Dominique Méda : « Le lien entre mutations de l’emploi et sens du vote est trop souvent ignoré »

Les mauvais emplois ou l’absence d’emplois ont non seulement un coût social, mais expliquent aussi la montée du populisme, détaille la sociologue dans sa chronique.

Publié aujourd’hui à 05h00 Temps de Lecture 4 min.

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Dans une usine de fabrication de bobines de fibre de verre, à Jiujiang (Chine), le 15 juillet.
Dans une usine de fabrication de bobines de fibre de verre, à Jiujiang (Chine), le 15 juillet. CHINATOPIX VIA AP

Les transformations de l’emploi expliquent-elles, au moins partiellement, les résultats des élections ? Plusieurs études américaines récentes fournissent de solides arguments à l’appui de cette thèse.

Dans l’étude « Importing Political Polarization ? The Electoral Consequences of Rising Trade Exposure », David Autor, David Dorn, Gordon Hanson et Kaveh Majlesi analysent l’effet de la pénétration des importations chinoises dans les Etats américains. Prenant en considération les résultats des élections législatives de 2002 et 2010 et des élections présidentielles de 2000, 2008 et 2016 dans 2 976 comtés, ils se donnent les moyens de comparer deux époques – avant et après l’intégration de la Chine dans le commerce mondial – et de mettre ainsi en évidence l’effet spécifique de celle-ci sur les comtés où les industries et les emplois ont été touchés. Ils constatent que, dans les comtés qui étaient les plus exposés à la concurrence chinoise, les Républicains ont gagné des votes et que les candidats les plus modérés ont été exclus au profit des extrêmes. Les auteurs calculent même que, si la pénétration des importations chinoises avait été de moitié moins élevée, le Michigan, le Wisconsin, la Pennsylvanie et la Caroline du Nord auraient élu la candidate démocrate à la place de Donald Trump.

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L’étude s’appuie sur des travaux antérieurs qui ont mis en évidence que, contrairement à ce que défend la théorie économique mainstream, l’idée d’une destruction créatrice facilitée par la mobilité des travailleurs ne tient pas : les ajustements ont au contraire été très lents, et la pénétration croissante des importations en provenance de pays à bas salaires a pesé de manière disproportionnée sur les marchés du travail locaux historiquement spécialisés dans des productions à forte intensité de main-d’œuvre. Dans les comtés particulièrement concernés par les importations chinoises, de nombreux travailleurs, loin de trouver un nouvel emploi dans des secteurs mieux payés, ont tout simplement perdu leur emploi, en ont obtenu de moins bonne qualité ou ont connu des baisses de salaire.

Ces robots qui ont fait élire Trump

Une autre étude parvient à des résultats identiques en analysant l’effet de la robotisation : dans « Political Machinery : Did Robots Swing the 2016 US Presidential Election ? », Carl Benedikt Frey, Thor Berger et Chinchih Chen analysent la pénétration des robots dans les différentes circonscriptions électorales pour déterminer si les secteurs les plus exposés à l’automatisation dans les années précédant les élections de 2016 ont été ou non plus favorables au vote en faveur de Trump. Ils mettent en évidence un lien positif, qui s’explique par le fait que la robotisation s’est accompagnée de pertes d’emplois massives ou de fortes baisses de salaire et/ou de qualité d’emploi et calculent, comme les auteurs de l’étude précédente et en utilisant la même méthode, que le Michigan, le Wisconsin et la Pennsylvanie – les Etats où la lutte a été la plus âpre entre les deux candidats – auraient voté en faveur de Hillary Clinton si le nombre de robots n’avait pas augmenté.

Grève au menu chez les livreurs de Deliveroo

Des coursiers de la plate-forme de livraison de repas à domicile Deliveroo manifestent dans le centre de Paris, le 7 août.
Des coursiers de la plate-forme de livraison de repas à domicile Deliveroo manifestent dans le centre de Paris, le 7 août. BERTRAND GUAY / AFP

Après la mobilisation du samedi 3 août, à Paris, les livreurs de repas de Deliveroo se sont de nouveau retrouvés, mercredi 7 août, place de la République, pour dénoncer la nouvelle grille tarifaire imposée par la plate-forme. Selon le Collectif des livreurs autonomes de Paris (CLAP 75), cette modification, appliquée depuis début août, entraînerait une baisse de rémunération de 30 % à 50 %.

A 20 heures, ils étaient une centaine, avec leur vélo ou leur scooter, révoltés. Pour beaucoup, c’était leur première mobilisation. « Trois euros, parfois 2 euros pour une course, c’est quoi ça ? J’étais obligé de venir ce soir ! », explique Abdou (tous les prénoms ont été modifiés), 35 ans, livreur pour Deliveroo depuis un an. « Avant, poursuit-il, le minimum, c’était 4,70 euros [à Paris], puis ça montait à 5, 6, 7 euros », selon la course.

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La nouvelle grille ne comprend plus de tarif minimal. Deliveroo avait annoncé, début août, une baisse des tarifs des courses les plus courtes et une augmentation pour les longues, que les livreurs délaissaient, car peu rentables. D’après la plate-forme, la nouvelle grille offrirait « une meilleure tarification, plus juste » et « plus de 54 % des commandes [seraient] payées davantage » qu’auparavant.

« Tous les échanges que nous avons eus sur le terrain sont positifs », affirme-t-on chez Deliveroo. Et, malgré les grèves et blocages de restaurants qui ont eu lieu à Toulouse, Nice, Besançon, Tours, Nantes et Bordeaux, « on n’a vu aucun impact sur nos opérations ». Mercredi soir, à Paris, Mounir, 23 ans, livreur pour Deliveroo depuis deux ans, examinait la petite foule rassemblée, pas très optimiste. « Trop de livreurs continuent à rouler. Il faudrait qu’on soit plus nombreux. »

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Comment mobiliser des travailleurs atomisés sur tout le territoire, microentrepreneurs comme l’exigent toutes les plates-formes de livraison de repas et en situation de concurrence entre eux ? Tout est à inventer, d’autant qu’ils travaillent dans la rue, en roulant, et n’ont pas d’endroits pour discuter ni de délégués. Ils ne se croisent au mieux que quelques minutes dans les restaurants où ils viennent chercher les commandes.

« Nouveaux modes d’organisation du travail »

Les syndicats, déjà à la peine dans le salariat, ont du mal à s’adapter à ces situations. Ils n’y sont d’ailleurs pas forcément les bienvenus. « Les livreurs sont des travailleurs très jeunes, qui ont grandi avec l’idée d’un syndicalisme vieillot, politisé, souligne l’ancien étudiant en droit, Jean-Daniel Zamor, président du CLAP, qui travaille pour les plates-formes Uber Eats et Stuart. C’est pourquoi, au CLAP, nous essayons de pratiquer un syndicalisme très proche des gens. » M. Zamor se déplace ainsi d’une ville à l’autre pour rencontrer les livreurs.

Les réseaux sociaux sont essentiels pour toucher ces travailleurs. Sur Facebook ou d’autres réseaux comme Telegram ou Snapchat, il existe plusieurs groupes de livreurs, dont certains réunissent plusieurs milliers de membres. Le CLAP, par exemple, en compte 3 800 sur Facebook ; Uber Eats Paris en affiche 5 770 et Les coursiers à vélo, 4 600. Ces groupes servent à échanger des informations, à partager des appels à la mobilisation et à effectuer des sondages sur la participation à des actions proposées.

Aujourd’hui, même si le CLAP, issu du groupe Facebook le Collectif des coursiers franciliens créé en 2016, a joué un rôle moteur dans les manifestations, il n’est plus « à l’initiative des mouvements, qui naissent spontanément dans une zone ou une autre lorsque surgit un événement comme la baisse des rémunérations, constate Jérôme Pimot, son fondateur. Le CLAP leur sert de « support logistique » et de caisse de résonance.

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Dès l’annonce des nouveaux tarifs de Deliveroo, des opérations de contestation ont été organisées dans l’Hexagone. « Quand des livreurs ont bloqué un restaurant dans ma ville, je suis allé me renseigner, car je passais par là », note un livreur de 19 ans, qui travaille pour plusieurs plates-formes, dont Deliveroo. « Les livreurs m’ont expliqué que les tarifs avaient baissé sans qu’ils soient consultés. Ce n’est pas normal ! Je n’ai pas hésité à les rejoindre. Si on ne fait pas grève, Deliveroo va baisser ses tarifs de plus en plus. J’essaye de convaincre d’autres livreurs de bouger. »

Les syndicats ne sont pas totalement absents. La CGT des services à la personne, par exemple, a apporté son expérience de l’action auprès de travailleurs atomisés comme les employés de maison et les assistantes maternelles. Elle finance aussi des dépenses de voyages sur le terrain, prête des locaux, « sans rien demander en échange », précise Stéphane Fustec, responsable des services à la personne à la CGT. Les appareils syndicaux ont atteint leurs limites face à ces nouveaux modes d’organisation du travail. Or, nous avons intérêt à être sur le terrain de l’ubérisation, qui s’agrandit dangereusement. » Les livreurs ont l’intention de mener une action nationale le week-end du 10 août.

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Les livreurs Deliveroo demandent aux consommateurs de boycotter la plate-forme

Selon les livreurs indépendants, la nouvelle grille tarifaire décidée par la plate-forme de livraison de plats à domicile va entraîner une baisse de leur rémunération.

Le Monde avec AFP Publié aujourd’hui à 14h45

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Un livreur Deliveroo à Saint-Ouen, en juillet 2018.
Un livreur Deliveroo à Saint-Ouen, en juillet 2018. GÉRARD JULIEN / AFP

En conflit avec la plate-forme de livraison de plats à domicile, des livreurs de Deliveroo ont demandé aux consommateurs de boycotter l’entreprise mercredi 7 août.

« Aujourd’hui, on essaie de sensibiliser les consommateurs. On leur demande, juste aujourd’hui, de ne pas commander à Deliveroo et de ne pas se connecter, par soutien au mouvement » contre la nouvelle grille tarifaire décidée par la plate-forme, a déclaré Jean-Daniel Zamor, président du Collectif des livreurs autonomes parisiens (CLAP 75).

Deliveroo a annoncé ces derniers jours baisser les tarifs des courses les plus courtes et augmenter celui des courses longues, délaissées par les livreurs car peu rentables. La plate-forme a notamment supprimé le tarif minimal de 4,70 euros pour une course, qui s’appliquait à Paris (il varie selon les villes).

Selon la plate-forme, la nouvelle grille offre « une meilleure tarification, plus juste » et « plus de 54 % des commandes sont payées davantage ». Mais pour M. Zamor, les courses longues ne sont pas rentables, car « elles peuvent faire plus d’une heure, soit l’équivalent de trois ou quatre courses courtes ». Il estime entre 30 % et 50 % la perte de rémunération pour les livreurs payés en tant qu’autoentrepreneurs.

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« Cela précarise tout le secteur »

Le CLAP 75 appelle également les livreurs à un rassemblement à partir de 19 heures place de la République à Paris, afin de « faire entendre nos droits et montrer qu’on peut frapper ». Le rassemblement doit être suivi par le blocage de plusieurs restaurants. Les livreurs ont aussi l’intention de mener une action nationale ce week-end. Dans certaines villes, comme dans la capitale, ils seront en grève samedi tandis que dans d’autres, à Grenoble par exemple, ce sera dimanche, a annoncé M. Zamor. Les livreurs parisiens s’étaient déjà réunis samedi 3 août.

« Deliveroo était la plate-forme qui payait à peu près le mieux, mais elle s’aligne maintenant sur ses concurrents, a regretté M. Zamor. Cela précarise tout le secteur. » Avec 10 000 restaurants partenaires dans 200 villes, le marché français est le deuxième pour Deliveroo, après le marché britannique.

Lire le reportage : « On ne sait plus ce qu’on va gagner » : le désarroi des Deliveroo
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Habillement : le bilan trompeur des soldes

Pour la première fois depuis neuf mois, en juin, les ventes d’habillement ont progressé en France. Mais les distributeurs de mode ne croient plus en une reprise.

Par Publié le 06 août 2019 à 01h49

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Les soldes à Paris, le 11 juillet.
Les soldes à Paris, le 11 juillet. BRUNO LEVESQUE / IP3 PRESS / MAXPPP

Le soleil est revenu sur le marché de l’habillement. En dépit du plafonnement de la croissance à 0,2 % au deuxième trimestre dû à un ralentissement de la consommation en France, selon l’Insee, le bilan des ventes d’habillement de la saison printemps-été est jugé satisfaisant. Les achats de vêtements ont augmenté de 1,2 % en juin par rapport au même mois de 2018. « C’est la première progression des ventes depuis octobre 2018 », souligne Gildas Minvielle, directeur de l’Observatoire économique de l’Institut français de la mode (IFM).

Fin juin, l’ouverture des soldes d’été a bénéficié de la canicule. « Les records de température ont favorisé l’achat de vêtements d’été », reconnaît Sébastien Allo, directeur des études au sein du Centre national des centres commerciaux (CNCC). Dans ces centres, où l’on se réfugiait aussi du fait de l’air climatisé, la fréquentation aurait crû de 2 % par rapport à juin 2018. Les Français ont aussi beaucoup commandé en ligne (+ 9,3 % en un mois). Le commerce spécialisé a vu son activité progresser de 0,5 % au premier semestre par rapport à 2018, selon le Procos, fédération de commerçants.

Les soldes d’été 2019, qui, dans la plupart des villes de France, se sont achevés mardi 6 août, seraient d’un bon cru. En ligne, les ventes ont progressé de 10 % sur les trois premières semaines de la période, d’après la Fédération des entreprises de vente à distance.

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Une consommation frugale

Mais cette embellie ne redonne guère d’entrain aux distributeurs de mode, le marché français étant en crise depuis 2008. Les ventes d’habillement ont reculé de 15 % en valeur entre 2007 et 2018, dans l’Hexagone, d’après l’IFM. Le marché des chaussures a chuté de 7 % sur cette période.

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Au pays de la mode, les temps ont changé. Pour un Français sur quatre, « le prix est le premier critère d’achat d’un vêtement », dévoilait, mi-juillet, une étude de Kantar. Les consommateurs « sont plus exigeants », note Marianne Perrin, consultante au sein du panel mode de l’entreprise, en chiffrant à « minimum 50 % » la démarque qu’ils exigent lors des promotions.

Cette chasse permanente aux bonnes affaires fait la fortune de certaines enseignes. Au premier semestre, les chaînes comme Kiabi ont, ainsi, encore gagné des parts de marché, d’après l’IFM. « Leurs ventes ont progressé de 1,3 % en moyenne au mois de juin », précise M. Minvielle. Et les enseignes de hard-discount fleurissent sur le territoire français. Parmi elles, Zeeman – 1 300 magasins dans sept pays – effraie la concurrence. Cet été, elle vend un short à 1,99 euro et des lots de boxers à 2,99 euros. Le tout dans 280 magasins en France, dont 12 inaugurés en 2019.

Les livreurs Deliveroo préparent une grève nationale

La plate-forme britannique a baissé les tarifs des courses courtes et augmenté ceux des courses longues, au détriment de leurs livreurs d’après ses détracteurs.

Le Monde avec AFP Publié aujourd’hui à 16h19

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Les plates-formes de livraison sont régulièrement pointées du doigt à cause de la précarisation de leurs livreurs.
Les plates-formes de livraison sont régulièrement pointées du doigt à cause de la précarisation de leurs livreurs. Charles Platiau / REUTERS

Les livreurs de Deliveroo sont en colère et le Collectif des livreurs autonomes de Paris (CLAP 75) appelle à un rassemblement place de la République samedi 3 août à Paris pour décider d’une grève nationale, « probablement la semaine prochaine ».

A Nice, Toulouse, Tours, Besançon, des mouvements ponctuels de grève et de blocage de restaurants ont déjà eu lieu cette semaine pour protester contre la décision de la plate-forme britannique de baisser les tarifs des courses les plus courtes et d’augmenter celui des courses longues, délaissées par les livreurs car peu rentables.

« C’est un ras-le-bol généralisé », explique Jean-Daniel Zamor, président du CLAP 75. « Deliveroo a supprimé le tarif minimum, fixé à 4,70 à Paris (variable selon les villes), et on tourne avec des courses à moins de 3 euros ». Jusqu’à présent, Deliveroo offrait de meilleures conditions à ses livreurs que les autres plates-formes, et cette décision revient à « s’aligner sur Uber Eats », déplore-t-il.

Les plates-formes « jouent des sureffectifs »

M. Zamor estime que la nouvelle grille, qui veut « obliger les livreurs à prendre les courses longues », entraîne de fait une baisse de rémunération de 30 à 50 % pour les livreurs. La plate-forme se défend, estimant au contraire que la nouvelle grille offre « une meilleure tarification, plus juste », et « plus de 54 % des commandes sont payées davantage ».

Le collectif a commencé à consulter les livreurs sur les réseaux sociaux et assure avoir « 100 % des livreurs consultés d’accord pour la grève ». Ils réclament un retour au tarif minimum antérieur et l’ouverture de discussions sur plusieurs sujets cruciaux pour les livreurs, comme la composition de l’algorithme qui attribue les courses et une régulation du nombre de livreurs inscrits. Les plates-formes « jouent des sureffectifs » pour maintenir des tarifs au plus bas, estime M. Zamor.

Avec 10 000 restaurants partenaires dans 200 villes, le marché français est le deuxième pour Deliveroo, après le marché britannique, d’où l’entreprise est issue. Le développement à grande vitesse du secteur de la livraison de repas s’accompagne de nombreuses critiques sur la précarité des emplois et les conditions de travail des livreurs.

Lire la tribune : « Poser la question de la protection sociale des travailleurs des plates-formes revient à poser celle de la protection sociale des autoentrepreneurs »
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Retraites : « Le rôle du gouvernement sera de convaincre les Français que cette réforme est juste »

Dans une tribune au « Monde », des macronistes de gauche estiment que l’enjeu de la réforme des retraites portée par le rapport Delevoye n’est pas de reculer l’âge de départ à la retraite, mais d’augmenter le nombre d’actifs pour générer plus de cotisations.

Publié aujourd’hui à 06h00 Temps de Lecture 4 min.

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« La réforme devant se faire à enveloppe budgétaire constante, il y aura des transferts entre les catégories professionnelles et donc des gagnants et des perdants ».
« La réforme devant se faire à enveloppe budgétaire constante, il y aura des transferts entre les catégories professionnelles et donc des gagnants et des perdants ». Letizia Le Fur/Onoky / Photononstop

Tribune. Contrairement à ce que l’on dit souvent, les Français ne sont pas opposés aux réformes. En réalité, ils sont prêts à les soutenir, à condition qu’elles leur semblent justes. C’est tout l’enjeu de la réforme des retraites.

Le rapport Delevoye (« Pour un système universel de retraite », voir lien PDF) propose un régime universel par répartition et par points. Un euro cotisé donnera les mêmes droits, quel que soit le métier exercé. Ce sera la fin des quarante-deux régimes actuels, qui ont chacun leurs règles, ce qui crée des différences de traitement importantes entre les cotisants, différences injustifiées et, donc, incomprises par les Français. Certes, des spécificités subsisteront pour tenir compte des particularités, comme celles des indépendants, par exemple, et c’est pour cela qu’il s’agit d’un système universel et non pas unique, mais les mêmes principes s’appliqueront à tout le monde. C’est indiscutablement un net progrès vers plus de justice sociale.

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Dans le détail, le rapport contient de nombreuses avancées sociales : la garantie à 100 % des droits acquis, le maintien du dispositif des carrières longues, l’indexation de la valeur du point sur les salaires à terme (et non sur l’inflation), le principe d’un minimum de pension (fixé à 85 % du smic), une majoration pour enfant dès le premier enfant, un objectif de maintien du niveau de vie de la personne veuve pour la réversion et l’intégration des primes des fonctionnaires et des agents des régimes spéciaux dans l’assiette.

La réforme devant se faire à enveloppe budgétaire constante, il y aura des transferts entre les catégories professionnelles et, donc, des gagnants et des perdants. Le danger est que, comme dans toute réforme, les gagnants trouvent cela normal et les perdants s’opposent à la réforme. Qui seront ces perdants ?

Les fonctionnaires pénalisés

Il convient d’être prudent en l’absence de toute simulation effectuée, ou en tout cas publiée. Pour autant, il est indéniable que les affiliés aux régimes spéciaux feront partie des perdants puisqu’ils seront soumis au régime de droit commun et ne pourront plus partir à la retraite avant 62 ans. Mais ce n’est que justice. Comment, en effet, justifier une telle inégalité de traitement en leur faveur ?

Les fonctionnaires seront pénalisés par le fait que le niveau de leurs pensions ne sera plus indexé sur leurs rémunérations des six derniers mois, mais sur les rémunérations de toute leur carrière. L’intégration des primes dans l’assiette des points de cotisation compensera cette perte en totalité, en partie ou pas du tout, selon les corps de fonctionnaires. Les fonctionnaires de Bercy devraient s’y retrouver ; en revanche, les enseignants y perdront beaucoup.

Retraites : « L’aspect le plus controversé du nouveau système est celui de l’âge pivot »

L’économiste Adrien Fabre estime, dans une tribune au « Monde », que la réforme des retraites contient d’importants écueils, même s’il note des efforts louables de simplification et de lisibilité de l’ensemble du système.

Publié aujourd’hui à 06h00 Temps de Lecture 5 min.

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« Le rapport Delevoye confirme que les catégories désavantagées par le cœur du système actuel sortiront gagnantes de la réforme : c’est le cas des femmes, qui connaissent en moyenne moins de progression de carrière que les hommes » (Photo: Jean-Paul Delevoye  et le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, le 28 juillet à Paris).
« Le rapport Delevoye confirme que les catégories désavantagées par le cœur du système actuel sortiront gagnantes de la réforme : c’est le cas des femmes, qui connaissent en moyenne moins de progression de carrière que les hommes » (Photo: Jean-Paul Delevoye  et le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, le 28 juillet à Paris). DOMINIQUE FAGET / AFP

Tribune. Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire à la réforme des retraites, a remis ses préconisations pour un système universel de retraites. Ce système fusionnera les quarante-deux régimes (à l’exception des indépendants) et appliquera les mêmes règles à (presque) toutes les professions. Le système à points permettra de corriger une injustice du système actuel, qui favorise les carrières ascendantes par rapport aux carrières plates.

Une note de l’IPP (Institut des politiques publiques), montre que, par rapport au système à points, le système actuel aboutit à des pensions environ 25 % plus faibles pour les 20 % aux salaires (cumulés le long de la carrière) les plus faibles. Cette injustice touche le cœur contributif du système actuel de retraites, et est en partie compensée par les dépenses de solidarité qui rendent l’ensemble du système véritablement redistributif.

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Mais le rapport Delevoye confirme que les catégories désavantagées par le cœur du système actuel sortiront gagnantes de la réforme : c’est le cas des femmes, qui connaissent en moyenne moins de progression de carrière que les hommes.

Vers une capitalisation individuelle

Outre l’égalité de traitement entre cotisants, le système à points garantit l’équilibre financier du système de retraites. En effet, le montant d’une pension d’un retraité sera calculé en fonction de l’espérance de vie de sa génération, du nombre de points accumulés et des recettes totales du système, de sorte que le total des retraites versées corresponde aux cotisations prélevées sur la période. Les Economistes atterrés pensent que cet équilibrage automatique est une façon de baisser les retraites en catimini, ce qui conduirait les gens à se tourner vers une capitalisation individuelle.

En effet, si les pensions et l’âge de départ semblent peu affectés dans le rapport, c’est qu’il simule le système actuel avec un recul progressif de l’âge du taux plein, pourtant non inscrit dans la loi. Pour autant, le système universel est peut-être la meilleure façon d’assurer la pérennité du système par répartition, puisqu’il annihile le spectre récurrent d’un déficit à résorber.

Huit applications pour trouver un job étudiant

Pour les étudiants à la recherche d’un job d’été de dernière minute, « Le Monde » a sélectionné quelques applications qui promettent de trouver un emploi en un clic.

Par Publié aujourd’hui à 05h45

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« Toutes ces applications sont disponibles sur iOS et Android. Les réfractaires à Google peuvent aussi télécharger la plupart en format APK. »
« Toutes ces applications sont disponibles sur iOS et Android. Les réfractaires à Google peuvent aussi télécharger la plupart en format APK. » Philippe Turpin / Photononstop

Trouver un job étudiant alors que les vacances d’été sont déjà bien entamées, c’est possible. Aujourd’hui, une myriade d’applications promettent de trouver un emploi en quelques clics, dans la restauration, les services à la personne… Le Monde a sélectionné quelques-unes d’entre elles. Pour mettre toutes les chances de son côté néanmoins, mieux vaut faire feu de tout bois et ne pas négliger les sites de recherche d’emploi classiques ! Toutes ces applications sont disponibles sur iOS et Android. Sur ordinateur, les réfractaires à Google peuvent aussi télécharger la plupart en format APK, via ce lien, par exemple…

CornerJob : « Rechercher un job doit être aussi simple et rapide que de louer une chambre pour un week-end », fait valoir David Rodriguez, le PDG de CornerJob. Née en 2015, cette application, qui s’est depuis bien installée sur le marché de l’emploi, fait valoir sa simplicité d’utilisation. Après avoir enregistré son profil, l’étudiant candidate aux annonces qui l’intéressent et reçoit une notification lui indiquant si sa candidature est retenue ou non. Le cas échéant, il peut alors passer un entretien directement avec le recruteur via un chat intégré. Des entreprises comme Subway, Manpower, Total… passent par CornerJob, qui revendique 60 000 offres publiées par mois. Et les annonces semblent effectivement nombreuses : en faisant une recherche « test » pour un emploi de serveur à Argenteuil, nous avons trouvé une vingtaine de postes à pourvoir.

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Job Hopps : à la recherche d’un job pour la rentrée ? Les étudiants désireux de travailler à côté de leurs études peuvent s’enregistrer sur Jobhopps, une application spécialisée dans le travail complémentaire. Fondée par Hopps Group, une entreprise spécialisée, entre autres, dans la distribution de prospectus, elle compte comme partenaires des entreprises ayant largement recours aux salariés à temps partiel, comme O2, Burger King ou encore Pénélope. Les emplois proposés sont plutôt sur du long terme : l’application affichait fin juillet un peu plus de 7 000 CDI à mi-temps sur toute la France. Elle offre toutes les fonctions classiques de ce type d’application : géolocalisation, enregistrement du profil, envoi des candidatures…

Intérim en ligne

Une opération à La Pitié-Salpêtrière avec Da Vinci, le robot au service de la chirurgie

Automatisation des métiers (3/3). Quel est l’impact de la robotisation sur le monde du travail ? Dernier épisode de notre série avec un reportage sur une opération menée avec un robot chirurgical à La Pitié-Salpêtrière. Les Hôpitaux de Paris se sont dotés, fin 2018, de neuf robots de dernière génération.

Par Publié aujourd’hui à 16h12

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Opération avec un robot chirurgical, à l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière, à Paris.
Opération avec un robot chirurgical, à l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière, à Paris. NICOLAS LEPELTIER/LE MONDE

L’imposant robot s’approche du malade, étendu sur le flanc dans un bloc opératoire de l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière (AP-HP). Avec l’agilité d’une araignée, Da Vinci – près d’une tonne de technologies – déplie ses quatre bras articulés au-dessus de la table d’opération. « Incision ! », annonce le chirurgien, qui donne quatre petits coups de scalpel de moins d’un centimètre sur l’abdomen du patient. Arrimés à l’extrémité des membres du robot, une mini-caméra endoscopique haute définition et des instruments de chirurgie sont introduits dans le ventre du malade, opéré pour l’ablation d’un cancer du rein.

Le chirurgien décrit avec fluidité des gestes tantôt amples, tantôt précis et rapides

A quelques mètres de là, assis dos à la table d’opération, le professeur Morgan Rouprêt a maintenant les yeux plongés dans le binoculaire de la console de contrôle. Aux commandes de deux joysticks, les pieds posés sur des pédales, le chirurgien du service d’urologie de La Pitié décrit avec fluidité des gestes tantôt amples, tantôt précis et rapides : section du péritoine et des tissus graisseux, pose de clips chirurgicaux pour la « mise hors circuit » de la veine et des artères irriguant le rein malade, coagulation de saignements…

Les instruments (pince, ciseaux, etc.) introduits dans le corps du patient reproduisent avec précision les gestes dictés par le praticien, dont les éventuels tremblements seraient corrigés par le robot. Sur l’écran de la console, la vision en 3D amplifiée de l’intérieur de l’abdomen du patient est saisissante. « Là, vous voyez à gauche, c’est la rate. Ici, c’est le côlon », détaille le professeur, qui zoome, tout en écartant l’organe avec une pince, pour étayer sa démonstration.

Si vous voulez voir un extrait de l’opération assistée par robot (attention, ces images peuvent choquer) :

« Le confort pour le chirurgien est inégalé »

Les robots chirurgicaux font depuis une vingtaine d’années une entrée remarquée dans les blocs opératoires. Dominé par le groupe américain Intuitive Surgical, en situation de quasi-monopole, le marché mondial devrait atteindre 6,5 milliards de dollars en 2023, contre 3,9 milliards en 2018, selon une étude du cabinet MarketsandMarkets. L’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) s’est dotée fin 2018 de neuf robots Da Vinci de dernière génération, pour un montant global de 52 millions d’euros finançant, sur sept ans, l’achat des équipements et des consommables, la maintenance et la formation des équipes médicales.

« Avec le robot de traite, je me sens plus éleveur qu’avant »

Automatisation des métiers (1/3). Quel est l’impact de la robotisation sur le monde du travail ? Premier épisode de notre série en trois volets sur l’automatisation des métiers avec un reportage dans la ferme d’un éleveur laitier en Haute-Saône

Par Publié aujourd’hui à 16h11, mis à jour à 16h27

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L’éleveur laitier Benoît Boivin dans sa ferme à Angirey (Haute-Saône), le 8 mai.
L’éleveur laitier Benoît Boivin dans sa ferme à Angirey (Haute-Saône), le 8 mai. RAPHAEL HELLE POUR « LE MONDE »

Une ferme au milieu de la campagne haut-saônoise, quelque part entre Vesoul, Besançon et Dijon : 120 hectares, 70 vaches, taille moyenne. Une production de lait bio, et un peu de céréales. C’est le printemps et la saison des pissenlits bat son plein. Dans la pâture parsemée de jaune, une partie du troupeau broute. L’autre est restée dans l’étable et digère le fourrage. L’intérieur du bâtiment est silencieux. Un chien aboie contre un chat perché sur une poutre. Une petite radio diffuse sa musique, qui se mêle à la rumination des vaches.

Soudain, Jouvence se lève. D’un pas lourd, la montbéliarde se dirige vers une porte métallique. Un capteur lit le numéro inscrit sur son collier. Elle est autorisée à entrer dans la salle de traite. Là, un robot de plus de 2 mètres de haut, équipé d’un long bras articulé, l’attend. Jouvence hésite, mais le bruit des granulés qui tombent dans l’auge la convainc d’approcher.

Le bras du robot se met alors en action. Une caméra repère les quatre quartiers du pis avant que des « gobelets trayeurs » ne s’emboîtent dessus. Une première fois pour nettoyer et éliminer les impuretés, une seconde fois pour traire. Dans un petit bureau à côté, Benoît Boivin, l’éleveur du troupeau, regarde des chiffres et des courbes défiler sur son ordinateur. Il sait tout : ce que Jouvence est en train de produire, la qualité de son lait, ses derniers passages au robot…

Ici, la traite est en libre-service. Les vaches peuvent aller se faire traire vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sans assistance humaine.
Ici, la traite est en libre-service. Les vaches peuvent aller se faire traire vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sans assistance humaine. RAPHAEL HELLE POUR « LE MONDE »

La ferme de la Sourceline, accolée au petit village d’Angirey, est une ferme du XXIe siècle. Robotisée, numérisée, équipée de caméras, de capteurs, de portes intelligentes, de logiciels informatiques. Ici, la traite est en libre-service. Les vaches peuvent aller se faire traire vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sans assistance humaine.

Pour Benoît Boivin, c’en est fini de l’astreinte répétitive et harassante de la traite mécanique, chaque matin à 5 h 30 et chaque soir à 17 heures, tous les jours de l’année. Le « bagne », pour ce père de famille de 50 ans qui l’a pratiquée pendant dix ans : « Une petite partie du métier, mais une grosse épine dans le pied. » La technologie, dit-il, a transformé son métier.

La ferme de la Sourceline est une ferme du XXIe siècle : robotisée, numérisée, équipée de caméras, de capteurs, de portes intelligentes, de logiciel informatique.
La ferme de la Sourceline est une ferme du XXIe siècle : robotisée, numérisée, équipée de caméras, de capteurs, de portes intelligentes, de logiciel informatique. RAPHAEL HELLE POUR « LE MONDE »

La Sourceline fait partie des quelque 10 % d’exploitations laitières en France à avoir fait le choix de la robotique. C’était en 2005, au moment où les ventes de robots de traite commençaient à grimper. Au départ, Benoît Boivin n’y était pas favorable. Trop cher (150 000 euros, sans compter les travaux pour aménager les infrastructures) et trop risqué. « Ma crainte, c’était d’être dépendant des industriels. J’avais peur qu’ils nous imposent leur façon de faire, de perdre un peu la main. » Mais les problèmes articulaires de Bruno, son associé de l’époque, ne lui ont guère laissé le choix. « Il était à cinq ans de la retraite. Il m’a dit : “Je suis fatigué, j’ai trop mal au genou. Si on ne prend pas un robot, je partirai.” »