Archive dans juin 2020

En Allemagne, la crise liée au coronavirus devrait accélérer la régionalisation de la production

A Stuttgart, en Allemagne, janvier.
A Stuttgart, en Allemagne, janvier. SEBASTIAN GOLLNOW / AFP

Stefan Wolf est une des voix les plus respectées du Mittelstand. L’entreprise qu’il dirige, ElringKlinger, un gros sous-traitant automobile de la région de Stuttgart, est emblématique de ce tissu d’industries de taille moyenne exportatrices, qui forme la colonne vertébrale du capitalisme allemand. Figure du patronat de la région du Bade-Wurtemberg, M. Wolf est apprécié pour ses réflexions stratégiques. Pour lui, il n’y a aucun doute : la pandémie de Covid-19 a créé une césure, elle va entraîner une réorganisation profonde des chaînes de sous-traitance de l’industrie allemande.

« La crise nous a montré que les chaînes de production dans l’automobile sont fortement dépendantes de l’Asie », estime-t-il. « Les stratégies d’achats dans notre branche doivent être réévaluées. A l’avenir, il ne pourra plus seulement être question d’acheter le moins cher possible en Chine. Réorganiser les chaînes de sous-traitance localement et s’appuyer davantage sur des fournisseurs allemands ou européens est la meilleure solution pour sortir de la dépendance déséquilibrée que nous avons avec certaines régions », expliquait-il, fin avril, au journal professionnel Automobil industrie.

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Un tel engagement est nouveau. Et cette opinion est loin de faire l’unanimité au sein des fédérations industrielles allemandes. Car la performance du « made in Germany », depuis le milieu des années 1990, doit beaucoup à un modèle d’organisation : les « chaînes de production mondialisées ». Le principe est le suivant : on confie à un fournisseur étranger la fabrication d’une pièce. Celle-ci est ensuite transportée puis assemblée dans l’usine, parfois quelques minutes seulement après avoir été livrée. Les avantages pour l’industriel sont évidents : il réduit ses stocks (et donc ses besoins en capitaux) au minimum, augmente le taux d’utilisation de ses usines et profite de la concurrence internationale pour obtenir les meilleurs prix.

Dépendance extrême au respect des conditions de livraison

« La formation de chaînes de production complexes a été un fort moteur de la mondialisation des échanges », explique Hartmut Egger, professeur de macroéconomie internationale à l’université de Göttingen (Basse-Saxe), dans une note publiée par l’institut économique de Munich Ifo. L’Allemagne, avec ses entreprises logistiques mondialisées, notamment dans le trafic maritime, a été un des pays qui ont poussé le plus loin la course à l’efficience par l’externalisation depuis trente ans. Elle a conservé son industrie locale en se concentrant sur l’innovation et l’assemblage haut de gamme d’éléments produits ailleurs. En Allemagne, la chimie, l’électronique, la construction de machines, sont très dépendantes des livraisons venues de Chine, qui est, depuis quelques années, le premier partenaire commercial du pays. L’automobile, elle, a gagné en productivité, grâce à des délocalisations en Europe de l’Est.

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Entre Paris et Varsovie, des tensions régulières autour du coût du travail

A l’usine Whirlpool de Lodz, en Pologne, en avril 2017.
A l’usine Whirlpool de Lodz, en Pologne, en avril 2017. WOJTEK RADWANSKI / AFP

26 avril 2017. En pleine campagne présidentielle, le candidat En marche ! Emmanuel Macron et son opposante frontiste Marine Le Pen se rendent le même jour à Amiens, à la rencontre des salariés de l’usine Whirlpool locale. Celle-ci s’apprête à délocaliser sa production vers Lodz, en Pologne, laissant 290 ouvriers français sur le carreau. L’affaire prend vite une tournure politique sur la scène nationale, mais pas seulement. Symbole de la concurrence à bas coût régulièrement reprochée à l’Europe de l’Est, elle devient, aussi, un objet de crispation entre la France et la Pologne.

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Dans un entretien donné à La Voix du Nord, le futur président français attaque ouvertement Varsovie : « Dans les trois mois qui suivront mon élection, il y aura une décision prise sur la Pologne, promet-il. On ne peut pas avoir un pays qui joue des écarts fiscaux sociaux au sein de l’Union européenne [UE] et qui est en infraction avec tous les principes de l’Union. »

Dumping social

Quelques mois plus tard, le ton monte à nouveau, cette fois sur le dossier des travailleurs détachés, ce statut permettant à un salarié d’être envoyé par son employeur dans un autre Etat membre pour y fournir un service temporaire. Et suspecté, en France, de favoriser le dumping social, notamment dans le BTP. Emmanuel Macron reproche alors au gouvernement polonais de s’opposer au durcissement de la directive européenne sur le sujet. De son côté, ce dernier peine à comprendre pourquoi il est davantage attaqué sur la question que les Bulgares ou les Roumains…

Au-delà de ces deux épisodes, les relations entre Paris et Varsovie se sont tendues depuis l’arrivée au pouvoir des conservateurs eurosceptiques de Droit et justice (PiS), en 2015. « La discussion tourne parfois au dialogue de sourds, avec un peu d’instrumentalisation politique – et de mauvaise foi – des deux côtés », résume un diplomate européen, rappelant que la France est très présente en Pologne.

Aux yeux des Polonais, les quatre libertés de circulation − personnes, capitaux, biens et services − sont l’aspect le plus fondamental de la construction européenne

Les investisseurs tricolores furent en effet parmi les premiers à s’implanter dans le pays dès 1989, après la chute du bloc communiste. Aujourd’hui, l’Hexagone y est le troisième employeur étranger après l’Allemagne et les Etats-Unis, avec plus de 200 000 salariés dans 1 100 entreprises, notamment de la grande distribution, avec Auchan et Carrefour. « La France a aussi déployé son secteur bancaire pour profiter du marché intérieur polonais, le plus gros de la région, ajoute le diplomate. Mais la politique de “re-polonisation” de l’économie menée par le PiS est une source d’inquiétudes. »

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A Madaras, en Roumanie, le ballet des capitaux étrangers ne fait que commencer

A Bruxelles, en 2017.
A Bruxelles, en 2017. THIERRY CHARLIER / AFP

Routes défoncées, paysans qui se déplacent encore en carriole à cheval et maisons modestes disséminées dans des espaces désolants… Madaras, ville de quelque 3 000 habitants située dans le nord-ouest de la Roumanie, correspond à tous les clichés de la Roumanie postcommuniste. Mais, malgré les apparences de pauvreté et d’abandon, un afflux inattendu de capitaux lui redonne vie. Le 7 février, le fabricant d’appareils électroménagers De’Longhi y a annoncé l’ouverture d’un nouveau centre de production. La direction du groupe italien demeure discrète au sujet de ce second investissement en Roumanie, où elle compte rapatrier sa production de Chine.

Plus de 500 nouveaux emplois s’ajouteront aux 1 000 que l’entreprise italienne a créés, en 2012, en relocalisant sa production de Chine dans le village de Jucu, situé à proximité de Madaras. « Cet investissement vise une croissance organique sur nos principaux marchés, lit-on dans le communiqué de l’entreprise. Notre stratégie consiste à réduire le temps de production et de livraison de nos produits, tout en maintenant un niveau de qualité élevé. » La main-d’œuvre bon marché et un impôt unique de 16 % sur les profits et les salaires ont convaincu le groupe de s’implanter en terre roumaine.

Dans les années 1990-2000, le dragon chinois attirait tel un aimant les investissements occidentaux. La main-d’œuvre bon marché et la taille de la Chine étaient un argument suffisant pour mettre les voiles vers l’Extrême-Orient. Mais la pandémie de Covid-19 est en train de changer la donne. Le nouveau mot d’ordre n’est plus « délocalisation », mais « relocalisation ». Mais où relocaliser ? « En Europe de l’Ouest, la main-d’œuvre coûte très cher, les syndicats sont très actifs et le niveau des taxes et des impôts donne à réfléchir, explique l’économiste Radu Cojocaru. Mais, plus on avance vers l’Est, plus la donne change : une main-d’œuvre moins chère, des syndicats plus coopérants et une fiscalité très compétitive. »

Nouvel eldorado

La Roumanie et la Bulgarie, pays situés à l’extrémité orientale de l’Union européenne (UE), espèrent profiter de ce changement de paradigme économique et se repositionner comme le nouvel eldorado des relocalisations. « Ces dix dernières années, l’Europe centrale et orientale a choisi de se réindustrialiser, a déclaré le vice-premier ministre bulgare, Tomislav Dontchev, le 17 avril. La Bulgarie a un avantage, car, à la différence d’autres Etats de l’UE, elle a préservé et développé ses sites de production. Les nouveaux membres de l’UE pèseront plus dans l’industrie européenne une fois que le choc de la pandémie sera passé. »

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« Il est urgent d’impliquer les travailleurs étrangers, essentiels à notre économie, dans les débats qui les concernent »

Tribune. Personne ne sait de quoi l’avenir sera fait. Le Covid-19 nous plonge dans un monde rempli d’incertitudes dans lequel de nombreux fondamentaux de nos sociétés sont profondément ébranlés. Qui aurait pu croire il y a deux mois que la moitié de l’humanité serait confinée ?

Particulièrement frappés par la pandémie, les pays de l’Union européenne ont défait en quelques semaines l’espace Schengen en fermant les frontières ou en rétablissant les contrôles à leurs frontières. Une semaine après l’European travel ban de l’administration Trump [le président américain annonce, mercredi 11 mars, la suspension pour trente jours de l’entrée aux Etats-Unis des voyageurs étrangers ayant séjourné au cours des quatorze derniers jours dans vingt-six pays européens, une interdiction entrée en vigueur samedi 14 mars. Cette mesure est étendue le 17 mars au Royaume-Uni et à l’Irlande], bien que fortement critiqué par les responsables politiques européens, les Etats membres décident d’adopter une mesure similaire, laissant croire, à nouveau, que le danger viendrait de l’étranger.

Pourtant, s’il y a bien un paradigme qui s’est imposé dans nos sociétés occidentales que nous laisserions bien dans le monde d’avant, c’est celui de l’étranger – aujourd’hui incarné dans la figure du migrant ou du réfugié –, qui constituerait un danger dont il faudrait se protéger en fermant nos frontières.

Agriculture et métiers du soin

On entend régulièrement que cette crise sanitaire a un effet de loupe sur les inégalités et les précarités sociales. Les personnes réfugiées et migrantes sont, du fait d’un narratif toujours plus hostile envers eux, les premières précarisées, tant en Europe qu’à travers le monde, alors que la crise due au Covid-19 n’a jamais entraîné autant de bouleversements démographiques.

Cette crise met au grand jour le fait que les travailleurs étrangers, qu’ils soient européens ou pas, en situation régulière ou non, sont indispensables pour des pans essentiels de notre économie, de l’agriculture aux métiers du soin, des métiers dont l’utilité sociale a été particulièrement reconnue ces deux derniers mois.

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Des données provenant des Etats-Unis comme de l’Europe soulignent que les travailleurs étrangers sont surreprésentés dans les métiers essentiels en première ligne de la crise actuelle. Dans le secteur agricole, par exemple, 80 % de la main-d’œuvre salariée est d’origine étrangère en France. De même, nos systèmes de santé se sont privés de l’aide de nombreux étrangers ayant des compétences médicales et qui ne peuvent exercer, faute de reconnaissance de leurs qualifications.

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La « petite Chine d’Europe » voit l’avenir en grand

Par

Publié aujourd’hui à 01h33

Tomislav Donchev, le vice-premier ministre bulgare, en est convaincu. Dans le sillage de la crise due au Covid-19, l’Europe de l’Est pourrait devenir, un peu plus encore, la « petite Chine d’Europe ». « Les nouveaux Etats membres seront encore plus importants pour l’industrie européenne lorsque celle-ci se remettra du choc externe de la pandémie », a-t-il déclaré mi-avril à Euractiv, le site Internet spécialiste de l’actualité européenne. Insistant sur la rapidité avec laquelle les entreprises bulgares sont capables de réorganiser leurs chaînes de production, il se félicite des « opportunités » que la situation représente aussi pour son pays.

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Alors que la pandémie a souligné l’importance de relocaliser les industries stratégiques, l’Europe centrale et de l’Est sera-t-elle la grande gagnante du retour des usines ?

« Il est prématuré pour en parler, car, pour le moment, les gouvernements locaux travaillent surtout à limiter les sérieux dégâts économiques et sociaux liés à la crise », constate Dominik Owczarek, analyste à l’Institut des affaires publiques, un groupe de réflexion indépendant de Varsovie. La région, dépendante des constructeurs automobiles germaniques, est en effet très affectée par la récession de l’Allemagne, son principal partenaire. « Reste qu’à moyen terme ces pays ont tous les atouts pour profiter d’un tel mouvement », estime Grzegorz Sielewicz, économiste chez Coface, dans la capitale polonaise.

Eldorado des constructeurs automobiles

A commencer par leur solide base industrielle. Celle-ci pèse 23 % du produit intérieur brut (PIB) en République tchèque, 20 % en Slovaquie, en Slovénie et en Roumanie, 19 % en Hongrie ou encore 17 % en Pologne, selon la Banque mondiale, contre 10 % en France.

« Dans la Bohême tchèque, la tradition industrielle est implantée depuis le XIXe siècle, et elle a perduré sous le communisme », rappelle l’historien Roman Krakovsky, auteur de Le Populisme en Europe centrale et orientale (Fayard, 2019). Ailleurs, le secteur s’est surtout développé après la chute du bloc soviétique, dans la foulée des privatisations plus ou moins chaotiques, puis de l’arrivée des investisseurs occidentaux.

Résultat : en moins de deux décennies, la région est devenue l’eldorado des constructeurs automobiles. En 2018, 3,3 millions de véhicules ont été construits au sein du groupe de Visegrad (Pologne, Hongrie, République tchèque, Slovaquie), contre 1,2 million en 2000. « Ces pays sont très intégrés dans les chaînes de production européennes, et c’est là que les constructeurs automobiles ont localisé leurs usines les plus compétitives », détaille Stéphane Colliac, spécialiste de la région à BNP Paribas.

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Manifestation pour sauver le site de Renault-Choisy, fin de grève sur le site de Maubeuge

Les salariés de Choisy, 262 au total, se sont mis en grève mercredi dès 6 heures pour protester contre la fermeture annoncée de leur site, spécialisé dans la rénovation et le reconditionnement des moteurs et boîtes de vitesse.
Les salariés de Choisy, 262 au total, se sont mis en grève mercredi dès 6 heures pour protester contre la fermeture annoncée de leur site, spécialisé dans la rénovation et le reconditionnement des moteurs et boîtes de vitesse. BERTRAND GUAY / AFP

Une manifestation spontanée rassemblant les salariés en grève du site de Renault à Choisy-le-Roi, dans le Val-de-Marne, s’est déroulée mercredi 3 juin dans la ville. Environ « 300 personnes » – les salariés du site en grève depuis la veille, soutenus par les délégués centraux des quatre organisations syndicales (CFE-CGC, CFDT, CGT, FO), ainsi que des « délégations venant de toute la France » et Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT – « se sont mises en marche spontanément à travers la ville en direction de la gare pour manifester leur mécontentement », a précisé Franck Daoût, délégué central CFDT. « La direction reste douloureusement silencieuse ; nous l’avons sollicitée en vain afin de susciter au moins un dialogue et de calmer les esprits », a-t-il ajouté.

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Le président de Renault, Jean-Dominique Senard, « a su se mobiliser pour Maubeuge, Caudan, Dieppe mais pas pour Choisy », a-t-il regretté, en annonçant la tenue d’une « nouvelle manifestation samedi [à Choisy-le-Roi] en présence des élus de la ville ».

Les 262 salariés se sont mis en grève mardi dès 6 heures pour protester contre la fermeture annoncée de leur site, spécialisé dans la rénovation et le reconditionnement des moteurs et boîtes de vitesse. C’est le seul des 14 sites que compte le groupe en France dont la fermeture définitive a été annoncée à ce stade à l’horizon 2022, dans le cadre du plan d’économies prévu par le constructeur automobile. Son activité doit être transférée au site de Flins (Yvelines), ce qui suscite « une incompréhension totale », selon M. Daoût.

Lire l’édito du « Monde » : L’avenir incertain de Renault

« Nouvelles rassurantes » à Maubeuge

En revanche, à Maubeuge (Nord), les salariés de l’usine Renault en grève depuis vendredi ont repris le travail mercredi. « Nous avons eu des nouvelles rassurantes dont on a fait part aux salariés, même si on reste méfiants. Nous avons gagné la bataille, mais nous n’avons pas gagné la guerre », a déclaré Yannick Charlesege (CFTC). « Suite aux engagements de Renault et du gouvernement, les salariés ont décidé de reprendre l’activité sur le site de Maubeuge », a confirmé Jérôme Delvaux (CGT).

Samedi, des milliers de personnes – 8 000 selon la CGT – avaient manifesté à Maubeuge contre le plan d’économies de Renault. L’usine était à l’arrêt depuis vendredi matin pour s’opposer au projet de transfert de la production des utilitaires électriques Kangoo à Douai, à environ 70 km de là.

En difficulté financière et victime de l’effondrement du marché automobile, Renault a annoncé vendredi la suppression de 15 000 emplois dans le monde, dont 4 600 en France, soit près de 10 % des effectifs du groupe dans l’Hexagone, avec des départs volontaires et sans licenciements, dans le cadre d’un plan d’économie de plus de 2 milliards d’euros, jusqu’en 2023.

Le constructeur va bénéficier d’un prêt de 5 milliards d’euros garanti par l’Etat. Mardi, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, s’est félicité d’avoir obtenu, en contrepartie, la préservation de l’emploi et des capacités industrielles sur le site de Maubeuge.

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Le Monde avec AFP

L’avenir incertain de Renault

Editorial du « Monde ». Voilà longtemps que Renault n’est plus une « vitrine sociale ». Néanmoins, le groupe, en grande difficulté, doit se livrer à un exercice d’équilibrisme consistant à trouver les moyens de sa survie, tout en donnant des gages à l’Etat, son premier actionnaire, pour que la potion ne soit pas trop amère pour les salariés.

La première étape d’une longue série d’obstacles a été franchie, mardi 2 juin, avec la signature par le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, d’un prêt garanti par l’Etat de 5 milliards d’euros. Cette facilité de crédit, qui devenait vitale au regard de la situation financière de Renault, a été obtenue contre l’engagement de préserver l’emploi et le niveau d’activité sur le site de Maubeuge (Nord).

La reconfiguration de cette usine, dont la production doit être transférée vers celle de Douai (Nord), fait partie d’un plan de réduction des coûts beaucoup plus large. Annoncée le 29 mai, cette restructuration prévoit la suppression de 15 000 postes, dont 4 600 en France. L’activité des sites de Choisy-le-Roi (Val-de-Marne) et de Dieppe (Seine-Maritime) doit être redéployée au sein du groupe, qui envisage également de se séparer de la fonderie de Caudan (Morbihan).

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Ce plan n’est pas à proprement parler une surprise. Le principe en a été acté dès février par la direction de Renault, qui est longtemps restée dans le déni quant à l’héritage laissé par Carlos Ghosn, l’ex-PDG de l’entreprise, évincé à la suite des accusations de malversations financières par les autorités japonaises.

Entre une gamme inadaptée aux évolutions du marché, des capacités de production démesurées par rapport à ses ventes et une alliance avec Nissan qui avait fini par perdre de vue ses objectifs initiaux, voilà plusieurs mois que Renault avait besoin d’une complète remise à plat. Les conséquences économiques de la pandémie de Covid-19 n’ont fait que rendre encore un peu plus urgente la restructuration.

Options industrielles pas choisies

Aujourd’hui, l’Etat réclame à Renault des mesures « exemplaires » d’accompagnement social des salariés. Cela n’empêchera pas des milliers de sous-traitants de faire les frais des erreurs commises ces dernières années. Dès lors, on peut se demander pourquoi personne n’a tiré le signal d’alarme plus tôt. Le conseil d’administration, où siègent notamment des représentants de l’Etat et des salariés, a fait preuve d’un silence assourdissant. L’instance, qui n’a pas été très regardante sur la gestion de M.Ghosn, se voit aujourd’hui contrainte de donner son feu vert à un plan de relance modulable selon les pressions de l’Etat et globalement mal ficelé.

Un tel exercice ne peut se limiter à tailler dans les coûts. Sa réussite tient aussi à sa capacité à donner des perspectives de rebond au travers d’une stratégie claire. Or, pour avoir des détails sur celle-ci, il faudra patienter jusqu’à l’arrivée d’un nouveau directeur général, Luca de Meo, qui ne prend ses fonctions que le 1er juillet. Le temps d’imaginer une nouvelle gamme et de fixer les priorités, le dirigeant ne rendra sa copie qu’en fin d’année. Celle-ci sera d’autant plus contrainte que le plan de réduction des coûts l’enferme dans des options industrielles qu’il n’aura pas choisies.

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Autre inconnue, avec quels fonds propres l’entreprise pourra-t-elle investir pour se relancer ? Le prêt garanti par l’Etat couvre à peine ses besoins de liquidité à court terme et le coût de la restructuration, qui, elle, ne produira pas ses pleins effets avant trois ans. Malgré cette aide, Renault est loin d’être sorti d’affaire.

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Le Monde

Covid-19 : aux Etats-Unis, des entreprises testent en masse leurs salariés

« A San Francisco, la ville a confié les tests à grande échelle à la start-up Color, spécialisée à l’origine dans les tests génétiques. »
« A San Francisco, la ville a confié les tests à grande échelle à la start-up Color, spécialisée à l’origine dans les tests génétiques. » Marianne Boyer

A Las Vegas, les tests de dépistage du Covid-19 sont de plus en plus répandus. « C’est une question de vie ou de mort pour les employés. Il faut leur donner tous les outils dont ils ont besoin pour assurer leur protection », déclare Geoconda Arguello Kline, la responsable du syndicat Culinary Union, qui compte parmi ses 60 000 adhérents l’ensemble des personnels hôteliers, du cuisinier à la femme de chambre ,en passant par le portier. « Quinze personnes sont déjà mortes, nous ne devrions pas en perdre plus », affirmet-elle.

Le message a été entendu par les géants du jeu. Caesars, Boyd Properties, MGM Resorts, Wynn Las Vegas, toutes ces entreprises ont décidé de tester en masse leur personnel pour pouvoir rouvrir les hôtels et casinos en ce mois de juin. L’objectif : « Assurer la tranquillité d’esprit de nos employés et de la clientèle », dit Bill Hornbuckle, président de MGM Resorts. « Nous prenons le plus grand nombre possible de précautions. » C’est ainsi que Matt Maddox, directeur général du groupe Wynn, a promis de faire tester gratuitement chacun de ses 15 000 salariés.

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Le travail réalisé depuis le mois de mai par l’University Medical Center a permis de contrôler 1 000 personnes dès les trois premiers jours. Et lorsqu’un cas se révèl positif, il est signalé au Southern Nevada Health District, pour que l’on puisse retrouver ses contacts et les avertir.

A San Francisco, la ville a confié les tests à grande échelle à la start-up Color, spécialisée à l’origine dans les tests génétiques. « Nous avons commencé avec les employés de la ville, policiers et infirmiers », explique Othman Laraki, le fondateur de Color. Deux sites capables d’accueillir 1 500 personnes par jour ont été ouverts, puis les tests ont été étendus aux employés des supermarchés, aux ambulanciers et autres personnels « essentiels ». La formule est simple : « On prend rendez-vous en ligne, le test se fait en 3 minutes, les résultats sont transmis aux patients, aux autorités locales et aux ressources humaines des employeurs. »

Sur la base du volontariat

Chaque test se fait sur la base du volontariat, mais il faudra être vigilant pour qu’après la crise les barrières entre vie privée et travail retrouvent leur place. Avant le Covid-19, on aurait hurlé à la violation de la vie privée, devant la divulgation du dossier médical d’un patient à son employeur. En temps de crise, les défenseurs les plus farouches des libertés individuelles se montrent accommodants. « En période d’urgence, les considérations sur la protection de la vie privée sont mesurées différemment », reconnaît Jay Stanley, de l’American Civil Liberties Union.

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L’intérim teste un nouveau CDI

« Comme le CDI intérimaire (CDII), le CDI aux fins d’employabilité exige de l’employeur des actions de formation qualifiantes et garantit le revenu de l’intérimaire même s’il ne travaille plus, sur la base horaire du dernier revenu »
« Comme le CDI intérimaire (CDII), le CDI aux fins d’employabilité exige de l’employeur des actions de formation qualifiantes et garantit le revenu de l’intérimaire même s’il ne travaille plus, sur la base horaire du dernier revenu » Alain Le Bot / Photononstop

Carnet de bureau L’intérim se veut toujours plus flexible. La fédération patronale du secteur Prism’emploi devait annoncer, jeudi 4 juin, une baisse de l’emploi intérimaire de 61% en avril, soit un recul amoindri depuis le choc du confinement. En quinze jours, les trois quarts des emplois intérimaires avaient disparu fin mars.

Fin avril, Prism’emploi avait même renoncé à publier les statistiques mensuelles, estimant qu’entre l’arrêt brutal des missions et le recours au chômage partiel, le bilan n’aurait pas été pertinent. Ce n’est pas la rigidité du marché du travail qui était en cause, mais bien les conséquences de la pandémie du Covid-19, « qui touchent davantage les ouvriers que les cadres et les professions intermédiaires », précise la fédération patronale.

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Le quatrième acteur européen du marché, Proman, vient pourtant de faire le pari de la reprise en misant sur un nouvel instrument de flexibilité pour l’intérim : le CDI aux fins d’employabilité. Etendu par la « loi avenir » de 2018 à titre expérimental jusqu’au 31 décembre 2021, ce contrat de travail à temps partagé est devenu accessible à un large public « éloigné de l’emploi » sur cinq critères : une faible qualification (bac ou moins), un âge supérieur à cinquante ans, être handicapé, être inscrit à Pôle emploi depuis six mois au moins, et enfin bénéficier des minima sociaux.

« On cherche à offrir à nos clients, entreprises et salariés, le panel le plus large possible de formes d’emploi et d’accompagnement en formation. La cible, ce sont ceux qui subissent l’intérim et dont les missions ne se transforment pas en CDI avec l’entreprise cliente. La loi avenir nous permet de leur offrir un vrai CDI et de les fidéliser », explique Roland Gomez, le directeur général de Proman, qui a créé une filiale, Flexeo, destinée à expérimenter cette nouvelle forme d’emploi.

Souplesse aux entreprises

Depuis le premier contrat testé fin 2019, une centaine ont été signés dans la logistique, l’agroalimentaire et dans la construction, avec des intérimaires peu ou pas qualifiés, plutôt des jeunes et des seniors. « Ils voulaient leur CDI, ils l’ont eu », se félicite M. Gomez, qui s’est fixé l’objectif de six cents contrats en 2020.

Comme le CDI intérimaire (CDII), le CDI aux fins d’employabilité exige de l’employeur des actions de formation qualifiantes et garantit le revenu de l’intérimaire même s’il ne travaille plus, sur la base horaire du dernier revenu. Mais ce contrat apporte surtout beaucoup de souplesse aux entreprises. « C’est une véritable offre différenciante, estime M. Gomez. Contrairement au CDII qui cantonne les missions à trente-six mois dans une même entreprise, avec ce nouveau CDI la durée est illimitée. Les salariés sont amenés à partir sur de longues missions. Et l’entreprise n’a plus à justifier ses besoins par un accroissement d’activité ou un remplacement, par exemple. Dans les prochains mois, ça nous aidera un peu, mais [cela aidera] surtout les collaborateurs qui se sont retrouvés sur le carreau ».

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« Les démarches publiques et privées doivent se respecter mutuellement pour que l’économie fonctionne »

« Depuis deux siècles, le capitalisme connaît régulièrement des crises et des interventions publiques pour le sauver »
« Depuis deux siècles, le capitalisme connaît régulièrement des crises et des interventions publiques pour le sauver » Huan Tran/Ikon Images / Photononstop

Gouvernance. La situation économique est inédite du fait de l’origine et de l’ampleur de la dépression qui s’annonce. Mais partout les Etats interviennent pour éviter le cycle infernal de la récession : plus de faillites et de chômage entraînerait une diminution de la demande, donc un affaissement de l’offre et, en retour, des faillites et du chômage.

Pour bloquer la spirale dépressive, les Etats dépensent massivement : par exemple, en France, en proposant de prendre en charge les salaires de 13 millions d’actifs pendant plusieurs semaines ou les cotisations de milliers d’entreprises en difficulté, et aussi en garantissant des prêts (300 milliards d’euros) et, dans les prochains mois, comme un puissant investisseur en lançant de « grands travaux », de préférence pour accélérer la transition énergétique.

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De ce point de vue, la situation n’est pas inédite. Depuis deux siècles, le capitalisme connaît régulièrement des crises et des interventions publiques pour le sauver. Le rôle de l’Etat comme assureur et comme réanimateur de l’économie a été décrit par John Maynard Keynes (1883-1946) dans sa fameuse Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie de 1936. L’illusion néolibérale des années 1970 laissait croire que ce temps était révolu et que les « marchés » libéralisés pouvaient fonctionner de manière parfaitement autonome.

Une fois par décennie

Or l’histoire économique des dernières décennies montre, au contraire, que les Etats ont dû intervenir comme pompiers au moins une fois par décennie (par exemple en 1987, en 1998, en 2002, en 2008, et désormais en 2020), avec des moyens de plus en plus énormes à mesure que les crises se faisaient globales et systémiques. Ne pas le reconnaître relèverait de l’aveuglement idéologique.

L’Etat est, certes, un corps politique orientant l’organisation de la société, notamment par ses investissements, mais c’est aussi, d’un point de vue économique, un corps de citoyens-contribuables qui consentent à abandonner une part de leurs revenus pour faire fonctionner le grand régulateur public.

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D’où il résulte une double responsabilité à leur égard : celle des gestionnaires des deniers publics et celle des bénéficiaires de leur allocation. Autant que les particuliers, ce devoir concerne les entreprises et il constitue un volet de leur responsabilité sociétale, notamment quand elles obtiennent des aides publiques.

Un Etat critiqué et pillé

Alors que certaines d’entre elles marquent aujourd’hui leur citoyenneté en claironnant leur « raison d’être », leur mission ou un engagement social étendu, il ne faudrait pas occulter une obligation plus basique et substantielle : elles sont redevables de l’effort de la nation quand il est déployé pour éviter l’effondrement économique.

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