Etudiant, retraité ou sans emploi… témoignages d’autoentrepreneurs

Le statut de microentrepreneurs permet à certains de compléter une retraite ou de payer des études mais il est souvent synonyme pour d’autres de revenus modestes. Le dispositif est par ailleurs accusé de favoriser la concurrence déloyale ou d’encourager le salariat déguisé.

Par Elise Barthet Publié aujourd’hui à 11h41

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Les livreurs de Deliveroo sont des autotrepreneurs. Ici, à Bordeaux.
Les livreurs de Deliveroo sont des autotrepreneurs. Ici, à Bordeaux. GEORGES GOBET / AFP

La France a enregistré un nombre record de créations d’entreprises en 2018 grâce à un bond de 28 % des microentreprises. Derrière ce chiffre, se cache souvent une réalité contrastée. Des revenus souvent modestes et un statut contesté.

« L’entreprenariat m’intéresse, ça me fait une première expérience »

Louis Mertz, 18 ans, étudiant, Strasbourg

Je suis une double licence, en mathématiques et économie. J’ai créé ma microentreprise en septembre 2018, au moment d’entrer à la fac pour pouvoir devenir coursier à vélo. Je fais ça le week-end pour Deliveroo. Cinq heures, entre 11 h 30 et 15 h 00, et cinq heures entre 18 h 00 et 23 h 00, même si c’est rare que je fasse deux “shifts” dans la même journée. Ça me rapporte entre 20 et 25 euros de l’heure le dimanche soir, une quinzaine d’euros le samedi, soit 600 par mois. Mes parents financent mes études, alors c’est vraiment un plus. J’ai un ami qui travaille chez McDo : il a des horaires fixes, doit négocier avec son patron pour s’absenter en période d’examen. Moi, je travaille quand bon me semble. Je ne pense pas qu’on puisse en faire un métier, mais pour des étudiants ou des personnes entre deux boulots, c’est l’idéal. Et puis l’entreprenariat m’intéresse, alors ça me fait une première expérience.

« Je n’ai aucune couverture sociale, aucun droit en cas de problème »

Claude Martino*, 28 ans, paysagiste, Paris

A la fin de mes études, il y a un an et demi, mes professeurs m’ont conseillé de travailler comme micro-entrepreneur sur les missions courtes qu’ils me proposaient. C’était, selon eux, la seule façon de faire. Puis j’ai trouvé une mission plus longue auprès d’une entreprise spécialisée dans la conception de jardins pour les particuliers. Il était question de basculer en CDI “dès qu’on pourra”, disaient-ils. Cela a duré neuf mois ! Neuf mois d’emploi déguisé. Ils n’avaient aucun intérêt à me signer un contrat, qui leur aurait coûté davantage en cotisations patronales et sociales. J’ai mis fin à cette collaboration. J’ai conservé le statut mais aujourd’hui j’ai plusieurs clients. Mon chiffre d’affaires a avoisiné 25 000 euros en 2018. Comme il y a très peu de charges, je dégage entre 1 000 et 2 000 euros de revenu. Mais je n’ai aucune couverture sociale, aucun droit en cas de problème. J’ai dû piocher dans mes économies pour prendre un congé paternité. Et ça a été très compliqué d’obtenir un logement social. Quant à la retraite… Après neuf années d’études, un début de carrière tardif en cotisant a minima, j’aurai droit à quoi ?

2019, une année chargée pour les DRH avec la loi sur la formation professionnelle

La 16e édition de l’université d’hiver de la formation professionnelle qui se tient à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques) jusqu’au 1er février débat des conditions d’application de la loi du 5 septembre 2018 sur la formation professionnelle.

Par Myriam Dubertrand Publié aujourd’hui à 09h59

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« Si le but de la loi est de simplifier et de fluidifier l’acquisition de compétences, elle vise aussi à corriger les inégalités d’accès à la formation, entre les TPE et les grandes entreprises »
« Si le but de la loi est de simplifier et de fluidifier l’acquisition de compétences, elle vise aussi à corriger les inégalités d’accès à la formation, entre les TPE et les grandes entreprises » Eric Audras/PhotoAlto / Photononstop / Eric Audras/PhotoAlto / Photononstop

L’année 2019 ne devrait pas être de tout repos pour les professionnels de la formation. « C’est une année de transition. La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a posé le cadre juridique, mais le modèle ne sera complet qu’en 2021 », rappelle Marc Dennery, directeur associé de C-Campus, cabinet spécialisé dans l’optimisation de la fonction formation. Une actualité qui explique sans doute le succès de la 16e édition de l’université d’hiver de la formation professionnelle qui réunit 1 300 participants (ils étaient 950 en 2018) à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques), du 30 janvier au 1er février, autour de la mise en œuvre de la loi, votée le 5 septembre 2018. « Pour la deuxième année consécutive, nous avons mis en place une programmation spécifique pour les entreprises qui représentent 20 % des inscrits », précise Patrice Guézou, directeur général de Centre Inffo, association sous tutelle du ministère du travail et organisatrice de l’événement.

L’enjeu de la loi du 5 septembre est de « construire une société de compétences », selon les termes de la ministre du travail, Muriel Pénicaud, de sécuriser le parcours professionnel des salariés et de résoudre les problèmes de recrutement des entreprises en ayant, à terme, les bonnes compétences au bon endroit. « La durée de vie des compétences techniques était de cinq ans en 2015. En 2025, elles tomberont dans l’obsolescence au bout de douze à dix-huit mois, souligne Sébastien Fromm, responsable du centre Apec Franklin-Roosevelt à Paris et coordinateur régional des consultants relations entreprises d’Ile-de-France. L’adaptation permanente est donc bien à l’ordre du jour. »

Depuis le 1er janvier, le plan de formation a cédé la place au plan de développement des compétences. Un changement qui va au-delà de la sémantique. L’action de formation – généralement cantonnée au traditionnel stage en présentiel – intègre désormais un spectre beaucoup plus large (formation à distance, en situation de travail, par simulation, séminaires…). Les entreprises applaudissent. « C’est une bonne chose, surtout lorsque l’on sait que 70 % de l’acquisition de compétences se fait via la pratique et l’expérience, 20 % grâce aux échanges avec ses pairs, et seulement 10 % lors de formations formelles », rappelle Sylvain Humeau, président du Groupement des acteurs et responsables de la formation (GARF).

Les vertus du mimétisme au travail

Dans « Le travail qui guérit », le neuropsychiatre Jean-Michel Oughourlian s’interroge sur le rôle de l’imitation dans la « normalisation » de ceux qu’on appelle handicapés.

Par Margherita Nasi Publié aujourd’hui à 09h30

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« Le travail qui guérit l’individu, l’entreprise, la société », de Jean-Michel Oughourlian. Plon, 144 pages, 12,90 euros.
« Le travail qui guérit l’individu, l’entreprise, la société », de Jean-Michel Oughourlian. Plon, 144 pages, 12,90 euros.

Livre. Comme toute usine, l’usine de production, d’apprentissage et d’insertion (UPAI) du Mans est soumise à des impératifs de production, de rendements, de délais, de qualité, de coût, de réactivité. Des tableaux affichent, pour chaque secteur, le nombre de pièces produites ou à produire, dans la journée, dans la semaine, dans le mois. Les pièces sont sophistiquées : il s’agit de faisceaux électriques destinés à l’industrie automobile, permettant la mise en contact des parties électroniques avec le tableau de bord sur des voitures haut de gamme.

Mais sa particularité est ailleurs : les cent cinquante opérateurs qui font tourner l’usine souffrent tous d’un handicap mental. « Pour leurs six encadrants, ils ne sont pas des handicapés : juste des opérateurs tenus à des contraintes industrielles. D’ailleurs, pas un seul des encadrants n’occupe une fonction d’éducateur (une fonction qui n’existe pas ici, délibérément) : ils sont ingénieurs, gestionnaires, DRH et, derrière les postes de travail, ils ne voient que des employés, plus ou moins rapides, plus ou moins polyvalents, plus ou moins joyeux ou angoissés ou stressés. Comme dans n’importe quelle entreprise », raconte Jean-Michel Oughourlian dans Le travail qui guérit.

Ecrit à la suite de visites effectuées par le neuropsychiatre, spécialisé dans la psychologie mimétique, dans les différentes usines apprenantes fondées et dirigées par Amipi (fondation d’insertion par le travail), où 80 % des salariés souffrent d’un handicap cognitif, l’ouvrage s’interroge sur le rôle du mimétisme dans la « normalisation » de ceux qu’on appelle handicapés. C’est avant tout un récit, une immersion qui prouve une fois de plus, selon l’ancien professeur de psychologie à la Sorbonne, « l’efficacité de l’apprentissage qui consiste à jeter tout de suite les individus dans la piscine pour leur apprendre à nager plutôt que devant un tableau noir ou sur un tapis de gymnastique. Cela rejoint la vieille sagesse populaire : c’est en forgeant que l’on devient forgeron ».

Altérité et échange

Antoine se réveille tous les matins à 6 heures, fait deux kilomètres à vélo en pleine campagne pour rattraper le bus qui le conduit ensuite près de l’usine et dont il a retenu les horaires. Il ne sait ni lire ni écrire et ses dessins sont ceux d’un enfant de 2 ans. « Mais ici on ne lui demande ni de lire, ni d’écrire, ni de dessiner. Juste d’œuvrer de ses mains. Et il en est tout à fait capable. » Diagnostiqué autiste, Antoine a rencontré Maryse Vendre, cofondatrice de la Fondation Amipi, en 1976. « Il ne parlait pas, ne bougeait pas sauf dans ses moments de crises. Pourtant, elle l’a mis au travail. Pendant des mois, des “modèles”, c’étaient ici d’autres opérateurs, lui ont expliqué un geste simple mais utile à l’usine. Le chef d’équipe lui en a démontré l’utilité. Pendant des mois, il n’a pas réagi. Puis un jour, il a imité. Il a travaillé. Il a mis du temps à continuer à remonter la pente. Des années. » Les gestes se sont complexifiés au rythme de son évolution. A l’usine, il est devenu un opérateur presque comme les autres. « Un peu plus angoissé, plus rétif aux changements, un peu moins polyvalent, mais tout aussi nécessaire à l’équation productive. »

En cas d’excès de vitesse d’un salarié, l’employeur est-il responsable ?

Depuis le 1er janvier 2017, en cas d’excès de vitesse commis par un salarié avec un véhicule de l’entreprise, pèse sur l’employeur, sauf vol du véhicule, une obligation de « désignation » du contrevenant.

Par Jean-Emmanuel Ray Publié aujourd’hui à 08h54, mis à jour à 08h54

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« Avant 2017, nombre d’entreprises renvoyaient simplement la contravention avec le timbre-amende adéquat, mais sans indiquer le nom du conducteur. »
« Avant 2017, nombre d’entreprises renvoyaient simplement la contravention avec le timbre-amende adéquat, mais sans indiquer le nom du conducteur. » Christophe Lehenaff / Photononstop

Question de droit social. En cas d’excès de vitesse commis par un salarié avec un véhicule de l’entreprise, il n’y a pas de problème particulier si le contrevenant est interpellé ensuite par la maréchaussée, et donc identifié : c’est lui qui se verra retirer des points et sera pénalement poursuivi. Plus complexe est l’hypothèse d’une voiture de société flashée « à partir d’un appareil de contrôle automatique ayant fait l’objet d’une homologation » : un radar. La contravention est alors adressée à l’entreprise, titulaire de la carte grise. En principe, l’employeur doit identifier le salarié au volant au moment des faits, et transmettre ses coordonnées pour qu’il soit sanctionné par les éventuels retraits de points et amendes prévus.

Avant 2017, nombre d’entreprises renvoyaient simplement la contravention avec le timbre-amende adéquat, mais sans indiquer le nom du conducteur. Le salarié fautif ne perdait donc aucun des 12 points de son permis de conduire, indispensable pour ces itinérants, livreurs et autres commerciaux parcourant des centaines de kilomètres chaque semaine, en ville et ailleurs. La majorité des infractions relevées sont, certes, des dépassements inférieurs à 10 km/heure, mais cette pratique était déresponsabilisante en termes de sécurité routière.

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C’est la raison pour laquelle depuis le 1er janvier 2017 pèse sur l’employeur, sauf vol du véhicule, une obligation de « désignation » du contrevenant… même s’il s’agit de lui-même (Cour de cassation, 15 janvier 2019). Dans les quarante-cinq jours qui suivent l’avis de contravention, l’entreprise doit transmettre l’identité, l’adresse et la référence du permis de conduire du fautif ; sans se tromper, pour éviter tout contentieux en dénonciation calomnieuse.

Jusqu’à 3 750 euros d’amende

En cas de refus, la sanction pénale est dissuasive : c’est une contravention de 4e classe (750 euros), que le dirigeant devra nécessairement payer sur ses propres deniers. Mais dans son arrêt du 11 décembre 2018, la Cour de cassation a décidé que cette contravention pouvait aussi être appliquée à la personne morale qu’est l’entreprise avec une amende quintuplée à 3 750 euros.

Pourtant, certains chefs d’entreprise mettent encore peu d’empressement à désigner « la personne physique qui conduisait le véhicule » (code de la route, art. L. 121-6). Car au cours d’une même journée, nombre de voitures ou de camionnettes passent de main en main, sans que leur carnet de bord ne soit dûment rempli malgré la clause de règlement intérieur en ce sens. Et aussi parce que le salarié fautif, qui ressent cette désignation comme une dénonciation, met parfois en cause les directives de l’employeur qui l’ont incité à dépasser la vitesse maximum.

Microentrepreneurs : une réussite en trompe-l’œil

Un chantier à Paris en 2017 : dans le bâtiment, de plus en plus de travaux de sous-traitance sont délégués à des autoentrepreneurs.
Un chantier à Paris en 2017 : dans le bâtiment, de plus en plus de travaux de sous-traitance sont délégués à des autoentrepreneurs. JOEL SAGET / AFP

Le nombre des autoentrepreneurs s’éclate, leur compte en banque moins. Flattés par certains, qui y voient un bon moyen de compléter leurs revenus, ce dispositif est accusé de favoriser la concurrence déloyale ou d’encourager le salariat déguisé.

La microentreprise prospère. Et les microentrepreneurs ? Ils sont, certainement, chaque année plus nombreux à s’inscrire sous ce régime créé il y a dix ans par Hervé Novelli. La simplicité des démarches administratives, la légèreté de la fiscalité et, plus récemment, le doublement des plafonds de chiffres d’affaires (70 000 euros annuels pour les services, 170 000 pour la vente de marchandises) ont fait le succès du dispositif.

Les chiffres publiés mardi 29 janvier par l’Insee en affirment : si les créations d’entreprises ont atteint un niveau record en 2018, c’est précisément grâce aux microentreprises. Ces dernières représentent à elles seules près de la moitié des 691 000 nouvelles immatriculations, soit 308 300 enregistrements, et leur nombre a augmenté de 28 % par rapport à l’année précédente. De quoi gonfler, malgré les radiations à venir, les 1,183 million de comptes déclarés fin 2017.

Mais combien, parmi les intéressés, arrivent à vivre de leur activité ? Combien la cumule avec un autre revenu ? Combien, surtout, ont vraiment fait le choix de se lancer ? Transports, activités immobilières, conseil aux entreprises, santé, nettoyage… si le nombre de secteurs concernés explose, les comptes en banque un peu moins.

Seulement 61,4 %, soit 723 000 personnes, affirmaient fin 2017 un chiffre d’affaires positif. Et le revenu moyen n’a rien de mirobolant : au quatrième trimestre 2017, il avoisinait les 3 664 euros. Un résultat en hausse, mais loin, très loin des seuils légaux.

Autant de situations personnelles que de microentreprises

Consultant, étudiant à vélo, chauffeur VTC, demandeur d’emploi en mal d’offre… il y a presque beaucoup de situations personnelles que de microentreprises. Les grandes moyennes reflètent mal cette diversité et la complexité des combinaisons qu’elle engendre. Qu’ils soient salariés, retraités, chômeurs ou bénéficiaires de minimas sociaux, près de 70 % disent exercer une autre activité ou disposer de rétributions complémentaires. En outre, les gains varient considérablement selon les secteurs : plus élevés pour les agents immobiliers, ils plongent dans l’aide à domicile.

Contesté par les artisans, le régime continue d’être dénoncé de favoriser la concurrence déloyale. « C’est très aigu aujourd’hui dans le bâtiment, observe Alain Griset, président de l’Union des entreprises de proximité (U2P). De plus en plus de travaux de sous-traitance sont délégués à des autoentrepreneurs qui se retrouvent en fin de chaîne et gagnent moins. C’est tout l’artisanat qui se paupérise. »

Débat sur l’assurance-chômage : le patronat a choisi l’ignorance

Francois Asselin, président de la CPME (à gauche), et Geoffroy Roux de Bezieux, son homologue du Medef, à l’Elysée, à Paris, le 10 décembre 2018.
Francois Asselin, président de la CPME (à gauche), et Geoffroy Roux de Bezieux, son homologue du Medef, à l’Elysée, à Paris, le 10 décembre 2018. LUDOVIC MARIN/AFP
En décidant d’arrêter leur participation aux discussions portant sutout sur l’abus de CDD, les organisations patronales pratiquent une politique de la terre brûlée.

Au milieu de la crise sociale inédite que traverse la France avec les « gilets jaunes », le patronat est dans sa bulle. Sans doute craint-il les conséquences de la contestation sur l’activité économique. Mais pour le reste, il coule des jours tranquilles, choyé par Emmanuel Macron, qui a répondu à la plupart de ses attentes, et bizarrement ignoré par les « gilets jaunes ».

Quand ceux-ci réclament des hausses de salaires, ils ne se tournent pas vers le Medef mais vers l’Etat, comme si c’était lui qui arrêtait, au-delà du smic, les hausses de rémunération dans les entreprises privées. Et si bon nombre de manifestants sur les ronds-points souffrent de la précarité, on ne les a guère entendus exprimer des revendications sur la question du chômage.

Dans ce contexte tendu, la négociation sur l’assurance-chômage, engagée en novembre 2018, revêtait une importance capitale, ne serait-ce que pour montrer qu’il est encore possible dans ce pays d’obtenir des résultats par le dialogue entre partenaires sociaux. Les organisations patronales – le Medef, la CPME et l’Union des entreprises de proximité (U2P) – ont pourtant décidé, lundi 28 janvier, d’arrêter leur participation.

Le prétexte ? Le jeudi 24 janvier, dans la Drôme, le chef de l’Etat a affirmé une autres fois sa volonté de réguler le recours aux contrats courts par un système de bonus-malus. Face à la fronde, M. Macron a opportunément et fermement rappelé une promesse de sa campagne. Fin septembre 2018, le « document de cadrage » du premier ministre remis aux partenaires sociaux pour cette négociation, qui fixait l’objectif d’une économie de 3 milliards à 3,9 milliards d’euros pour l’assurance-chômage en trois ans, leur laissait le soin de trouver la bonne solution pour réduire le recours aux contrats courts.

L’Etat va prendre la main

Depuis vingt ans, les CDD de moins d’un mois ont été multipliés par 2,5, ce qui représente un surcoût de 2 milliards d’euros pour l’Unedic. Les entreprises, a affirmé Laurent Berger, « utilisent et surabusent des contrats courts ». Pour le secrétaire général de la CFDT, elles « font payer à l’assurance-chômage leur flexibilité interne ». Un système de bonus-malus finirait à moduler les cotisations chômage des employeurs, actuellement de 4,05 %, en fonction du taux de rupture des contrats de travail. Le patronat est vent debout face à une telle réforme, soutenue par les syndicats. Pour Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef, elle mènerait à « détruire des CDD et des emplois d’intérim sans pour autant créer des CDI ».

Pour couvrir sa désertion des discussions en cours, qui étaient dans l’impasse et devaient s’achever le 20 février, le Medef a dénoncé l’intervention du président de la République « semblant indiquer que le bonus-malus se mettra en place et ce, quel que soit le résultat de la négociation ». « Tous les efforts menés par les négociateurs pour “déprécariser” les contrats courts ont ainsi été balayés d’un revers de main », a annoncé la CPME.

Le patronat pratique ainsi une politique de la terre brûlée. Alors que le chômage, malgré une légère baisse en 2018, reste à un niveau élevé, la recherche d’un compromis était urgente. C’était aussi l’occasion d’exposer à un président qui ignore volontiers les corps intermédiaires qu’ils savent faire preuve de sagesse. Le patronat a choisi l’option de l’irresponsabilité. L’Etat va prendre la main et, à l’arrivée, il n’y aura que des perdants.

Le plan de préservation de l’emploi de Ford pour l’usine de Blanquefort refusé

Devant l’entrée du site Ford de Blanquefort, le 27 février 2018.
Devant l’entrée du site Ford de Blanquefort, le 27 février 2018. NICOLAS TUCAT / AFP

Cette solution devrait permettre aux syndicats de gagner des semaines supplémentaires pour retravailler une possible reprise pour le site qui emploie 870 salariés.

C’est un répit qu’espéraient strictement les syndicats de l’usine Ford de Blanquefort, en Gironde. La Direction du travail (Direccte) a décidé, lundi 28 janvier, de rejeter le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) pour l’emblématique site industriel qui emploie 870 salariés, repoussant la perspective de sa fermeture immédiate, a annoncé la préfecture de Gironde.

Cette « décision », a déclaré la préfecture dans un communiqué, « a pour objectif de sécuriser l’ensemble des parties, en pointant la non-conformité de la procédure ». De son côté, Ford s’est contenté de prendre « acte de la décision », sans vouloir faire plus de commentaires.

Le constructeur américain, qui avait éclairci il y a près d’un an sa volonté de se désengager de l’usine de boîtes de vitesses implantée en 1972, avait refusé, en décembre, une offre de reprise de la société franco-belge basée à Strasbourg Punch Powerglide. Cette dernière, pourtant appuyée par l’Etat et les syndicats, portait sur environ 400 emplois.

Le conseil de la Direccte, très attendue, est une étape décisive pour les 870 salariés de l’usine, accrochés à l’espoir d’une reprise. Selon une source gouvernementale, cette décision laisse en effet une quinzaine de jours à Punch pour apporter les éléments qui manquaient encore pour « muscler son offre de reprise ». Punch Powerglide pourrait notamment en profiter pour « produire une ou des lettres d’intention » (de commandes) de constructeurs. Une assurance qui, du point de vue des salariés, se fait attendre.

Pour Philippe Poutou, délégué CGT de Ford, « c’est une bonne nouvelle, ça va obliger Ford à revoir sa copie et à étudier plus sérieusement le projet de reprise par Punch défendu par les salariés ».

La décision de Ford mi-décembre de décliner l’offre de Punch, après des mois d’implication de l’Etat pour trouver un repreneur, avait provoqué une levée de boucliers politiques, locale et nationale, jusqu’au président de la République, qui avait jugé l’attitude du constructeur « hostile et inacceptable ». Une « trahison », avait estimé M. Le Maire.

Il a assuré depuis, début janvier, que « les discussions continuaient » pour convaincre Ford de ne pas fermer l’usine. Discussions sans aucune garantie, convient-on de sources concordantes. Et sur fond d’horloge qui tourne, avec la fin de production à Blanquefort – déjà au ralenti – établie pour fin août 2019.

Le patronat monte le temps de la négociation pour l’assurance-chômage.

Le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, devant l’hôtel Matignon, le 30 août.
Le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, devant l’hôtel Matignon, le 30 août. BERTRAND GUAY / AFP
Le ton est monté, ce lundi 28 janvier, autour du bonus-malus : le Medef et la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) et l’Union des entreprises de proximité (U2P) ont arrêté leur participation à la négociation sur l’assurance-chômage. Les deux organisations patronales protestent contre la « détermination » d’Emmanuel Macron à mettre en place ce dispositif réclamé par les syndicats pour lutter contre la précarité.Jeudi, lors de sa réunion avec des citoyens dans la Drôme, le président Macron a réaffirmé sa volonté d’examiner les contrats courts par le bonus-malus. Cette déclaration, en pleine négociation sur l’assurance-chômage, a notamment agacé la CPME. « Tous les efforts menés par les négociateurs pour “déprécariser” les contrats courts ont ainsi été balayés d’un revers de main », a-t-elle déclaré, trois jours avant une nouvelle séance de négociation.

« Le président de la République vient d’intervenir publiquement, semblant indiquer que le bonus-malus se mettra en place et ce, quel que soit le résultat de la négociation », a regretté pour sa part le Medef, qui devait montrer jeudi aux organisations syndicales ses propositions sur la question des contrats courts.

Pour l’U2P ((artisans, commerçants, professions libérales), le document de cadrage adressé par le gouvernement aux partenaires sociaux leur demandait « de se positionner sur cette problématique, sans pour autant imposer la solution ».

Les CDD de moins d’un mois multipliés par 2,5 en vingt ans

Commencée en novembre, la négociation doit prendre fin le 20 février, après avoir été prolongée de deux séances, syndicats et patronat échouant notamment à se mettre d’accord sur un mécanisme qui réduirait le recours excessif aux contrats courts.

En vingt ans, les CDD de moins d’un mois ont été multipliés par 2,5, une source de précarité et un surcoût de deux milliards d’euros pour l’Unédic, qui gère l’assurance-chômage. Le système de bonus-malus consiste à articuler les cotisations chômage de l’employeur en fonction du taux de rupture de contrats de travail. L’idée est de faire varier la cotisation patronale à l’assurance-chômage, actuellement de 4,05 %, en fonction du taux de rupture de contrats donnant lieu à inscription à Pôle emploi – une promesse présidentielle soutenue par les syndicats.

Mais le patronat y est solidement opposé. En novembre, au tout début de la négociation sur l’assurance-chômage, Geoffroy Roux de Bézieux, le patron du Medef, avait assuré qu’un tel système allait « détruire des CDD et des emplois intérim sans pour autant créer de CDI ».

Le 23 janvier, dans le cadre de la discussion, les organisations patronales Medef, CPME et Union des entreprises de proximité (U2P) ont présenté une série de propositions alternatives au bonus-malus pour réguler les contrats courts.

Y figuraient la suppression des délais de carence, un assouplissement du renouvellement des contrats courts ou encore la priorité à l’embauche en contrat court. Certaines propositions ont été jugées floues, d’autres provocantes par les syndicats.

« Une nouvelle fois, on culpabilise les faibles »

Juste avant les annonces faites par la CPME, le Medef et l’U2P, Laurent Berger, le numéro un de la CFDT, a déclaré, sur RMC/BFM-TV, que « le patronat portera[it] la responsabilité de l’échec » de la négociation sur la réforme de l’assurance-chômage s’il persistait à refuser tout mécanisme de bonus-malus.

Philippe Martinez, son homologue de la CGT, allait dans le même sens sur France Inter : « Du bonus, ils [les employeurs] en ont beaucoup, donc si on pouvait se contenter du malus ça irait mieux », a-t-il ainsi mentionné. Plus généralement, il a critiqué le cadre « contraint » de cette négociation imposée par le gouvernement, qui réclame « 4 milliards d’économies sur le dos des chômeurs ». Et « une nouvelle fois, on culpabilise les plus faibles », a-t-il regretté.

De son côté, Michel Beaugas, le négociateur pour Force ouvrière (FO), a évalué que le patronat prenait « en otage des millions de demandeurs d’emplois sur une position dogmatique ». Il est « très inquiet » que le gouvernement reprenne en main le dossier et impose « une baisse des droits drastique aux demandeurs d’emploi indemnisés ».

« Suspendre, ce n’est pas arrêter », a relativisé Jean-François Foucard, de la CFE-CGC, pour qui la « responsabilisation des entreprises ne peut passer que par des cotisations ». Le gouvernement a imposé aux partenaires sociaux que la nouvelle convention d’assurance-chômage permette entre 3 et 3,9 milliards d’euros d’économies en trois ans.

Bart Gruyaert, ose la relance d’Ascoval

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Bart Gruyaert, président fondateur d’Altifort et repreneur de Ascoval, à Paris, le 31 octobre 2018.
Bart Gruyaert, président fondateur d’Altifort et repreneur de Ascoval, à Paris, le 31 octobre 2018. ROMUALD MEIGNEUX/SIPA

Coactionnaire d’Altifort, l’industriel reprend l’aciérie de Saint-Saulve, en redressement judiciaire depuis janvier 2018. A lui de trouver des clients sur un marché quasi saturé.

« Après le 19 décembre, j’ai passé trois semaines au lit. J’étais vidé ! » Ce jour-là, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Strasbourg a autorisé Altifort à reprendre Ascoval, l’aciérie de Saint-Saulve, dans le Nord, et ses 281 salariés. « Les négociations ont été si compliquées qu’une fois le jugement passé, confie Bart Gruyaert, le copropriétaire du groupe Altifort, tout est retombé. »

Six semaines après, l’industriel flamand est requinqué. Il doit obtenir publiquement les clés d’Ascoval vendredi 1er février. « C’est maintenant qu’il va devoir se révéler pour trouver les clients qu’il a promis », prévient un bon connaisseur du dossier. L’aciérie est un gros morceau, avec un chiffre d’affaires de 135 millions d’euros en 2017, alors qu’Altifort prétends environ 200 millions de revenus.

Surtout, il va devoir trouver des clients pour écouler 500 000 tonnes d’aciers, la capacité de l’aciérie, quand le marché est presque saturé et que Vallourec et Schmolz + Bickenbach, qui achetaient jusqu’à présent sa production, sont désormais de redoutables concurrents. Mais pas de quoi effrayer le quadra. « Pourquoi faudrait-il avoir peur ?, interroge-t-il, mi-janvier, dans les bureaux de son groupe à Bourg-la-Reine (Hauts-de-Seine). Je suis sûr que nous pouvons réussir à trouver les clients pour faire tourner l’aciérie et la forge. Ce sera dur, mais nous nous accrocherons. Et puis, n’oubliez pas. Je viens de Courtrai, en Belgique. Là-bas, nous sommes à la fois travailleurs et têtus. Surtout têtus. Nous ne lâchons rien ! »

« C’est un fonceur, un bosseur »

« Et il a démontré qu’il était résistant face à Vallourec, l’ancien propriétaire, et l’Etat », confirme Xavier Bertrand, le président de la région Hauts-de-France qui l’a soutenu sur ce dossier. « Il a été courageux, voire téméraire », confirme Philippe Jeannerot, l’administrateur judiciaire qui a supervisé le redressement de l’aciérie. « C’est un fonceur, un bosseur qui ne s’attarde pas sur les petits détails et qui ne regarde pas dans le rétroviseur », déclare Nathalie Delabre, 51 ans, responsable du service achats d’Ascoval qui l’a croisé ces dernières semaines.

Durant les négociations de reprise, Vallourec a refusé d’aider Altifort, tandis que Bercy n’était pas très allant pour le supporter. Le petit groupe de 1 500 salariés, construit en moins de cinq ans, est financièrement fragile. Certains officiels ont plusieurs fois conseillé à l’entrepreneur de se désister, tandis que ses filiales subissaient des contrôles de la part de l’administration. « En interne, on m’a même demandé de laisser tomber », déclare-t-il.

Uber garanti que la rémunération horaire d’un chauffeur est de 9,15 euros net

Rassemblement de chauffeurs de VTC à Paris, le 15 décembre 2016, pour protester contre la hausse des commissions imposées par Uber.
Rassemblement de chauffeurs de VTC à Paris, le 15 décembre 2016, pour protester contre la hausse des commissions imposées par Uber. NICOLAS MESSYASZ / Hans Lucas

Ce calcul, qui est théorique, s’inscrit dans le cadre d’une campagne de transparence de la part de l’entreprise, alors que les syndicats des chauffeurs sollicitent un tarif minimum pour les courses.

Un simple contre-feu ou un réel exercice de transparence ? Alors que son modèle économique est alarmé par la justice française, que les syndicats du secteur des véhicules de tourisme avec chauffeurs (VTC) multiplient les opérations escargot et les grèves pour obtenir la mise en place d’un tarif minimum des courses, Uber, le leader du secteur, publie pour la première fois une étude sur le revenu de ses conducteurs.

La société américaine a calculé qu’un chauffeur qui se connecte à sa plate-forme gagne 9,15 euros net de l’heure pour 45 heures de travail hebdomadaire (la moyenne pour les « non-salariés » dans le secteur du transport). En France, le salaire horaire minimum net est de 7,72 euros pour 35 heures. Pour Uber, il s’agit d’un revenu médian. La moitié des 28 000 chauffeurs qui travaillent avec lui gagnent moins ; l’autre moitié, plus.

Pour arriver à ce résultat, l’étude évalue le chiffre d’affaires horaire médian d’un conducteur d’Uber à 24,81 euros brut, après commission versée à la plate-forme. Une fois retranchés l’ensemble des frais d’un conducteur (véhicule, assurance, carburant, etc.), les cotisations sociales et la TVA, on arrive au revenu net de 9,15 euros.

Plan antifraude

Sur un mois, un chauffeur pourrait donc disposer d’un revenu (avant impôt) de 1 617 euros. C’est mieux que les 1 430 euros de revenu médian des non-salariés dans le secteur du transport, calculé par l’Insee. Ces calculs restent toutefois théoriques, puisque, en moyenne, les chauffeurs VTC ne se connectent à la plate-forme que 27 heures par semaine en France.

Selon FO, plusieurs milliers de chauffeurs rouleraient illégalement et réduiraient ainsi les revenus des chauffeurs légaux.

« C’est effectivement un calcul théorique, car les conducteurs travaillent pour plusieurs applications différentes, confirme Steve Salom, le patron d’Uber en France, mais cela donne de la visibilité aux chauffeurs et aux pouvoirs publics. » En 2017, Jacques Rapoport, le médiateur chargé par le gouvernement de dénouer la crise de l’époque entre plates-formes et chauffeurs VTC, estimait le revenu moyen d’un chauffeur indépendant à 1 700 euros, mais pour 60 heures, « et ce, sans prendre en compte les congés payés ou la couverture santé et retraite ».

Chez les syndicats, le débat est constamment vif sur les revenus réels des chauffeurs, sachant que chacun peut se connecter à une ou plusieurs applications et que ses revenus diffèrent grandement de l’une à l’autre. Pis, avec la loi Grandguillaume de 2016, qui oblige chaque conducteur à obtenir, après examen, une carte de VTC, la fraude a explosé. Selon FO, plusieurs milliers de chauffeurs déplaceraient illégalement et réduiraient ainsi les revenus des chauffeurs légaux.

Evolution de la jurisprudence

En plus d’un plan de lutte du gouvernement contre cette fraude, les différentes fédérations (FO, CFDT) du secteur réclament la mise en place d’un tarif minimum des courses, afin d’améliorer les revenus. Une idée qui passe mal du côté des plates-formes. « Nous souhaitons aider nos chauffeurs, plaide M. Salom. Cela passe, par exemple, par une aide à l’optimisation de leurs revenus. Nous sommes aussi prêts à améliorer leur protection sociale. Nous finançons déjà une assurance et voulons aller plus loin, en adoptant une charte sociale, qui est prévue par la loi sur les mobilités en discussion. Bien que, nous avons besoin d’un cadre juridique stabilisé et protecteur. »

Avec l’évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation, fin 2018, et de la cour d’appel de Paris, début 2019, sur la récupération des travailleurs indépendants de plate-forme en salariés, Uber et les autres applications craignent « le flou juridique actuel ». « Or, la quasi-totalité des chauffeurs souhaitent aujourd’hui travailler sans patron et en tant qu’indépendant », assure M. Salom.

Devant cette situation, le gouvernement devrait, enfin, sortir de son silence. Alors que le ministère du travail réfléchit à un nouveau régime juridique des travailleurs de plate-forme, le ministère des transports doit dévoiler ses pistes de régulation du secteur VTC. Cette semaine, une mission des inspections du ministère des transports et du travail (CGEDD et IGAS) doit remettre ses propositions sur l’équilibre du secteur et toutes les questions liées à sa régulation, dont celles des tarifs.