En Allemagne, la crise liée au coronavirus devrait accélérer la régionalisation de la production

En Allemagne, la crise liée au coronavirus devrait accélérer la régionalisation de la production

A Stuttgart, en Allemagne, janvier.
A Stuttgart, en Allemagne, janvier. SEBASTIAN GOLLNOW / AFP

Stefan Wolf est une des voix les plus respectées du Mittelstand. L’entreprise qu’il dirige, ElringKlinger, un gros sous-traitant automobile de la région de Stuttgart, est emblématique de ce tissu d’industries de taille moyenne exportatrices, qui forme la colonne vertébrale du capitalisme allemand. Figure du patronat de la région du Bade-Wurtemberg, M. Wolf est apprécié pour ses réflexions stratégiques. Pour lui, il n’y a aucun doute : la pandémie de Covid-19 a créé une césure, elle va entraîner une réorganisation profonde des chaînes de sous-traitance de l’industrie allemande.

« La crise nous a montré que les chaînes de production dans l’automobile sont fortement dépendantes de l’Asie », estime-t-il. « Les stratégies d’achats dans notre branche doivent être réévaluées. A l’avenir, il ne pourra plus seulement être question d’acheter le moins cher possible en Chine. Réorganiser les chaînes de sous-traitance localement et s’appuyer davantage sur des fournisseurs allemands ou européens est la meilleure solution pour sortir de la dépendance déséquilibrée que nous avons avec certaines régions », expliquait-il, fin avril, au journal professionnel Automobil industrie.

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Un tel engagement est nouveau. Et cette opinion est loin de faire l’unanimité au sein des fédérations industrielles allemandes. Car la performance du « made in Germany », depuis le milieu des années 1990, doit beaucoup à un modèle d’organisation : les « chaînes de production mondialisées ». Le principe est le suivant : on confie à un fournisseur étranger la fabrication d’une pièce. Celle-ci est ensuite transportée puis assemblée dans l’usine, parfois quelques minutes seulement après avoir été livrée. Les avantages pour l’industriel sont évidents : il réduit ses stocks (et donc ses besoins en capitaux) au minimum, augmente le taux d’utilisation de ses usines et profite de la concurrence internationale pour obtenir les meilleurs prix.

Dépendance extrême au respect des conditions de livraison

« La formation de chaînes de production complexes a été un fort moteur de la mondialisation des échanges », explique Hartmut Egger, professeur de macroéconomie internationale à l’université de Göttingen (Basse-Saxe), dans une note publiée par l’institut économique de Munich Ifo. L’Allemagne, avec ses entreprises logistiques mondialisées, notamment dans le trafic maritime, a été un des pays qui ont poussé le plus loin la course à l’efficience par l’externalisation depuis trente ans. Elle a conservé son industrie locale en se concentrant sur l’innovation et l’assemblage haut de gamme d’éléments produits ailleurs. En Allemagne, la chimie, l’électronique, la construction de machines, sont très dépendantes des livraisons venues de Chine, qui est, depuis quelques années, le premier partenaire commercial du pays. L’automobile, elle, a gagné en productivité, grâce à des délocalisations en Europe de l’Est.

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