Archive dans juin 2019

Harcèlement moral à l’Assemblée : « Ici comme ailleurs ça existe, il ne faut pas se voiler la face »

Des collaborateurs parlementaires, véritables « couteaux suisses » des députés, témoignent. Deux députés viennent de rendre un rapport sur le sujet au président du Palais-Bourbon.

Par Publié le 29 juin 2019 à 04h51, mis à jour à 09h40

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Quand Caroline (les prénoms ont été modifiés) ne décroche pas immédiatement son téléphone, il peut sonner plusieurs fois sans discontinuer. Au bout du fil, son employeur, un député, qui l’appelle ou lui écrit pour régler, pêle-mêle, un problème de billet de train, d’écharpe tricolore qu’il ne trouve pas ou de vidéo à mettre en ligne sur son compte Facebook. Tard le soir comme le dimanche matin à 7 heures. « Si je ne réponds pas dans les cinq minutes, j’ai un SMS avec des points de suspension », relate-t-elle. Trois points d’impatience.

Caroline est collaboratrice parlementaire, l’un de ces 2 000 « couteaux suisses » employés par les locataires du Palais-Bourbon pour travailler sur les textes de loi comme pour assurer leur logistique quotidienne. « Dans n’importe quelle autre boîte, ce que l’on vit serait du harcèlement moral », souffle-t-elle. « Les risques psychosociaux et le harcèlement existent à l’Assemblée nationale ! Les ors de la République n’en sont malheureusement pas exempts », reconnaît Michel Larive, député La France insoumise (LFI, Ariège) dans un rapport écrit avec Jacqueline Maquet (La République en marche, LRM, Pas-de-Calais), remis mercredi 26 juin au bureau de l’Assemblée à la demande de son président, Richard Ferrand.

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« Ici, on fait la loi mais on ne la respecte pas »

Si le harcèlement sexuel au Palais-Bourbon a été médiatisé depuis quelques années, le harcèlement moral reste tabou. Les cas sont cependant plus fréquents, selon les syndicats de collaborateurs et la déontologue de l’Assemblée. « On sait que quelque chose ne va pas, mais on n’en mesure pas l’ampleur car il y a peu de cas avérés », explique M. Larive. « Ici comme ailleurs ça existe, il ne faut pas se voiler la face », abonde Mme Maquet.

En avril, L’Express révélait que la députée LRM des Yvelines Florence Granjus était poursuivie aux prud’hommes par deux anciens collaborateurs qui l’accusent de harcèlement. Le 21 juin, le journal Sud-Ouest faisait état des griefs d’ex-collaborateurs de la députée LRM de Charente Sandra Marsaud, décrite par l’un d’eux comme « hyper exigeante mais surtout oppressante et colérique ». « Elle oblige souvent à faire les dossiers plusieurs fois. Je me doutais qu’elle ne les lisait pas. Alors j’ai inséré du faux texte en latin. Le dossier m’est revenu en disant que ça n’allait pas. Mais elle ne l’avait pas lu », relate un autre. L’élue, contactée par Sud-Ouest, « réfute tout ce qui est dit » dans l’article.

Apple : « Jonathan Ive, le départ d’un héros fatigué »

L’iMac, l’iPod ou l’Iphone, le designer a conçu les plus lucratifs produits de l’entreprise américaine qui ont été à l’origine de son spectaculaire redressement. Mais, le petit génie n’est plus dans l’air du temps, explique dans sa chronique Philippe Escande, éditorialiste économique au « Monde ».

Publié le 28 juin 2019 à 11h09, mis à jour à 09h14 Temps de Lecture 2 min.

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Le patron d’Apple, Tim Cook et le designer de la marque à la pomme, Jonathan Ive (à droite), lors de la conférence des développeurs de l’entreprise américaine, à San José, en Californie, le 3 juin.
Le patron d’Apple, Tim Cook et le designer de la marque à la pomme, Jonathan Ive (à droite), lors de la conférence des développeurs de l’entreprise américaine, à San José, en Californie, le 3 juin. MASON TRINCA / REUTERS

Pertes & profits. Sir Jonathan Ive est toujours vivant, mais on lui a réservé des funérailles nationales. L’emblématique concepteur des plus beaux et lucratifs produits d’Apple a droit à un éloge appuyé du patron à l’occasion de son départ, à la promesse de fidélité éternelle de son employeur et à une série en six épisodes dans le Financial Times, la bible des milieux d’affaires. Anobli en 2012 par la reine d’Angleterre, le petit Londonien au regard candide, entré discrètement en 1992 dans l’entreprise californienne, est un héros de la mythologie technologique de ce début de siècle.

A l’instar de Steve Jobs, il sera à l’origine du plus fantastique redressement d’entreprise de l’histoire économique moderne. En 1998, il signe son premier produit phare, l’ordinateur iMac et ses couleurs acidulées. L’entreprise est au bord de la faillite et soudain elle refait parler d’elle. Puis viendra la fortune. Apple sauve le marché de la musique avec l’iPod en 2001 et révolutionne le monde de la technologie avec l’iPhone, en 2007. Le premier vrai smartphone qui placera la société de l’information dans les poches de milliards d’individus. Viendront l’iPad, l’iWatch, les Macbook et autres AirPods, tous nés dans le cerveau de la vingtaine de petits génies rassemblés autour de l’inventif Britannique.

Retard dans la diversification

Mais le héros est fatigué. Son dieu Jobs est remonté aux cieux en 2011, et les temps ont changé. Apple est devenu la plus riche société du monde, mais elle ne s’est jamais autant interrogée sur son avenir. Sondé par le New Yorker en 2015, Jony Ive a confié son extrème lassitude. Il avait depuis pris du champ, quittant de moins en moins sa maison de San Francisco pour le magnifique nouveau siège de Cupertino. Une immense citadelle en forme de vaisseau spatial dont il a supervisé tous les plans avec Jobs. Comme ces empereurs chinois qui révisaient les détails de leur futur mausolée.

Les quelque 12 000 employés du Apple Park ne sont pas en terre cuite comme les soldats de l’empereur Qin enterrés au cœur de la Chine, mais ils cherchent la voie du salut. L’iPhone, qui représente 60 % des revenus de l’entreprise, ne fait plus la différence. Les relais de croissance peinent à s’affirmer, et l’entreprise est en retard dans la diversification menée tambour battant par Google, Facebook ou Amazon dans l’automobile, la voix ou le service aux entreprises.

D’ex-livreurs de la plate-forme Take Eat Easy obtiennent des indemnités aux prud’hommes

Après trois ans de combat judiciaire, ils ont été reconnus salariés de la défunte société de livraison de repas. Leurs indemnités devraient osciller entre 16 000 à 60 050 euros.

Par et Publié aujourd’hui à 10h32

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C’est une nouvelle salve de décisions judiciaires qui ébranle un peu plus le modèle économique des plates-formes numériques. Jeudi 27 juin, le conseil de prud’hommes de Paris a requalifié en contrat de travail la relation entre la société de livraison de repas Take Eat Easy et quatre coursiers que celle-ci avait employés. Selon leur avocat, MKevin Mention, les jugements ouvrent la voie au versement d’indemnités, oscillant entre 16 000 à 60 050 euros. L’entreprise incriminée ayant été mise en liquidation, il y a trois ans, ces sommes seront versées par l’Assurance de garantie des salaires – si la décision de jeudi devient définitive.

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Lorsqu’elle a mis la clé sous la porte en juillet 2016, Take Eat Easy s’appuyait, en France, sur une armada de quelque 2 500 livreurs à vélo, qui travaillaient sous le statut d’autoentrepreneurs. Les individus relevant de ce régime sont présumés être des indépendants, avec des droits (notamment en matière de protection sociale) inférieurs à ceux d’un salarié « ordinaire ». Mais ils peuvent demander au juge de requalifier en relation de travail leur lien avec la plate-forme – à condition de démontrer qu’ils sont placés sous sa subordination.

Des décisions qui pourront « servir de référence »

Plusieurs recours de ce type ont été engagés. D’abord infructueux, ils ont fini par déboucher sur des victoires, dont l’une, retentissante, remportée à la fin de novembre 2018 : dans cette affaire, qui concernait aussi Take Eat Easy, la Cour de cassation a estimé qu’il fallait retenir « la qualification de contrat de travail » pour un coursier de la plate-forme.

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Depuis, les conseils de prud’hommes de Nice et de Paris ont reconnu à d’anciens livreurs le statut de salariés. Durant le mois de juin, 26 décisions allant dans ce sens ont été rendues, selon MMention. S’y ajoutent donc les quatre prononcées, jeudi, par une formation de jugement présidée par un magistrat professionnel : elles n’ont pas encore été communiquées aux parties – seul le sens du délibéré ayant été dévoilé –, mais seront « très bien motivées » et pourront « servir de référence » dans d’autres litiges, pense l’avocat. Ce dernier soutient :

« Les prud’hommes ont admis que le contrôle des livreurs par GPS, ainsi que le système de sanctions très explicite de Take Eat Easy, qui allait de l’avertissement pour un refus de commande, jusqu’à la rupture du contrat, constituaient bien un lien de subordination. »

Les paradoxes des salariés sur le dialogue social

L’image des syndicats est légèrement meilleure et davantage de personnes envisagent le recours à la grève malgré un dialogue social « peu efficace » pour 52% de salariés, selon un sondage Ipsos pour le Cevipof. La crise des « gilets jaunes » est passée par là, explique l’éditorialiste du « Monde » Michel Noblecourt.

Par Publié le 28 juin 2019 à 09h55, mis à jour à 09h47

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Dans la deuxième édition du baromètre du dialogue social, réalisé par l’Ipsos pour le Cevipof, à l’intention du master dialogue social de Sciences Po et de l’association Dialogues, qui réunit des directeurs de ressources humaines et des syndicalistes, aucune question n’a été posée directement sur la crise des « gilets jaunes ». Mais, en en présentant les résultats, lundi 24 juin, Martial Foucault, le directeur du Cevipof, n’a pas caché qu’elle était omniprésente dans l’esprit des 1 523 salariés du privé et du public hors fonctionnaires – 596 cadres et 927 non-cadres, 623 employés dans des PME et 231 syndiqués – interrogés par Internet du 19 au 21 juin. C’est à elle que 67 % des sondés font allusion quand ils disent que des « événements concernant le climat social ont été particulièrement marquants », soit une hausse de 14 points par rapport au baromètre de juin 2018.

Cette crise inédite a aussi eu des effets sur l’état d’esprit des salariés : 37 % évoquent leur « lassitude » (+ 4 points en un an), 32 % leur « inquiétude » (+ 3). Alors que la confiance, avec 31 %, est en baisse de deux points et l’espoir (20 %) de trois, 10 % font même état de leur « dépression » (+ 2). Sur la vision du dialogue social, l’enquête fait apparaître un certain nombre de paradoxes, voire de contradictions. Ainsi pour 76 % des sondés, « le dialogue social existe », soit une hausse de 6 points, mais pour 52 % (+ 3), « il n’est pas efficace ». En même temps, le pourcentage de ceux qui jugent qu’« il ne fonctionne pas bien » est élevé (72 %), mais il marque un recul de neuf points en un an…

Au classement de la confiance, les syndicats arrivent en dixième place, dans un hit-parade inchangé qui place dans le trio de tête les PME, les collègues de travail et… la Sécurité sociale

Contrairement à 2018, les salariés ne sont pas directement interrogés sur la réforme du code du travail d’Emmanuel Macron mais ils sont autant qu’il y a un an (57 %) à voir dans la flexibilité une « menace » pour leur protection sociale. Ils ne sont plus que 55 % (− 6) à estimer qu’il faut faire de la compétitivité de l’économie « une priorité » mais, en même temps, le pourcentage de ceux qui privilégient « l’amélioration de la situation des salariés », s’il reste haut (73 %), est en baisse de sept points.

Procès France Télécom : le regard du romancier Vincent Message

L’écrivain Vincent Message, qui publiera à la rentrée un roman sur la souffrance au travail, a assisté, pour « Le Monde », aux audiences du tribunal correctionnel de Paris sur le harcèlement moral subi par les employés du groupe

Par Vincent Message Publié aujourd’hui à 06h00, mis à jour à 08h43

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« Avez-vous déjà pensé sérieusement à vous suicider ? » La question flotte dans la salle d’audience aux tons clairs. Posée lors d’une enquête IFOP, elle est reprise à la barre par le professeur de médecine Michel Debout, témoignant à l’appel des parties civiles au procès France Télécom. Dans la population générale, explique le fondateur de l’Observatoire national du suicide, 20 % des personnes interrogées répondent « oui ». Parmi celles qui estiment avoir un travail facteur d’équilibre dans leur existence, les réponses positives atteignent encore les 12 %. Mais les personnes qui ont subi un harcèlement au travail, elles, sont 42 % à avoir réfléchi à mettre fin à leurs jours. Le chiffre dit la place que le travail prend dans nos vies, et l’impact ravageur qu’il peut avoir sur nous.

Gilles Rapaport

La justice se rend en public. On le sait en théorie, mais on a rarement le temps d’en faire l’expérience en personne. Pour ma part, le procès France Télécom, qui s’est ouvert le 6 mai, est le premier dont je suis les audiences au long cours. Les bâtiments du palais de justice sont flambant neufs et les enjeux du procès, inédits : c’est la première fois que les dirigeants d’une grande entreprise française sont jugés pour harcèlement moral. Sur les bancs des prévenus, ils sont sept à devoir rendre compte de la politique qu’ils ont menée pour redresser l’entreprise entre 2005 et 2010. Sous la pointe de l’iceberg que constituent les 19 décès et les 12 tentatives de suicide dont le tribunal est saisi, ce sont des milliers de salariés qui ont été fragilisés par la réorganisation à marche forcée de l’opérateur dans le cadre du plan Next et de son volet social Act.

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J’ai décidé de me rendre régulièrement aux audiences de ce procès car cela fait dix ans que je m’intéresse aux métamorphoses du capitalisme contemporain et à la question de la souffrance au travail. Le roman que j’y ai consacré, et qui paraît mi-août, a pris forme au moment de la crise des subprimes, qui a coïncidé avec l’entrée de ma génération sur le marché de l’emploi. La crise que traversait France Télécom n’était alors qu’un des exemples des effets que la pression économique exerce sur nos corps et sur nos esprits, mais elle a acquis avec les années une valeur emblématique. Entre l’exercice de la justice et l’art du roman, du moins quand il est pratiqué dans un esprit de pluralisme, il m’a toujours semblé y avoir de solides points communs : ce sont des espaces où les discours entrent en confrontation, où on se donne les moyens d’entendre toutes les voix ; on est incité à s’y méfier des jugements hâtifs et à prendre le temps de raisonner à charge et à décharge. C’est le sens de ma présence ici : aller au-delà de ce que j’ai pu lire sur le sujet et me faire ma propre opinion.

Au procès France Télécom : « La mort de mon père, c’est la réussite de leur objectif »

Rémy Louvradoux, 56 ans, s’est immolé par le feu, le 26 avril 2011, devant l’agence de Mérignac (Gironde), après avoir été ballotté de poste en poste par sa direction. Jeudi, sa fille a témoigné devant le tribunal correctionnel de Paris.

Par Publié aujourd’hui à 05h57, mis à jour à 09h01

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Son père est « la trace sur le mur ». Une tache noire sur la façade de l’agence France Télécom à Mérignac (Gironde), devant laquelle il s’est immolé par le feu, le 26 avril 2011. Rémy Louvradoux avait 56 ans. Sa fille Noémie allait fêter ses 18 ans. Huit ans plus tard, jeudi 27 juin, c’est elle qui s’avance à la barre du tribunal correctionnel de Paris, qui juge sept anciens dirigeants de l’entreprise pour « harcèlement moral » et complicité de ce délit.

Noémie Louvradoux témoigne au nom de sa mère, de ses deux frères et de sa sœur cadette, assis au premier rang du public. La jeune femme est un bloc de colère et de chagrin. Elle jette l’une et l’autre à la face des prévenus : « Ils ont assassiné mon père. Ils ont tué notre vie de famille. Et ils ont dit qu’ils ne savaient pas. » Elle égrène chacun de leur nom : « C’est une horreur et ils en sont responsables. »

Rémy Louvradoux était entré chez France Télécom en 1979, il était fonctionnaire. En 2006, son poste de « préventeur » régional, chargé de la sécurité et des conditions de travail au sein de la direction des ressources humaines du Sud-Ouest, est supprimé. On lui confie une fonction de contrôleur interne pendant deux ans avant qu’il soit à nouveau « redéployé » en 2008. Il devient alors chargé de mission dans un poste précaire dont la durée ne peut excéder douze mois. « Bien en deçà de ses qualifications et de son grade », dit sa fille. Pendant l’instruction, l’un des responsables de l’agence Sud-Ouest Altlantique avait admis que ces missions « n’étaient pas des vrais postes. Ce n’était pas trop constructif, pas vraiment pensé, pas valorisant. »

Dans une lettre adressée en mars 2009 à la direction des ressources humaines de sa direction territoriale, Rémy Louvradoux évoque la dégradation de ses conditions de travail, rémunération en baisse, temps de trajet qui s’allongent. A la même époque, les candidatures qu’il dépose dans la fonction publique territoriale échouent les unes après les autres. Doit-il se considérer comme « totalement incompétent » ou fait-il « l’objet d’une attention particulière et personnalisée », demande-t-il ? Aucun entretien ne lui est proposé à la suite de son courrier.

« Il était là, physiquement, mais c’est tout »

Rémy Louvradoux se replie sur lui-même. « On ne connaissait plus ses collègues de travail, il ne voulait plus sortir », raconte sa fille. Rémy Louvradoux prend du poids, sa santé se détériore. « Il était tout le temps fatigué. Avant, il faisait du cyclisme et de la natation. Il a tout arrêté. » A la maison, l’atmosphère devient lourde. « On avait quand même une vie de famille, on prenait tous nos repas ensemble. Mais mon père voulait toujours le silence, il se mettait en colère, il ne parlait plus, sauf avec ma mère. Ça a détaché le lien qu’il avait avec nous et celui qu’on avait avec lui. Il était là, physiquement, mais c’est tout. Il avait perdu toute estime de lui-même, au travail et en famille. »

Le chimiste allemand BASF va supprimer 6 000 emplois dans le monde

Cette annonce intervient dans le cadre d’un programme visant à dégager 2 milliards d’euros d’économies annuelles dès 2021, a précisé l’entreprise dans un communiqué.

Le Monde avec AFP Publié hier à 18h16, mis à jour à 08h57

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Le groupe va centraliser plusieurs services, comme l’achat, les ressources humaines, la finance et la logistique.
Le groupe va centraliser plusieurs services, comme l’achat, les ressources humaines, la finance et la logistique. Christian Hartmann / REUTERS

Six mille, sur 122 000. C’est le nombre d’emplois que le géant allemand de la chimie BASF va supprimer, d’ici à 2021 dans le monde, pour parvenir à une « croissance plus profitable ». BASF compte notamment « simplifier son organisation » et « augmenter l’efficacité de son administration » dans le cadre d’un programme visant à dégager 2 milliards d’euros d’économies annuelles dès 2021, a précisé l’entreprise dans un communiqué.

Le groupe va notamment centraliser plusieurs services, comme l’achat, les ressources humaines, la finance et la logistique. Avec la nouvelle organisation, « nous voulons nous concentrer sur les synergies » et « permettre plus de flexibilité », a commenté Martin Brudermüller, patron du groupe.

Accord collectif pour le site de Ludwigshafen

Dans le cadre de la restructuration, les syndicats et la direction se sont mis d’accord pour anticiper la renégociation d’un accord collectif pour le site de Ludwigshafen, valable jusqu’en décembre 2020. Les parties envisagent de signer un nouvel accord au premier semestre de l’année prochaine.

Le groupe a connu une année 2018 difficile, marquée par la sécheresse, le ralentissement chinois et la guerre commerciale. Il a aussi vu au premier trimestre « fléchir la demande de certains clients industriels clés, en particulier le secteur automobile », avait expliqué BASF début mai. Pour l’ensemble de l’année, le groupe chimique a confirmé viser « une légère hausse de ses ventes », ainsi qu’une « légère progression » du résultat opérationnel avant exceptionnels.

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Canicule : dans la fournaise avec les livreurs à vélo

Les plates-formes de livraison ne mettent pas en place de dispositif particulier visant à accompagner leurs livreurs durant cette période de forte chaleur.

Par Publié aujourd’hui à 17h38, mis à jour à 18h15

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Un livreur à vélo Uber Eats, au centre de Lille, en 2017.
Un livreur à vélo Uber Eats, au centre de Lille, en 2017. PHILIPPE HUGUEN / AFP

En ce jeudi 27 juin de canicule, aux alentours de midi, les livreurs à vélo se font rares place d’Italie, dans le 13e arrondissement de Paris, un lieu où ils ont pourtant l’habitude de se regrouper autour des nombreux restaurants. Adossé à un arbre, cela fait dix minutes que Mouhanned attend sa prochaine course. « L’été, c’est deux fois plus dur. A cause de la température, mais aussi car il y a moins de commandes, les gens préfèrent manger dehors. Les temps d’attente sont plus longs », explique ce livreur d’Uber Eats.

A cela s’ajoutent des pépins techniques liés aux fortes chaleurs. « Le vélo s’use plus rapidement. Hier, j’ai encore dû changer ma chambre à air. » Conséquence : ce trentenaire qui travaille aussi sur un chantier s’adapte. « Je livre une heure ou deux en journée et concentre le reste de mes livraisons entre 21 heures et 2 heures du matin, ce qui me permet de gagner environ 200 euros par semaine. »

Edouard, lui, a jeté l’éponge. Après une soirée de lundi particulièrement éprouvante, ce livreur pour la plate-forme Deliveroo a décidé d’annuler ses créneaux sur le reste de la semaine.

« Il faut être raisonnable, entre la chaleur et la pollution, il est dangereux de pédaler pendant plusieurs heures. »

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Mais la décision de cesser complètement leur activité n’est pas sans conséquence pour les livreurs. Non seulement ils ne toucheront pas un centime, mais ils seront pénalisés par l’algorithme d’attribution des créneaux de livraison de Deliveroo. Avec le risque de se retrouver la semaine suivante avec des plages horaires ou des lieux moins rémunérateurs.

« La compétition est encore plus rude »

Certains ne peuvent pas se le permettre. « C’est mon seul revenu, la question ne se pose même pas. D’autant qu’en été la compétition est encore plus rude, beaucoup d’étudiants se mettant à livrer pendant cette période », explique Nicolas, qui travaille pour Uber Eats et Stuart à Bordeaux. Selon lui, cette abondance de petits bras permet aux plates-formes de ne pas augmenter la rémunération malgré les conditions de travail plus difficiles.

Glovo invite ses utilisateurs à offrir un verre d’eau aux livreurs.
Glovo invite ses utilisateurs à offrir un verre d’eau aux livreurs. DR

Interrogée, Deliveroo ne prévoit pas, en effet, de hausse de tarifs, comme ça a pu être le cas lors de fortes intempéries. C’est tout juste si le site a envoyé des messages de prévention par courriel à ses coursiers les incitant à bien s’hydrater… et mis en place des « distributions d’eau dans toutes les villes touchées par la canicule ». Cynique, la plate-forme Glovo invite ses clients à « offrir un petit verre d’eau » aux coursiers. Un message qui a fait fortement réagir sur les réseaux sociaux, soulevant la question des conditions de travail de ces livreurs indépendants pendant la canicule.

« Les plates-formes font le minimum vital », regrette Jérôme Pimot, ancien livreur Deliveroo et membre du Collectif des livreurs autonomes de Paris (CLAP), qui dénonce l’hypocrisie des plates-formes. « D’un côté, les distributions d’eau sont assurées par d’autres travailleurs indépendants, avec des moyens très limités. De l’autre, l’entreprise vient de lancer une offre promotionnelle pour relancer ses ventes pendant la canicule. »

L’offre promotionnelle de Deliveroo.
L’offre promotionnelle de Deliveroo. DR

D’un point de vue légal, rien n’oblige ces entreprises à prendre des mesures adaptées envers leurs livreurs. « Ce ne sont pas des salariés, mais des autoentrepreneurs, ils ne sont donc pas soumis au droit du travail, explique Karine Audouze, avocate associée dans le cabinet UGGC. Quant au gouvernement, il ne dispose d’aucun moyen légal pour limiter l’activité de ces plates-formes en période d’aléas climatiques. »

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Ford va supprimer 12 000 emplois en Europe

Cette cure d’austérité fait partie d’une vaste restructuration annoncée à l’automne par le PDG, Jim Hackett, pour économiser 11 milliards de dollars.

Le Monde avec AFP Publié aujourd’hui à 15h29, mis à jour à 15h46

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Le constructeur estime être « en bonne voie pour améliorer son résultat financier en Europe ».
Le constructeur estime être « en bonne voie pour améliorer son résultat financier en Europe ». KAMIL KRZACZYNSKI / REUTERS

Douze mille emplois supprimés dans toute l’Europe et six fermetures d’usine d’ici à fin 2020. Ce sont les objectifs du plan de restructuration qu’a annoncé, jeudi 27 juin, le constructeur automobile américain Ford. Le chiffre inclut les 5 400 suppressions de postes déjà annoncées pour l’Allemagne, ainsi que les 1 700 postes qui disparaîtront au Royaume-Uni dans le cadre de la fermeture d’une usine au Pays de Galles.

Les fermetures d’usine, dont font partie trois sites en Russie, un en Slovaquie et celui de Blanquefort (Gironde, sud-ouest de la France), étaient déjà annoncées, mais l’impact total sur l’emploi n’avait jusqu’ici pas été détaillé. Il s’agira « principalement de départs volontaires », a précisé Ford, qui emploie en Europe quelque 51 000 personnes et possède 24 usines.

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Faire de Ford un groupe plus « agile »

Cette cure d’austérité fait partie d’une vaste restructuration annoncée à l’automne par le PDG, Jim Hackett, pour économiser 11 milliards de dollars (9,68 milliards d’euros) et faire de Ford un groupe plus « agile » avec des procédures de prise de décisions accélérées. Ford veut en effet retrouver le peloton de tête dans la transformation en cours du secteur automobile sous l’effet de l’explosion de l’autopartage, du covoiturage et surtout du développement de la voiture autonome et de l’accélération vers l’électrique.

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Le constructeur estime d’ailleurs être « en bonne voie pour améliorer son résultat financier en Europe » et a indiqué vouloir d’avantage se concentrer sur la mobilité électrique. Ford a également annoncé une réorganisation de son activité européenne en trois branches indépendantes : « véhicules de passagers », « utilitaires » et « import ».

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