L’avenir incertain de Renault

L’avenir incertain de Renault

Editorial du « Monde ». Voilà longtemps que Renault n’est plus une « vitrine sociale ». Néanmoins, le groupe, en grande difficulté, doit se livrer à un exercice d’équilibrisme consistant à trouver les moyens de sa survie, tout en donnant des gages à l’Etat, son premier actionnaire, pour que la potion ne soit pas trop amère pour les salariés.

La première étape d’une longue série d’obstacles a été franchie, mardi 2 juin, avec la signature par le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, d’un prêt garanti par l’Etat de 5 milliards d’euros. Cette facilité de crédit, qui devenait vitale au regard de la situation financière de Renault, a été obtenue contre l’engagement de préserver l’emploi et le niveau d’activité sur le site de Maubeuge (Nord).

La reconfiguration de cette usine, dont la production doit être transférée vers celle de Douai (Nord), fait partie d’un plan de réduction des coûts beaucoup plus large. Annoncée le 29 mai, cette restructuration prévoit la suppression de 15 000 postes, dont 4 600 en France. L’activité des sites de Choisy-le-Roi (Val-de-Marne) et de Dieppe (Seine-Maritime) doit être redéployée au sein du groupe, qui envisage également de se séparer de la fonderie de Caudan (Morbihan).

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Ce plan n’est pas à proprement parler une surprise. Le principe en a été acté dès février par la direction de Renault, qui est longtemps restée dans le déni quant à l’héritage laissé par Carlos Ghosn, l’ex-PDG de l’entreprise, évincé à la suite des accusations de malversations financières par les autorités japonaises.

Entre une gamme inadaptée aux évolutions du marché, des capacités de production démesurées par rapport à ses ventes et une alliance avec Nissan qui avait fini par perdre de vue ses objectifs initiaux, voilà plusieurs mois que Renault avait besoin d’une complète remise à plat. Les conséquences économiques de la pandémie de Covid-19 n’ont fait que rendre encore un peu plus urgente la restructuration.

Options industrielles pas choisies

Aujourd’hui, l’Etat réclame à Renault des mesures « exemplaires » d’accompagnement social des salariés. Cela n’empêchera pas des milliers de sous-traitants de faire les frais des erreurs commises ces dernières années. Dès lors, on peut se demander pourquoi personne n’a tiré le signal d’alarme plus tôt. Le conseil d’administration, où siègent notamment des représentants de l’Etat et des salariés, a fait preuve d’un silence assourdissant. L’instance, qui n’a pas été très regardante sur la gestion de M.Ghosn, se voit aujourd’hui contrainte de donner son feu vert à un plan de relance modulable selon les pressions de l’Etat et globalement mal ficelé.

Un tel exercice ne peut se limiter à tailler dans les coûts. Sa réussite tient aussi à sa capacité à donner des perspectives de rebond au travers d’une stratégie claire. Or, pour avoir des détails sur celle-ci, il faudra patienter jusqu’à l’arrivée d’un nouveau directeur général, Luca de Meo, qui ne prend ses fonctions que le 1er juillet. Le temps d’imaginer une nouvelle gamme et de fixer les priorités, le dirigeant ne rendra sa copie qu’en fin d’année. Celle-ci sera d’autant plus contrainte que le plan de réduction des coûts l’enferme dans des options industrielles qu’il n’aura pas choisies.

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Autre inconnue, avec quels fonds propres l’entreprise pourra-t-elle investir pour se relancer ? Le prêt garanti par l’Etat couvre à peine ses besoins de liquidité à court terme et le coût de la restructuration, qui, elle, ne produira pas ses pleins effets avant trois ans. Malgré cette aide, Renault est loin d’être sorti d’affaire.

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Le Monde

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LJD

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