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Etudiants étrangers : « “Bienvenue en France” », un cliché au nom de contre-vérité, ne doit pas être valorisé »

L’élévation des frais d’inscription pour les étudiants étrangers hors Communauté européenne piétine nos valeurs et intimidation la francophonie, déclare l’académicienne Barbara Cassin.

En France, on se soigne et on enseigne gratuitement (ou presque) et très bien (ou presque), de toute façon plutôt mieux qu’ailleurs. Voilà de quoi les Gaulois sont content et fiers, qu’ils aient un gilet jaune, un col blanc, ou un stylo rouge. Notre similitude, nos valeurs sont là, partagées, concrètes.

Je veux ici, très solennellement résister. Je veux faire entendre notre voix à nous, responsables et praticiens de l’enseignement, de la recherche, de l’éducation, de la culture. Pour dire que « Bienvenue en France », une mesure au nom de contre-vérité, une infox qui ose s’exposer comme un plan gouvernemental d’attractivité des étudiants internationaux, ne doit pas être mis en œuvre. Ni eu égard à ce que nous sommes, ni eu égard à la sacro-sainte économie.

La clé de ce dispositif, que l’on veut obliger les présidents d’université à apposer, comporte à faire payer très cher – 16 fois plus cette année qu’en 2018 – les droits d’inscription de certains étudiants. Pour ceux qui arrivent de pays hors Communauté européenne, ces droits augmentent de 170 à 2 770 euros pour la licence, et de 243 à 3 770 euros pour le master.

Des fonctionnaires aux ordres

Conséquence, pour ne converser que francophonie : sur le même banc, on découvrira un Belge, un Suisse, un Canadien (il y a des accords qui en font des « Européens »), soit des « riches » qui acquitteront comme nos enfants. Et on découvrira – ou plutôt on ne trouvera plus ! – un Sénégalais, un Algérien, un Haïtien, qui nécessiteraient mais ne pourront pas payer les droits qui leur sont sollicités. Le fils brillant d’un de mes collègues de Dakar a eu bien tort de choisir la France. Il a déjà perdu un an (refus de visa à cause de l’engorgement du consulat), et va égarer actuellement une autre année de cursus avant de choisir le Canada ou la Chine. Sélectionner par l’argent a de temps à autre été une bonne idée. Sauf pour le paiement de l’impôt.

Les exclus sont visés : francophones d’Afrique, du Maghreb, intellectuellement formés mais sans fortune. Avec un discours effrayant qu’on ne peut pas ne pas lire en filigrane : pourquoi nos impôts à nous financeraient-ils les études de Noirs et d’Arabes ?

Outre les valeurs ainsi broyées, les présidents de nos universités soi-disant autonomes appelés comme des fonctionnaires aux ordres et demain, si cela poursuit, les étudiants dans la rue avec leurs professeurs, dont je serai, l’idée même de « Bienvenue en France » va contre toute politique sagace et économiquement efficient à moyen comme à long terme.

L’Ecole normale supérieur et le mouvement pour le climat

L’un des chefs du mouvement parisien de grèves scolaires nous montre comment il s’écarte de plus en plus de cette « société aliénante et basée sur la destruction de l’environnement ».

Antoine Soulas est à un carrefour. Devant lui s’ouvre la voie royale, qu’il trace depuis qu’il rêve, gamin, de faire de l’observation scientifique : le prodigieux lycée Montaigne de Bordeaux, l’illustre Ecole normale supérieure, un cursus de mathématiques, de physique et de philosophie qui devrait déboucher, espère-t-il, sur une thèse en cosmologie ou en informatique quantique. Et finalement un poste de chercheur.

A moins que le jeune homme de 22 ans, l’un des responsables du mouvement parisien de grèves scolaires pour le climat, n’emprunte un tout autre chemin, assurément moins battu et possiblement plus tortueux : « tout plaquer » pour vivre dans une communauté locale, autonome et résiliente, au plus près de la nature.

Ce retour aux origines, Antoine Soulas en caresse l’idée depuis quelques mois actuellement. Une « crise de sens » qu’il partage, assure-t-il, avec beaucoup d’autres amis. « On se bourre le crâne pendant nos études, pour découvrir un travail et surconsommer toute sa vie, déclare-t-il. La finalité qui nous est offerte, c’est de participer à une société troublante et basée sur la dégradation de l’environnement. »

Or le Bordelais, qui vit actuellement dans une capitale « étouffante », s’est toujours senti proche de la nature. Il s’appelle comme si c’était hier ce jour où ses parents, lui charpentier devenu architecte et elles factrice passée comptable, lui ont parlé du réchauffement climatique. Il avait 6 ans ; la conscience de la « gravité de la situation » ne l’a plus quitté depuis.

D’abord, Antoine Soulas a changé son mode de vie. Il ne prend plus l’avion, est végétarien, se nourrit par le biais d’une AMAP (association pour la conservation d’une agriculture de proximité), sélectionne des produits bio, si possible en vrac, et n’achète plus de textiles ni d’appareils électroménagers neufs. Il ne détient pas de smartphone qui, comme la voiture, « nous dispense de rencontrer des gens ».

Puis le jeune homme a entrepris de verdir son école. Transformé le président de l’association EcoCampus ENS de 2016 à 2017, il a mis en place un tri des déchets, érigé un potager et des ruches sur les toits et même conçu une centrale solaire qui sera installée à la fin de l’année. Convoitant s’engager encore davantage, à une échelle plus large, il est nommé trésorier du collectif des jeunes pour le pacte finance-climat, une initiative signée par 600 personnalités, qui propose particulièrement la création d’une banque européenne du climat.

 

La fiche de renseignement peine à convaincre sur Parcoursup

Prénom, nom, adresse et âge des candidats ne figure plus. Mais la mention du lycée des candidats est conservée, renonçant perdurer les craintes de discriminations.

Le ministère de l’enseignement supérieur l’assume : il s’agit d’une mesure destinée avant tout à apaiser l’inquiétude. En 2019, le prénom, le nom, l’adresse et l’âge des candidats à l’enseignement supérieur n’apparaîtront plus sur Parcoursup quand les responsables des formations examineront leurs dossiers. Des lycéens, particulièrement de banlieue parisienne, ont révoqué en 2018 les discriminations dont ils s’estimaient victimes sur la nouvelle plate-forme d’admission dans le supérieur.

Pour les lycéens qui nécessitent boucler jeudi 14 mars la liste de leurs vœux d’orientation, cette mesure est en effet loin de bouleverser le processus de recrutement des formations. « C’est une mesure symbolique, qui n’aura pas beaucoup d’effet, estime ainsi Frédéric Dardel, président de l’université Paris-Descartes. On ne prenait déjà pas en compte ces quatre données personnelles dans l’examen des candidatures. »

Le constat est amplement partagé dans les autres filières d’enseignement supérieur, excepté dans les formations qui ont besoin de certains de ces éléments pour considérer les dossiers. Le ministère prévoit, pour elles, trois « exceptions » : les lycées avec internat, qui doivent regarder la distance entre le domicile et la formation ; les formations en apprentissage, qui accompagnent de futurs étudiants pour trouver leur employeur ; et enfin celles qui mobilisent sur concours ou entretien, et ont besoin d’envoyer des convocations nominatives, soit 15 % des formations.

Seconde limite à cette anonymisation, les appréciations des enseignants sur les bulletins de notes et les pièces justificatives extrascolaires poursuivront à faire apparaître parfois ces données personnelles, techniquement très compliquées à effacer.

« Inégalités entre les lycées »

Il n’empêche, la mesure a été récemment accueillie dans les classes préparatoires aux grandes écoles, dont les délégués se sont fendus d’une tribune dans la presse pour marquer leur opposition.

« Cette anonymisation laisse penser que les noms et prénoms ont pu un jour être pris en compte pour distinguer, analyse Jean Bastianelli, à la tête de l’Association des proviseurs de lycées à classes préparatoires aux grandes écoles. C’est pénible qu’on puisse imaginer cela des recruteurs de l’enseignement supérieur. »

Entre les enseignants du secondaire, la mesure peine aussi à persuader. « Ce geste va dans le bon sens, mais chez certains lycéens, la défiance est telle que ce ne sera sans doute pas suffisant », jauge Florent Ternisien d’Ouville, professeur d’histoire à Bondy (Seine-Saint-Denis) et membre du SGEN-CFDT. Pour lui, on passe une fois encore à côté des vraies questions, notamment celle « des différences entre les lycées ».

Des courriers de menaces envoyés à des doctorants de Sciences Po

L’université parisienne a porté plainte contre ce message malveillant reçu par vingt-cinq de ses étudiants le 21 février.

« La France sera vidée de son élitocratie par le fer et le sang dans les délais les meilleurs », « la colère du peuple est intégrale et irrévocable »… Jeudi 21 février, vingt-cinq doctorants du Cevipof, le centre de recherches politiques de Sciences Po, ont obtenu dans leur boîte e-mail ces propos haineux et menaçants.

L’établissement a connu, mardi 26 février, l’existence de ce message, certifiant un Tweet de Louis de Raguenel publié la veille sur le Tweeter. L’un des rédacteurs en chef de l’hebdomadaire Valeurs actuelles rappelait des « menaces de morts » reçues par ces chercheurs de Sciences Po.

« La haine de ce que vous incarnez est incommensurable. Mettre le feu à votre école admettrait au peuple de s’affranchir intellectuellement », averti l’auteur dans fin de son e-mail.

L’institut d’études politiques parisien a aussitôt répondu et il a pris la décision  de porter plainte, contre X au commissariat de police du VIIe arrondissement de Paris, vendredi 22 février.

Il avérerait que ce courriel n’ait pas pointé uniquement les doctorants du Cevipof : « D’autres messages similaires ont été signalés ces dernièrement, d’après la police, au-delà de l’institution Sciences Po », indique-t-on au sein de l’établissement parisien.

Les doctorants étrangers libérés de l’augmentation des frais d’inscription universitaire

Dans une conférence au « JDD », la ministre Frédérique Vidal affirme que les frais d’inscription resteront fixes pour les étudiants français et européens.

L’augmentation des frais d’inscription à l’université pour les étudiants étrangers ne s’apposera définitivement pas aux doctorants, « qui jouent un rôle essentiel dans les laboratoires de recherche », a avisé, dimanche 24 février, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Frédérique Vidal, dans un entretien au Journal du dimanche (JDD).

Dès la rentrée 2019, les étudiants hors Union européenne (UE) nécessiteront payer 2 770 euros par an en licence et 3 770 euros par an en master – contre 170 euros en licence et 243 euros en master à l’heure actuelle – dans le cadre d’une stratégie exposée par l’exécutif comme soucieuse d’« équité financière » et d’attractivité internationale.

Angoisse sur une augmentation générale des droits d’inscription

Les doctorants devaient au début être intéressés par la mesure. Mais sur la foi de la recommandation d’un rapport issu d’une concertation (remis en février au gouvernement), Frédérique Vidal a raconté qu’ils seront définitivement exemptés. « Nous suivrons cette préconisation. Et on va travailler, dans le cadre de la loi de programmation de la recherche prévue pour 2020, afin d’élargir l’accès aux contrats doctoraux », affirme la ministre dans Le JDD. Pour raffermir l’attractivité des universités françaises, la ministre mise aussi sur l’ouverture d’un bureau d’accueil consacré aux étudiants étrangers dans toutes les universités, dès la rentrée 2019.

L’augmentation ciblée sur les étudiants étrangers « n’est certainement pas le prélude à une augmentation généralisée des droits d’inscription, ajoute Frédérique Vidal. Mais visiblement l’inquiétude persiste. Nous allons donc prendre un décret fin mars, afin d’assurer qu’à l’avenir, pour les étudiants français et européens, les droits d’inscription seront fixes et ne pourront pas augmenter plus que l’inflation. »

Plusieurs universités, dont Paris-Sud, Strasbourg, Rennes-II, Toulouse Jean-Jaurès, Aix-Marseille, Angers et Paris-Nanterre ont d’ores et déjà éclairci leur refus de mettre en œuvre cette hausse des droits pour les étudiants étrangers. Ces établissements comptent pour cela utiliser la possibilité d’exonération qui existe dans un décret de 2013, à augmentation de 10% de leurs étudiants. Un taux qui ne devrait pas évoluer, a avisé Frédérique Vidal, inversement à la recommandation du rapport remis au gouvernement sur le sujet, d’augmenter ce taux à 15% afin que les universités puissent exonérer l’ensemble des étudiants extra-européens, si elles le souhaitent, dans les années qui viennent. « Comme l’élévation des droits d’inscription ne concerne que les nouveaux arrivants, les établissements pourront facilement les exempter cette année en respectant le plafond actuel », a assuré la ministre.

 

Les « bachelors » des écoles d’ingénieurs essayent de trouver leur place

Les Arts et métiers ont initié en 2014 une formation bac+3 pour répliquer à la demande des grandes industries. D’autres écoles ont fait le même parcour. Mais à la sortie, la plupart des étudiants prennent la décision de poursuivre jusqu’à bac+5.

En 2014, presque 50 titulaires d’un bac sciences et technologies de l’industrie et du développement durable (STI2D) assimilaient ce qui était alors un ovni de l’enseignement supérieur : un licencié (bac + 3) présenté par l’Ecole nationale ­supérieure d’arts et métiers ­ (Ensam) sur les campus de ­Bordeaux-Talence et de Châlons-en-Champagne. Quatre ans plus tard, les pionniers, aujourd’hui ­diplômés, mesurent le chemin ­parcouru.

Tom Lopez, 23 ans, est parmi les 24 premiers étudiants du campus bordelais. Pourquoi avoir choisi pour un bachelor ? Cette formation technologique répond à une nécessité d’entreprises industrielles comme Airbus, Dassault ou EDF, qui ont fait connaissance qu’elles recherchaient des techniciens ­aptes à entourer de petites équipes et des assistants ingénieurs formés dans le moule de l’Ensam.

Energie et assistances

« Nous sommes une école qui forme des ingénieurs généralistes. Nous avons accompli qu’il perdait un maillon dans la chaîne de production. Nous avons mis en place cette formation pour mettre sur le marché les ­cadres intermédiaires dont ont ­besoin les entreprises », ajoute Xavier Kestelyn, directeur général adjoint chargé des formations. Tom répond au profil : « Je ne me voyais pas faire une classe prépa. Je voulais juste poursuivre mes études pour parvenir au ­niveau technicien. »

Ce cursus postbac est d’abord un choix de formation professionnalisante courte, à objectif de bacheliers qui ne souhaitent – ou ne savent – pas poursuivre un parcours bac + 5, et qui veulent s’introduire au plus vite sur le marché du travail. Bref, une passerelle vers une ­embauche. Mais l’ambition arrive en étudiant, et l’objectif de former des « super-techniciens » est manqué… car dépassé. Au sein des ­sociétés qu’ils intègrent, les étudiants en ­bachelor trouvent l’énergie et les appuis pour poursuivre.

Les diplômés des premières promotions ont donc en majorité choisi de poursuivre leurs études. « Ceci est un succès, même si l’objectif premier était bien une insertion professionnelle directe », déclare M. Kestelyn.

Sélection

Tom, à titre d’exemple, a choisi en ­mécanique option production maintenance et continu sa formation en alternance, salarié par Airbus. Julie Delcan, sa camarade de la première heure, a incorporé un cycle d’ingénieurs en ­génie industriel, en apprentissage chez le joaillier Cartier. Ils ne sont pas des exceptions. En effet, sur les 48 pionniers de ce bachelor (39 diplômés, 3 réorientés en BTS), ­30 ont frappé la porte d’une école d’ingénieurs spécialisée. Auxquels s’ajoutent 7 autres qui, comme Arthur Langlois, 23 ans, en alternance au Centre national d’études spatiales (CNES), ont ­incorporé un cursus ­d’ingénieur ­généraliste et sont ­devenus « gadzarts ». « Force est de constater que les élèves ont pris goût à l’apprentissage et aux ­études », ­rappel M. Kestelyn.

Pour ne pas rater la proclamation de ses bachelors, l’Ensam s’est donné les moyens. Par la sélection, d’abord : en 2014, ­l’établissement a reçu quelque 220 candidatures pour 28 places, alors que les débouchés n’étaient pas encore connus. Les effectifs furent diminués afin d’offrir des conditions de travail optimales : « 24 par classe », déclareTom. Et « des profs qui vous suivent de près, vous motivent et vous ­boostent dans le cadre d’une ­pédagogie par projet », abonde Arthur. Une pédagogie espacée de celle des classes prépa, où on « pratique un formatage des étudiants », estime Julie.

Le coup d’essai semble modifié et l’appétence pour le bachelor de la part des ­bacheliers STI2D, premiers intéressés par ce circuit court, s’accroît. A 170 euros par an, soit le coût d’une inscription en licence, ils sont déjà 450 à avoir fait la ­demande sur Parcoursup en 2019. Pour 76 places à assurer.

Cursus très rentables

Depuis ce premier lancement en 2014, les Arts et métiers ont fait des émules dans les autres écoles d’ingénieurs, en particulier les établissements privés. Pas question de laisser aux écoles de commerce le monopole de ces cursus très rentables et qui séduisent de nombreuses familles, se sont sans doute dit les directions de ces établissements.

Depuis trois ans, plusieurs écoles d’ingénieurs ont commencé cette nouvelle offre, pour des bacheliers technologiques ou ­généraux. Avec, à chaque fois, la éventualité de s’arrêter à bac + 3 ou d’aller jusqu’à bac + 5, dans le même établissement ou ailleurs. Certains se sont placés à mi-chemin entre l’ingénierie et le business. L’ESEO, à Angers et Paris, par exemple, a reproduit le sien, spécialisé dans les « solutions numériques connectées ». A La Rochelle, l’Eigsi a ouvert un bachelor en « changement numérique des entreprises ». A Sceaux, l’EPF a initié, en partenariat avec une école de commerce, un cursus postbac de trois ans pour former des « innovateurs », avec un semestre obligatoire dans une université étrangère. L’Esilv, à la Défense, s’est aussi installée sur ce créneau.

Varier les profils

Très entourés, ces cursus peuvent « rassurer » des parents, alors prêts à payer le prix : entre 6 000 euros et 8 000 euros par an pour la plupart des bachelors des écoles privées (hors Arts et métiers, une école publique). Le but de ces établissements est surtout de coller aux attentes de la nouvelle génération : ne pas s’engager pour trop longtemps. Trois ans, et on voit ultérieurement.

Le bachelor forme donc une nouvelle offre dans le paysage des écoles d’ingénieurs, qui était déjà divisé en deux clans : les cursus postbac en cinq ans (comme les écoles INSA, dont la plus aperçu est celle de Lyon), et ceux abordables à partir de bac + 2, après une prépa ou par le biais d’admissions parallèles.

De la même façon que les écoles postbac ont varié le profil des étudiants ingénieurs, on peut parier que les bachelors joueront de même ce rôle, entraînant vers des études longues des jeunes pas certainement issus de la filière S et qui, au départ, n’étaient pas sûrs de vouloir s’engager pour aussi longtemps dans une même voie. Cette évolution devrait se poursuivre avec la future réforme du bac, qui ­diversifiera encore plus les profils des élèves.

Aujourd’hui, selon la Conférence des ­directeurs des écoles françaises d’ingénieurs, dans les plus de 200 établissements habilités à ­remettre un diplôme ­reconnu par la commission des titres d’ingénieur, les diplômés ne sont que 40 % à être passés par une classe prépa. Ils sont autant à y avoir été acceptés immédiatement après le bac, tandis que 20 % les ont intégrés après un premier diplôme.

 

IUT, licences pro, bachelors : mutations en vue

Un rapport recommande d’allonger la scolarité des IUT à trois ans et de réformer la licence professionnelle. Des décisions sont attendues bientôt.

Alourdi et détourné de ses fonctions initiales, l’enseignement supérieur court et professionnalisant – surtout les instituts universitaires de technologie (IUT) et les licences professionnelles – est à un tournant. Le diagnostic a été posé : au lieu d’être avant tout des tremplins vers l’emploi, ces filières sont devenues des tremplins vers les études longues – tandis que les bacheliers généraux sont de plus en plus nombreux à s’y intéresser.

En en plus, les jeunes qui décident de s’insérer sur le marché du travail à bac + 2 et bac + 3 réussissent des niveaux d’emploi insuffisants, qui ne sont pas, pour 45 % d’entre eux, en adéquation avec leur formation. Alors même qu’il existe des besoins sur le marché du travail. Ces constats ont conduit le ministère de l’enseignement supérieur à décocher en octobre une concertation sur la modernisation des formations courtes postbac.

Mission d’immatriculation professionnelle

A l’issue d’une consultation de divers acteurs, un rapport a été remis à la ministre, Frédérique Vidal, le 31 janvier 2019. Il offre de réorganiser l’accueil des étudiants dans ces formations et « de faire en sorte d’améliorer leur réussite », déclare François Germinet, président de l’université de Cergy-Pontoise et corapporteur du texte. Surtout pour les bacheliers technologiques qui s’engagent dans les IUT, et s’y trouvent en concurrence avec des bacheliers généraux.

« Il s’agit de rééquilibrer progressivement à 50/50 la part des diplômés qui entrent sur le marché du travail et celle qui continue les études », François Germinet

Deuxième objectif : convenir ces formations courtes sur leur mission d’insertion professionnelle, les besoins en professions moyennes étant réels du côté des entreprises. Or, actuellement, 90 % des titulaires d’un diplôme universitaire de technologie (DUT) continent leurs études. « Il ne s’agit pas de fermer cette possibilité, mais de rééquilibrer progressivement à 50/50 la part qui entre sur le marché du travail et celle qui continue les études », énonce François Germinet.

Plusieurs passerelles

Pour mieux former les étudiants et s’aligner aux besoins du marché, les DUT, en ce moment en deux ans, devraient ainsi voir leur cursus allongé à trois ans. Un chantier qui, selon toute vraisemblance, ne débutera pas avant la rentrée 2020. Autre préconisation : les programmes auraient un plus faible caractère national (70 % des contenus, contre 80 % actuellement).

Finalement, plusieurs passerelles devraient être facilitées tout au long du cycle. Avec la question – que devra trancher le ministère – d’une certification intermédiaire à bac + 2. Un moyen de « sécuriser les parcours », différemment dit de conserver l’attractivité du DUT pour les publics les plus fragiles, qui pourraient être échaudés à l’idée de s’engager dans une voie pour trois années, « que cela soit pour des raisons sociales, financières ou géographiques », précise le rapport.

Ce nouveau DUT qui délivrera un diplôme bac +3 (« grade de licence ») sera « plus adapté à l’individualisation des parcours », déclare Rodolphe Dalle, l’autre rapporteur, président de l’Assemblée des directeurs d’IUT (Adiut). Le réseau attend aussitôt les décisions du ministère avant de s’atteler à la lourde tâche de refonte de tous les programmes.

Une licence pro étalée

Autre atelier parallèle : la réforme de la licence professionnelle. Ces formations pourraient être étalées sur trois ans (actuellement, ce ne sont que des troisièmes années de licences). Avec, selon les cas, des intégrations possibles en deuxième ou troisième année. Certaines de ces licences pro (les moins spécialisées) s’introduiraient dans les nouveaux parcours en trois ans des DUT. D’autres garderaient leur filière propre.

Reste à savoir quelles conséquences cette réorganisation aura sur le recrutement des grandes écoles. Nombre d’entre elles puisent en effet dans les viviers des BTS, DUT et licence pro pour remplir leurs promotions avec des « admissions parallèles », qui constituent souvent plus de la moitié de leurs effectifs. Au lieu d’aller chercher des candidats à la sortie des DUT, « ces écoles pourraient recruter à bac + 2 dans les doubles licences, et développer le recrutement à bac + 3 en licence générale », préconise François Germinet. Ce qui semble convenir au président de l’Adiut : « On ne peut pas demander aux IUT d’être à la fois des acteurs importants de l’insertion professionnelle tout en alimentant de manière significative les écoles en diplômés ! »

Le bachelor en attente d’un « grade de licence »

Autre sujet brûlant dans ce paysage : le bachelor. Les établissements de la Conférence des grandes écoles (CGE) sollicitent l’attribution par l’Etat du « grade de licence » (un label d’état, garant d’une certaine qualité) pour leurs programmes bachelor. A la manière du « grade de master » qu’elles ont obtenu pour leurs diplômes bac + 5.

Les bachelors, cursus postbac en trois ou quatre ans, se sont amplement développés ces dernières années dans les écoles de commerce et d’ingénieurs. Leurs diplômés peinent parfois à poursuivre leurs études, en cycle master à l’université ou à l’étranger, faute de reconnaissance officielle de leur diplôme dans le système public. Et les familles peuvent être désorientées par une offre privée foisonnante et peu contrôlée. Ce dossier est porté par la CGE depuis plusieurs années, et le ministère de l’enseignement supérieur semble désormais prêt à l’étudier.

« Diplôme roi »

« Le bachelor est venu rebattre les cartes, avec une forte appétence des jeunes et des familles, mais aussi des entreprises, pour ces formations », admet François Germinet. Mais les rapporteurs se montrent très prudents envers ces formations coûteuses, qui entrent clairement en concurrence avec les DUT, les BTS et les licences. Leurs arguments : ces bachelors sont des formations très hétéroclites du point de vue de leur qualité. L’usage du terme « bachelor » n’est en effet pas protégé (contrairement à celui de master). « Les bachelors se développent, y compris dans des établissements hors de la Conférence des grandes écoles », constate Anne-Lucie Wack, la présidente de la CGE.

« Il faut qu’un système d’accréditation garantisse la qualité de ces formations et devienne un gage de confiance pour les familles », déclare Anne-Lucie Wack

« Ce n’est guère étonnant, c’est le diplôme roi à l’international. Il faut qu’un système d’accréditation garantisse la qualité de ces formations et devienne un gage de confiance pour les familles. » Ces formations seraient observées par l’Etat selon plusieurs critères – encore à déterminer –, à débuter par la qualité académique, les liens avec l’entreprise ou le niveau d’insertion professionnelle. Ce dossier est désormais entre les mains de Jacques Biot, ancien président de Polytechnique, et Patrick Lévy, président de l’université de Grenoble-Alpes, chargés par Frédérique Vidal de redonner un rapport sur le sujet courant février.

 

A Sciences Po, une vraie face de la différence

L’Institut d’études politiques parisien multiplie les voies de recrutement, mais trouve  encore une difficulté à s’ouvrir aux jeunes des zones rurales et périphériques. Une réforme des voies d’accès en première année est prévue en 2021.

Claire l’avoue aisément. Avec ses « bons résultats sans plus » – bac ES mention « assez bien » dans un lycée privé parisien –, elle aurait eu du mal à intégrer Sciences Po Paris à la fin de son année de terminale. Aisément conseillée, elle a convaincu ses parents de la laisser partir suivre une licence de sciences politiques en Angleterre, à l’université d’York. En janvier 2017, six mois avant l’obtention de sa licence, elle postule à Sciences Po afin d’intégrer l’école en master. Non pas par le concours classique, mais par la procédure internationale, un mécanisme réservé aux étrangers et aussi – et ils sont nombreux – aux Français qui ont étudié hors de nos frontières.

Pas de bachotage durant des mois. Pas d’angoisse en  vue d’un sujet de dissertation inconnu. Pas de stress avant un entretien décisif. Juste une lettre précieusement préparée et un dossier. Quelques semaines plus tard, la réponse tombe : elle est admise à la prochaine rentrée. « Quand je suis partie en Angleterre, j’avais en tête que cette stratégie me permettrait d’intégrer une meilleure école que celle à laquelle je pouvais prétendre après le bac ou en faisant une prépa, que cela soit Sciences Po ou une école de commerce type HEC », décalre celle qui dit avoir acquis de l’autre côté de la Manche, outre un très bon niveau d’anglais, une capacité à « penser par elle-même », et qui fait un « stage dans une start-up de cosmétiques naturels », entre ses deux années de master.

La méconnue procédure internationale

Si cet action internationale permet à Sciences Po de diversifier le pedigree de ses admis, elle reste exclusivement aux connaisseurs. Des « initiés » qui savent que seuls les excellents élèves réussissent à entrer à Sciences Po après le bac. En juin 2018, 86 % des 5 680 lycéens qui se sont présentés au concours ont été recalés. Ceux qui traversent la ligne « ont rarement eu moins de 16/20 de moyenne aux épreuves anticipées du bac, détaille Bénédicte Durand, directrice des études et de la scolarité à Sciences Po. L’année dernière, 97 % de nos admis en première année ont eu une mention “bien” ou “très bien” ».

Avec 17/20 de moyenne en première et 18/20 en terminale ES, Cyann rentrait dans ces cases. Née en Ardèche, elle va au lycée à Privas, la plus petite préfecture de France. Elle se considère comme faisant partie des « privilégiés » : ses parents, enseignants tous les deux, la supportent dans ses révisions et l’aident à comprendre les critères attendus, l’inscrivent à la prépa du CNED dès la première… Soirs et week-ends sont dédié à la préparation du concours – elle se garde juste du temps pour ses cours de théâtre. « Je lisais beaucoup moins de romans qu’avant, et faisais moins de sport, voyais moins mes amis. »

 

Les universités françaises pourraient augmenter les frais d’inscriptions des étrangers, pour faire face à la crise

Pendant que,  le gouvernement doit annoncer un plan pour relancer l’attractivité de la France auprès des étudiants, les universités se demandent comment recevoir toujours plus d’élèves, sans frais supplémentaires. L’une des solutions pour y arriver : élever les frais des étudiants non-européens.

Les universités françaises sont dans le rouge. Avec 38 000 étudiants supplémentaires l’année dernière, et 40 000 cette année, les budgets ne suivent pas, explique Hervé Christofol, secrétaire général du (syndicat national de l’enseignement supérieur). « Le ministère n’a donné aucun euro supplémentaire aux établissements qui avaient vu croître leur nombre d’étudiants. Donc, pour accueillir à budget constant, ça veut dire qu’il faut parfois supprimer des parcours, voire des formations pour faire des économies, et regrouper des étudiants dans des amphis toujours plus importants. »

« Ça ne favorise ni la réussite des étudiants, ni les conditions de travail du personnel » – Hervé Christofol

Université d’une taille moyenne, celle du Mans, surtout, peine à équilibrer son budget. « Beaucoup de projets de développement ne peuvent pas être conduits par manque de moyens« , regrette son président Rachid El Guerjouma. « Mais il est vraiment admis de tous, y compris, je pense, du ministère, que le financement des universités n’est pas à la hauteur des enjeux, et ce depuis pas mal d’années. »

L’inscription plus chère pour les étudiants étrangers ?

Dans les universités, de nombreux responsables et personnels estiment qu’un réengagement de l’État est indispensable. Mais le gouvernement pourrait procéder différemment. Dans le cadre des meetings universitaires de la Francophonie, qui commencent ce lundi à Paris, il devrait proposer une réforme des droits d’inscription dans les universités pour les étudiants extra-communautaires (hors Union Européenne). Cela concernerait 100 000 personnes, environ un tiers des étudiants étrangers accueillis chaque année.

Là où ces étudiants hors-UE paient aujourd’hui des frais classiques, ils pourraient à l’avenir payer des frais plus élevés, de l’ordre d’un tiers du coût réel. Et, contrairement à ce que l’on pourrait croire, cela pourrait bien rendre de l’attractivité à nos universités.

Les coûts élevés, synonymes de qualité pour certains étudiants

Selon Patrick Courrilleau, vice-président de l’université de Cergy-Pontoise, le prix peu élevé en France a parfois un effet repoussoir, surtout pour les Asiatiques. « Certains parents nous disent : ‘Mais ce n’est pas possible que vous arriviez à faire tout cela en nous demandant aussi peu.’ Des parents pas rassurés par ce coût modique. C’est une réalité évidente, hors Europe.« 

« À partir du moment où la formation est quasiment gratuite, on a l’impression que c’est une formation qui ne doit pas avoir beaucoup de valeur. » – Patrick Courrilleau

Le vice-président est donc plutôt adepte de cette approche, d’autant que le nombre d’étrangers accueillis dans nos universités a baissé de 8,1 % entre 2010 et 2015. Cette nouvelle solution pourrait donc permettre d’inverser la tendance, même si la FAGE, premier syndicat étudiant, ne partage pas l’idée. Selon elle, ce ne sont pas les frais d’inscription qui expliquent les problèmes d’attractivité de la France, mais avant tout les complexités administratives auxquelles doivent faire face les étudiants étrangers.

LA SILICON VALLEY À LA FRANÇAISE

Au sud-ouest de Paris est en train d’apparaître un pôle d’innovation de rang mondial. Des universités, des grandes écoles et des centres de R&D affluent sur le site Paris-Saclay, qui réunit déjà 15% de la recherche privée et publique française.

Ce n’est encore qu’un vaste chantier, une zone particulièrement agricole dominée d’une immense forêt de grues. Aux confins de l’Essonne et des Yvelines, à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest de la capitale, tout un pôle de recherche et d’innovation est en train de se construire à un rythme effréné : le cluster Paris-Saclay. L’Ecole polytechnique, CentraleSupélec, l’Institut de mathématique d’Orsay, l’Institut d’optique et l’Ecole nationale de la statistique et de l’administration économique (Ensae) y ont déjà installé dans des locaux flambant neufs. Ils ont rapidement été rejoints par Horiba (le géant japonais de l’optique et de l’instrumentation), par l’EDF Lab et ses 1.000 salariés et étudiants, par le centre de recherche de l’avionneur Safran et par Nokia.

Et ce n’est qu’un début. Normale sup Cachan, Télécom ParisTech, AgroParisTech et les départements de biochimie de l’université Paris-Sud sont attendus d’ici à 2021, ainsi que Total ou la R&D du groupe pharmaceutique Servier. C’est simple : en incluant les agglomérations de Versailles et de Saint-Quentin-en-Yvelines, qui font désormais partie du nouveau pôle, Paris-Saclay concentre déjà 15% de la recherche française, publique et privée. A terme, on devrait atteindre 20%.

  • 1,7 million de mètres carrés aménagés, dont 560.000 déjà réalisés en mars 2018. 4.100 hectares de zone naturelle protégée, dont 2.500 de terres agricoles. 5,3 milliards d’eurosinvestis par l’Etat (construction de la ligne 18 comprise). 18.000 logements (dont 8.000 destinés aux étudiants).

Business et neurones

“L’idée d’une Silicon Valley à la française est né en 2010, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, en même temps que le Grand Paris et le projet de supermétro”, raconte Philippe Van de Maele, le directeur de l’Etablissement public d’aménagement Paris-Sacaly, qui pilote l’opération. L’objectif fixé à cet ingénieur, ancien président de l’Ademe et passé par chez Bouygues, est clair : assembler sur un seul territoire les fleurons de la recherche académique et privée française, afin de favoriser les échanges entre chercheurs, étudiants et entreprises, mais aussi de gagner en visibilité internationale. Le choix du plateau de Saclay s’est imposé naturellement : le CNRS s’y est installé après la Seconde Guerre mondiale, suivi par le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et l’université Paris-Sud. Dès la création du projet, il a été prévu d’inscrire le site, desservi seulement par la nationale 118, dans le plan de la future ligne 18 du métro Grand Paris Express, qui devra le relier notamment à Orly et à Versailles.

“Le projet se décline en trois volets, détaille Philippe Van de Maele. Le volet académique, le volet économique et le volet urbain, lequel inclut la construction de logements, d’écoles et de commerces au coeur même du nouveau campus.” Premier à être lancé, le projet académique est ambitieux : il a comme objectif d’ouvrir une université de rang mondial, destinée à figurer dans le top 20 du célèbre classement des universités de Shanghai, donc bien mieux cotée que Sorbonne Université, l’entité née en janvier de la fusion de Pierre-et-Marie-Curie et de Paris IV… qui pointe aujourd’hui à la 36e place.

L’université Paris-Saclay, qui s’ouvrira officiellement le 1er janvier 2020, va réunir une vingtaine d’établissements (les universités de Paris-Sud, Evry et Versailles-Saint-Quentin, des grandes écoles, le CNRS, le CEA, l’Inra, l’Inria…) et va publier sous sa bannière toutes les thèses produites. Très imposant, son périmètre sera pourtant moins étendu que prévu : Polytechnique, rechignant au mariage et craignant les “lourdeurs” de ses partenaires universitaires, a en effet décidé de faire cavalier seul au sein d’un institut technique de type MIT, constitué avec l’Ensta (Ecole supérieure des techniques avancées), l’Ensae et Télécom SudParis.

Esprit lab

La création d’un pôle académique est un argument de taille pour encourager les entreprises à installer leurs équipes de R&D sur le plateau. Comme l’a fait EDF avec son EDF Lab. “La plupart de nos partenaires académiques – le CEA, Supélec, Polytechnique, Normale sup – se existent sur place, explique Jean-Paul Chabard, directeur scientifique de la R&D. Cela nous a semblé évident d’y déménager les 1.200 salariés de notre ancien centre de recherche de Clamart.” Adepte de l’innovation ouverte, l’électricien anime en effet depuis plusieurs années des laboratoires de recherche communs avec ces établissements, sur des thèmes aussi variés que les réseaux électriques intelligents ou les séismes. Il a aussi profité de son arrivée sur le plateau pour y ouvrir, avec Total et Air liquide, l’Institut photovoltaïque d’Ile-de-France, consacré à la recherche sur les énergies nouvelles. Afin de bénéficier de l’effet campus, EDF Lab joue la carte de l’interaction et prête volontiers son amphithéâtre de 550 places à ses partenaires ou à ses nouveaux voisins. Si l’énergie s’annonce comme une spécialité forte du futur pôle d’innovation, elle est loin d’être la seule.

L’intelligence artificielle devrait également s’y épanouir, avec la création d’un center for data science, consacré à développer les outils nécessaires à l’analyse du big data. Il se murmure aussi qu’IBM pourrait installer ici un centre de recherche européen sur le sujet. Le pôle s’installe en outre dans le secteur de la santé, capitalisant sur la présence dans le voisinage du centre de R&D de Danone, mais aussi sur l’arrivée en 2021 des équipes de recherche des laboratoires Servier. Attiré par l’installation imminente à Saclay de la faculté de pharmacie de Châtenay-Malabry, Servier veut y regrouper ses trois centres de recherche français et annonce l’ouverture d’un incubateur qui mettra à la disposition des start-up une panoplie d’équipements destinés à la pharmacie.

En attendant les étudiants

Si les jeunes pousses ne sont pas encore légion sur le plateau, Philippe Van de Maele se dit bien décidé à les y attirer, avec l’ouverture, dans deux ans, d’un IPHE (incubateur, pépinière, hôtel d’entreprises). Il a mit en place, avec VivaTech, la première édition du Paris-Saclay Spring, qui a rassemblé 320 start-up et nombre de directeurs R&D en mai 2018.”Il faut que Paris-Saclay soit dans le logiciel des investisseurs et des business angels”, proclame-t-il. Les locataires de l’IPHE pourront en tout cas tester leur ingéniosité en s’efforçant d’améliorer la vie quotidienne sur le plateau, car elle relève plus aujourd’hui de la galère et de la débrouille que de la fluidité propre aux grands campus technologiques.

Alors que l’ouverture de la ligne 18 du métro était programmée en 2024, le gouvernement l’a retardé à 2027 pour le tronçon vers Orly et à 2030 vers Versailles ! Un mauvais coup porté à Paris-Saclay. “C’est à croire que l’Etat ne comprend pas son propre projet », glisse un observateur, amer, qui rappelle que 50.000 personnes gagneront le plateau tous les jours en 2020 et 70.000, à terme. Certaines entreprises ont déjà mis en place des navettes, comme celle que se partagent les salariés d’EDF, de l’Onera et du CEA, à partir de la porte d’Orléans, à Paris. L’autopartage a de beaux jours devant lui… ainsi que les embouteillages, déjà légendaires. Sans compter que ce gros raté pourrait aussi refroidir les ardeurs de certaines entreprises… et des habitants appelés à s’installer bientôt dans les 10.000 logements familiaux planifiés sur le site.

L’excellence sur un plateau

“Trop tard pour reculer, se rassure Philippe Van de Maele. Avec tous les projets en cours, la taille critique est dépassée.” Des entreprises et écoles commencent même à communiquer sous la marque Paris-Saclay. Plus anecdotique, mais indispensable à la vie d’un lieu qui veut favoriser l’échange et les interactions, l’ouverture de cafés et autres lieux de convivialité devrait bientôt réconforter les salariés déjà présents sur le site : à défaut d’un transport express, ils pourront siroter un expresso en se félicitant de figurer parmi les pionniers d’un pôle d’innovation destiné à faire partie des huit premiers du monde, selon le MIT. “Le prochain Google sera français et naîtra sur le plateau”, prédit Philippe Van de Maele. On ne demande qu’à le croire.