Lionel Honoré : « Dans la grande majorité des cas, la religion pose peu de problèmes au travail »

Lionel Honoré : « Dans la grande majorité des cas, la religion pose peu de problèmes au travail »

Tribune. Les prises de position du président de la République sur l’islam en France sont un événement important. Enfin, un discours politique pose sans caricature les enjeux : énoncer ce qui est acceptable ou non, ce qui doit être combattu et ou au contraire protégé. Il faudra, bien sûr, que les mots soient suivis d’actions réelles : celles-ci permettront à la République de combattre les discours religieux qui la remettent en cause mais aussi de protéger la très grande majorité des musulmans des risques de stigmatisation ainsi que du prosélytisme rigoriste.

Présence affirmée de l’islam

La question de la place de la religion dans la société a été régulièrement posée au fil de l’histoire. La présence affirmée de l’islam l’a réactualisée ces dernières décennies. Sur ce sujet, les échanges manquent souvent de modération entre ceux qui accusent leurs adversaires de remettre en cause le vivre-ensemble républicain et ceux qui les accusent en retour d’islamophobie.

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Les entreprises ne sont pas épargnées. En France, plus des deux tiers d’entre elles sont concernées, de différentes façons, par la question des faits et comportements religieux au travail. La problématique de la place de la religion au travail éclaire celle de la place de la religion dans la République. Les litiges opposant des employés pratiquants, le plus souvent musulmans, et leurs employeurs sont fréquents. Cependant, dans les entreprises, deux réalités très différentes coexistent.

Dans la grande majorité des cas, soit environ 90 % des entreprises, la religion pose peu de problèmes. La plupart des salariés n’expriment leur religiosité qu’à la marge du fonctionnement organisationnel. Ils ne donnent pas toujours de raison religieuse à une demande d’absence et, s’ils prient au travail, c’est discrètement et pendant leurs pauses. Même le port du hidjab, qui est pourtant une question très sensible en France, génère peu de tensions. Les musulmanes qui le portent au travail refusent rarement de le retirer lorsque cela est demandé par l’entreprise. Les personnels sont dans l’ensemble peu revendicatifs sur ce type de sujets et donnent la priorité au travail sur leur pratique religieuse.

« Les salariés comme les manageurs savent de mieux en mieux ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas dans le contexte de leur entreprise »

De leur côté, les manageurs ont une approche pragmatique de ces questions. Leurs décisions, face à une demande d’un salarié, sont prises en considérant en priorité l’impact sur le travail et non la justification religieuse de la demande. Ils ne considèrent pas la religion pour elle-même mais comme une des dimensions de la personne qu’est le salarié. Les salariés comme les manageurs savent de mieux en mieux ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas dans le contexte de leur entreprise. Il peut bien sûr exister des frictions et de la frustration, mais la discussion reste le plus souvent ouverte. Le principe dominant est celui de la construction d’arrangements locaux qui préservent à la fois le bon fonctionnement de l’entreprise et la liberté religieuse.

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LJD

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