires qu’elle avait rencontrés, « tous n’avaient pas perçu l’ampleur des mesures prises par le gouvernement ».

Dans les hôpitaux, les premiers fonds issus du plan gouvernemental ont reçu un accueil mitigé. « Grâce à notre mobilisation, notre hôpital a reçu 500 000 euros pour du matériel et améliorer les conditions de travail, témoigne Renaud Chouquer, médecin réanimateur et responsable d’unité, démissionnaire à Annecy. On va peut-être acheter un lève-malade quelque part, de nouveaux brancards ailleurs, mais c’est loin de changer la vie des soignants. Avec ce plan, on va voir de tous petits effets, alors qu’il nous faut de gros changements. On est loin du compte. »

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« Ce qu’on demande, ce sont des embauches »

Internes en grève, le 17 octobre 2012, devant le ministère de la santé à Paris.
Internes en grève, le 17 octobre 2012, devant le ministère de la santé à Paris. FRANCOIS GUILLOT/AFP

Une perception partagée par Cécile Vigneau, au CHU de Rennes. « Notre service de néphrologie va recevoir 15 000 euros pour améliorer la qualité de vie au travail et l’accueil des patients, détaille-t-elle. On va peut-être repeindre une salle d’attente, mais cela ne va pas améliorer radicalement notre quotidien. Nous, ce qu’on demande, ce sont des embauches, que les arrêts de travail soient remplacés à 100 % et pas à 60 %. »

« On va peut-être repeindre une salle d’attente, mais cela ne va pas améliorer radicalement notre quotidien », note Cécile Vigneau, responsable du service de néphrologie au CHU de Rennes.

Alors que le gouvernement semble avoir fermé la porte à tout nouveau geste budgétaire, les organisateurs du mouvement affichent, eux, leur détermination. « Il ne faut pas que le gouvernement ait la moindre illusion : ça ne pourra pas s’arrêter », a fait valoir jeudi 13 février Renaud Péquignot, du Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes réanimateurs (SNPHAR-E) lors d’une conférence de presse des quatorze organisations, syndicats et collectifs appelant à la journée de mobilisation du 14.

La campagne des élections municipales de mars est le prochain objectif des hospitaliers en colère. « On va prendre date avec les candidats par rapport à la crise sanitaire en cours et à venir », annonce le docteur François Salachas, neurologue à la Pitié-Salpêtrière et membre du CIH. A la direction du collectif, on assure par ailleurs réfléchir à la mise en place d’actions « encore plus bloquantes » dans les semaines à venir.

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Le chômage en nette baisse en France au 4e trimestre, à son plus bas niveau depuis fin 2008

Le taux de chômage a nettement baissé, de 0,4 point, au quatrième trimestre 2019 pour s’établir à 8,1 % de la population active et atteindre son plus bas niveau depuis fin 2008, selon les chiffres publiés par l’Insee jeudi 13 février.

La France (hors Mayotte) compte 2,424 millions de chômeurs, soit 85 000 de moins sur le trimestre. Sur un an, le taux de chômage, mesuré selon les normes du Bureau international du travail (BIT), est en recul de 0,7 point. L’Insee a aussi révisé son chiffre du 3e trimestre de 8,6 à 8,5 %.

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Le taux de chômage diminue de 0,5 point pour les personnes de 25 à 49 ans et pour celles de 50 ans ou plus, signale l’Insee. En revanche, il augmente nettement pour les jeunes (+1,1 point).

Sur Twitter, Olivier Dussopt, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’action et des comptes publics, a souligné que « les investissements et les créations d’emplois dans le privé portaient leurs fruits ». Il a salué le « plus bas niveau de chômage depuis 12 ans ». La ministre du travail Muriel Pénicaud a, elle, estimé que l’objectif d’un taux de chômage à 7 % en 2022 était « franchement atteignable ».

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Au travail, l’homophobie se dévoile

« L’inclusion des salariés LGBT est un sujet qui s’est imposé aux entreprises à l’occasion de leur travail sur les questions de diversité »
« L’inclusion des salariés LGBT est un sujet qui s’est imposé aux entreprises à l’occasion de leur travail sur les questions de diversité » Ingram / Photononstop

Tabou pour les uns, non-sujet pour les autres, l’orientation sexuelle d’un salarié constitue pourtant une source de rejet au travail. Selon un sondage réalisé par l’IFOP pour l’Autre Cercle, une association qui œuvre pour l’inclusion professionnelle des personnes lesbiennes, gay, bisexuelles et transgenres (LGBT), pas moins de 10 % d’entre elles font état d’agressions physiques ou sexuelles à leur encontre au travail. Au total, un sondé sur quatre dit avoir été victime d’au moins une agression, verbale ou physique, dans son entreprise ou son administration. « Les résultats de l’enquête montrent que le problème est réel, déclare Alain Gavand, vice-président de la Fédération nationale de l’Autre Cercle, chargé de ce baromètre. Cela prouve aussi que l’orientation sexuelle et l’identité de genre ne peuvent être cantonnées à la sphère privée. »

Les agressions verbales sont les plus fréquentes. Moqueries, insultes et mises à l’écart s’avèrent les discriminations les plus subies par les personnes interrogées dans le cadre de cette enquête d’une ampleur inédite, réalisée par questionnaire auto-administré en ligne auprès de 1 229 personnes homosexuelles, bisexuelles et transgenres, extrait d’un échantillon de 13 346 personnes représentatives de la population métropolitaine âgée de 18 ans et plus, du 12 au 24 avril 2019.

A titre de comparaison, l’enquête a également été menée du 4 au 30 novembre 2019 auprès d’un échantillon de 16 953 salariés et agents travaillant dans des organisations engagées sur ces questions et signataires de la Charte LGBT + lancée par l’Autre Cercle.

Double peine

L’étude montre aussi le poids des discriminations fondées sur l’apparence : les hommes qui se décrivent comme d’apparence féminine et les femmes androgynes sont les plus nombreux à se dire victimes de ces moqueries (41 % et 42 % respectivement). Les facteurs discriminatoires se cumulent chez les salariés LGBT non blancs, qui sont 34 % à se déclarer victimes de pareilles attaques, contre 18 % chez les autres. Les salariés musulmans sont davantage touchés (40 %) que les catholiques (19 %) ou que ceux qui se déclarent sans religion (16 %). Les femmes sont aussi un peu plus nombreuses à subir des moqueries (23 % contre 17 % pour les hommes). « Les gens qui appartiennent à plusieurs groupes minoritaires subissent la double peine », commente Alain Gavand, qui souligne également le poids de la religion : « On l’a vu, par exemple, lors des manifestations contre le mariage pour tous. »

L’Assemblée nationale vote une loi pour encadrer le travail des enfants youtubeurs et influenceurs

L’Assemblée nationale a adopté une proposition de loi sur l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de 16 ans sur Internet.
L’Assemblée nationale a adopté une proposition de loi sur l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de 16 ans sur Internet. NICOLAS SIX / « LE MONDE »

Ils s’appellent Kalys, Athena, Néo, Swan, Fantin, Amantine ou encore Maellia. Ces jeunes Français sont les stars ou les contributeurs de chaînes YouTube qui cumulent plusieurs centaines de milliers de vues et d’abonnés.

Leur activité – qui peut paraître anodine mais est parfois très lucrative – de déballage de jouets et de scènes familiales du quotidien devrait être prochainement encadrée par le droit du travail. L’Assemblée nationale a en effet adopté, mercredi 12 février, en première lecture, une proposition de loi sur l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de 16 ans sur Internet.

A l’issue d’un débat plutôt consensuel, les 69 députés présents ont voté à l’unanimité pour le texte. Son rapporteur, le député (La République en marche, LRM) du Bas-Rhin et président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation à l’Assemblée nationale, Bruno Studer, salue « le résultat d’un travail transpartisan » sur ce dossier. Si la proposition de loi est adoptée au terme de son parcours législatif, la France serait à l’avant-garde en la matière.

Vide juridique

Le texte a comblé un vide juridique concernant une « nouvelle forme d’entrepreneuriat et d’expression artistique » ayant émergé ces dix dernières années, expliquait M. Studer au Monde en décembre 2019. Il s’agit tout d’abord d’étendre la législation en vigueur pour les enfants du spectacle aux activités rémunératrices des enfants youtubeurs, e-sportifs (participant à des compétitions de jeux vidéo) ou influenceurs.

La proposition adoptée va aussi plus loin en réglementant « la zone grise » des vlogs (contraction des mots « vidéo » et « blog ») familiaux, qui ne relèvent pas vraiment des relations de travail traditionnelles mais dépassent la simple activité de loisir. La loi prévoit ainsi dans son article 3 que seront concernées les activités de production de vidéos en ligne avec des mineurs dès lors qu’elles dépasseront un certain temps consacré, un volume de contenus ou « lorsque la diffusion de ces contenus produit, au profit de la personne responsable de la réalisation, de la production ou de la diffusion de celui-ci, des revenus directs ou indirects ». Les seuils seront fixés ultérieurement par décret en Conseil d’Etat.

Les créateurs de contenus qui embauchent des moins de 16 ans, qu’il s’agisse ou non des parents, devront aussi obtenir une autorisation auprès de la commission des enfants du spectacle, rattachée à chaque direction départementale de la cohésion sociale.

Comme pour les enfants acteurs et mannequins, les horaires et temps de tournage seront encadrés et la rémunération de ces contenus (par la publicité en ligne ou le placement de produit par exemple) sera en grande partie bloquée auprès de la Caisse des dépôts et consignations jusqu’à la majorité de l’enfant. L’autorité administrative pourra également saisir un juge des référés qui pourra contraindre la plate-forme à retirer les contenus des chaînes qui ne respecteraient pas la loi.

Responsabiliser les plates-formes

Les députés instaurent aussi un droit à l’oubli pour les enfants mis en scène sur les plates-formes en ligne. Même avant leur majorité, ils pourront s’adresser au service de partage de vidéos qui sera « tenu de faire cesser dans les meilleurs délais la diffusion de l’image du demandeur lorsque celui-ci était mineur à la date de ladite diffusion ».

Les plates-formes devront par ailleurs informer les usagers sur la loi, les droits de l’enfant et les risques psychologiques, « favoriser » un système de signalement et collaborer avec les associations françaises de protection de l’enfance.

« Les services de plate-forme de partage de vidéos [devront aussi adopter] des chartes visant à améliorer la lutte contre l’exploitation commerciale illégale de l’image d’enfants », mentionne la loi. Un dispositif placé sous l’égide du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), appelé à devenir l’Arcom dans le cadre de la future réforme de l’audiovisuel, qui pourra formuler des recommandations et dressera des bilans réguliers.

Car « il faut aussi responsabiliser les entreprises qui participent à la diffusion de ces images et en tirent des revenus, soutient le rapporteur. Elles doivent s’associer à cet effort, comme les parents. » Si le député avait échangé ces derniers mois avec YouTube, détenu par Google, et dit avoir « reçu un retour favorable de Snapchat », il déplore que les autres réseaux sociaux ne se soient pas associés aux discussions.

Bien que soutenant la proposition, certains députés, à l’instar de Muriel Ressiguier (La France insoumise, Hérault), ont toutefois regretté que les plates-formes soient seulement incitées à coopérer à travers l’élaboration de chartes et non contraintes.

« Ce n’est qu’un petit aspect de la question de la vie en ligne des mineurs, concédait avant l’examen de la loi Bruno Studer. Il restera aussi à se pencher sur la question de l’exposition à la violence et à la pornographie. Toutefois, cette proposition permet concrètement de garantir les intérêts supérieurs des enfants, de protéger aussi leur intimité et leur intégrité, de rappeler que le travail des enfants est interdit sauf dérogation. »

Et de se féliciter que ce texte « produise, avant même son adoption, des effets ». A l’initiative de Hasbro, un mastodonte du secteur, la Fédération française des industries jouet puériculture (FJP) a signé, en janvier, une charte éthique concernant le recours à des enfants influenceurs dans ses campagnes de promotion.

Retrouvez nos articles sur YouTube et les enfants

Le Monde a publié une série d’articles sur les liens parfois problématiques entre les enfants et YouTube, pour découvrir ce qu’ils regardent sur la plate-forme, mais aussi ce qu’ils y créent :

Quels sont les effets de la retraite sur le niveau de vie ? L’Insee répond

C’est par un pur hasard du calendrier statistique que l’Insee a publié, mercredi 12 février, en plein début sur la réforme des retraites, une étude portant sur les évolutions de niveau de vie des ménages avant et après le départ à la retraite. Un travail « photographique », portant sur six années, et qui permet de montrer que les régimes actuels ont un impact à la baisse du niveau de vie pour la majorité des ménages, mais produisent un tassement des inégalités entre les plus modestes et les plus favorisés.

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Les statisticiens ont travaillé sur un échantillon démographique représentant environ 4 % de la population française. Ils ont regardé l’évolution des niveaux de vie des personnes qui ont pris leur retraite en 2013 et qui sont âgées de 60 ans et plus, entre l’année 2010, trois ans avant leur départ, et 2016, trois ans après. « Ce qui n’inclut pas les personnes qui sont parties avant l’âge de 60 ans », met en garde Sylvie Le Minez, chef de l’unité Enquêtes et études démographiques, « soit qu’elles aient pris un départ anticipé, soit qu’elles appartiennent aux catégories actives de la fonction publique ». L’étude n’isole pas non plus les évolutions en fonction des régimes de retraite dont relèvent les ménages considérés.

Elle limite la pauvreté

Ces précautions posées, le passage à la retraite se traduit pour 56 % des personnes par une baisse du niveau de vie. Pour 42 % des nouveaux retraités, cette baisse est supérieure à 10 %. A l’inverse, 44 % d’entre eux bénéficient d’une hausse de leur niveau de vie : c’est notamment le cas si la fin de carrière a été heurtée (chômage, temps partiel…). Elle est supérieure à 10 % pour 32 % des nouveaux retraités. Pour des raisons liées au fait qu’ils perçoivent en général des revenus du travail supérieurs à ceux des femmes, les hommes ont plus à perdre que leurs compagnes lors du départ à la retraite. La baisse du niveau de vie se chiffre pour eux à 9,1 % en moyenne, contre 6,9 % pour les femmes. Au final, en 2014, soit la première année de perception des pensions de retraite, la pension moyenne déclarée à l’administration fiscale est de 1 470 euros par mois (1 120 euros pour les femmes, 1 910 euros pour les hommes), soit 86 % des revenus du travail perçus en 2010.

Ces évolutions contrastées ont un effet positif sur les inégalités, qui se tassent parmi les personnes fraîchement retraitées. En moyenne, le niveau de vie de ceux qui figuraient parmi les plus modestes en 2010 avait augmenté de 69 % en 2016 ; à l’inverse, ceux qui figuraient parmi les plus favorisés de 2010 avaient vu leur niveau de vie baisser de 27 % en 2016. Même chose entre diplômés du supérieur et non-diplômés : les premiers voient leur niveau de vie reculer de 11 % contre 3 % seulement pour les seconds.

Autre effet du passage à la retraite : elle limite la pauvreté. Parmi les ménages qui connaissent une fin de carrière difficile (chômage, précarité…) et qui se retrouvent sous le seuil de pauvreté, la liquidation des pensions permet de sortir de la pauvreté dans 37 % des cas. Trois ans après leur retraite, 7 % des personnes ont un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté, un chiffre deux fois moindre qu’au niveau national. Et, si la retraite n’empêche pas forcément les pauvres de le rester, elle ne fait « basculer » que 3 % des personnes dans cette situation.

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De l’avantage de faire du social au niveau mondial

« Lorsque la législation ou les usages locaux sont moins-disants, le socle de protection sociale pèse son poids face à la concurrence pour recruter des compétences. »
« Lorsque la législation ou les usages locaux sont moins-disants, le socle de protection sociale pèse son poids face à la concurrence pour recruter des compétences. » Andrew Baker/Ikon Images / Photononstop

Priorité au « social global » ! L’Oréal a publié, le 31 janvier, « un socle de droits humains et sociaux » qu’il s’engage à respecter pour « tous ses collaborateurs, quel que soit leur poste ou leur emplacement dans le monde ». Comment ? En appliquant la politique groupe lorsqu’elle est plus favorable que la législation locale. Depuis 2015 déjà, un socle mondial de protection sociale est déployé par l’entreprise de cosmétiques dans 67 pays.

Cette nouvelle initiative vise à garantir un « salaire décent à tous les collaborateurs de L’Oréal à travers le monde ». Elle reste toutefois floue quant à sa mise en œuvre : le groupe s’engage à atteindre « les meilleurs standards » par l’instauration de mesures « dès que possible ». Les responsables des ressources humaines sont chargés de faire respecter les droits humains dans toute l’entreprise.

L’avant-veille, c’est PSA qui signait un accord sur la motivation des salariés et l’environnement de travail (télétravail, dons de jours, formation), également destiné à s’appliquer, à terme, au niveau mondial. « Ce texte est plus qu’un accord. C’est une opportunité qui va nous aider à dynamiser le travail », a déclaré le DRH du groupe, Xavier Chéreau, à l’agence d’information AEF.

Mise en place petit à petit d’accords-cadres mondiaux

Avant d’entamer ses dix-huit mois de négociations avec les syndicats, le groupe PSA avait réalisé une grande étude comparative mondiale auprès des entreprises du secteur automobile pour se faire une idée des standards, pays par pays. « Le premier levier de notre réussite est notre capacité à fournir un bien-être à l’ensemble de nos talents. () Le but est également de faire remonter les spécificités de chaque pays », a précisé M. Chéreau.

Depuis plusieurs années, ce que les recruteurs nomment le « package social » est devenu un élément de rémunération courant dans les pays émergents.

Les droits fondamentaux prennent petit à petit leur place dans les accords-cadres mondiaux. Dans une étude de 2019, l’association Entreprise et droits de l’homme constatait que dix entreprises sur les seize ayant signé des accords-cadres mondiaux ces deux dernières années faisaient référence au Global Compact de 2000 (pacte mondial des Nations unies), six d’entre elles faisant prévaloir les standards internationaux sur les droits de l’homme en cas de loi locale défavorable.

Lorsque la législation ou les usages locaux sont moins-disants, le socle de protection sociale pèse son poids face à la concurrence pour recruter des compétences. Depuis plusieurs années déjà, ce que les recruteurs nomment le « package social » est devenu, par exemple, un élément de rémunération courant dans les pays émergents.

Faut-il créer des syndicats « verts » ?

« Aujourd’hui, la nécessaire transition énergétique frappe nombre d’entreprises dans leur cœur de métier : le moteur thermique dans le secteur automobile, les forages dans le pétrole »
« Aujourd’hui, la nécessaire transition énergétique frappe nombre d’entreprises dans leur cœur de métier : le moteur thermique dans le secteur automobile, les forages dans le pétrole » Ingram / Photononstop

Droit social Longtemps l’eau et l’air purs semblaient en quantité infinie, et pour l’éternité. Le « compromis fordiste » ayant dominé nos relations sociales pendant les Trente Glorieuses a longtemps ignoré les externalités négatives de ce consensuel productivisme. Aujourd’hui, la nécessaire transition énergétique frappe nombre d’entreprises dans leur cœur de métier : le moteur thermique dans le secteur automobile, les forages dans le pétrole. Transition d’autant plus problématique qu’elle se conjugue avec la révolution numérique porteuse de suppressions d’emplois.

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« Si le choix pour sauver la planète, c’est de perdre son boulot, le discours syndical va être compliqué », confiait, le 20 janvier 2020, le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez. L’opposition emplois/environnement est en effet un obstacle auquel sont désormais confrontés décideurs et syndicalistes. Mais se réapproprier ce thème majeur permettra aussi aux syndicats de se reconnecter aux jeunes générations, et aux entreprises de coconstruire leur « raison d’être » en organisant, sur le terrain, des groupes de travail sur ce thème d’intérêt général : conduite écologique, gaspillage énergétique et alimentaire.

La pétition en ligne, baptisée « Printemps écologique », propose, elle, de créer une « organisation interprofessionnelle de type nouveau : un écosyndicat, pour permettre un rôle actif des salariés dans la défense des intérêts environnementaux ».

La recherche de la représentativité

Qu’en dit le droit ? Rien n’empêche des salariés de déposer les statuts d’un syndicat porteur d’un tel message. Certes, depuis 1884, « les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l’étude et la défense des droits ainsi que des intérêts » de leurs adhérents. Mais ce cadre est interprété avec souplesse par la jurisprudence, sauf si ce syndicat n’est que le cache-nez d’un parti politique : « Un syndicat professionnel ne peut pas être fondé sur une cause ou en vue d’un objet illicite ; il en résulte qu’il ne peut poursuivre des objectifs essentiellement politiques » (C. Cass., 10 avril 1998).

Mais s’il veut négocier des accords d’entreprise « verdissants » (covoiturage, télétravail), le jeune « écosyndicat » devra devenir représentatif. Donc présenter des candidats aux élections professionnelles, et y obtenir au minimum 10 % des suffrages exprimés.

Le propre d’un syndicat responsable étant enfin de faire la synthèse d’intérêts contradictoires : l’obsession écologique d’un syndicat créé dans ce but risquerait de provoquer dans l’entreprise plus de « gauloises » radicalités que de consensuelle créativité

A la source des polémiques sur le travail

Economie du travail et de l’emploi, de Bernard Gazier et Héloïse Petit, La Découverte, 408 pages, 25 euros.
Economie du travail et de l’emploi, de Bernard Gazier et Héloïse Petit, La Découverte, 408 pages, 25 euros.

Le Livre. Choquantes pour les uns, les tendances à l’accroissement des rémunérations des patrons et des travailleurs les mieux payés ne reflètent, pour d’autres, que de nouvelles conditions de fonctionnement de l’économie et ne sont ni justes ni injustes. Un fait aussi important que l’existence et l’activité des syndicats est considéré par certains comme une entrave à la concurrence et par d’autres comme un facteur positif de structuration et de promotion du salariat.

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Quant à l’histoire du salaire minimum, elle est marquée de controverses sur sa légitimité et ses effets. C’est dire si l’économie du travail est parcourue de débats et controverses internes. Dans Economie du travail et de l’emploi, Bernard Gazier et Héloïse Petit dressent un état des lieux permettant de s’orienter au sein des multiples théories qui sont actuellement utilisées en économie du travail.

Les enjeux sociaux majeurs

L’ouvrage est structuré en chapitres thématiques qui abordent successivement la demande de travail, l’offre de travail, la détermination des niveaux de salaire et d’emploi, les mouvements sur le marché du travail, les qualifications et la formation, la discrimination, le contrat de travail et la définition des modèles d’entreprise, la négociation et les relations professionnelles, et enfin les institutions et modèles nationaux de capitalisme.

En analysant les politiques publiques qui visent à affecter le travail et en cherchant à évaluer leurs effets, l’économie du travail et de l’emploi est au cœur d’enjeux sociaux majeurs, rappellent le professeur émérite à l’université Paris-I et la professeure d’économie à l’université de Lille. « La vie matérielle de la très grande majorité de nos concitoyens dépend de leur intégration ou non dans l’emploi et de l’évolution au cours du temps de leur travail et de leur rémunération. Il est dès lors compréhensible qu’elle soit parcourue de débats et controverses internes. »

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Le manuel suit une démarche pluraliste, présentant diverses approches avec leurs forces et leurs faiblesses, leurs convergences et leurs divergences. Pour contrer l’impression de dispersion, un chapitre introductif retrace le déploiement des différents courants en économie du travail et de l’emploi.

Les alternatives au courant dominant souvent baptisées « hétérodoxes » ou « socio-économiques » ont suivi « un chemin différent, mais relativement synchrone. » Partagées en plusieurs courants, les dernières vagues d’innovations importantes datent aussi d’il y a près de vingt ans.