Archive dans 2021

Elisabeth Borne et Ambroise Méjean : « La réponse à la précarité des jeunes n’est pas le RSA »

Tribune. La crise sanitaire et économique que nous traversons touche particulièrement la jeunesse : marché du travail sous tension, isolement, détresse psychologique, précarité… Face à l’urgence, le gouvernement se tient à ses côtés.

Avec 7 milliards d’euros investis, le plan « 1 jeune, 1 solution » est d’une ampleur sans précédent. Avec ses primes à l’embauche et à l’apprentissage, il a permis d’obtenir des résultats inédits malgré la crise. En 2020, la France a dépassé la barre des 500 000 apprentis pour la première fois de son histoire et près de 1,2 million de jeunes de moins de 26 ans ont été embauchés en CDI ou en CDD de plus de trois mois entre août et décembre, soit presque autant qu’en 2018 et 2019 à la même période.

Mais nous devons continuer d’agir contre la précarité qui frappe notre jeunesse. C’est pourquoi nous défendons la généralisation de la « garantie jeunes » plutôt que l’ouverture du RSA aux 18-25 ans.

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La raison est profonde. A 20 ans, on souhaite pouvoir tracer le chemin de son avenir. Bien sûr, les aides financières peuvent venir combler certains manques. Mais elles ne sont pas et ne doivent pas être une fin en soi. Aucun jeune en situation de précarité n’aspire à des prestations comme seul horizon. Il souhaite surtout pouvoir trouver une formation ou un emploi pour en sortir. Et c’est cet accompagnement que nous devons à chaque jeune.

Devenir autonomes

La réponse tient-elle dans un RSA jeune ? Nous ne le croyons pas. Car le volet « insertion » qui devait être le pendant de ce revenu de solidarité a disparu. En 2019, plus d’un allocataire sur deux au RSA depuis moins de six mois ne bénéficiait pas d’accompagnement vers l’emploi. Ce n’est pas cet horizon que nous voulons donner à notre jeunesse. Car si le RSA ne joue plus son rôle d’outil d’insertion, il ne peut devenir facteur d’émancipation. Force est de constater que les défenseurs du RSA jeune ferment les yeux sur cette réalité. Pourtant, notre jeunesse demande à s’en sortir durablement, pas qu’on lui permette uniquement de survivre.

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C’est pourquoi, à celles et ceux pour qui le RSA jeune est devenu un réflexe pavlovien, nous répondons que nous avons mieux à proposer aux jeunes : la généralisation de la garantie jeunes à toutes celles et ceux qui en ont besoin. Nous sommes convaincus qu’elle permettra de répondre à l’impératif d’offrir un soutien financier pour faire face à l’urgence, tout en proposant un véritable accompagnement humain vers l’emploi, pour permettre aux jeunes de devenir autonomes et de s’en sortir pour de bon.

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La Commission européenne veut améliorer le sort des travailleurs des plates-formes de livraison de repas et de VTC

La pandémie de Covid-19 a accéléré le développement des services numériques en Europe depuis un an.

La Commission européenne a lancé mercredi 24 février une consultation des organisations syndicales et patronales pour améliorer le sort des travailleurs des grandes plates-formes numériques, comme celles de livraison de repas à domicile ou de chauffeurs VTC. La première phase de cette consultation durera six semaines avec les syndicats et organisations patronales de l’Union européenne (UE), afin de recueillir leurs idées sur des actions à mettre en œuvre.

Certains types d’emplois pour le compte des plates-formes sont synonymes de « conditions de travail précaires (…) et d’accès insuffisant à la protection sociale », souligne la Commission dans un communiqué. Elle reconnaît cependant qu’ils peuvent aussi « offrir de la flexibilité, des opportunités d’emplois et des revenus supplémentaires, notamment à des personnes ayant du mal à entrer sur le marché du travail traditionnel ».

La pandémie de Covid-19 a accéléré le développement des services numériques en Europe depuis un an, et « a souligné le besoin d’une initiative de l’UE pour améliorer les conditions de travail » des personnes œuvrant dans ce secteur, estime la Commission.

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« Une initiative à la fin de l’année »

Si les partenaires sociaux échouent à se mettre d’accord pour ouvrir des négociations à l’issue de la première phase de consultation, une seconde phase de discussions s’ouvrira autour des mesures envisagées par l’UE. En cas de nouvel échec, la Commission « présentera une initiative à la fin de l’année ».

« Nous devons tirer le meilleur parti du potentiel de création d’emplois des plates-formes numériques, tout en assurant la dignité, le respect et la protection des personnes qui travaillent pour elles », a déclaré Nicolas Schmit, commissaire européen à l’emploi. Les entreprises du secteur sont souvent accusées d’abuser du statut de travailleur indépendant, notamment pour éviter des cotisations sociales et externaliser certains coûts et risques.

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Le groupe S&D (socialistes et démocrates) du Parlement européen a réclamé mercredi que ces travailleurs indépendants soient « reconnus comme salariés avec tous les droits qui en résultent en matière de rémunération, de protection sociale, de sécurité et de négociation collective ». « C’est si facile, en un clic sur le téléphone d’avoir un repas servi à domicile, une voiture à disposition, ou une personne pour faire le ménage. Mais certaines personnes paient un prix très élevé pour ce confort », a souligné l’eurodéputée S&D Elisabetta Gualmini.

Bruxelles estime qu’un actif sur dix dans l’UE a collaboré au moins une fois avec une plate-forme numérique.

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Le Monde avec AFP

La vaccination anti-Covid fait son entrée en entreprise

Alors que la vaccination contre le Covid-19 en entreprise n’était pas envisagée avant le printemps, avec l’ensemble de la population, le ministère du travail accélère le calendrier. La direction générale du travail (DGT) a informé les médecins du travail qu’ils pourraient, dès le jeudi 25 février, lancer la campagne au moyen du vaccin d’AstraZeneca pour une première catégorie de personnel : les salariés de 50 à 64 ans « atteints de comorbidité » (hypertension compliquée, diabète non équilibré, obésité, cancers sous traitement, etc.). Cette tranche d’âge compte au total près de 8 millions de salariés, selon l’Insee.

La vaccination ne peut s’organiser que sur la base du volontariat et dans le strict respect de la confidentialité « vis-à-vis des employeurs », indique la DGT. Les entreprises doivent informer l’ensemble des salariés de la possibilité de se faire vacciner, y compris ceux qui sont en chômage partiel ou en télétravail, mais aucune « convocation individuelle » ne peut être « transmise sous couvert du chef d’entreprise ».

Organisation « transversale »

Le choix est à l’initiative du salarié. « Les personnes de plus de 50 ans concernées par les pathologies ciblées devront effectuer d’elles-mêmes la démarche de se rapprocher du SST [service de santé au travail] en vue d’une vaccination. » Et la non-vaccination ne peut pas devenir un motif d’exclusion de l’entreprise : « Aucune décision d’inaptitude ne peut être (…) tirée du seul refus du salarié de se faire vacciner », précise la DGT.

Toutes les entreprises sont concernées. Les services de santé au travail présents sur tout le territoire sont implantés soit au sein d’une entreprise, soit dans des centres extérieurs. A titre d’exemple, le service aux entreprises pour la santé au travail (SEST) d’Ile-de-France, qui compte 6 500 entreprises adhérentes pour 100 000 salariés, est déployé dans neuf centres d’Ile-de France, des Hauts-de-Seine au Val-de-Marne.

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La campagne de vaccination est envisagée de préférence « dans les locaux du service [de santé au travail] et non dans des locaux sis au sein des entreprises », écrit la DGT, qui conçoit que l’organisation soit « transversale » avec les médecins disponibles qui vaccineraient tous les salariés volontaires, « plutôt que de demander à chaque médecin de gérer les demandes des travailleurs de l’effectif qu’il a en charge ». C’est le médecin du travail qui indiquera au salarié dans quel centre il doit se rendre.

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Marriott, Hilton, Accor… Les géants de l’hôtellerie essuient des pertes inégalées

Le Jade Boutique Hotel, à Wuhan le 24 janvier 2021.

En présentant ces derniers jours leurs résultats de 2020, les géants de l’hôtellerie ont tiré un trait sur la pire année de leur histoire, mais pas sur une crise dont ils n’imaginaient pas, il y a encore trois mois, qu’elle se poursuivrait au moins jusqu’en 2022. Les propos tenus par les responsables de Marriott, Hyatt, Hilton ou Accor ressemblent fort à ceux du printemps 2020, quand la pandémie de Covid-19 mit brutalement à l’arrêt le tourisme mondial.

« Bien qu’il soit impossible de prédire le calendrier d’une reprise totale, nous sommes confiants dans le fait que nous observerons des progrès significatifs dans le courant de l’année » : que pouvait dire d’autre Lenny Oberg, directrice financière de Marriott, au moment de commenter les perspectives incertaines du numéro un mondial du secteur ?

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Même pronostic incantatoire, mercredi 24 février, dans la bouche de Jean-Jacques Morin, son homologue du groupe Accor : « Il y a quelques signes de reprise, avec notamment l’arrivée des vaccins, mais l’incertitude reste malheureusement le mot-clé. » Tous ont dû dévoiler des chiffres en deçà des attentes, qui n’étaient déjà pas bien hautes.

Centres d’affaires vides

Après un troisième trimestre marqué par un regain de l’activité partout dans le monde, la deuxième vague mondiale de la pandémie et la reprise des restrictions au voyage ont ruiné les espoirs d’un retour rapide à meilleure fortune. Les principales chaînes hôtelières ont annoncé leurs premières pertes annuelles depuis 2009, année de la crise économique mondiale. Exception majeure : le géant chinois Jin Jiang pourrait présenter le mois prochain un léger bénéfice annuel à faire pâlir d’envie ses rivaux occidentaux.

Au palmarès des déboires, Accor tient la corde avec une chute du RevPAR (revenu par chambre, indice de référence du secteur) de 62 % en 2020. Le britannique IHG et les américains Hilton, Hyatt et Marriott – qui a perdu son PDG, Arne Sorenson, mort le 15 février d’un cancer à l’âge de 62 ans – se tiennent dans un mouchoir de poche entre – 52 % et – 60 %. Wyndham limite la baisse à un tiers, comme Choice Hotels.

Les hôtels de luxe et ceux de séminaires, proches des aéroports, sont les plus touchés par la baisse de 75 % des déplacements internationaux

Ces deux chaînes américaines présentent la particularité de miser sur une hôtellerie de moyenne gamme et d’être peu représentées dans les grands centres urbains. Ce n’est pas le cas de leurs concurrents installés dans les grands centres d’affaires mondiaux, et qui ont dans leurs portefeuilles certains des palaces les plus prestigieux. Les hôtels de luxe et ceux de séminaires, proches des aéroports, sont les plus touchés par la baisse de 75 % des déplacements internationaux – un milliard de voyageurs évaporés.

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A Paris, les salariés de Norwegian luttent pour faire respecter leurs droits

Un avion de la compagnie Norwegian s’apprête à atterrir à l’aéroport d’Arlanda, près de Stockholm, le 16 mars 2020.

Après avoir lancé le long-courrier à bas coûts, Norwegian pourrait bien être la championne de la liquidation low cost. La compagnie aérienne norvégienne a engagé une double procédure de liquidation judiciaire, en France et en Irlande, de sa filiale française. Cette démarche fait suite à l’arrêt des vols long-courriers, y compris au départ de Paris.

Pour faire respecter leurs droits, les 286 salariés de la compagnie étaient appelés par les syndicats à manifester, mercredi 24 février, devant l’ambassade de Norvège à Paris. Les 145 pilotes, les 136 hôtesses et stewards ainsi que les 5 personnels administratifs ont de quoi être inquiets. La filiale française, baptisée Norwegian Air Ressources France (NAR), n’est pas directement rattachée à la maison mère, sise en banlieue d’Oslo. Elle dépend d’une entité juridique dénommée NAR Irlande.

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Cette dernière a demandé au tribunal de Dublin de faire constater son insolvabilité pour être placée en liquidation. Une décision qui serait tout à l’avantage de Norwegian, car elle « ferait supporter le coût du plan social par l’assurance garantie des salaires », note Fiodor Rilov, avocat du comité social et économique (CSE) de Norwegian France. Si la compagnie norvégienne obtenait gain de cause, elle ferait une économie substantielle d’une vingtaine de millions d’euros. Une somme qui, en revanche, serait payée par les contribuables français.

Les syndicats de la compagnie dénoncent « les méthodes de voyous » de la direction. Depuis des semaines, cette dernière est, selon eux, aux abonnés absents. « Nous sommes coupés de tout, se désole Jordan Passelecq, délégué du Syndicat national des pilotes de ligne. La direction des ressources humaines ne répond plus, et l’on nous a coupés de l’intranet. Pour eux, nous n’existons plus. » Les salaires de janvier ont été versés avec une dizaine de jours de retard et l’inquiétude règne pour ceux de février. Pire, signalent les syndicats, « depuis le début de la crise, Norwegian a triché sur le calcul du montant de l’indemnité de chômage partiel ». Ils rappellent qu’un jugement du tribunal des référés en date du 20 décembre 2020 « a statué en faveur des salariés ». Le montant du litige s’élèverait à 5 millions d’euros.

« Un gigantesque flou »

Pourtant, le CSE n’est pas convaincu de l’insolvabilité de la compagnie. Les caisses seraient loin d’être vides. Aux 2,5 millions d’euros avancés par la direction, les syndicats opposent un véritable pactole de « 120 millions d’euros ». C’est peut-être la raison pour laquelle la direction laisse planer « un gigantesque flou » sur la véritable situation financière de sa filiale. L’information du CSE, pourtant prévue par la législation, serait « très incomplète », dénoncent les syndicats, qui affirment que « Norwegian ne cesse de violer la législation ».

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Trop-perçus de l’aide aux travailleurs précaires : les syndicats appellent à la « clémence »

Les syndicats CFDT et FO ont alerté, lundi 22 février, sur des « dysfonctionnements » dans le versement de l’aide exceptionnelle, destinée aux 400 000 travailleurs précaires et devant leur garantir un revenu mensuel de 900 euros net.

Annoncée pour les demandeurs d’emploi ayant alterné les périodes d’emploi et de chômage en 2019, la CFDT note, dans une lettre ouverte au directeur général de Pôle emploi, Jean Bassères, que « malgré les alertes des conseillers indemnisation sur les risques de versements erronés, il s’avère que 40 000 demandeurs d’emploi auraient finalement perçu à tort tout ou partie de cette prime ». Une estimation que Pôle emploi n’a pas confirmée.

Face à ces couacs, la direction de certaines régions aurait demandé aux conseillers de récupérer les sommes versées par erreur, selon le syndicat. Ce dernier demandant « solennellement de ne pas procéder au rattrapage de ces trop-perçus » auprès de personnes « qui rencontrent déjà des difficultés financières importantes ». Dans cette même lettre, la CFDT note également que d’autres demandeurs d’emploi n’ont pas perçu l’aide exceptionnelle, alors qu’ils pouvaient y prétendre.

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Un couac « relativement mineur » face aux 400 000 bénéficiaires

Dans un communiqué à part, Force ouvrière « en appelle à la clémence de la ministre du travail afin que soient abandonnées les procédures en cours pour les trop-perçus ». « La situation de ces demandeurs d’emploi est déjà dramatique, il serait particulièrement malvenu de les accabler encore davantage », ajoute le syndicat.

Pôle emploi verse automatiquement l’aide aux demandeurs d’emploi remplissant les critères fixés par un décret du 30 décembre. L’opérateur souligne, de son côté, que certains dossiers envisagés comme des trop-perçus peuvent encore être considérés comme éligibles après vérification. Il indique aussi que, face aux 400 000 bénéficiaires de l’aide exceptionnelle, le nombre de trop-perçus est « relativement mineur ». D’après les informations du Parisien, en réalité, 3 à 4 % des dossiers pourraient faire l’objet d’une régularisation, soit environ 15 000 personnes.

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La ministre du travail, Elisabeth Borne, a annoncé, la semaine dernière, la prolongation de cette aide pour trois mois supplémentaires jusqu’à fin du mois de mai. La décision de demander ou non le remboursement des trop-perçus n’est pas du ressort de Pôle emploi mais relève de l’exécutif.

Le Monde avec AFP

Malgré le Covid-19, le numérique a continué à créer des emplois en 2020

« Les start-up y sont pour beaucoup puisque les 120 jeunes pousses retenues dans les indices Next 40 et la French Tech 120 ont, à elles seules, créé 10 500 nouveaux emplois en 2020, portant leur effectif global à 37 500.»

L’emploi dans le secteur du numérique a relativement bien résisté à la crise. Syntec numérique, la fédération patronale du secteur, affirme qu’en 2020, une entreprise sur trois a stabilisé ses effectifs, une sur trois les a augmentés (pour 36 %, de plus de 10 %), et une sur trois les a baissés (de 1 % à 3 %, pour 67 % d’entre elles). Sur la seule population cadres, l’Association pour l’emploi des cadres (APEC) indique que 15 % des entreprises de services à forte valeur ajoutée, dont l’informatique et l’ingénierie, envisagent de recruter au moins un cadre au premier trimestre 2021 : pour les deux tiers de ces intentions d’embauches, il s’agit de créations de postes.

Le numérique a en effet continué à créer des emplois en 2020, malgré le contexte de crise. Difficile de le chiffrer précisément, car les données avancées par les uns et les autres prennent en compte des périmètres différents. Certains considèrent les sociétés de services informatiques et les éditeurs de logiciels ; d’autres intègrent les emplois informatiques dans les entreprises ; d’autres encore y ajoutent les développeurs d’applications, pas systématiquement reconnus comme cadres. Selon Syntec numérique, le secteur des services informatiques et logiciels a créé 21 500 emplois en 2020, contre 23 000 en 2019, et 34 000 en 2018.

Les start-up y sont pour beaucoup puisque les 120 jeunes pousses retenues dans les indices Next 40 et la French Tech 120 ont, à elles seules, créé 10 500 nouveaux emplois en 2020, portant leur effectif global à 37 500. Comme dans la quasi-totalité des activités, le premier confinement avait pourtant marqué un véritable coup d’arrêt des recrutements en informatique. « Puis à l’été, c’est reparti pour les besoins urgents, c’est-à-dire tous les métiers liés au télétravail, à commencer par la cybersécurité. Le second semestre 2020 a été très bon pour les métiers informatiques », précise Olivia Jacob, responsable du secteur numérique pour le cabinet de recrutement Robert Walters.

En tension structurelle

La pandémie de Covid-19 et le recours massif au télétravail qu’elle a entraîné ont accéléré la transformation numérique des entreprises, quel que soit leur secteur d’activité. Toutes les sociétés ont cherché à recruter des profils capables de les accompagner dans la migration de leurs applications informatiques dans le cloud, dans la sécurisation des solutions collaboratives pour leurs employés en travail à domicile et dans la direction des projets de transformation. Autant de métiers qui étaient déjà très demandés avant la crise sanitaire et qui vont rester en tension structurelle.

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Pouquoi l’index 2021 de l’égalité sera biaisé par le chômage partiel

« La comparaison femmes-hommes s’appuie sur des moyennes de salaires. Si dans un groupe de femmes, il ne reste que les mieux payées, la moyenne ne reflétera pas la réalité de l’entreprise..? »

Carnet de bureau. Les brillants résultats de l’index égalité femmes-hommes publiés en 2020 (87,4/100 en moyenne) avaient soulevé des doutes sur sa pertinence pour restituer la réalité des inégalités salariales en entreprise. L’édition 2021, à paraître le 1er mars, pourrait être davantage sujette à caution, à cause du chômage partiel. « Si le chômage partiel a touché différemment les femmes et les hommes sur un même métier ou au sein d’une même catégorie socioprofessionnelle, les indicateurs vont être distordus », explique Bruno Ducoudré, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

Le périmètre des salariés à prendre en compte dans le calcul avait été défini avant le Covid et ses conséquences sur l’organisation du travail. Il excluait de fait les salariés en activité partielle, comme le précise le questions-réponses du ministère du travail, au même titre que les apprentis, les titulaires d’un contrat de professionnalisation, les salariés mis à la disposition de l’entreprise par une entreprise extérieure (dont les intérimaires), les expatriés, et enfin les salariés absents durant plus de la moitié de la période de référence annuelle. « Ce qui est justifié, puisque le chômage partiel baisse la rémunération », précise Bruno Ducoudré.

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Sauf qu’en 2020, le chômage partiel a tenu un rôle particulier dans la gestion de la crise sanitaire. Rien qu’en décembre, il a concerné 2,4 millions de salariés, dont près d’un million dans les entreprises éligibles à l’index égalité femmes-hommes (au moins 50 salariés) : 604 000 salariés dans les entreprises de 250 personnes ou plus, et près de 390 000 dans celles de 50 à 249 salariés. En moyenne depuis mars, chaque mois 1,8 million de salariés ont été placés en activité partielle à cause du Covid dans les entreprises de plus de 50 personnes, soit 10 % des salariés du privé exclus du calcul de l’index pour la période où ils n’ont pas travaillé.

« Discrédit »

« L’index 2021 va être faussé par la non-prise en compte d’une partie de la population », estime également la présidente de l’association Femmes experts-comptables, Françoise Savès. La comparaison femmes-hommes s’appuie sur des moyennes de salaires. Si dans un groupe de femmes, il ne reste que les mieux payées, la moyenne ne reflétera pas la réalité de l’entreprise. Le décret 2019-15 sur les modalités de calcul prévoit toutefois que l’index puisse ne pas être calculable en cas de nombre insuffisant d’un genre ou de l’autre dans une catégorie de salariés. L’entreprise doit alors « en préciser le motif ».

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Affaire GameStop : l’incertaine « rebellion contre l’ordre établi »

Gouvernance. Entre Robin des bois et le shérif de Nottingham se joue l’éternelle et incertaine bataille de la rébellion contre l’ordre établi. L’épisode GameStop qui a agité Wall Street au mois de janvier 2021 en a donné une illustration originale.

L’ordre établi sur les marchés financiers autorise des fonds spéculatifs à parier à la hausse ou à la baisse d’une action en l’achetant ou la vendant à terme, c’est-à-dire à un prix fixé d’avance. Si l’action monte alors qu’elle a été achetée à un prix fixé plus bas, le fonds empoche la différence en fin de mois, quand l’opération se dénoue.

Si elle a baissé alors qu’elle avait été vendue plus cher, le fonds gagne encore. L’activité des gestionnaires consiste donc à miser l’argent de leurs clients sur les bonnes cartes.

Effet de percolation

En 2020, un de ces fonds, Melvin Capital, joue la baisse de l’action de GameStop, un détaillant de jeux vidéo dont la taille est modeste et les résultats plutôt mauvais. Or, GameStop est une icône des amateurs de jeux vidéo. Sur le réseau social Reddit, des internautes déplorent l’acharnement spéculatif contre l’entreprise.

Survient ce qu’on appelle un effet de percolation : la propagation d’une information fait spontanément émerger un collectif hétérogène mais soudain uni. Certains suggèrent une action boursière punitive contre les fonds spéculatifs. En utilisant leur argent personnel, des milliers de petits boursicoteurs se mettent à acheter des actions de GameStop pour faire monter son cours.

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Effectivement, celui-ci passe de 21 dollars fin décembre à… 350 dollars un mois plus tard. Au moment de dénouer leurs positions mensuelles, les fonds spéculatifs qui avaient parié à la baisse perdent des milliards sur le tapis de jeu boursier. Mais les boursicoteurs se dispersent car eux aussi peuvent gagner de l’argent ou éviter d’en perdre trop s’ils vendent rapidement les titres qui ont pris tant de valeur. L’action GameStop retombe à 50 dollars début février. Quant aux acteurs établis du marché financier, furieux de voir leur monopole spéculatif désavoué et ridiculisé, ils multiplient les critiques et les intimidations envers ces joueurs amateurs.

Vague d’émotion

Qu’il soit possible, voire souhaitable, de pratiquer des opérations de contestation sociale en utilisant les marchés financiers n’est pas une découverte (voir mon ouvrage, La République des actionnaires, Syros, 2001). En jouant sur les titres, des associations ou des ONG activistes peuvent peser sur le cours d’une action pour réclamer à une entreprise, par exemple, davantage de responsabilité sociale. Elles menacent sa réputation mais, plus encore, elles troublent les calculs des parieurs qui gravitent autour d’elle. Les fonds spéculatifs sont obligés d’intégrer dans leurs mises les risques d’interventions boursières militantes pouvant viser même à contrer leurs stratégies de jeu.

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« La Feuille de paye et le Caddie » : la mondialisation heureuse est-elle possible ?

« La Feuille de paye et le caddie », de Lionel Fontagné Sciences Po Les Presses, 144 pages, 9 euros).

Le livre. Face à la mondialisation, les citoyens européens oscillent entre appétence et inquiétude. Selon un sondage Eurobaromètre de 2017, 54 % d’entre eux jugent la mondialisation positive pour leur pays, mais 63 % soulignent qu’elle tend à augmenter les inégalités sociales et 38 % estiment qu’elle menace l’emploi. « La mondialisation a offert plus d’opportunités, de variété et des prix plus bas, tout en exacerbant la valorisation des compétences et l’adaptabilité. Cela a tracé une ligne nette entre gagnants et perdants », analyse Lionel Fontagné dans La Feuille de paye et le Caddie (Sciences Po Les Presses).

D’un côté, une population plutôt jeune, éduquée, bien rémunérée et citadine. Elle pardonnera facilement à ce professeur d’économie de l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne de lui avoir accordé si peu de place. Son ouvrage se concentre sur les perdants de la mondialisation, ceux dont les compétences professionnelles sont difficilement reconvertibles et qui vivent loin des grands bassins d’emploi diversifiés.

Parole à l’accusation donc : la mondialisation a déplacé ou supprimé les tâches les plus routinières et concentré les salariés les plus adaptables dans des tâches non répétitives comme la mise en œuvre de nouvelles technologies, la supervision, le management et la résolution de problèmes. Elle a supprimé des emplois au sein des entreprises exposées à la pression concurrentielle des pays émergents.

« Les tâches non délocalisables requérant le plus souvent une présence dans de grandes agglomérations, et seules les entreprises les plus productives pouvant payer le surcoût induit par une telle localisation, les emplois les mieux rémunérés, et, d’une façon plus large, la prospérité économique se sont concentrés géographiquement », détaille le professeur à l’Ecole d’économie de Paris.

Sentiment de déclassement social

Dans les pays ayant un niveau de rémunération élevé, les salariés situés au milieu de la distribution des qualifications ont été les plus affectés. « Enfin, la part du capital a augmenté aux dépens de la part des salaires là où les institutions du marché du travail ne protègent pas les plus bas salaires. » Il y a donc de vrais perdants, pour qui la baisse du prix du chariot de courses ne compense pas l’impact négatif de la mondialisation sur la feuille de paye. « Ces perdants ont des compétences très spécifiques, sont employés dans des bassins d’emploi peu diversifiés et peinant à se reconvertir, vivent en dehors des grandes agglomérations, où se développent les activités de services offrant de nouvelles opportunités d’emploi. »

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