Archive dans février 2020

Tabac, gaz, notaires, loyers, salaires des femmes, malus auto : ce qui change le 1er mars

Les tarifs réglementés du gaz (HT) perdent moyenne de 4,6 % en mars.
Les tarifs réglementés du gaz (HT) perdent moyenne de 4,6 % en mars. Adam Gault/Ojo Images / Photononstop

Qui dit 1er du mois dit, comme de coutume, nouveaux tarifs et nouvelles règles affectant le budget des ménages. Tour d’horizon des changements entrant en vigueur ce mois-ci.

  • Forte baisse des tarifs réglementés du gaz

Troisième mois consécutif de baisse des prix réglementé du gaz (HT). Après une diminution moyenne de 0,9 % en janvier et de 3,3 % en février, ils perdent 4,6 % en mars. Dans le détail, « cette baisse est de 1,2 % pour les clients qui utilisent le gaz pour la cuisson, de 2,7 % pour ceux qui ont un double usage, cuisson et eau chaude, et de 4,8 % pour les foyers qui se chauffent au gaz », précise la Commission de régulation de l’énergie (CRE) dans un communiqué.

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  • L’objectif du paquet de cigarettes à 10 euros bientôt atteint

En 2017, le ministère de la santé s’est fixé comme objectif de porter le prix moyen du paquet de 20 cigarettes à 10 euros d’ici à fin 2020, en plusieurs étapes. Une nouvelle augmentation des tarifs entre en vigueur ce 1er mars. Le paquet de Malboro Red (20 unités) passe par exemple de 9,30 à 10 euros, celui de Lucky Strike Bleu de 8,90 à 9,40 euros. Les nouveaux prix sont consultables, marque par marque, sur le site des douanes.

Les prix du tabac sont fixés librement mais doivent être répertoriés par des arrêtés. Le gouvernement peut toutefois agir indirectement sur ces prix en modifiant la taxation des produits. La prochaine hausse de la fiscalité du tabac est prévue en novembre.

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« Le prix est un puissant facteur dissuasif de l’entrée dans la consommation du tabac et une motivation forte pour (…) aller vers le sevrage », expliquait en 2018 le ministère de la santé, précisant qu’en France, « le tabac tue chaque jour 200 personnes ».

  • Retour de l’encadrement des loyers à Lille

L’encadrement des loyers est de nouveau appliqué à Lille, ainsi que dans les communes nordistes associées de Hellemmes et Lomme. Sont concernés les baux signés ou renouvelés à partir du 1er mars, pour des locations meublées, ou non, de résidences principales.

Les prix plafonds au mètre carré dépendent notamment des secteurs, de l’époque de construction, du nombre de pièces. Un site officiel permet de connaître son loyer de référence.

Un tel encadrement des loyers, prévu à titre expérimental jusqu’à 2023 par la loi dite « Elan » de novembre 2018, est déjà appliqué à Paris depuis mi-2019. A Lille, un premier encadrement des loyers avait été appliqué en 2017 en application de la loi « Alur » de mars 2014.

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A ne pas confondre avec un autre dispositif visant à limiter les loyers, qui prévoit qu’un propriétaire qui remet en location un logement en « zone tendue » ne peut en augmenter le loyer, sauf dans certains cas.

  • Malus auto : un nouveau barème

Le barème du malus écologique s’appliquant en cas d’achat d’une voiture fortement émettrice de dioxyde de carbone (CO2) avait déjà changé le 1er janvier, il évolue encore ce 1er mars, comme prévu dans le cadre de la dernière loi de finances. En cause : la prise en compte d’une nouvelle norme, une nouvelle méthode d’homologation des véhicules, répondant au nom barbare de « WLTP ». Elle vise à déterminer plus finement, de manière plus réaliste, les émissions.

Si la rumeur d’un report de la mesure a couru ces dernières semaines, le gouvernement a fini par publier, le 28 février, le décret permettant l’entrée en vigueur du nouveau barème.

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Les voitures sont désormais visées par le malus à partir de 138 grammes d’émission de CO2 par kilomètre, contre 110 auparavant. Mais contrairement aux apparences, « la nouvelle grille n’est, dans sa globalité, pas moins favorable aux acheteurs que celle de janvier, au contraire », détaille au « Monde » Aliou Sow, secrétaire général de la Fédération nationale de l’artisanat automobile. La hausse du seuil vient en effet compenser, dans l’ensemble, le durcissement des normes. Cependant, « au cas par cas, le même modèle de voiture pourra se trouver plus ou moins taxé qu’avec l’ancien calcul ».

« Le nouveau barème s’applique aux véhicules jamais immatriculés avant le 1er mars », explique-t-il. Il précise avoir en revanche obtenu un report de l’application de six à neuf mois pour les véhicules déjà immatriculés à l’étranger mais pas encore vendus en France.

Quid de la prime à la conversion ? Le barème utilisé doit lui aussi évoluer, les voitures pourraient y accéder jusqu’à 144 g/km d’émissions contre 116 jusqu’ici, mais le décret permettant l’entrée en vigueur le 1er mars de cette mesure n’était pas publié à l’heure où nous écrivions ces lignes.

  • Egalité salariale femmes-hommes : du nouveau dans les PME

Désormais, les entreprises de 50 à 249 salariés doivent, elles aussi, publier leur « index de l’égalité professionnelle femmes-hommes ». Seules étaient concernées jusqu’ici les entités d’au moins 250 salariés.

Créé par la loi « avenir professionnel » de 2018 et imposé en plusieurs étapes, cet indice doit notamment permettre de mesurer les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes. Il se matérialise par une note sur 100, prenant en compte cinq critères : les rémunérations, les augmentations, les promotions, la part de salariées augmentées au retour de congé maternité et la parité parmi les dix plus hautes rémunérations.

Il doit être affiché sur le site Internet de l’entreprise chaque année avant le 1er mars. Celles « qui n’auraient pas atteint 75 points au bout de trois ans seront passibles d’une pénalité financière », rappelle le ministère du travail.

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  • Uber, Kapten, etc. : une nouvelle règle anti-fraudeurs

A savoir si vous avez recours à des voitures de transport avec chauffeur (les VTC, qui fonctionnent obligatoirement sur réservation préalable et dont les tarifs ne sont pas réglementés, contrairement aux taxis) : désormais, les conducteurs doivent apposer sur leur véhicule leur carte professionnelle sécurisée, dotée d’un QR code. Ceux qui ne détiennent pas cette carte sécurisée, délivrée depuis fin 2017, ne pourront plus circuler.

Carte sécurisée de conducteur de VTC (spécimen)
Carte sécurisée de conducteur de VTC (spécimen) Ministère de la transition écologique et solidaire

L’objectif est de lutter contre les fraudes. « Les services de l’Etat avaient constaté le développement de l’utilisation de fausses cartes VTC sur le modèle produit par les préfectures de 2010 à 2017 sur un support papier non sécurisé », a expliqué le secrétaire d’État aux Transports. Tout client « détenteur d’un smartphone peut lire ce QR-code, il aura alors l’indication que la carte a bien été délivrée par l’Imprimerie nationale », nous ont précisé ses services.

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  • Les premiers chèques énergie bientôt dans les boîtes à lettres

Les habitants du Pas-de-Calais seront cette année les premiers à se voir envoyer par courrier les « chèques énergie », la semaine du 27 mars. Suivront, celle du 30 mars, une trentaine d’autres départements (le calendrier ici), les autres envois seront étalés en avril.

Les foyers en situation de précarité (un peu moins de 6 millions, selon le gouvernement) toucheront entre 48 et 277 euros ; aucune démarche n’est requise. Ils pourront utiliser cet argent pour régler leurs factures de gaz et d’électricité, ou certains travaux de rénovation énergétique. Un site officiel permet de vérifier son éligibilité. Quant aux chèques reçus en mars et avril 2019, ils restent utilisables jusqu’à la fin mars.

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Un autre changement doit entrer en vigueur ce 1er mars, il concerne la révision des tarifs réglementés des notaires (les « émoluments »). L’arrêté les fixant n’a toutefois pas été publié au jour où nous rédigeons cet article.

La fraise cultivée en Espagne pousse sur la misère

Une travailleuse marocaine des fraises devant son logement à Almonte (Huelva), en Espagne, en juin 2019.
Une travailleuse marocaine des fraises devant son logement à Almonte (Huelva), en Espagne, en juin 2019. MARIA CONTRERAS COLL / THE NEW YORK – REDUX – REA

Robe longue et foulard noué sur la tête, elles marchent, par petits groupes, le long des serres de fraises qui s’étendent à perte de vue dans la province espagnole de Huelva, en Andalousie. Sous le soleil de cette fin d’après-midi, au mois de février, sur le large Camino del Fresno, une route de terre entre Moguer et Lucena del Puerto, ces Marocaines croisent, sur leur chemin, des migrants subsahariens, filant à vélo, et des travailleurs espagnols, dont les voitures soulèvent le sable. Avant que la nuit ne tombe, elles se dirigent vers les bâtiments ou les modules de chantier où elles sont hébergées durant la saison des fruits rouges, de janvier à juillet. Les migrants subsahariens, pour leur part, regagnent l’un des trente bidonvilles qui parsèment la province, où ils vivotent sans eau ni électricité, dans de grandes tentes faites de cartons, de palettes de bois, de toiles et de vieilles couvertures.

En visite à Huelva, première région exportatrice de fraises d’Europe, avec 11 700 hectares consacrés à la culture de fruits rouges, le rapporteur spécial sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies (ONU), Philip Alston, a émis un compte-rendu préliminaire accablant, le 7 février. Consterné par les conditions « déplorables » des bidonvilles où vivent des travailleurs des serres, « bien pires que dans un camp de réfugiés », il a appelé les administrations locale et nationale, ainsi que les entreprises du secteur à trouver une solution plutôt que de « se renvoyer la balle ».

« Cela fait dix ans que nous demandons aux administrations de mettre fin à cette situation inhumaine, alors que nous n’en sommes pas responsables », assure José Luis Garcia-Palacios, d’Interfresa

Le gouvernement de gauche espagnol a réagi en annonçant un changement de normes, afin que les inspecteurs du travail puissent effectuer des contrôles dans les campements, où la plupart des occupants sont dépourvus de papiers. Le président de l’Association interprofessionnelle de la fraise andalouse, Interfresa, José Luis Garcia-Palacios, pour sa part, qualifie de « calomnieuses » et « mensongères » les accusations de M. Alston. « Les campements illégaux n’ont rien à voir avec le secteur agricole : ils se trouvent sur des terrains publics, et cela fait dix ans que nous demandons aux administrations de mettre fin à cette situation inhumaine qui nuit à notre image, alors que nous n’en sommes pas responsables », assure au Monde M. Garcia-Palacios. Il réfute le fait que les migrants sans papiers qui y vivent travaillent dans la fraise. « Nos entreprises ne donnent pas de couvertures à ceux qui ne respectent pas la loi. »

Coronavirus : dans les entreprises, entre suspicion et prévention

Un salarié de l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle, le 26 janvier.
Un salarié de l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle, le 26 janvier. ALAIN JOCARD / AFP

Désormais, dans les bureaux de Netinvestissement, une entreprise de gestion de patrimoine, on ne s’embrasse plus, on se salue. Sur les conseils de la direction, férue de naturopathie, les quelque 40 salariés répartis sur trois sites (Paris, Bordeaux et Marseille) avalent aussi trois fois par jour une dizaine de gouttes d’huile essentielle de pépins de pamplemousse, réputé antivirale. Chacun s’est enfin vu doter d’un nouvel outil de travail : un flacon de gel hydroalcoolique.

Avec l’extension de l’épidémie de coronavirus, les entreprises commencent à prendre des mesures de prévention pour éviter la contamination de leurs collaborateurs. Les employeurs, en effet, ont une responsabilité à l’égard de la santé des salariés (article L. 4121 du code du travail).

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Dans les grands groupes comme L’Oréal, BNP Paribas, Natixis ou LVMH, les déplacements des salariés dans les zones à risques sont proscrits, et ceux qui en reviennent sont priés de rester chez eux pendant quatorze jours. Des multinationales ont même élargi l’interdiction à l’ensemble des déplacements. « C’est le cas, par exemple, de Philips, aux Pays-Bas, et de notre propre organisation, témoigne Benoît Montet, directeur de recherches du Top Employers Institute. Notre directeur général, David Plink, a adressé [le 25 février] un courriel pour annoncer que tous les voyages qui n’étaient pas strictement nécessaires étaient annulés, ainsi que les séminaires et autres ateliers collaboratifs à venir, afin que “l’entreprise ne devienne pas un outil de transmission”. »

« Une distance de 2 mètres avec les collègues qui toussent »

« Les directions prennent leur décision par zone géographique et s’attachent à communiquer de façon très fréquente pour éviter une crise autoréalisatrice », explique Benoît Serre, vice-président de l’Association nationale des DRH.

Contraignant, mais salutaire, selon Joachim Tavares, président de PapyHappy, un site Internet consacré au logement des seniors, dont l’une des salariées revient d’Italie. « En apprenant que leur collègue était en quarantaine, l’équipe était soulagée. Les salariés voient ainsi que l’on prend la bonne mesure du problème », souligne-t-il.

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Les entreprises s’efforcent de suivre les mesures de précaution diffusées par le ministère de la santé. « On a mobilisé notre cellule de coordination de crise entre les DRH pour faire un point sur le gel hydroalcoolique et les masques qu’on peut mettre à disposition des salariés », indique un porte-parole d’EDF. Chez Eutelsat, des masques sont distribués aux « salariés devant impérativement voyager en Asie, Afrique, Italie et Moyen-Orient », et la consigne est, de manière générale, de « privilégier les visioconférences ». Chaque entreprise peut apporter ses variantes. « Nous demandons de respecter une distance de 2 mètres avec les collègues qui toussent », a précisé la DRH de Top Employers Institute, tout en recommandant de se référer aux directives de l’Organisation mondiale de la santé, pour éviter toute paranoïa liée à la surabondance d’informations.

« Risque limité »

Si dans les espaces ouverts, le moindre éternuement est devenu suspect, « le risque [est] limité » en milieu de travail, assure l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, sur son site. « Seul un contact étroit avec des personnes présentant des symptômes » est source de contamination, précise l’INRS dans un guide. Le port du masque n’est pas nécessaire si l’on n’est pas malade. L’INRS rappelle, en revanche, qu’« il est essentiel de respecter les mesures habituelles d’hygiène, notamment de se laver fréquemment les mains avec du savon ou les désinfecter avec une solution hydroalcoolique ».

L’INRS recommande aussi de « veiller à l’hygiène des locaux de travail, au nettoyage des surfaces ». Il explique que la poussière déposée sur les meubles, les miettes de sandwich sur les bureaux peuvent constituer un milieu propice au développement des micro-organismes. « Au vu des données disponibles, le coronavirus semble survivre dans le milieu extérieur quelques heures sur des surfaces inertes sèches. En plus de se transmettre directement par inhalation, ce virus pourrait également se transmettre en portant aux muqueuses (bouche, nez, yeux) des mains contaminées au contact de surfaces contaminées », explique une chercheuse de l’INRS.

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Victoire éclair des sans-papiers sur le chantier du futur siège du « Monde »

Des ouvriers travaillent dans le hall d’entrée du futur siège du Groupe Le Monde, à Paris.
Des ouvriers travaillent dans le hall d’entrée du futur siège du Groupe Le Monde, à Paris. LAURENT THION/Pour Le Monde

Une journée de mobilisation et cinq heures de négociation : c’est le temps qu’il a fallu pour obtenir gain de cause aux 35 travailleurs sans-papiers qui occupaient, jeudi 27 février, depuis 6 heures du matin, le chantier du nouveau siège du Monde. En présence de Louis Dreyfus, président du directoire du Groupe Le Monde, de l’inspection du travail et du syndicat CNT-Solidarité ouvrière (SO), un accord a été conclu entre Golden Clean, société de nettoyage employant ces salariés, dont 12 sur le site du Monde, et un représentant des salariés.

Selon la CNT-SO, l’accord prévoit la remise des bulletins de paie dont ils n’avaient jamais vu la couleur, la mise en conformité des salaires avec la convention collective des entreprises de propreté, la réintégration sur le site de tous les salariés. Golden Clean, en outre, « s’engage à la remise des documents Cerfa » en vue de leur régularisation et à les accompagner dans cette démarche, ajoute le syndicat.

« Tout était en règle »

Alerté de l’intrusion par un gardien, Louis Dreyfus s’est rendu immédiatement sur place. En tant que donneur d’ordre, « on avait vérifié les documents de Golden Clean, on avait fait faire des contrôles inopinés et tout était en règle ».

Sous-traitante du groupe de BTP Eiffage durant la construction, Golden Clean avait recruté ces travailleurs mi-2019 pour nettoyer les bases-vie des ouvriers du chantier. Le contrat de sous-traitance s’étendait « de novembre 2017 à novembre 2019 », indique Eiffage. Quand ce contrat s’est achevé, le bâtiment n’étant pas terminé, ils sont restés pour nettoyer le parvis chaque jour, durant les derniers travaux.

« On travaille 7 jours sur 7, pour 40 euros par jour. Parfois, on travaille la nuit, pour le même prix », dénonce Mohamed-Lamine, 26 ans, venu de Conakry, en Guinée. On a dû acheter nous-mêmes des chaussures de sécurité et des gilets ». « Parfois, le salaire est réglé avec un chèque sans ordre, parfois en espèces », ajoute un autre travailleur. Sans ordre, car ils ont été embauchés en présentant les pièces d’identité d’un proche en règle, un « alias ».

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Mais, vendredi 14 février, c’en était trop. « En plus de leur nuit travaillée, on leur a demandé de faire des heures supplémentaires rémunérées 5 euros de l’heure, indique Etienne Deschamps, juriste du syndicat CNT-SO. Ils ont refusé, alors on leur a dit de ne plus revenir sur le chantier. » « On a ciblé le chantier du Monde », précise M. Deschamps, non pas contre le journal, « mais pour être sûr que cette lutte serait visible ». Les syndicats du quotidien ont apporté leur soutien à cette action, qualifiant de « scandaleuses » les « pratiques » de la société de nettoyage.

Les entreprises françaises toujours pénalisées par des difficultés à recruter

Sur un chantier, à Lyon, en août 2019.
Sur un chantier, à Lyon, en août 2019. PHILIPPE DESMAZES / AFP

La Maison Dupuis, spécialiste de la rénovation, n’est pas en manque de chantiers. Plutôt que les clients, ce sont les bras qui manquent pour refaire les charpentes, redonner du lustre aux toitures ou reconstruire les murs des vieilles bâtisses qui essaiment en Normandie ou en Ile-de-France. « Nous cherchons six personnes, deux maçons et quatre ouvriers spécialisés en rénovation, ce qui a généré un manque à gagner de 300 000 euros en 2019 », constate, un brin amère, la directrice générale, Marie Dupuis-Courtes – par ailleurs, vice-présidente chargée de l’éducation et de la formation à la Confédération des petites et moyennes entreprises.

La Maison Dupuis est loin d’être un cas isolé. Métiers du bâtiment, de la propreté, du transport, de l’agroalimentaire, métiers de bouche, il n’y a guère d’activité qui soit épargnée par les pénuries de compétences.

Certes, le problème n’est pas nouveau : en 2019, selon l’enquête « Besoins de main-d’œuvre » de Pôle emploi, les entreprises jugeaient que 50,1 % de leurs projets de recrutement étaient difficiles à faire aboutir, contre 44,4 % en 2018. Mais près de douze mois plus tard, il semble avoir encore gagné en acuité. « Les difficultés de recrutement demeurent le principal frein à l’activité des PME et s’affichent en progression ce trimestre comme sur un an », constate une enquête réalisée par Bpifrance Le Lab avec l’institut Rexecode auprès des patrons de PME et publiées jeudi 27 février.

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Aux yeux de Bruno Cavagné, président de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP) c’est même « le problème numéro un » du secteur. « Quand on interroge les chefs d’entreprise, ils sont 40 % à nous dire qu’ils augmenteraient leur chiffre d’affaires s’ils avaient plus de main-d’œuvre. » « Aujourd’hui, notre problématique, c’est le recrutement et la formation pour faire face à cette difficulté. Le secteur a embauché 40 000 personnes en 2019 [mais] a enregistré 30 000 départs… On n’est pas les seuls à chercher, tout le monde cherche… », explique-t-il.

Décalage croissant entre l’offre et la demande

La baisse du chômage intervenue en 2019 est l’une des explications de cette difficulté à recruter. « En moyenne, une baisse de 1 point de pourcentage du taux de chômage s’accompagne d’une hausse de 5 points de la proportion d’entreprises signalant des pénuries de main-d’œuvre », précise l’Institut national de la statistique (Insee) dans sa note de conjoncture de décembre 2019.

Les entreprises de taille intermédiaire, championnes de la création d’emplois en France

A l’usine Armor-Lux, à Quimper, en octobre 2013.
A l’usine Armor-Lux, à Quimper, en octobre 2013. FRED TANNEAU / AFP

Plus agiles que les grands groupes, plus résilientes que les PME, les entreprises de taille intermédiaire (ETI) s’affirment comme les locomotives de l’emploi en France. « Sur la période 2009-2019, elles ont été, de loin, les plus créatrices d’emplois », constate David Cousquer, responsable de Trendeo. Selon les données compilées par l’institut et publiées jeudi 27 février, les ETI ont créé 22 % d’emplois de plus que les PME et microentreprises, entre 2009 et 2019, et 7,4 fois plus que les grandes firmes.

Une tendance corroborée par les données de l’Insee. Selon les derniers chiffres disponibles, les ETI – c’est-à-dire, les sociétés de 150 à 5 000 salariés – ont créé 337 500 emplois, entre 2009 et 2015, et emploient plus de 3 millions de personnes.

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Frédéric Coirier, président du directoire de l’entreprise de fumisterie Poujoulat et coprésident du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI) explique ce dynamisme par leur structure actionnariale. Dans un cas sur deux, ce sont des entreprises familiales, parfois sur plusieurs générations. L’âge moyen des 500 plus grandes ETI françaises s’élève à 67 ans et une sur cinq a même soufflé ses cent bougies. Un « capital patient », selon l’expression de M. Coirier, qui n’a pas les yeux rivés sur les résultats trimestriels, mais recherche plutôt la pérennité, la stabilité. « C’est pourquoi, lorsque les choses vont un peu moins bien, elles préfèrent garder leurs effectifs, ce qui leur permet de redémarrer plus vite lorsque la reprise arrive », explique M. Coirier.

Difficultés à recruter

Détenue à 60 % par deux associés, Armor-Lux, entreprise de confection bretonne installée à Quimper, n’a pas eu à ferrailler avec des investisseurs privilégiant le court-termisme. « Il y a vingt ans, nous avons décidé de miser sur nos valeurs historiques et d’aller à l’encontre des tendances de la mode : on a pris un risque énorme, mais ce qui est certain c’est que nous n’avons pas eu personne à convaincre de nous suivre », raconte aujourd’hui Jean-Guy Le Floch, l’actuel PDG. La stratégie a payé. Avec un effet notable sur l’emploi : les effectifs sont passés d’environ 400 personnes, il y a quinzaine d’années, à 580, aujourd’hui.

A Libourne (Gironde), Marc Prikazsky, le PDG de Ceva (santé animale) met en avant le fort ancrage territorial des ETI pour expliquer leur propension à recruter : « Nous sommes tous très attachés au territoire, et nous avons envie de l’aider à prospérer. »

Coronavirus : « Face à l’épidémie, les entreprises doivent se mettre en ordre de marche »

« Une assistance d’ordre psychologique par des intervenants externes pourrait s’avérer opportune afin d’accompagner d’éventuelles situations d’isolement professionnel » (Virus SARS-CoV-2, orange, du Covid-19, image prise au microscope électronique).
« Une assistance d’ordre psychologique par des intervenants externes pourrait s’avérer opportune afin d’accompagner d’éventuelles situations d’isolement professionnel » (Virus SARS-CoV-2, orange, du Covid-19, image prise au microscope électronique). AP

Tribune. Le coronavirus ralentit sa propagation en Chine, mais le risque d’une extension s’accroît avec le développement de plusieurs foyers dans d’autres pays, dont la France.

Dans ce cadre, le gouvernement français a ouvert depuis le 2 février le bénéfice des indemnités journalières (IJ) aux salariés et travailleurs indépendants faisant l’objet d’une mesure d’isolement ou de maintien à domicile après avoir été en contact avec une personne touchée par le coronavirus ou après avoir séjourné dans une zone concernée par l’épidémie, dans des conditions d’exposition de nature à transmettre cette maladie.

Deux concepts juridiques

La durée maximale de versement des IJ dans ces conditions est fixée à vingt jours, même si la personne n’est pas diagnostiquée malade du coronavirus.

Maintenant que l’épidémie semble avoir gagné la France, les entreprises doivent se mettre en ordre de marche pour apporter des solutions conformes à leurs obligations de prévention des risques, en y associant la médecine du travail et, lorsqu’elles en sont dotées, le comité social et économique (CSE).

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Deux concepts juridiques sont ici principalement mobilisés : d’une part, l’obligation de prévention des risques professionnels ; d’autre part, le droit de retrait des salariés.

En premier lieu, il appartient à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation, et la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur doit aussi veiller à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte de l’évolution de la situation et tendre à l’amélioration des situations existantes.

Télétravail ou dispenses d’activités rémunérées

Au titre des actions à mettre en place, les employeurs doivent veiller, d’une part, en application de leur pouvoir de direction et sous réserve d’un délai de prévenance raisonnable, à rapatrier les salariés en mission ou en détachement dans les zones touchées par l’épidémie, et d’autre part à reporter les déplacements envisagés dans lesdites zones.

Pour les salariés ayant voyagé récemment dans les régions concernées par l’épidémie ou ayant été en contact avec des malades, les employeurs sont invités à recourir, pour la période correspondant au délai d’incubation tel que communiqué par les autorités de santé, et après avoir recueilli l’accord préalable des salariés concernés, à la mise en place du télétravail ou de dispenses d’activités rémunérées.

Les comptes de l’assurance-chômage reviendront dans le vert en 2021

Les comptes de l’assurance-chômage devraient, comme prévu, revenir à l’équilibre en 2021, mais l’amélioration pourrait être un petit peu moins nette que celle qui était anticipée il y a quelques mois. C’est l’un des enseignements des dernières « prévisions financières » dévoilées, mardi 25 février, par l’Unédic, l’association paritaire cogérée par les syndicats et par le patronat qui pilote le régime.

Dans le rouge depuis 2009, le système d’indemnisation des demandeurs d’emploi va, selon toute vraisemblance, enregistrer à nouveau un déficit, en 2020 (− 900 millions d’euros), avant de renouer avec les excédents. Le solde serait de + 4,2 milliards en 2022 : un résultat inégalé depuis 2008, mais qui est inférieur de 400 millions aux précédentes prévisions réalisées en novembre 2019 par l’Unédic. Quant à la dette accumulée par le dispositif, elle culminerait à 38,4 milliards d’euros cette année, puis se réduirait graduellement, à un peu moins de 32 milliards fin 2022.

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D’un point de vue strictement budgétaire, les tendances devraient donc rester positives, malgré le tassement de la croissance économique et « l’environnement incertain » qui prévaut, comme l’a indiqué Eric Le Jaouen, le tout nouveau président (Medef) de l’Unédic, lors d’une conférence de presse, mardi. Si le régime se rapproche de la ligne de flottaison, c’est, notamment, en raison de la baisse du nombre de personnes qu’il prend sous son aile : fin 2018, on dénombrait quelque 2,8 millions de demandeurs d’emploi indemnisés ; leurs effectifs devraient repasser sous la barre des 2,6 millions en décembre 2022. Une évolution imputable au reflux du chômage mais aussi au bouleversement des règles qui encadrent l’octroi et le montant d’une allocation.

Refonte des règles

L’an passé, le gouvernement avait, en effet, pris plusieurs mesures dont l’entrée en vigueur a été étalée dans le temps. Depuis le 1er novembre 2019, les conditions d’accès au dispositif sont plus dures qu’auparavant (allongement de la période travaillée pour être éligible à une prestation, etc.). A compter du 1er avril, les modalités de calcul de l’indemnisation changeront : dans de nombreux cas, les sommes en jeu risquent de baisser, tout en étant allouées sur des durées plus longues, comme l’a rappelé, mardi, Pierre Cavard, le directeur général par intérim de l’Unédic.

Finalement, les « dépenses d’allocation (…) diminueraient à partir de 2020, sous l’effet conjugué de la conjoncture et de la nouvelle réglementation » : − 2,2 % cette année, − 5,8 % en 2021, − 2,8 % en 2022.