Relocaliser : le nouveau défi des pays riches

« Dans les pays riches, où les compétences sont disponibles mais les salaires élevés, la relocalisation exigerait une forte automatisation de la production, ne créerait pas beaucoup d’emplois et pourrait faire baisser le pouvoir d’achat. »
« Dans les pays riches, où les compétences sont disponibles mais les salaires élevés, la relocalisation exigerait une forte automatisation de la production, ne créerait pas beaucoup d’emplois et pourrait faire baisser le pouvoir d’achat. » Robert Hanson/Ikon Images / Photononstop

Entreprises. Il a fallu une pandémie sans précédent pour que l’organisation industrielle mondiale soit ouvertement contestée. D’où les appels, dans les pays riches, à la relocalisation des productions stratégiques, et dans les pays en développement, à une plus grande indépendance industrielle. Mais une démondialisation de la production suscite souvent les mêmes objections.

Dans les pays riches, où les compétences sont disponibles mais les salaires élevés, la relocalisation exigerait une forte automatisation de la production, ne créerait pas beaucoup d’emplois et pourrait faire baisser le pouvoir d’achat. Dans les pays à bas coût de main-d’œuvre, l’indépendance industrielle se heurterait au manque de compétences et serait limitée à des productions à faible valeur ajoutée.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Economie : « le retour de la patience »

Ces arguments oublient que, depuis le milieu du XIXe siècle, la tâche de la conception industrielle a souvent été de briser des doctrines économiques que l’on croyait universelles. Sans le travail des concepteurs, les révolutions industrielles n’existeraient pas et la Chine ne serait pas devenue l’atelier du monde. Car si la science et la variété des contextes nationaux rouvrent le champ des possibles pour l’activité productive, celui-ci reste largement inconnu.

De nouveaux défis

C’est le travail de conception qui découvre les solutions adaptées aux nouveaux défis et qui lève des barrières que l’on croyait définitives. Aujourd’hui, le défi des pays riches est de concevoir des relocalisations industrielles responsables et créatrices d’emploi. Celui des pays en développement est d’envisager des stratégies locales techniquement ambitieuses.

Dès le milieu du XIXe siècle, ce type de défi a suscité le développement des bureaux d’études industrielles, puis des laboratoires de recherche. Ils furent les premiers employeurs d’ingénieurs, bien avant les usines. Emblématique du travail de conception, la célèbre chaîne d’assemblage automobile était à la fois un gigantesque automate et un procédé permettant d’employer une main-d’œuvre sans qualification spéciale. Car l’automatisation n’a pas pour seul but d’économiser du travail, elle peut servir à le démultiplier.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Geoffroy Roux de Bézieux : « La souveraineté économique n’est plus un gros mot au Medef »

Le chemin de fer n’a pas eu pour but d’économiser les cochers des diligences et son effet sur l’emploi fut sans précédent… Les robots qui organisent les réunions virtuelles ne visent pas à raccourcir les réunions mais à permettre celles-ci, y compris en situation de confinement…

Solutions innovantes et responsables

Aujourd’hui, la conception industrielle intègre de nombreux métiers, favorise des démarches participatives avec usagers et citoyens, et vise un développement social et durable. La relocalisation doit donc être envisagée comme un stimulus pour la conception de nouveaux écosystèmes industriels dans lesquels rentabilité, responsabilité sociale et soutenabilité font bon ménage.

Il vous reste 15.63% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Réformer l’entreprise : mission impossible ?

« L’Entreprise ou la réforme impossible », de Pierre Bourlange, Edilivre, 2019, 300 pages, 27 euros.
« L’Entreprise ou la réforme impossible », de Pierre Bourlange, Edilivre, 2019, 300 pages, 27 euros.

Le Livre. C’est une spécialité qui nous poursuit depuis Turgot. Entre 1774 et 1776, le contrôleur général des finances n’avait pas pu libérer l’économie car ses propositions étaient combattues par la noblesse. Le rapport administratif sur l’économie et les difficultés de la réalisation des propositions de réformes est depuis un genre littéraire à succès : les thèses économiques prennent une place de plus en plus importante dans la production éditoriale.

Le nœud de l’intrigue est, tout au long de ces différents textes, la recherche d’une issue au problème cornélien de la direction d’entreprise, de son animation, de sa pérennité et surtout de l’intégration du citoyen dans l’entreprise, sans priver le patron de son autorité, tout en offrant aux syndicats plus de responsabilités.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les contrastes de l’innovation sociale

Le succès est garanti, puisque les 16 millions de salariés des entreprises privées sont concernés, et les résultats de vente de ces rapports administratifs ont parfois de quoi faire pâlir nombre d’écrivains de romans, note Pierre Bourlange. « L’attente est forte, mais souvent déçue, car les réformes annoncées peinent à se concrétiser face aux conservatismes », constate pourtant le chercheur associé à l’Idhes (laboratoire Institutions et dynamiques historiques de l’économie et de la société) dans L’Entreprise ou la réforme impossible.

Bloch-Lainé, Attali

Depuis 1936, les tentatives à l’initiative de l’Etat d’organiser, de dynamiser et de réformer les entreprises ont été nombreuses. « Les moments d’une nécessaire réforme sont activés, provoqués par des événements politiques, économiques, sociétaux qui déclenchent une tentative de réforme ponctuée par un rapport intelligent, complet mais souvent sans effet. »

Les principaux moments de cristallisation d’un besoin de réforme ont eu lieu face au fascisme en 1936, à la Libération en 1945 sous l’impulsion du Conseil national de la Résistance (CNR), puis en 1963, date du premier rapport qui fait référence, sous un mode institutionnel, celui de François Bloch-Lainé.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Plongée dans l’éthique entrepreneuriale

Les propositions de Jacques Attali, en 2007 et 2010, interviennent avant et après la crise systémique de 2008. Les années 2015-2017 apportent leur lot annuel de réformes sous la direction de Manuel Valls. Si elle a permis des avancées sociales, cette addition de textes donne surtout le « sentiment d’une impossible rencontre entre le patronat, les salariés et l’Etat en faveur de l’entreprise ».

Le modèle du nord de l’Europe

La rapidité des évolutions frappe aujourd’hui les modèles de production et d’organisation mis en place au début du XXe siècle, dans un monde désormais tourné vers la réalisation immédiate du désir. Mais les rapports sociaux n’évoluent pas à la même vitesse qu’Internet. « Les salariés doivent faire face à ces changements contraints, ils se trouvent déclassés du fait de diplômes non adaptés, mais aussi dans l’impossibilité de valoriser un savoir-faire disqualifié. »

Il vous reste 22.81% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

La lingette, « nouvel accessoire de travail », déjà polluant

Un employé nettoie les chaises du Sénat entre chaque audience, le 6 mai à Washington.
Un employé nettoie les chaises du Sénat entre chaque audience, le 6 mai à Washington. JONATHAN ERNST / POOL / AFP

Carnet de bureau. Au début de la crise, la lingette a été la planche de salut des salariés envoyés au travail sans protection sanitaire ou presque. « Mon chef devait me donner des gants, mais quand il est venu me voir, il n’en avait pas : il m’a seulement fourni des lingettes », témoignait ainsi un technicien de maintenance fin mars. C’était aussi le talisman des employés de bureau, qui gardaient leur pochette de lingettes à portée de main pour se protéger d’un virus encore trop mal connu.

Dans une enquête publiée le 21 avril, l’UFC-Que choisir signalait les premières ruptures de stock : 55 % des références de lingettes désinfectantes avaient disparu des supermarchés. En quatrième semaine de confinement, elle était le deuxième produit que s’arrachaient les consommateurs après le gel hydroalcoolique.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Coronavirus : la mobilisation des médecins du travail

Au fil des semaines, dans les entreprises, la sécurité sanitaire s’est progressivement organisée, et la lingette a gagné son droit de cité. Elle a été officialisée par le ministère du travail, comme équipement de protection individuelle pour assurer les gestes barrières, au même titre que le gel hydroalcoolique. « Pour le nettoyage des téléphones, des stylos et du matériel informatique (a minima en début et fin de poste pour chaque opérateur) », précise le ministère.

Intégrée aux kits sanitaires

Depuis le 11 mai, elle accompagne le déconfinement. Au bureau comme sur les chantiers, elle est intégrée aux kits sanitaires individuels fournis par de nombreuses entreprises. Mise à disposition des salariés, des formateurs, des stagiaires, des commerciaux se rendant chez les clients, bref de tous les utilisateurs potentiels. Elle sert évidemment d’élément de preuve pour l’employeur qui remplit sa responsabilité juridique d’assurer la sécurité physique de ses salariés. Même si la préoccupation première du salarié est d’avoir l’esprit à ce qu’il fait. Les syndicats rajouteront que l’entretien n’est pas de son ressort.

La lingette est bel et bien devenue le nouvel accessoire de travail. Les responsables achats peuvent même en commander des modèles personnalisés aux couleurs de l’entreprise, pour entretenir la marque employeur. Les génies du marketing n’ont pas perdu de temps pour proposer des kits complets avec logo.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Désinfection, horaires décalés, télétravail… Les entreprises s’organisent pour protéger leurs salariés

Mais la popularité donnée à ce qui n’était hier qu’un vulgaire produit de nettoyage inquiète le Centre d’information sur l’eau (CIEau), qui tire la sonnette d’alarme dans son communiqué du 13 mai : « Le recours aux lingettes désinfectantes et aux masques jetables s’est amplifié, avec des effets néfastes sur les réseaux d’assainissement et sur notre environnement. »

Il vous reste 16.97% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Amazon entame la réouverture de ses six entrepôts en France

La bataille entre les syndicats et la direction d’Amazon, qui s’opposent sur les mesures de protection apportées aux salariés, connaît une trêve. Le spécialiste de la vente en ligne a annoncé, mardi 19 mai, renoncer à se pourvoir en cassation.

Saluant dans un communiqué la réouverture mardi de son entrepôt de Brétigny-sur-Orge (Essonne), la direction d’Amazon France dit se « réjouir que le dialogue avec les représentants du personnel, conduit dans une logique d’amélioration continue, permette d’aboutir à une reprise sereine et durable ».

« Au terme de la consultation, les deux parties ont accepté d’abandonner les recours en cours », ajoute le communiqué, précisant que « cela inclut la décision de porter notre affaire devant la Cour de cassation ».

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Entre Amazon et la France, une relation orageuse en pleine crise sanitaire

Une reprise du travail sur la base du volontariat

Les six entrepôts d’Amazon en France étaient fermés depuis le 16 avril, à la suite de deux jugements enjoignant à l’entreprise de procéder à une évaluation des risques liés au coronavirus avec les représentants du personnel.

La cour d’appel de Versailles avait confirmé le 24 avril une ordonnance du 14 avril qui demandait à Amazon de limiter son activité à des produits essentiels (informatique, santé, nutrition, épicerie…) sous astreinte de 100 000 euros par infraction.

Le géant du commerce en ligne, jugeant impossible de se plier à cette contrainte sans risquer d’infraction, avait préféré fermer ses entrepôts, tout en poursuivant les livraisons depuis ses plates-formes à l’étranger. La justice relevait des manquements de sécurité, notamment dans les vestiaires ou aux portiques d’entrée, et surtout demandait à Amazon de consulter les représentants du personnel et non d’imposer unilatéralement des mesures.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Coronavirus : comment Amazon continue à livrer malgré la fermeture de ses entrepôts français

Un accord a finalement été trouvé vendredi avec les organisations syndicales CFDT, CGT, FO et SUD. « Nos sites sont sûrs et l’ont toujours été », assure le communiqué mardi. A la suite d’une procédure de consultation et d’information avec les comités socio-économiques de l’entreprise, ils « ont pu reprendre leur activité avec un socle de mesures déjà en place avant la suspension d’activité, auxquels ont pu être apportés quelques ajustements ».

La reprise à 100 % doit s’étaler sur trois semaines, les salariés reprenant le travail « sur la base du volontariat », a précisé mardi le directeur général d’Amazon France, Frédéric Duval.

Le Monde avec AFP

« On est les oubliés » : les « permittents » de la restauration dans l’événementiel réclament des aides

Maîtres d’hôtel et cuisiniers de la restauration dans l’événementiel ont étalé vestes et chemises blanches pour alerter sur la situation de leur secteur, touché de plein fouet par les mesures contre l’épidémie de Covid-19, mardi 19 mai, à Paris.
Maîtres d’hôtel et cuisiniers de la restauration dans l’événementiel ont étalé vestes et chemises blanches pour alerter sur la situation de leur secteur, touché de plein fouet par les mesures contre l’épidémie de Covid-19, mardi 19 mai, à Paris. Aline Leclerc

Drôle de ballet aux aurores, mardi 19 mai, place du Trocadéro, à Paris. En costumes noirs et nœuds papillon, maîtres d’hôtel et cuisiniers de la restauration événementielle ont étalé 400 chemises et vestes blanches au sol pour alerter sur leur situation. Un « happening » inspiré d’une action de cuisiniers sur la Grand-Place de Bruxelles, le 7 mai.

D’habitude, en cette période, ils cuisinent, servent, orchestrent cocktails, réceptions, cérémonies, salons… autant d’événements qui ont été annulés en série depuis la mi-février, date des premières mesures interdisant les rassemblements pour lutter contre l’épidémie de Covid-19. « Notre business, c’est la réunion d’êtres humains, souligne François Choux, responsable maître d’hôtel. Notre secteur sera le dernier à repartir. »

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Impact économique du coronavirus : « Je devais bosser 138 heures ce mois-ci, je vais faire zéro ! »

En attendant, ces hommes et ces femmes exclusivement employés en CDD d’usage – ce qu’on appelle des « extras » ou « permittents » qui alternent contrats courts et période d’inactivité – n’ont plus de travail. Or, les périodes fastes comme le printemps leur permettent d’habitude de recharger leurs droits au chômage, dont ils touchent les allocations pendant les périodes creuses. Un genre d’intermittence qui ne dit plus son nom, depuis 2014 et la perte de leur régime spécifique d’assurance-chômage plus favorable que le régime général auquel ils sont soumis depuis.

« On n’a plus l’assurance de travailler à court terme »

Ces deux derniers mois, non seulement ces travailleurs n’ont pas fait les contrats habituels, mais ils ont utilisé leurs droits d’indemnisation chômage. Flore, 46 ans, maître d’hôtel, élève seule deux enfants. « Je suis habituée à budgéter, lors des grosses rentrées, mes mois de disette. D’ordinaire, ça ne m’inquiète pas. Mais là, c’est différent. On n’a plus l’assurance de travailler à court terme. Donc je prospecte, j’envoie des CV pour trouver du travail dans d’autres secteurs. J’ai mes enfants, mon loyer. Je ne peux pas me permettre d’attendre de voir ce qu’il va se passer. » A ses côtés Virginie, 46 ans. Alors qu’en cette période, elle gagne d’ordinaire 3 000 euros par mois minimum, elle ne touche que 800 euros d’allocation-chômage.

« Jusqu’ici, aucune aide exceptionnelle n’a été prévue pour nous. On est les oubliés ! On ne va pas pouvoir s’en sortir dans les prochains mois comme ça », s’inquiète M. Choux. Ils demandent le gel « du décompte de leurs jours de Pôle emploi » jusqu’en 2021, comme ce qu’ont obtenu récemment les intermittents du spectacle.

Il vous reste 28.27% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

En Europe, le filet de sécurité sans précédent du chômage partiel

Reprise progressive du travail dans une usine de chaussures à Castelnuovo Vomano (Italie), le 4 mai.
Reprise progressive du travail dans une usine de chaussures à Castelnuovo Vomano (Italie), le 4 mai. Domenico Stinellis / AP

La pandémie a mis en place une expérience économique grandeur nature : d’un côté, les Etats-Unis comptent 36 millions de nouveaux chômeurs depuis le début du confinement ; de l’autre, en Europe, au moins 40 millions de personnes sont désormais enregistrées au chômage partiel, une large partie de leur salaire étant pris en charge par l’Etat. Deux visions du traitement social de la crise provoquée par la pandémie : du côté américain, l’acceptation d’un choc violent et immédiat avec l’espoir que la reprise donnera lieu à un rebond dynamique de l’emploi, et du côté européen, la volonté d’amortir le choc au prix de milliards d’euros en prenant le risque de soutenir des emplois qui seront quand même perdus d’ici quelques mois.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les multiples questions du chômage partiel après le déconfinement

Qui a raison ? Pour l’instant, les économistes défendent très majoritairement l’approche européenne, qui doit permettre d’éviter les licenciements de masse et leur cortège catastrophique de conséquences sociales. « Ça fait sens, explique Daniela Ordonnez, économiste à Oxford Economics. Il s’agit d’une crise d’une violence inédite, mais qui doit être de relativement courte durée. Le chômage partiel permet non seulement de conserver l’emploi, mais aussi d’aider à orienter les dépenses des ménages : au moment de la reprise, si les gens ont conservé leur travail, la confiance et le rebond de la consommation seront plus forts. »

Un indicateur en retard

Felix Huefner, économiste allemand à UBS, est d’accord avec ces arguments, mais il avertit : « Le chômage partiel est un très bon outil si le choc économique est limité dans le temps. Si on a une reprise en V(avec reprise rapide), ce sera de l’argent bien dépensé. Mais si on n’a pas de rebond économique, il va falloir débrancher à un moment ou un autre. Plus la crise sera longue, moins cet outil sera utile. »

Depuis le début de la pandémie, la France (12,4 millions de demandes), l’Allemagne (10,1 millions) et le Royaume-Uni (7,5 millions) forment la vaste majorité du bataillon de chômeurs partiels. Au total, selon Oxford Economics, le taux de chômage « fantôme » (chômeurs + chômeurs partiels) atteint 25 % en zone euro, le double du pic d’après la crise de la monnaie unique. Aux Etats-Unis, le taux de chômage en avril était de 15 % mais cet indicateur a du retard et il devrait dépasser 20 % dans les mois à venir.

Infographie Le Monde

La France offre de loin le plus généreux des systèmes de chômage partiel. Il couvre 84 % du salaire net (80 % en Allemagne et au Royaume-Uni) mais surtout le plafond est beaucoup plus élevé, à hauteur de quatre fois et demi le salaire minimum. « On a fait sauter toutes les limites en France et il ne reste presque rien à la charge des entreprises », estime Mme Ordonnez.

Il vous reste 52.66% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Chômage partiel : polémique autour d’une réduction progressive du dispositif

Usine Renault, à Flins, le 6 mai.
Usine Renault, à Flins, le 6 mai. GONZALO FUENTES / REUTERS

Le gouvernement a commencé à préparer les esprits depuis fin avril : le dispositif du chômage partiel, massivement déployé durant la crise sanitaire pour éviter des licenciements en cascade, va être moins généreux à partir du 1er juin. Ce mécanisme, sollicité – potentiellement – pour plus de 12 millions de personnes, assure un niveau de prise en charge très élevé par l’Etat et par l’assurance-chômage : les travailleurs du privé, qui en bénéficient, touchent 70 % de leur salaire brut (100 %, pour ceux qui sont au smic) – la somme étant intégralement remboursée aux employeurs dans la limite de 4,5 smic. L’exécutif veut revoir ces paramètres, le but étant d’« encourager les entreprises à reprendre l’activité ».

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les multiples questions du chômage partiel après le déconfinement

Selon un dirigeant patronal, « l’Etat ne couvrirait plus désormais que 60 % du salaire brut, mais toujours 100 %, pour les personnes au smic ». « Ils veulent faire des économies et sont persuadés qu’il y a des boîtes qui se complaisent dans le chômage partiel, confie cette même source. La nouvelle formule durerait pendant l’été mais en septembre, on ne sait pas ce qu’ils comptent faire. » Combien coûte le dispositif ? Plusieurs estimations ont été avancées, Bercy évoquant 24 milliards d’euros à la mi-avril. Des chiffrages incertains, car on ne connaît pas encore le nombre d’individus effectivement indemnisés.

Entreprises de proximité

Quoi qu’il en soit, les organisations d’employeurs sont hostiles à l’idée que l’Etat réduise la voilure. Ce serait « une erreur majeure » d’accroître la contribution des entreprises, à partir du 1er juin, parce qu’elles « tourneront encore à un rythme faible », a indiqué Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef, dans un entretien au Monde (nos éditions datées du 14 mai). Son mouvement aimerait qu’un « dispositif complémentaire de longue durée » voit le jour à la rentrée, en s’inspirant de celui instauré en Allemagne lors de la crise de 2008-2009. « Il faut de la cohérence dans la politique gouvernementale : les entreprises doivent continuer à être accompagnées, sinon on aura payé pour rien », renchérit Alain Griset, le numéro un de l’Union des entreprises de proximité.

Une analyse assez largement partagée par les syndicats. « La meilleure solution, ce n’est ni de réduire drastiquement ni brutalement [ce mécanisme] car les difficultés d’emploi vont être fortes », affirme Laurent Berger. Le secrétaire général de la CFDT insiste cependant sur la nécessité de « contrôler les entreprises pour éviter les effets d’aubaine ». Pour lui, « hors de question » d’amputer la somme allouée aux salariés. S’agissant des employeurs, l’aide apportée par la collectivité peut, selon M. Berger, être modulée selon les secteurs professionnels. « Si on arrête le chômage partiel, le risque est grand que ça se transforme en chômage tout court », résume Michel Beaugas (FO).

Il vous reste 44.39% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Déconfinement : les multiples questions du chômage partiel

COLCANOPA

L’assouplissement du chômage partiel est l’une des premières mesures mises en place au début de la crise du Covid-19 pour éviter que les entreprises à l’arrêt procèdent à des licenciements massifs. Plus de 1 million d’entre elles, représentant 12,4 millions de salariés, a demandé à en bénéficier. Mais la reprise doit conduire à une sortie du dispositif comme l’a rappelé lundi 18 mai Bruno Le Maire.

Le chômage partiel « c’est une situation d’urgence », a souligné le ministre de l’économie, « mais maintenir 100 % de prise en charge du chômage partiel pour les entreprises par l’Etat, ce n’est pas une situation souhaitable sur le long terme ». Le gouvernement planche donc sur une révision de ces conditions afin de pousser les entreprises à reprendre à l’activité. D’ici là, quelles sont modalités du chômage partiel ? Qui est encore éligible ? Quelles sont les obligations du salarié ? Quelles sont les conditions de rémunération ?

Qui est éligible ?

Tout le monde n’est pas éligible. Un salarié qui ne retournerait pas au travail par crainte de prendre les transports en commun, peut rester en télétravail, mais ne peut pas être au chômage partiel. « Le recours au dispositif n’est pas une décision individuelle. C’est une demande de l’employeur, qui ne peut pas avoir recours au chômage partiel pour des raisons de sécurité sanitaire », précise un porte-parole du ministère du travail.

Le dispositif dit d’activité partielle existait avant le Covid-19 dans des conditions relativement strictes et continuera pour faire face aux aléas conjoncturels des entreprises. La loi d’état d’urgence sanitaire du 23 mars a permis au gouvernement de l’étendre à de nouvelles catégories de bénéficiaires et, surtout, d’adapter « de manière temporaire » le régime social applicable aux indemnités.

C’est ce cadre provisoire qui, dans la loi, peut être maintenu jusqu’au 31 décembre, mais qui va changer pour certains à partir du 1er juin. D’ici là, trois types de salariés de droit privé peuvent bénéficier du chômage partiel : ceux qui sont empêchés de travailler par les circonstances exceptionnelles du Covid-19, parce que leur entreprise a fermé partiellement ou totalement. A savoir les entreprises dont la fermeture a été décidée par le gouvernement (centres commerciaux, restaurants, etc.), celles dont l’activité a été contrainte par des problèmes d’approvisionnement et de conjoncture et, enfin, celles qui ne pouvaient pas assurer la protection des salariés (gestes barrières, télétravail).

Il vous reste 66.26% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

San Francisco : « Pourquoi rester dans une ville aussi chère quand on peut partir avec son ordinateur dans la Sierra Nevada ? »

À San Francisco, le 26 février.
À San Francisco, le 26 février. JEFF CHIU / AP

Un petit sentiment d’exode tout à coup à San Francisco. « On déménage ! », annonce une amie. Le coronavirus a changé leur vie. Walter, son mari, est analyste financier. Le fonds d’investissements où il exerce a décidé que l’entière division travaillerait de la maison jusqu’en juin 2021. Trop de monde à réintégrer pour respecter la nouvelle exigence de distanciation physique. Il faut gagner de la place dans les locaux.

Sylvia, elle, a été licenciée de la salle de fitness où elle travaillait à mi-temps. Elle s’est inscrite sur « Contrace » une plate-forme qui met en relation les nouveaux chômeurs avec les services de santé publique qui, dans tout le pays cherchent frénétiquement à recruter des « contacts tracers », les « détectives » qui remontent les filières de contamination du virus. L’un de ces métiers devenus indispensables à l’heure de la pandémie.

Bref, tous les deux sont libres comme l’air. Vive le télétravail. Oublié le loyer exorbitant dans la métropole californienne. Walter et Sylvia ont déjà fait leurs valises. Direction : le Texas. Non pas, comme certains, pour des raisons idéologiques (comparé à la Californie et sa panoplie de réglementations environnementales, le Texas est le paradis des individualistes anti-impôts) mais parce que la famille a de quoi les reloger.

San Francisco n’est pas près de redevenir comme avant. Les « techies » ont envie d’espace et de grandes maisons. Plus rien ne les retient. Pourquoi rester dans une ville aussi chère quand on peut partir avec son ordinateur dans la Sierra Nevada ? A Hawaï ? Quand tout ce qui faisait l’attrait de la ville – les restaurants, les matchs de basket des Warriors – est fermé ou suspendu ?

Article réservé à nos abonnés Lire aussi La Silicon Valley, dernier pilier du modèle américain

Apple fait figue d’exception

La pandémie a accéléré le mouvement – entamé depuis quelques années – de délocalisation de la « tech » dans les Etats de la région : le Nevada, où Reno est devenu un « hub » d’ingénierie, autour de l’usine Tesla ; l’Arizona et même l’Utah, à Salt Lake City. Au point de changer la sociologie de l’électorat dans nombre de circonscriptions, comme les républicains l’ont constaté à leur détriment dans les derniers cycles électoraux.

Le télétravail va s’incruster. Selon une étude de l’association patronale Bay Area Council, sur cent vingt-trois grandes entreprises de la région, 90 % d’entre elles pensent poursuivre le travail à distance lorsqu’elles rouvriront. 18 % comptent même avoir 100 % de leurs effectifs en WFH (ou « work from home », le nouveau sigle incontournable). Deux tiers pensent alterner équipes et horaires pour réduire le nombre de salariés présents en même temps dans les locaux.

Il vous reste 56.98% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Uber, affecté par la pandémie de Covid-19, licencie près d’un quart de ses employés

Un chauffeur Uber, reconverti dans la livraison de nourriture à domicile pendant la pandémie, le 22 avril à Miami.
Un chauffeur Uber, reconverti dans la livraison de nourriture à domicile pendant la pandémie, le 22 avril à Miami. CHANDAN KHANNA / AFP

Le groupe Uber, qui avait déjà annoncé la suppression de 3 700 emplois au début du mois de mai, va licencier 3 000 salariés supplémentaires, a fait savoir son PDG, lundi 18 mai. Touchée de plein fouet par les restrictions de déplacement prises pour endiguer la pandémie de Covid-19, la plate-forme réduit ainsi, en quelques semaines, d’environ un quart ses effectifs. Une quarantaine de ses bureaux dans le monde, sur plusieurs centaines au total, vont en outre être fermés.

Lire aussi : Comment Uber prépare le déconfinement

Uber prévoit également de se concentrer sur son cœur de métier, le transport de passagers et la livraison de nourriture avec Uber Eats, en abandonnant plusieurs projets considérés comme « non essentiels ». La société va notamment réduire la voilure de son laboratoire consacré à l’intelligence artificielle et son incubateur de projets. Elle étudie également des « alternatives stratégiques » pour Uber Works, le service qui ambitionnait de mettre en relation entreprises et travailleurs.

Critiques

Les nouvelles suppressions de postes sont réparties dans la plupart des divisions du groupe et dans l’ensemble des régions du monde. Elles ne concernent pas les chauffeurs, qui ne sont pas considérés comme des salariés par Uber.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les chauffeurs VTC mobilisés contre Uber et sa « machine à précarité »

Le groupe s’est attiré des critiques ces derniers jours alors que circulait sur Internet une vidéo montrant la directrice du service clientèle annoncer leur licenciement à apparemment plusieurs milliers de salariés en même temps. Interrogé par l’Agence France-presse, Uber n’a pas souhaité faire de commentaires sur ce sujet. Mais plusieurs sociétés américaines ont recouru ces dernières semaines à des services de téléconférence pour annoncer des suppressions de poste en masse.

Le Monde avec AFP

Contribuer