Transports, hôpitaux, éducation… Qui appelle à la grève le 5 décembre contre la réforme des retraites ?

Le front syndical contre la réforme des retraites s’est étoffé jeudi 21 novembre avec la décision de la branche cheminots de Confédération française démocratique du travail (CFDT-Cheminots), de plusieurs syndicats d’Electricité de France (EDF) et de la Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC) d’appeler à la grève le 5 décembre.

Réforme des retraites, conditions de travail, précarité, les raisons de cette journée d’action reconductible se multiplient. Revue de détail à un peu moins de quinze jours de la mobilisation.

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  • Transports

SNCF. Le gouvernement a raté le train du compromis avec les cheminots : les quatre syndicats représentatifs de la SNCF – CGT-Cheminots, UNSA ferroviaire, SUD-Rail, CFDT-Cheminots – sont lancés dans une grève reconductible à partir du 5 décembre contre la réforme voulue par Emmanuel Macron. Mais la CFDT-Cheminots, ralliée à la mobilisation le 21 novembre, pourrait ne pas appeler à la grève si elle obtient satisfaction dans les prochains jours. Force ouvrière (FO), le cinquième syndicat, participe également.

Laurent Brun (Confédération générale du travail, CGT) prévoit « une grosse journée de mobilisation », y compris dans l’encadrement. Les voyageurs sauront « le 3 décembre dans l’après-midi » quels trains circuleront le 5, précise la direction de la SNCF.

RATP. Mobilisation importante prévue également à la RATP, après la journée très suivie du 13 septembre qui avait mis Paris quasiment à l’arrêt. Les trois syndicats représentatifs de la régie – CFE-CGC, CGT et Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) – ont appelé cette fois-ci à une grève illimitée contre la réforme.

« Le 5 décembre sera a priori aussi fort que le 13 septembre », estime Fabrice Ruiz de la CFE-CGC. « Ce sera une très grosse journée » au vu des « remontées du terrain et des déclarations des agents qui doivent prévenir à l’avance s’ils seront grévistes », explique Bertrand Hammache de la CGT. « On n’est pas très inquiets pour le 6 décembre », qui devrait voir la grève se poursuivre, note Thierry Babec de l’UNSA.

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Air France. Les syndicats de pilotes et ceux des hôtesses et stewards n’appellent pas à la grève. En revanche, trois syndicats bien implantés auprès du personnel au sol ont déposé des préavis : FO, premier syndicat toutes catégories, qui souhaite un mouvement reconductible, comme la CGT. SUD-Aérien veut mobiliser le 5 décembre, en scandant « ni retraite à points, ni droits en moins ». Les grévistes impliqués dans l’exploitation aérienne (navigants ou personnel au sol) doivent se déclarer individuellement au plus tard quarante-huit heures avant le début du conflit pour permettre à la compagnie de s’organiser et d’informer ses passagers.

Chez les contrôleurs aériens, le Syndicat national des contrôleurs du trafic aérien (SNCTA), premier syndicat, n’appelle pas à la grève, contrairement à l’Union syndicale de l’aviation civile (USAC-CGT), numéro deux. Ces fonctionnaires sont soumis à un système d’astreinte destiné à assurer un service minimal, mais une mobilisation importante pourrait engendrer retards ou annulations de vols.

Routiers. La CGT et FO appellent à une grève illimitée dès le 5 décembre dans le transport urbain et routier de voyageurs, de marchandises, de fonds. Un appel qui concerne également les ambulanciers, les déménageurs ou les taxis.

« On fait ce qu’il faut pour que ce soit suivi », a déclaré Patrice Clos de FO-Transports et Logistique. « Pour le transport urbain et le transport routier de voyageurs, des notifications avant préavis de grève, assez nombreuses, ont été déposées », par exemple « à Lyon, Montpellier, Bordeaux », a-t-il précisé. Dans le privé, aucun préavis n’est nécessaire.

Après les annonces gouvernementales le 20 novembre d’une rallonge budgétaire et une reprise de dettes étalées sur trois ans, jugées insuffisantes, la colère est toujours vive dans le monde hospitalier. Le collectif Inter-Hôpitaux a appelé à une nouvelle « manifestation nationale » samedi 30 novembre. Les internes en médecine sont appelés à une grève illimitée par leur syndicat, l’Intersyndicale des internes (INSI), à partir du 10 décembre pour dénoncer la « dégradation des soins » et réclamer une amélioration de leur statut.

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Certains soignants privilégient plutôt une jonction avec la grève interprofessionnelle du 5 décembre contre la réforme des retraites. Une option notamment défendue par les membres du collectif Inter-Urgences, à l’origine de la contestation du monde hospitalier et dont le mouvement de grève débuté en mars dans la capitale s’est étendu à tout le pays, avec encore 268 établissements touchés en début de semaine.

Du côté des syndicats, les fédérations « santé » de la CGT et de FO se sont alignées sur l’agenda de leurs centrales nationales, qui ont averti que le 5 décembre serait « la première journée de grève potentiellement reconductible ». Le Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI – CFE-CGC) a rejoint l’appel à la grève du 5 décembre.

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Plusieurs syndicats d’EDF, parmi lesquels la CGT, FO et SUD, ont appelé le 21 novembre, à leur tour, à la grève reconductible le 5 décembre pour protester contre la réforme des retraites.

La CGT appelle à la grève ainsi qu’à des « baisses de production d’électricité, des coupures en énergie des bâtiments publics d’Etat (hors lieux de santé) » ainsi que dans des entreprises de la branche, et à l’inverse à remettre le courant chez les particuliers où il aurait été « injustement coupé », selon un communiqué.

  • Education nationale

Le Syndicat national des enseignements de second degré-Fédération syndicale unitaire (SNES-FSU), SUD-Education et l’UNSA-Education appellent à une grève des enseignants le 5 décembre. D’autres syndicats de l’intersyndicale éducation sont également mobilisés. Tous dénoncent en effet une future réforme qui pénalisera, selon eux, les enseignants qui perçoivent peu d’indemnités et de primes.

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Plus généralement, dans la fonction publique, la FSU et la fédération CGT des services publics appellent tous les syndicats représentants des agents de la fonction publique à faire grève. Des syndicats de pompiers sont également sur le pont, tout comme ceux de La Poste.

Plusieurs syndicats de police, dont Alliance et l’UNSA, ont menacé le 19 novembre de se joindre au mouvement social du 5 décembre, si le ministère de l’intérieur « ne répond pas à [leurs] attentes ». Ils envisagent de lancer, le jour de mobilisation contre la réforme des retraites, des « actions de 10 heures à 15 heures dans tous les services de police », notamment la « fermeture symbolique des commissariats, le refus de rédiger des PV [procès-verbaux] ou encore des contrôles renforcés aux aéroports et aux péages d’autoroutes ».

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  • « Gilets jaunes »

Dans leur « assemblée des assemblées » à Montpellier, des « gilets jaunes » ont voté, le 3 novembre, une proposition pour rejoindre la grève du 5 décembre contre la réforme des retraites. « L’heure est à la convergence avec le monde du travail et son maillage de milliers de syndicalistes, qui, comme nous, n’acceptent pas », avaient-ils précisé dans un communiqué de presse.

  • Etudiants et lycéens

Plus de dix jours après la tentative d’immolation par le feu d’un étudiant devant un Crous de Lyon, le mouvement étudiant ne décolère pas et réclame des mesures pour lutter contre la précarité étudiante. Surfant sur la grande grève, l’Union nationale des étudiants de France (UNEF) a appelé à manifester le 5 décembre pour « maintenir la pression » sur le gouvernement et exiger une réévaluation des bourses universitaires. Il a été rejoint par d’autres organisations syndicales et de jeunesse : la Fédération indépendante et démocratique lycéenne (FIDL), le Mouvement national lycéen (MNL), l’Union nationale lycéenne (UNL).

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Le coût des Ehpad, une source d’angoisse pour les Français

Dans un Ehpad à Paris le 5 juillet 2018.
Dans un Ehpad à Paris le 5 juillet 2018. STÉPHANE DE SAKUTIN / AFP

Des soignants trop peu nombreux au chevet des personnes âgées, inquiets d’être malgré eux complices d’une « maltraitance institutionnelle » : les grèves dans les maisons de retraite en 2017, 2018 et celle du 8 octobre ont braqué les projecteurs sur leur manque de personnel. A l’inquiétude sur la qualité des soins s’ajoute pour les Français celle de ne pouvoir faire face à la cherté des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).

Le think tank Cercle vulnérabilités et société a interrogé au printemps 850 proches d’une personne âgée placée en Ehpad. Parmi eux, 54,7 % jugent que « le principal défaut de ce lieu de vie » est son « coût », 18 % critiquant « la non-disponibilité des professionnels ».

Emmanuel Macron s’est fait fort de baisser la facture des seniors en maison de retraite. Le 13 juin 2018, le président de la République s’est engagé à présenter une loi sur la prise en charge du grand âge. Ce « sera un autre grand marqueur social de ce quinquennat, peut-être un des plus importants », a renchéri le premier ministre, Edouard Philippe, un an plus tard. Promise par la ministre de la santé Agnès Buzyn au plus tard « début 2020 », la réforme pourrait être débattue au Parlement au printemps.

Résoudre le casse-tête de la tarification des Ehpad suppose de remettre à plat un système complexe et relativement inéquitable. « Les plus mal loties sont les classes moyennes inférieures, constate le sociologue Serge Guérin. Elles ne sont ni assez pauvres pour avoir des aides sociales, ni assez riches pour faire face au coût. » Les plus modestes peuvent prétendre à une allocation logement versée par l’Etat et obtenir une « aide sociale à l’hébergement » (ASH) financée par les départements. Les plus aisés sont avantagés par le crédit d’impôt dont ils peuvent bénéficier.

Le prix médian pour une chambre s’élève à 1 977 euros

En 2018, le prix médian pour une chambre individuelle en Ehpad s’élève à 1 977 euros, selon la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Or, le montant moyen net des pensions de retraite est d’environ 1 330 euros.

Les prix indiqués ne sont certes pas le montant que déboursent les personnes âgées puisqu’elles bénéficient notamment de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Il n’empêche : 75 % des 620 000 résidents en Ehpad ont des revenus inférieurs au coût de leur séjour et la moitié sortent de leur poche au moins 1 850 euros par mois, selon une étude de la Drees (direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) parue en novembre 2018. Un tiers d’entre eux puisent dans leur épargne et 11 % font appel à leur entourage.

Les écoles de commerce timidement investies dans la prévention du « management toxique »

Stress, burn-out, harcèlement, violence… Autant de problématiques rarement abordées en formation initiale dans les écoles de management. Certaines commencent à se positionner sur ces sujets.

Par Publié aujourd’hui à 06h00

Temps de Lecture 5 min.

La prévention des risques psycho-sociaux est rarement au coeur des programmes des écoles qui forment les futurs cadres d’entreprises
La prévention des risques psycho-sociaux est rarement au coeur des programmes des écoles qui forment les futurs cadres d’entreprises Gary Waters/Ikon Images / Photononstop

Les risques psychosociaux au travail ? Amélie*, 23 ans, rit jaune. « Ce n’est pas quelque chose qu’on aborde dans le tronc commun de HEC », regrette cette jeune diplômée de l’école de management de Jouy-en-Josas (Yvelines). Stress, épuisement professionnel, harcèlement, violences : Amélie, qui dirige une équipe de trente personnes dans une start-up, n’a pas le souvenir d’y avoir été sensibilisée pendant sa scolarité, et le ressent comme un manque.

« On gagnerait à faire venir dans les amphis des personnes qui ont connu des burn-out, pour montrer comment un mauvais management peut détruire des vies. On pourrait aussi nous parler de la méditation, par exemple, et de ses bienfaits sur le stress. Elle qui accorde « une importance très forte à l’équilibre vie personnelle et professionnelle » dit y faire attention d’elle-même avec son équipe. « Mais, si on venait me parler de sexisme ou de harcèlement, je serais bien démunie sur la réponse à apporter. »

Un relais indispensable

Avec la numérisation de l’économie, les conditions de vie au travail n’ont cessé de muter au cours des dernières décennies, favorisant la croissance du mal-être au travail. De multiples enquêtes le prouvent. En 2017, 24 % des 30 000 salariés interrogés par le cabinet Stimulus présentaient un état d’« hyper-stress » et 52 % un « niveau élevé d’anxiété ». Avec des conséquences loin d’être anodines : dépression, troubles musculo-squelettiques, maladies cardio-vasculaires…

« La prévention des risques psychosociaux devrait être au cœur de la stratégie des écoles de management, mais c’est loin d’être le cas, déplore Marc Bonnet, professeur de management à l’IAE Lyon, auteur d’une étude sur la responsabilité des écoles de management pour améliorer la santé au travail. On y enseigne encore des méthodes de management pensées au début du XXe siècle et qui ne sont plus adaptées à la réalité de l’entreprise, sans donner aux étudiants les outils pertinents. »

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Or, le manageur apparaît comme un relais indispensable dans l’entreprise pour la prévention des risques psychosociaux. Si ceux-ci peuvent être entraînés par une surcharge de travail, ils sont aussi liés à la question du sens que le salarié attribue à son rôle, à celle de la reconnaissance dont il bénéficie et à la manière dont il est dirigé. Autant de dimensions sur lesquelles le management influe fortement.

L’électrochoc France Télécom

« En termes de risques psychosociaux, notre pays est le mauvais élève européen », affirme Patrick Légeron, psychiatre, fondateur du cabinet Stimulus et coauteur en 2008 d’un rapport sur ce sujet pour le ministère du travail. « Alors que dès les années 1970 les pays du nord de l’Europe formulaient leurs premiers accords d’entreprise sur ces questions, en France, il a fallu attendre l’accord national interprofessionnel sur le stress au travail de 2008, indique le psychiatre. Le manque de formation sur ces sujets avait été pointé du doigt. Mais plus de dix ans plus tard, on est encore loin du compte. » Selon lui, les drames survenus à France Télécom – dont le procès des dirigeants s’est ouvert en mai 2019 – sont symptomatiques d’un certain « management toxique ». « Ce fut un électrochoc à l’époque. On a commencé à se rendre compte du prix humain d’années de mauvais management… »

Vous travaillez à la RATP ? Témoignez de votre quotidien avant la grève du 5 décembre

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Une « appli » mobile pour dynamiser la formation

Le gouvernement présente une application numérique censée être accessible à 28 millions d’actifs.

Par Publié aujourd’hui à 11h01

Temps de Lecture 4 min.

Le gouvernement veut créer l’événement autour d’une thématique souvent snobée par le grand public. Jeudi 21 novembre, le premier ministre, Edouard Philippe, et la ministre du travail, Muriel Pénicaud, devaient lancer l’application numérique mobile associée au compte personnel de formation (CPF). Un outil digital présenté comme unique au monde et destiné à faire de la formation un « droit fondamental » de notre modèle social.

Il s’agit d’une étape-clé dans les transformations profondes impulsées dans le monde de la formation continue, depuis la promulgation en septembre 2018 de la loi « avenir professionnel ». L’objectif, à terme, est de permettre à quelque 28 millions d’actifs – salariés, fonctionnaires, indépendants, demandeurs d’emploi – de choisir, « en toute liberté » et avec leur smartphone, un organisme qui leur apportera des compétences supplémentaires. L’offre mise à disposition par ce truchement s’avère significative : quelque 100 000 sessions, débouchant sur environ un millier de diplômes, titres et certifications.

Les acteurs du secteur exultent

A l’avenir, les personnes seront donc en mesure de se payer une formation en utilisant l’argent porté au crédit de leur CPF, sans devoir passer par un intermédiaire (entreprises, organisme paritaire, etc.). La somme à laquelle chaque individu à droit peut, au maximum, atteindre 5 000 euros (8 000 pour les peu qualifiés). Mais à l’heure actuelle, le montant moyen est nettement moindre : un peu plus de 1 000 euros. En 2020, des changements seront apportés à l’appli mobile pour qu’elle puisse tenir compte des ressources complémentaires éventuellement apportées par les employeurs, les régions, Pôle emploi, etc.

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Un palier de plus est donc franchi dans le mouvement d’individualisation et de libéralisation de la formation continue. L’entourage de Mme Pénicaud reconnaît qu’il fait un « pari » : en simplifiant l’accès aux dispositifs, le ministère du travail espère susciter un élan pour que chacun se prenne en main et étoffe ses qualifications. Son but, pour 2020, est de voir un million de personnes mobiliser leur CPF par le biais de l’application numérique. Précision importante : le mécanisme dévoilé jeudi ne constitue qu’un des volets pour former les actifs, puisque d’autres voies existent, au sein des entreprises ou avec le concours des régions, de Pôle emploi, etc.

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Les acteurs du secteur exultent. « L’offre va gagner en lisibilité et il sera désormais plus simple de suivre une session, puisqu’il n’y aura plus d’intermédiation », commente Pierre Courbebaisse, président de la Fédération de la formation professionnelle. D’après lui, on peut s’attendre à un « appel d’air, susceptible de stimuler l’appétence des personnes » pour se former.

« Le maintien des seniors en poste passe par davantage de transparence »

Pour Jean-Paul Charlez, président de l’Association nationale des DRH, la création d’un référent spécifique, à l’image du référent handicap, permettrait de libérer la parole sur des sujets tabous.

Propos recueillis par Publié aujourd’hui à 10h48

Temps de Lecture 2 min.

Jean-Paul Charlez, président de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH).
Jean-Paul Charlez, président de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH). ANDRH

Le président de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH), Jean-Paul Charlez, explique le positionnement des employeurs face au vieillissement des actifs.

Quelles sont les stratégies déployées en entreprise face au vieillissement démographique ?

Un peu plus de la moitié des entreprises (51 %) n’ont pas d’actions spécifiques sur l’emploi des seniors. Mais des pratiques existent pour les maintenir au travail : mesures ponctuelles, individuelles, adaptation de poste à la demande de la médecine du travail, flexibilité de l’organisation du temps de travail sous forme de temps partiel, départ progressif, télétravail… Pendant très longtemps, les ressources humaines (RH) ont accompagné le départ des seniors. Aujourd’hui, ça a changé puisque, depuis [la réforme des retraites de] 2010, un employeur ne peut plus mettre les salariés à la retraite avant 70 ans.

Pour permettre à l’entreprise d’exercer la responsabilité que le gouvernement nous demande, il faut davantage de transparence. Elle doit pouvoir s’entretenir avec le salarié pour savoir à quel âge il veut partir. Actuellement, l’entreprise ne sait pas où le salarié en est de sa retraite. La création d’un référent senior au sein des RH, à l’image du référent handicap, permettrait de libérer la parole, dans une certaine confidentialité, sur des sujets tabous.

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A quel âge devient-on senior ?

Dans l’immense majorité des entreprises, cela commence à 56 ans. Pour 6 % d’entre elles, on est senior à 45 ans.

A quel horizon les entreprises anticipent-elles ?

Il n’y a pas de réelle prise de conscience. Elles n’ont pas réfléchi à ce qu’elles devaient faire avec les salariés qui ont encore dix ans de travail avant la retraite. Il faut intégrer la question de la pénibilité, mais aussi celle de leur place dans la société, les 58-65 ans jouant le rôle d’aidant à l’égard de leurs parents vieillissants, tout en soutenant leurs enfants.

Il faudrait renchérir le coût des départs des 58-65 ans et faciliter leur recrutement et leur maintien en emploi. Actuellement, seules 20 % des entreprises mettent en place des mesures pour favoriser le recrutement des seniors.

Les responsables des ressources humaines s’intéressent-ils à la qualification des seniors ?

Les entreprises ne font pas rien, sauf peut-être les plus petites, et la situation varie selon les secteurs. Ainsi, 36 % déclarent prendre des mesures favorisant l’employabilité et l’accès à la formation des seniors. Mais quand il y a des tensions économiques, cette catégorie sort du viseur, qu’il s’agisse de formation, d’augmentation salariale au mérite ou d’évolution professionnelle.

Le fossé générationnel entre les jeunes et les seniors se creuse dans les entreprises japonaises

Une senior au travail, à Tokyo, en décembre 2015.
Une senior au travail, à Tokyo, en décembre 2015. TORU YAMANAKA / AFP

« Les dirigeants âgés ne nous laissent pas tenter et nous tromper. C’est pourtant essentiel pour l’expérience. » Ce constat amer de Tatsushi Mihori, dynamique quadragénaire spécialiste de la vente à l’international, traduit une frustration réelle chez les salariés japonais vis-à-vis de leurs aînés, accrochés à leurs fonctions dans un pays qui privilégie l’emploi des seniors pour compenser une pénurie de main-d’œuvre de plus en plus criante.

Pour les jeunes travailleurs, ces empêcheurs d’évoluer sont des facteurs de rougai, littéralement les « problèmes posés par les personnes âgées », un phénomène – non limité à la sphère professionnelle – de plus en plus visible dans une société où un tiers de la population a plus de 60 ans. En avril, les réseaux sociaux s’étaient déchaînés contre un vieux monsieur apparu dans une vidéo le montrant en train de bloquer sans raison apparente la fermeture des portes d’un métro bondé de Nagoya.

Les personnes âgées qui provoquent des accidents de la route, un sujet d’inquiétude majeure au Japon, en sont une autre manifestation. Tout comme la classe politique vieillissante et jugée incompétente. L’ancien ministre de la lutte contre la cybercriminalité Yoshitaka Sakurada, 69 ans, par exemple, avait été nommé par le premier ministre, Shinzo Abe, alors que, de son propre aveu, il n’avait jamais touché un ordinateur de sa vie.

« Raison sur tout »

Dans les entreprises, l’affaire tourne au conflit de générations. En septembre, selon les statistiques du ministère du travail, 9 millions de personnes de plus de 65 ans travaillaient, contre 5,5 millions en 2009. Dans le même temps, le nombre d’actifs a quasi stagné, à 63,1 millions, en septembre. Le travail des personnes âgées est d’autant plus encouragé qu’une majorité d’entre elles veulent poursuivre leur activité, même avec des horaires réduits.

En octobre 2018, le magazine économique BizSPA ! a réalisé une enquête auprès de jeunes salariés pour établir le classement des dix choses les plus insupportables causées par leurs aînés. La première était la « manière qu’ont les personnes âgées de toujours dire qu’elles ont raison sur tout ». Venaient ensuite les manies de répéter « quand j’étais jeune… », d’imposer leurs méthodes ou de refuser de « reconnaître leurs erreurs et de s’excuser ». Les aînés veulent aussi toujours aller boire le soir après le travail et ne comprennent pas pourquoi les jeunes s’y refusent.

L’Adapei de l’Orne a décidé de baisser la rémunération de 114 travailleurs handicapés

« Un quart de l’effectif a ainsi subi une baisse de revenus mensuels de 100 à 200 euros, sans avoir son mot à dire. »
« Un quart de l’effectif a ainsi subi une baisse de revenus mensuels de 100 à 200 euros, sans avoir son mot à dire. » CHRIS GILLEARD / Ikon Images / Photononstop

Une décision « difficile à prendre ». C’est par ces mots que la direction de l’Association départementale de parents et amis de personnes handicapées mentales (Adapei) de l’Orne a tenté de justifier un choix lourd de conséquences : la baisse de rémunération de cent quatorze travailleurs handicapés exerçant dans les cinq établissements et services d’aide par le travail (ESAT) qu’elle gérait.

Afin de « résorber au plus vite [l]es déficits » de ces établissements, dont l’endettement s’alourdissait, l’Adapei de l’Orne a fait le choix, en mai 2016, de réduire les revenus des travailleurs les mieux payés. A mi-chemin entre des entreprises classiques et des établissements médico-sociaux, les ESAT ont pour vocation d’accueillir des personnes trop lourdement handicapées pour travailler en milieu ordinaire.

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Elles touchent une rémunération, dite « garantie », mais faible : entre 55 % et 110 % du smic, financée en partie par l’Etat. La part à la charge de l’employeur est comprise entre 5 % et 20 % du smic. L’Adapei l’a donc ramenée au minimum légal de 5 % du smic pour les travailleurs qui touchaient le plus.

Un quart de l’effectif a ainsi subi une baisse de revenus mensuels de 100 à 200 euros, sans avoir son mot à dire. En effet, quelle que soit la nature de leur handicap, les personnes exerçant dans ces établissements n’ont pas le statut de salarié, du fait de la vocation médico-sociale des ESAT. Elles ne sont donc pas couvertes par le droit du travail. Difficile donc, pour ces travailleurs, de contester la décision de l’Adapei. L’un d’entre eux a finalement saisi le seul recours qui lui semblait possible : le Défenseur des droits.

Les personnes exerçant dans ces établissements n’ont pas le statut de salarié, du fait de la vocation médico-sociale des ESAT. Elles ne sont donc pas couvertes par le droit du travail

Et celui-ci a donné tort à l’Adapei de l’Orne. Même si ces établissements ont effectivement le droit de baisser de manière unilatérale la paie de leurs travailleurs, « les difficultés économiques alléguées par l’ESAT ne justifient pas de manière objective la décision de ce dernier de baisser ainsi la rémunération de ces travailleurs », considère le Défenseur des droits. Dans sa décision, il estime que « l’ESAT aurait privilégié la compétitivité de son activité en investissant dans des outils de production et en embauchant une commerciale, et ce au détriment du maintien du niveau de rémunération de ces travailleurs handicapés particulièrement vulnérables ».