Archive dans avril 2021

Le harcèlement moral et sexuel tarde à déserter les agences de publicité

Le secteur de la publicité n’a pas été exempt de révélations sur le sexisme, le harcèlement moral et sexuel, du fait des paroles et comportements inappropriés qui y règnent parfois. Il se devait donc de procéder à son examen de conscience. Ce pourrait être chose faite avec la publication, mercredi 14 avril, du premier « baromètre destiné à mesurer les faits de harcèlement en agence ».

Etabli à l’initiative de l’association Les Lionnes, créée en 2019 pour veiller aux droits des femmes dans la publicité et la communication, de concert avec l’Association des agences-conseils en communication (AACC, premier syndicat professionnel du secteur), il s’appuie sur une consultation en ligne menée auprès de 3 002 personnes par l’institut de sondages OpinionWay.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Dans le milieu de la pub, le règne du sexisme

Première étude sectorielle de ce genre, selon Bertille Toledano, présidente par intérim de l’AACC avec David Leclabart et patronne de l’agence BETC, ce baromètre « constitue un point zéro ». « Il nous permet de purger le passé, mais aussi de nous situer dans une démarche de progrès. L’important, c’est d’avoir un objectif de vérité. »

Exercices et sessions de formation

Dans ce milieu majoritairement féminin (60 %), où sept réponses sur dix ont été apportées par des femmes, 60 % des sondés affirment avoir été témoins d’au moins un fait de harcèlement ou d’agression en agence au cours de leur carrière (32 % dans leur agence actuelle). Près de la moitié (47 %) se sont abstenues de les signaler, par peur des conséquences. Elles sont également 47 % à avoir elles-mêmes subi des situations intolérables : 38 % de harcèlement moral, 24 % de harcèlement sexuel d’ambiance, et 9 % de harcèlement sexuel (13 % en 2020).

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Sexisme dans le milieu de la pub : « Je présente mes excuses aux femmes que j’ai blessées »

« Ces résultats ne sont pas une surprise pour nous, reconnaît Julie Régis, la présidente des Lionnes. Ils correspondent à ce que l’on constatait dans nos vécus individuels et dans les cas qui nous remontaient. » Pour faire évoluer favorablement la situation, l’information ne suffira pas, ajoute David Leclabart, dirigeant de l’agence Australie, qui préconise exercices et sessions de formation « pour les équipes, les RH et les dirigeants » eux-mêmes.

Alors que les commanditaires de cette étude estiment que « les résultats démontrent dans l’ensemble une évolution positive de ces sujets ces trois dernières années », le doute subsiste dans certains esprits quant à la solidité de la démarche. A commencer par celui de l’animatrice du compte Instagram @balancetonagency, créé à l’automne 2020 et suivi par plus de 71 000 personnes. C’est sur la base des témoignages relayés trois jours durant sur ce compte que Laurent Habib, fondateur et président de l’agence Babel, a démissionné de la présidence de l’AACC, le 13 octobre 2020.

Il vous reste 39.07% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Palmarès Universum 2021 des entreprises : les jeunes plébiscitent le luxe, l’automobile et la sécurité de l’emploi

La marque employeur aura eu raison du Covid. Les grands groupes, qui contrôlent d’une main ferme l’image de leur entreprise, ont passé l’année 2020 quasiment sans encombre, du moins sur ce point-là. La société Universum, spécialiste de la marque employeur, a interrogé, comme chaque année, près de 50 000 étudiants des grandes écoles de commerce, d’ingénieurs et d’universités en niveau master s’apprêtant à rejoindre le marché du travail sur leur entreprise idéale. Le palmarès 2021, publié mercredi 14 avril en exclusivité pour Le Monde, révèle un podium à peine effleuré par la pandémie : Airbus Group, Google et Thales sont plébiscités, dans cet ordre, par les élèves ingénieurs ; tandis que les étudiants des écoles de commerce saluent LVMH, L’Oréal Group et Chanel.

Les lauréats de 2021 sont les mêmes que ceux de 2020, excepté Chanel, qui ravit la troisième place à Google auprès des étudiants d’école de commerce. « La chute de Google est très marquée. Il sort du podium des écoles de commerce. Les Gafam n’ont pas toujours eu bonne presse sur la gestion de leurs salariés et sur le traitement des données personnelles », commente Aurélie Robertet, la directrice d’Universum France.

L’effet Covid n’est pas nul sur l’attractivité des entreprises auprès de leurs futures jeunes recrues. Dans les écoles de commerce, il fait la part belle au luxe, qui rafle les trois premières places. Sur 130 entreprises classées, le podium n’est composé que de groupes de luxe qui gagnent également en parts de vote, tandis que du côté des ingénieurs, Airbus, Google et Thales, stables sur le podium, perdent quelques parts en pourcentage.

Lidl et Carrefour gagnent des places

C’est surtout quand on descend du podium que la pandémie produit ses effets. Les évolutions par secteur se font alors l’écho de la conjoncture. Les étudiants en école de commerce déclassent, sans surprise, l’hôtellerie et l’aérospatiale, en retrait respectivement de 21,94 % et 11,78 % par rapport à 2020, ainsi que les Gafam (– 8,42 %). Ils se tournent davantage vers la grande distribution (+ 24,02 %). Lidl avance ainsi de 18 places dans le classement, Carrefour de 12, Decathlon de 6, Leroy Merlin de 5 et Auchan de 2.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Bien intégrer ses jeunes cadres, une phase cruciale pour la réputation de l’entreprise

Plus surprenant, les médias et les banques séduisent plus qu’en 2020. Ces deux secteurs progressent respectivement de 12,27  % et de 5,07  %. Le Groupe Canal+, en hausse continue depuis deux ans, gagne ainsi 12 places cette année. « Les marques connues ont globalement mieux traversé la crise que celles du “B to B” qui sont sorties du radar des étudiants, car elles n’ont pas pu faire campagne sur les campus à cause du Covid », analyse Aurélie Robertet.

Il vous reste 44.35% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Vers un plus grand nombre de jours de congés décidés par l’employeur

Pour la énième fois depuis le début de la crise, le code du travail va subir des aménagements provisoires afin de donner un surcroît de liberté aux employeurs. Le gouvernement souhaite, en effet, prolonger, voire renforcer, certaines dérogations mises en place en 2020 pour affronter la récession déclenchée par l’épidémie de Covid-19. L’une d’elles permettrait, momentanément, aux patrons de choisir la date « de prise » de congés payés de leurs salariés sur un plus grand nombre de jours : jusqu’à huit, contre six (dans les mesures d’exception arrêtées en 2020), sous réserve qu’un accord de branche ou d’entreprise ait été conclu. Cette piste a été évoquée, lundi 12 avril, par la ministre du travail, Elisabeth Borne, durant une réunion en visioconférence avec les partenaires sociaux.

Lire aussi Coronavirus : comment le code du travail va être assoupli en France

D’autres dispositions, ayant elles aussi vocation à ne s’appliquer que durant un certain laps de temps, sont envisagées. Ainsi, les règles dérogatoires instaurées en 2020 pour les CDD et pour les missions d’intérim seraient maintenues au-delà du 30 juin, alors qu’elles devaient cesser de produire leurs effets à cette échéance. Les dérogations en question portent, notamment, sur le nombre maximal de renouvellements de contrat, celui-ci pouvant être temporairement défini dans un accord collectif.

De même, les facilités introduites provisoirement sur le prêt de main-d’œuvre entre deux sociétés seraient reconduites après le 30 juin. Jusqu’à quand ? « Ça reste à déterminer », indique-t-on au ministère du travail, en précisant que le sujet sera abordé avec les partenaires sociaux. Dans l’entourage de Mme Borne, on souligne que de tels « assouplissements » du droit du travail visent à « accompagner » le retour graduel à un fonctionnement normal de l’économie.

Mécontentement

Les intentions du gouvernement sont, sans surprise, accueillies fraîchement par les syndicats. « Toutes ces mesures transitoires ne doivent pas perdurer après la crise », met en garde Eric Courpotin, secrétaire confédéral de la CFTC. « Nous étions contre les adaptations au code du travail qui avaient été décidées l’an passé. Notre position sera la même si des arbitrages similaires sont rendus aujourd’hui », lance, de façon plus tranchée, Nathalie Verdeil, secrétaire confédérale de la CGT.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi La difficile équation des congés payés 2020

« Je ne vois pas l’utilité de cet activisme en faveur des employeurs », enchaîne Yves Veyrier. Pour le leader de Force ouvrière, la disposition sur les congés payés va particulièrement toucher des personnes qui sont restées longtemps au chômage partiel et qui ont, de ce fait, accumulé un gros reliquat de jours de vacances (qu’ils n’avaient pu « consommer » durant leur période d’inactivité). Sont notamment concernés les travailleurs employés dans le tourisme et l’hôtellerie-restauration. Les entreprises de ces secteurs voudront probablement imposer des dates de repos à leurs équipes (dans la limite de huit jours) afin de pouvoir disposer de la main-d’œuvre dont elles ont besoin, en juillet et en août notamment. Or, souligne M. Veyrier, il faut bien voir que les salariés dont on parle ne sortent pas indemnes de la période actuelle, entre le « stress » qu’ils ont vécu et les « pertes de rémunération liées au chômage partiel ».

Il vous reste 13.44% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Lapeyre : la vente au fonds Mutares nourrit les craintes des salariés

Magasin Lapeyre au Chesnay (Yvelines), le 8 avril 2017.

Si, avec la crise sanitaire liée au Covid-19, le marché du bricolage a le vent en poupe, Lapeyre, lui, est en pleine tourmente. Ce spécialiste des équipements pour la maison se trouve au cœur d’un imbroglio économico-financier depuis que Saint-Gobain a annoncé, le 9 novembre 2020, être en négociation exclusive avec le fonds de redressement allemand Mutares pour céder ses dix usines en France et 126 magasins rassemblés sous l’entité Distrilap.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Saint-Gobain cède Lapeyre à un fonds allemand

Pour sortir de Lapeyre, déficitaire depuis 2012, Saint-Gobain apporterait 243 millions d’euros à la nouvelle société. Mutares injecterait 15 millions dans la machine. Quant au reste des financements nécessaires, il serait comblé par la vente de murs de magasins, à hauteur de 93 millions d’euros. Cependant, l’opération, qui devait être bouclée au premier trimestre 2021, prend du retard.

Inquiets de tomber entre les mains d’un fonds d’investissement, les salariés des magasins Lapeyre ont tout tenté pour freiner le processus. « On craint le pire. On ne tiendra pas plus de trois ans. Après on fermera dans le silence. Plus personne ne se souviendra de nous. L’objectif est de ne pas faire de mauvaise publicité à Saint-Gobain », craint Mohamed Ben Ahmed, délégué syndical central FO.

Plan stratégique

Il faut dire que fin 2020, des documents émanant d’un plan stratégique daté de septembre fuitent dans la presse. Ils mentionnent « 933 suppressions d’emplois d’ici à 2023 », sur un total de 3 500 postes. Mutares dément, évoquant « des documents de travail (…) aujourd’hui dépassés et obsolètes » car « construits préalablement à l’arrivée de Marc Ténart dans le projet » qui « a sauvé 6 500 emplois au sein de Conforama », dont il assurait la direction avant son rachat par But.

Passé aussi par le groupe Kingfisher (Castorama, Brico Dépôt…), M. Ténart, le futur président de Lapeyre, a été chargé d’établir le plan stratégique. « Ils nous ont dit que la situation économique avait changé, qu’il n’y avait désormais plus qu’un seul magasin dans le rouge. Mais c’est aussi parce qu’avec le Covid et le chômage partiel, la photo s’est embellie car les frais de personnel ont été réduits », lance Hervé Grillon, délégué syndical central à la CGT.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Pour se relancer, le géant du bricolage Kingfisher opère un virage stratégique à 180 degrés

Surtout, lorsque les représentants du personnel consultent certains documents liés à la cession de leur entreprise, entre le 15 février et le 8 mars, ils font une découverte. « Le plan de Mutares correspondait bien au document qui avait fuité quelques mois plus tôt et dont on nous disait qu’il était obsolète », s’étrangle M. Ben Ahmed. Ils apprennent aussi la fermeture des usines Giraud, d’Ouest Production, d’Azur Production et de SBL, programmée pour fin 2022.

Il vous reste 44.45% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Rencontres RH : les risques du métier de DRH se sont accrus avec le Covid-19

« Les utilisateurs des réseaux sociaux ne s’y trompent pas, lorsqu’ils lancent la campagne #BalancetonDRH qui tente de faire porter sur la seule personne d’un DRH toute la politique managériale d’une société. »

« L’expérience animale a prouvé qu’une souris qui sait quand elle va être maltraitée déprime moins que celle qui ne sait pas quand elle le sera. L’effet d’incertitude, c’est cela qui déprime une personne, comme la souris du laboratoire, car l’homme est un animal social », explique Raphaël Gaillard. Le professeur en psychiatrie et président de la Fondation Pierre-Deniker a illustré, par cet exemple, l’impact potentiel de la crise due au Covid-19 sur les salariés. Il introduisait ainsi les Rencontres RH, le rendez-vous mensuel d’actualité du management, organisé par Le Monde en partenariat avec ManpowerGroup qui a réuni le 6 avril, à Paris, une dizaine de DRH pour débattre des risques de leur métier.

« Les DRH sont à la fois sujets aux risques psychosociaux (RPS) et porteurs de la responsabilité des RPS pour toute l’entreprise. La santé mentale, on oublie toujours à quel point c’est important : un actif sur cinq est susceptible d’être en détresse liée à un trouble mental. Et plus la période dépressive est longue, plus la surface du cerveau affectée est importante », explique le professeur Gaillard. Or la crise sanitaire a renforcé les principaux facteurs associés au trouble mental : le déséquilibre vie privée-vie professionnelle, l’incertitude, le manque de soutien des collègues ou de sa hiérarchie et enfin les difficultés de communication au travail.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Drame de Valence : l’assassin reste muet, des liens confirmés avec les entreprises des victimes

Depuis le Covid, « on est en mode d’ajustement permanent, ce qui est très stressant pour tout le monde, témoigne Marc-Henri Bernard, le DRH Group de Rémy Cointreau. On a beaucoup d’humilité à essayer d’apporter des solutions, sans jamais être sûr du résultat. On a essayé d’être dans la sur-communication permanente, pour donner du sens, maintenir le lien social, en commençant par rassurer sur le maintien de l’emploi et de la rémunération. L’objectif étant que les salariés puissent se dire “L’entreprise ne m’a pas oublié” ».

« Garder ses distances »

Car l’entreprise a pris une place démesurée dans la vie des salariés, y compris celle des DRH. Elle est devenue un lieu d’affirmation du lien social et « le rôle du DRH est de renforcer la notion de corps social, estime Jean-Marie Lambert. Depuis un an, pour beaucoup, ils n’ont que l’entreprise et la maison. Le rôle de l’entreprise comme lien social est devenu plus important ». Le DRH de Veolia environnement note « qu’un certain nombre de salariés sont en souffrance. Il ne nous appartient pas de les traiter, car on n’est pas médecin, mais nous devons en tenir compte. On prend le sujet au sérieux. Mais en tant que DRH, il est primordial de garder ses distances. La vraie difficulté est d’être à l’écoute sans se sentir responsable de toute la souffrance de l’entreprise ».

Article réservé à nos abonnés Lire aussi La « radioscopie » des DRH chamboulés par les réformes

Dans la plupart des organisations, la prise en compte des risques psychosociaux des salariés s’est concrétisée par la mise en place de plates-formes téléphoniques d’écoute de psychologues. « Il y a un enjeu à être proactif pour que s’exprime la souffrance, car plus la prise en charge est précoce, plus elle est efficace. Le pire serait de faire l’autruche », alerte le professeur Gaillard. « On a également rappelé les rôles de chacun, souligne Marion Azuelos, DRH monde de BNP Paribas Asset Management. Lorsqu’un RH reprend à son compte la charge mentale, après il ne va pas bien. Il faut savoir où son rôle s’arrête et savoir renvoyer vers la santé au travail ou l’assistante sociale. »

Pour le professeur Gaillard, « il est essentiel de penser en termes de lien social » pour ne pas tomber « dans la culture de la responsabilité personnelle, particulièrement difficile à vivre ». Les utilisateurs des réseaux sociaux ne s’y trompent pas, lorsqu’ils lancent la campagne #BalancetonDRH qui tente de faire porter sur la seule personne d’un DRH toute la politique managériale d’une société. « Je ne suis pas sûr que le DRH soit plus exposé depuis le Covid, relativise Rémi Boyer, le DRH de Korian, mais il s’est considérablement rapproché de l’opérationnel, ce qui est très positif. Et il porte davantage les valeurs de l’entreprise. »

Recrudescence de la violence

Vu de sa PME de sécurité, le DRH de Panthera Alexis Berthel constate, quant à lui, une recrudescence de la violence à l’encontre des personnels des ressources humaines : « Toutes les évolutions sociétales retombent dans l’entreprise, y compris les incivilités et la violence. Tout DRH a connu des incivilités ou des agressions physiques au cours de se carrière. Mais depuis un an, les gens sont dans l’instantanéité de la violence, dit-il. On reçoit des mails assassins. Ils ne font pas la différence entre la fonction et l’individu et n’hésitent plus à passer à l’acte. Une salariée des ressources humaines a ainsi été menacée de mort pour avoir mis un employé en activité partielle. » Jean-Marie Lambert confirme que « les gens n’hésitent plus à faire de la délation sur les réseaux sociaux. Mais le plus difficile pour le DRH reste le moment où il faut se séparer de quelqu’un, le licenciement ».

Lire aussi Rencontres RH : la crise due au Covid-19 aura-t-elle été source d’innovations ?

Les risques du métier de DRH ont augmenté avec le Covid, parce que la crise sanitaire a d’une part renforcé la responsabilité du lien social de l’entreprise, alors que ce lien était distendu par la digitalisation, et d’autre part provoqué de profonds changements dans l’organisation du travail portés par la fonction des ressources humaines. « Le DRH est aussi devenu plus visible », note M. Bernard.

Mais « le DRH n’est que le chef d’orchestre », rappelle Dominique Brard, la directrice générale Talent Solutions de ManpowerGroup. « Ses deux grands champs d’action sont la maîtrise de l’incertitude et celle du lien social », conclut le professeur Gaillard : une suggestion pour échapper au sort de la souris de laboratoire.

Les invités du 6 avril

Ont participé aux Rencontres RH du 6 avril : Marion Azuelos, DRH monde de BNP Paribas Asset Management ; Marc-Henri Bernard, DRH Groupe Rémy Cointreau ; Alexis Berthel, DRH de Panthera ; Rémi Boyer, DRH Groupe de Korian ; Dominique Brard, directrice générale Talent Solutions de ManpowerGroup ; Flavie Bultez, DRH de La Société charentaise d’investissements hôteliers (SCIH) ; Emilie Conte, DRH Groupe Le Monde ; Raphaël Gaillard, professeur de psychiatrie et président de la Fondation Pierre-Deniker ; Jean-Marie Lambert, DRH de Veolia environnement ; Igor de Langsdorff, directeur associé de Julhiet Sterwen ; Caroline Languillon, DRH monde de Kenzo ; Hélène Pauvert, directrice marketing Manpower ; Anne Rodier, journaliste, Le Monde ; Gilles van Kote, directeur délégué, Le Monde.

Comment les entreprises se saisissent du dispositif « transitions collectives »

« La principale difficulté est de convaincre les salariés d’opérer une reconversion, surtout ceux ayant une certaine ancienneté. »

« Notre objectif pour la première promotion de transitions collectives est d’avoir converti en aides-soignants 200 personnes en un an », affirme Nadège Plou, la DRH France du groupe de maisons de retraite Korian. Le dispositif « transitions collectives », dit « Transco », lancé officiellement le 15 janvier, vise à sécuriser la reconversion professionnelle sans passer par Pôle emploi.

Il permet à des salariés dont l’emploi est menacé de se reconvertir via une formation certifiante (de vingt-quatre mois maximum) vers un métier porteur et/ou dans un secteur en manque de main-d’œuvre situé dans le même bassin d’emploi. « Ce dispositif s’inscrit dans une forme de dialogue social entre territoires, entreprises et salariés. La nouveauté est qu’on est dans une logique de territoire et non plus de seule filière d’activité », explique Jean-Marie Thuillier, directeur emploi et territoires de BPI Group.

Durant la formation, les salariés conservent leur rémunération et leur contrat de travail avec l’entreprise qu’ils envisagent de quitter. « Au terme de la formation, le salarié a une promesse d’embauche en CDI chez nous. S’il rate la formation, il est assuré de repartir dans son entreprise d’origine. Son contrat a juste été suspendu », précise Mme Plou. L’entrée dans le dispositif se fait sur la base du volontariat.

Pour les petites et grandes entreprises

Toutes les entreprises y ont accès, avec un coup de pouce pour les plus petites : à moins de 300 salariés, le financement (rémunération du salarié partant et coût pédagogique des formations) est intégralement pris en charge par l’Etat, qui y consacre 500 millions d’euros sur deux ans. Le soutien est de 75 % pour celles de 300 à 1 000 salariés et de 40 % pour celles de plus de 1 000 salariés. Pourtant, « il est beaucoup plus facile pour les grandes entreprises de s’emparer du dispositif. Comment une TPE de quatre ou cinq salariés peut-elle gérer l’absence de salariés en formation ? », s’interroge Fouzi Fethi, responsable du pôle droit et politiques de formation de Centre Inffo, association de service public sous tutelle du ministère du travail.

Quatre-vingt-dix-huit projets ont répondu à l’appel à manifestation d’intérêt lancé à l’automne 2020 par le ministère du travail. Concrètement, les entreprises de 300 salariés et plus doivent établir la liste des métiers fragilisés et négocier un accord de gestion prévisionnelle des emplois et des parcours professionnels (GEPP). Derichebourg en a signé un, et Monoprix est en cours de négociation d’un tel accord pour être bénéficiaire des transitions collectives. Les moins de 300 salariés peuvent, quant à elles, se contenter de dresser une simple liste des emplois ciblés.

Il vous reste 67.91% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Covid-19 : les TPE les plus fragiles guettées par la liquidation directe

Un an après le début de la crise liée au Covid-19, le couperet commence à tomber. Les entreprises en difficulté qui se présentent devant les tribunaux de commerce font l’objet d’une liquidation directe dans huit cas sur dix, sans passer par une procédure de sauvegarde ou de redressement, selon les chiffres publiés, mercredi 14 avril, par le cabinet Altares.

Sur les 7 406 procédures collectives ouvertes au cours des trois premiers mois de 2021, 170 se sont traduites par l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, 1 493 par un redressement judiciaire et 5 743 jugements ont mené à la liquidation de l’entreprise. Cette proportion de liquidations directes, « jamais atteinte en vingt ans », dénote « la très grande fragilité de nombreuses structures », selon Thierry Millon, directeur des études Altares. « Quand elles arrivent devant les tribunaux, les entreprises sont à sec sur le plan financier et sur le plan psychologique, et ne cherchent même pas à obtenir un redressement judiciaire », souligne-t-il. « Elles sont au bout du bout. »

Lire aussi Les défaillances d’entreprises au plus bas, mais l’inquiétude au plus haut

Ces entreprises exsangues sont pour les trois quarts des TPE de moins de trois salariés : sur les 5 609 qui se sont tournées vers un tribunal au cours du premier trimestre 2021, 80 % n’existent plus aujourd’hui. Les TPE employant entre trois et cinq salariés sont à peine mieux loties. Dans les entreprises de plus grande taille (PME d’au moins 100 salariés), les liquidations directes sont plus rares, mais le nombre de défaillances a légèrement augmenté sur un an, passant de 17 au premier trimestre 2020 à 23 en 2021 – dont quatre seulement ont été liquidées.

Un changement de rythme s’amorce

Si le nombre global de défaillances reste très faible en valeur absolue, le changement de rythme semble s’amorcer. En 2020, en raison des aides, les faillites sont tombées à un plus bas niveau historique, en baisse de 38 % par rapport à l’année précédente. En janvier et février 2021, les ouvertures de dossier étaient encore en recul de 35 % et 45 %. Mais mars marque une rupture : le nombre de faillites n’est en recul « que » de 13 % par rapport à mars 2020, avec même une « explosion » (155 %) du nombre de dossiers sur les deux dernières semaines du mois.

Mais ce chiffre s’explique largement par le fait qu’au moment de premier confinement, en mars 2020, les audiences ont été suspendues et les dates butoirs repoussées pour les entreprises en difficulté. Selon Altares, environ 63 000 entreprises commerciales ne survivent aujourd’hui que grâce au soutien de l’Etat et à la faiblesse des taux d’intérêt, et seront donc particulièrement vulnérables lorsque les dispositifs d’aides toucheront à leur fin.

Il vous reste 15.45% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

La Cour de cassation estime que le droit à la protection de la santé et de la sécurité s’applique aussi aux employés à domicile

L’employeur d’un salarié à domicile a-t-il les mêmes obligations envers ce dernier en matière de protection de la santé et de sécurité qu’un employeur professionnel ? Absolument, retient la Cour de cassation dans un arrêt du 8 avril, qui l’a assorti d’un communiqué pour alerter sur son importance dans un secteur parmi les plus accidentogènes, avec 20 440 accidents du travail indemnisés par l’assurance maladie en 2019, sur un effectif de 186 000 employés.

Dans cette affaire, une employée de maison est devenue paraplégique après sa chute d’un balcon dont la balustrade en bois avait cédé, chez son employeur. L’assurance maladie a pris en charge cet accident du travail. La cour d’appel a estimé que l’employeur avait commis une faute inexcusable, ce qui ouvre droit à une indemnisation complémentaire pour la salariée.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les accidents du travail en légère hausse en 2019, notamment dans les services

Selon le code de la sécurité sociale, le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection la santé a un caractère de faute inexcusable lorsque cet employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis son salarié et n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. Or, les services de police enquêtant après l’accident avaient établi que « le balcon est une avancée en bois en mauvais état » et que « des morceaux de bois jonchent le sol, le bois étant en piteux état ».

« Le particulier employeur, au même niveau qu’une entreprise »

L’employeur conteste la qualification de faute inexcusable et forme un pourvoi en cassation. Parmi ses arguments, il estime que le juge doit « tenir compte de sa qualité de particulier employeur », lit-on dans l’arrêt. Et qu’il est erroné, selon lui, de déduire qu’il avait conscience du danger, les constatations effectuées postérieurement à l’accident ne permettant pas de dire qu’au moment de celui-ci, « ce mauvais état était apparent ».

« C’est l’essor de la reconnaissance du droit à la santé et à la sécurité pour tout travailleur, quel que soit son statut » se félicite l’experte Nina Tarhouny

Mais pour la Cour de cassation, l’employeur ne pouvait pas ignorer l’état de cette rambarde. Et il lui appartenait d’en interdire l’accès. Or, aucune information ou consigne n’avait été donnée à l’employée chargée de nettoyer la pièce. C’est la première fois que la Cour de cassation est amenée à définir la faute inexcusable du particulier employeur. Nina Tarhouny, experte en santé et sécurité au travail du cabinet Global Impact, se félicite que « le particulier employeur soit mis au même niveau qu’une entreprise. C’est l’essor de la reconnaissance du droit à la santé et à la sécurité pour tout travailleur, quel que soit son statut. » Pour elle, « il est essentiel que cette avancée se fasse car l’aide à la personne va de plus en plus se développer et il serait injuste que selon la qualité de l’employeur, les droits des employés soient différents. »

Michel Ohayon reprend l’enseigne Gap en France

Un magasin Gap, à Paris, en 2012.

C’est de nouveau pour 1 euro symbolique que l’entrepreneur bordelais Michel Ohayon rachète un réseau de magasins en France. D’après nos informations, celui qui a notamment repris Go Sport, en mars, et Camaïeu, à l’été 2020, par le biais de sa société Financière immobilière bordelaise (FIB), a signé une offre, le 9 avril, avec l’enseigne américaine Gap, pour reprendre ses 21 succursales françaises, les 350 salariés qu’ils emploient et huit des vingt employés relevant de son siège français situé à Paris. Pour 1 euro, donc.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Gap envisage de quitter totalement l’Europe

L’information a été présentée, mardi 13 avril, au cours d’un message audio préenregistré par la direction de l’enseigne en France, que les salariés ont été invités à écouter. La plupart ont probablement appris seuls la nouvelle, loin de leur lieu de travail, car les magasins d’habillement sont actuellement tous fermés. Mais, « cette fois, le message était en français », ironise l’un d’entre eux, en faisant allusion à la méthode peu commune dont, lors d’une conférence également préenregistrée, en octobre 2020, dans la langue de Shakespeare, deux dirigeants américains avaient annoncé envisager se retirer du marché français et basculer l’enseigne sous un mode d’exploitation en franchise.

Douche froide

Depuis, Gap avait ouvert des négociations avec les élus du personnel pour un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Il devait être signé le 20 avril. Plusieurs salariés se félicitaient d’être indemnisés lors d’un licenciement abondé de conditions supra légales et de bénéficier d’une enveloppe propre à financer une formation en vue d’une reconversion professionnelle.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Fermeture de magasins, ventes en baisse… Le jean de Gap a le blues

Dès lors, après six mois de négociation, l’annonce de l’offre de reprise a eu l’effet d’une douche froide. Alors que le marché de l’habillement traverse une crise sociale sans précédent, « plusieurs salariés sont dégoûtés d’être repris », rapporte l’un d’entre eux. Le comité social et économique, qui, jeudi 14 avril, devrait être officiellement informé des modalités de l’opération, espère que la FIB ouvre un plan de départs volontaires pour satisfaire les employés de magasins prêts à changer de vie professionnelle.

Etendre la diffusion sur Internet et partout dans l’Hexagone

La société bordelaise s’est engagée à exploiter Gap en France et à étendre sa diffusion sur Internet et partout dans l’Hexagone, en choisissant les meilleurs modèles des collections imaginées par ses stylistes installées à San Francisco. Ce sera un défi. Car la marque américaine, fondée en 1969 et introduite dans l’Hexagone en 1999, est très concurrencée et mal en point.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Avec Go Sport, l’homme d’affaires bordelais Michel Ohayon se renforce dans la distribution

A en croire le projet de M. Ohayon, Gap rejoindrait sa branche d’activités commerciales dont relèvent déjà 22 magasins Galeries Lafayette exploités en province, les 511 boutiques Camaïeu, enseigne de prêt-à-porter féminin reprise à la barre du tribunal de commerce de Lille en août 2020, et La Grande Récré, chaîne d’une centaine de points de vente. Les jeans et sweat-shirts Gap pourraient être distribués en France depuis le centre logistique de Camaïeu, à Roubaix (Nord), et être vendus dans des corners au sein des Galeries Lafayette.

Le « génie » de celui qui se présente comme « un self-made-man » n’a pas échappé aux salariés de Gap, convient l’un d’entre eux. Toutefois, en interne, plusieurs s’inquiètent de la pérennité de son projet et de son financement. Sollicitée par Le Monde, la direction de la FIB n’a pas commenté.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi L’homme d’affaires bordelais Michel Ohayon reprend Camaïeu

Danone : « Les questions sociétales et environnementales sont pressantes et les entreprises doivent se transformer si elles entendent rester compétitives »

Tribune. Le conseil d’administration de Danone vient de remercier son PDG Emmanuel Faber sous la pression d’investisseurs activistes mécontents de la performance financière de l’entreprise. Pour les détracteurs d’Emmanuel Faber, son limogeage prouve que la question de l’impact social et environnemental d’une entreprise est un sujet secondaire incompatible avec l’augmentation de la valeur pour les actionnaires.

Les partisans d’un rôle accru des entreprises dans la société comme moyen d’assurer leur réussite financière future estiment, quant à eux, que Faber a été injustement écarté, parce que certains investisseurs n’ont pas compris la mission qu’il s’était fixée, ni réalisé le rôle crucial que l’ex-PDG jouait dans l’amélioration de l’impact de l’entreprise.

Si la décision a été prise après un examen attentif de la performance financière de l’entreprise, le conseil d’administration et les actionnaires de Danone ne disposaient pas des données qui leur auraient permis de juger de l’impact des produits et des activités de l’entreprise sur les êtres humains et l’environnement.

A la traîne

Les données sur l’impact de Danone et de milliers d’autres entreprises sont en train d’être compilées à l’Impact-Weighted Accounts Initiative (IWAI) de la Harvard Business School. En tenant compte de facteurs tels que le montant total de ses émissions de gaz à effet de serre, les activités de Danone ont eu en 2019 un impact négatif sur l’environnement d’environ 236 millions de dollars (environ 198,20 milliards d’euros), soit 5,5 % de son excédent brut d’exploitation (EBE). Sa performance environnementale a été inférieure à celle de Nestlé ou de General Mills, qui, avec un ratio de 3,9 %, récoltent le fruit des améliorations réalisées au cours des dernières années.

Mesurer les impacts et les exprimer en termes financiers est désormais nécessaire à la compréhension des profits, de la valeur et de la réussite des entreprises – et de la performance des cadres qui les dirigent

Danone accuse aussi un bilan bien plus mauvais en ce qui concerne l’impact de ses produits sur la santé des consommateurs. En 2018 par exemple, dernière année pour laquelle des données sont disponibles, ses clients ont absorbé 245 milliards de grammes (245 000 tonnes) de sucre ajouté en consommant ses yaourts et autres produits. Ce sucre a généré plus de 8 milliards de dollars de coûts médicaux liés à l’impact des maladies cardiovasculaires et des dépenses de santé qu’elles entraînent.

Il vous reste 67.54% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.