« Développement (im)personnel » : stop à la « positivité de comptoir »

« Développement (im)personnel » : stop à la « positivité de comptoir »

« Développement (im)personnel. Le succès d’une imposture », de Julia de Funès. Editions de L’observatoire, 2019, 176 pages, 16 euros.
« Développement (im)personnel. Le succès d’une imposture », de Julia de Funès. Editions de L’observatoire, 2019, 176 pages, 16 euros.

Livre. En philosophie, la tendance à privilégier la réalité des mots sur la réalité des choses s’appelle le nominalisme. En langage courant, c’est ce que l’on nomme les bons sentiments, et ils ont envahi le monde de l’entreprise. Voyez les manuels de développement personnel qui nous conseillent de positiver et gagner en estime de soi. Ecoutez les coachs, et leurs promesses d’assurance et de sérénité. Cette « positivité de comptoir » révolte Julia de Funès : « Il n’y a plus de “malaise de la civilisation”, l’épanouissement personnel est devenu le nouvel “opium du peuple”. »

Si ces artifices et artificiers rencontrent un tel engouement, affirme la docteure en philosophie, c’est davantage « par l’attrait de leurs promesses et les attentes de personnes assoiffées, que par la rigueur de leur contenu et des aides proposées. » Son essai, Développement (im) personnel (Editions de L’Observatoire), trace la généalogie du besoin d’épanouissement personnel.

Quelles techniques le développement personnel met-il régulièrement en œuvre ? Quelles idéologies véhicule-t-il insidieusement, et comment s’en libérer ? Pour affranchir l’individu de toutes ces balises comportementales, l’ouvrage convie les grands penseurs, de Nietzsche à Tocqueville, de La Boétie à Bergson. Ils nous permettent de déverrouiller les grilles de lecture, de déjouer les farces et attrapes pour « oser la difficile liberté d’être soi-même. »

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Loin de se réduire à une simple caractéristique psychologique, l’épanouissement personnel représente une véritable donnée historique et sociale, estime Julia de Funès. L’affirmation de l’individu, la concentration sur soi-même et le désintérêt des idéaux supra-individuels irriguent tout le XXe siècle, dans toutes les sphères de son existence. L’individu moderne est alors pensé comme un Narcisse, « au sens où la sphère privée culmine dans tous les domaines de la vie sociale, et où les questions subjectives sont surinvesties par rapport aux enjeux supérieurs et au “soi”. »

Soumission psychologique

En devenant un code social, l’épanouissement personnel perd en singularité : comment le développement personnel ne peut-il pas devenir impersonnel en s’adressant à chaque lecteur comme à tout autre ? « C’est l’un des grands paradoxes de ce type d’ouvrages prétendant parler du “moi” le plus intime à des milliers de lecteurs ! »

L’enjeu du livre n’est pas d’attaquer les coachs ou les auteurs de développement personnel, mais de « révéler les méthodes rhétoriques utilisées derrière l’efficacité promise, ainsi que les opinions véhiculées sous la pseudo-sagesse affichée. Une vision de l’individu illusoire et culpabilisante en découle, qui loin de libérer asservit. »

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LJD

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