Archive dans mai 2021

Christophe Honoré : « Je me sens encore très ado dans ma manière de travailler »

Le cinéaste et écrivain Christophe Honoré, à Paris, en avril 2020.

Cinéaste, metteur en scène au théâtre et à l’opéra, écrivain, Christophe Honoré, 51 ans, cultive la transversalité. La crise sanitaire a stoppé, cet hiver, sa création Le Côté de Guermantes, à la Comédie-Française mais son film, Guermantes, sortira le 15 septembre. Sa nouvelle pièce, Le Ciel de Nantes, sera présentée, cet automne, au Théâtre des Célestins, à Lyon.

Je ne serais pas arrivé là si…

…Si, tout simplement, il n’y avait pas eu un cinéma à Rostrenen, mon village d’enfance au cœur de la Bretagne [dans les Côtes-d’Armor]. J’avais 11-12 ans, les vendredis et samedis soirs, entre copains et copines, on allait tous au Ciné Breiz. C’était le lieu où on pouvait se rouler des pelles ! Qu’importait le film. Il y avait deux séances. Je me revois négocier avec mes parents l’autorisation de rester à celle de 22 h 30. Ils ne comprenaient pas mais me laissaient faire parce que le cinéma était proche du lotissement où nous habitions.

Soudain, je découvrais des films qui échappaient au lot des comédies populaires, qui résonnaient en moi de manière plus solennelle. C’est ainsi que j’ai commencé à m’intéresser vraiment au cinéma, avec, par exemple, Paris, Texas, de Wim Wenders. C’est toujours étrange de se demander pourquoi, à 12 ans, on peut se fixer une sorte de ligne d’arrivée : ce sera cinéaste ou rien. Je suis surpris de la prétention et de l’entêtement de l’enfant que j’étais.

En dehors de ces séances de cinéma, quelle saveur votre enfance avait-elle ?

J’ai eu une enfance très préservée, protégée, à la fois très douce et assez ennuyeuse. Au collège, avec ma prof de français, nous faisions un journal et, évidemment, la chronique ciné m’avait été dévolue. Je devais sûrement citer des films dans mes rédactions ! Je prenais très à cœur cette critique mensuelle, j’avais l’impression d’être un passeur ! Mais, très vite, la question a été : comment s’échapper ? Tout en ayant déjà le sentiment de ne surtout pas vouloir trahir.

Pourquoi « trahir » ?

Quand on veut partir de quelque part où tout se passe bien, forcément les gens qui restent ont tendance à vous le reprocher, à vous dire : qu’est-ce qui te manque ? Lorsque j’ai commencé à parler de cinéma à mes parents, ils étaient effrayés. Je voyais dans leurs yeux une espèce de compassion, comme s’ils se projetaient dans mes futurs échecs. Pour eux, cela leur semblait insensé, donc il fallait gentiment m’en détourner.

Au collège, en bon élève, je faisais tout pour plaire à mes parents et à mes professeurs. Mais au lycée, deux mois après ma rentrée en seconde, mon père est mort dans un accident de voiture. J’avais 15 ans, tout s’est effondré : c’était l’irruption d’une tragédie dans une enfance assez idyllique, un mélodrame car mes parents venaient d’avoir mon petit frère.

Il vous reste 80.43% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Total : un tweet du PDG conduit à faire condamner l’entreprise

Patrick Pouyanné, PDG de Total.

Alors que dirigeants et patrons de grandes entreprises l’utilisent comme un outil de communication quotidien, Twitter s’est retourné contre l’un d’entre eux, devant le tribunal. D’après une information des Echos, un tweet de Patrick Pouyanné, PDG de Total, promettant une prime exceptionnelle à « tous les salariés », a contribué à faire condamner la maison mère, SA Total, devant le tribunal judiciaire de Créteil.

En décembre 2018, au cœur du mouvement des « gilets jaunes », le président de la république, Emmanuel Macron, avait déclaré que les entreprises allaient pouvoir accorder à leurs salariés une prime exonérée de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu. Dans la foulée, Patrick Pouyanné avait alors annoncé sur Twitter, le 11 décembre 2018, le versement d’une « prime exceptionnelle de 1500 € pour tous [les] salariés en France ».

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Le PDG de Total, Patrick Pouyanné, visé par une plainte pour prise illégale d’intérêts

400 euros sur les 1 500 promis

Or les employés de la Société d’avitaillement et de stockage de carburants aviation (SASCA), pourtant une filiale à 60 % de Total, n’ont touché que 400 euros, sur décision de la direction. La CGT de l’entreprise, tweet à l’appui, avait alors porté l’affaire devant la justice et elle a gagné, selon un jugement du tribunal judiciaire de Crétail rendu le 6 novembre 2020 et consulté par Les Echos.

Ainsi, la société mère est condamné à payer aux 200 salariés de la SASCA un complément de 1 100 euros, pour atteindre les 1 500 promis par M. Pouyanné. Toujours selon le quotidien économique, le tweet a toutefois été jugé « insuffisant » par les juges de première instance pour caractériser l’engagement du groupe envers ses salariés, y compris ceux de la SASCA. Mais un document interne, adressé aux salariés de Total – mais pas à ceux de la SASCA – et qui annonçait que « compte tenu du contexte national, tous les salariés de Total et de ses filiales en France bénéficieraient d’une prime exceptionnelle de 1 500 euros », a été versé au dossier en deuxième instance.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Crise sociale : le gouvernement réactive la « prime Macron » de 1 000 euros

Un jugement sous forme d’avertissement pour l’ensemble des entreprises, alors que le dispositif de « prime Macron » est reconduit en 2021 pour tous les salariés, sous un certain niveau de rémunération. Laissée au libre choix de l’employeur, elle pourra aller jusqu’à 1 000 euros. Le mécanisme comporte toutefois une nouveauté, par rapport à sa version d’origine : la prime pourra atteindre 2 000 euros dans les entreprises et les branches « qui auront soit conclu un accord d’intéressement d’ici à la fin de l’année, soit ouvert une négociation sur la valorisation des métiers » de la deuxième ligne, avait fait savoir l’exécutif à l’issue d’une conférence sociale, en mars.

Le Monde

L’aide à l’embauche des jeunes a amélioré la part des CDI, mais pas le taux d’emploi

« L’aide à l’embauche des jeunes (AEJ) a connu un relatif succès auprès des employeurs. Entre août et décembre 2020, 310 000 demandes ont été adressées et 240 000 aides versées, pour un coût évalué à 803 millions d’euros entre juillet 2020 et le 31 mars 2021. »

Alors que les jeunes doivent franchir le mur de la crise sanitaire pour entrer sur le marché du travail, l’aide à l’embauche des moins de 26 ans leur a-t-elle servi de tremplin ? Rien n’est moins sûr, à en croire la première évaluation conjointe de ce dispositif, menée par la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du travail (Dares) et le Conseil d’analyse économique (CAE) et publiée le 12 mai.

Ces deux institutions se sont penchées sur une des mesures-phares du plan 1 jeune, 1 solution, lancé à l’été 2020 par le gouvernement : une compensation de cotisations allant jusqu’à 4 000 euros (1 000 euros par trimestre pendant au maximum un an) pour les employeurs embauchant un jeune de moins de 26 ans en CDI ou en CDD d’au moins trois mois.

L’aide, prolongée jusqu’au 31 mai, a été mise en place alors que « la situation des jeunes sur le marché du travail s’[était] fortement dégradée mi-2020 », constate la Dares. Dès le début de la crise, les jeunes ont eu davantage de difficultés à trouver du travail que les autres catégories d’âge : au deuxième trimestre 2020, le taux d’emploi des moins de 26 ans était de 4 points plus bas qu’un an auparavant (32 %), contre 1 point seulement pour l’ensemble de la population active (64 %).

Au détriment du travail temporaire

L’aide à l’embauche des jeunes (AEJ) a connu un relatif succès auprès des employeurs. Entre août et décembre 2020, 310 000 demandes ont été adressées et 240 000 aides versées, pour un coût évalué à 803 millions d’euros entre juillet 2020 et le 31 mars 2021, selon le ministère du travail, cité par l’AFP. Ce qui s’est traduit en termes d’embauches par quelque 1,3 million de CDI ou CDD de plus de trois mois au bénéfice des moins de 26 ans entre août 2020 et janvier 2021.

Lire aussi Le gouvernement annonce un renforcement de son dispositif d’aides en faveur des jeunes de moins de 25 ans

Peut-on parler d’effets d’aubaine ? A première vue, cette aide a eu un impact positif sur l’embauche des moins de 26 ans, s’accordent à dire les auteurs des deux évaluations. « Aux troisième et quatrième trimestres 2020, l’emploi en CDD long ou CDI des jeunes de 22 à 25 ans (éligibles à l’AEJ) aurait été 7 % plus élevé que ce qu’il aurait été sans la mise en place de l’aide », avance la Dares. Ce dispositif aurait permis une hausse de 8 % du nombre d’embauches dans cette catégorie d’âge (+ 9,5 % dans les secteurs les plus touchés par la crise) conclut, de son côté, le CAE.

Il vous reste 45.94% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

A Europe 1, la direction « dédiabolise » Vincent Bolloré face à l’inquiétude des salariés

Réveil douloureux à Europe 1. Mardi 11 mai, la direction de la radio est venue répondre aux interrogations sur le plan de réduction des coûts, qui prévoit la suppression de 38 postes sur les 204 CDI de l’antenne. Mais les principales questions des journalistes ont porté sur Vincent Bolloré. Le premier actionnaire de Lagardère, par l’intermédiaire de Vivendi, est en passe de devenir l’homme le plus puissant du groupe, Arnaud Lagardère ayant décidé de renoncer à la commandite, ce statut qui le rendait jusque-là indéboulonnable.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Arnaud Lagardère prêt à renoncer aux pleins pouvoirs pour éviter le démantèlement de son groupe

Alors que les dirigeants tenaient en 2020 un discours de défiance à l’égard de l’industriel Breton – à l’époque, il était vu comme un ennemi par Arnaud Lagardère, le ton a depuis radicalement changé, indique une source interne. « Si grâce à Vincent Bolloré, on peut faire des ponts, cela peut être une force », a indiqué Constance Benqué, présidente du pôle informations du groupe Lagardère, comme l’a rapporté le site Les Jours, mercredi 12 mai. Et la patronne d’Europe 1 de prendre l’exemple de radios comme RTL ou RMC, arrimées à des chaînes de télévision comme M6 et BFM-TV. « Il faut y voir une opportunité », a-t-elle poursuivi. Vincent Bolloré n’a jamais fait mystère de son projet de renforcer sa chaîne d’information à la tonalité conservatrice, CNews, avec une radio.

« Cela crée en interne un énorme trouble »

Donat Vidal-Revel est également venu rappeler cette autre réalité à un journaliste, qui voulait savoir si l’industriel breton allait racheter ou pas Europe 1 : « Le premier actionnaire de l’entreprise, c’est déjà Vincent Bolloré. Vous êtes déjà ses salariés », a expliqué en substance le directeur de l’information de la radio. Et Constance Benqué d’inviter tous ceux qui ne seraient pas satisfaits à se déclarer volontaire au plan de départs en passe d’être ouvert. Une invitation qui a choqué : ce plan n’est pas une clause de conscience, dispositif qui permet à un journaliste de quitter un média qui changerait de propriétaire. « On a compris que la direction dédiabolisait Vincent Bolloré. Cela crée en interne un énorme trouble en particulier chez les journalistes », met en garde Olivier Samain, délégué SNJ de la radio.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi « On était les rois du pétrole » : gloire et déboires du service des sports de Canal+

A ce stade, Vincent Bolloré ne semble pas s’être immiscé dans les affaires de la radio. Officiellement, le patron d’Europe 1 reste Arnaud Lagardère. Donat Vidal Revel s’est contenté d’évoquer auprès de Constance Benqué de la pertinence qu’il y aurait à s’aider de Canal+ pour acheter des droits dans le sport, Europe 1 ayant décidé de renoncer en grande partie à la couverture des événements sportifs, afin de réaliser au moins 725 000 euros d’économies par an, mais n’a aucun interlocuteur pour mettre en place d’éventuelles synergies. Pas de quoi rassurer les journalistes d’Europe 1, le service des sports de Canal+, filiale de Vivendi connaissant une véritable purge, réplique du séisme provoqué par l’éviction brutale, fin 2020, de l’humoriste Sébastien Thoen, suite à un sketch sur Pascal Praud, l’une des stars de CNews.

Lire aussi La purge se poursuit à Canal+

Covid-19 : « Pour retrouver des salariés, les entreprises américaines ouvrent leur porte-monnaie »

Comme souvent aux Etats-Unis, la réaction ne s’est pas fait attendre. Le 30 avril, nous observions dans cette chronique que la pénurie de main-d’œuvre se faisait à tel point sentir dans le pays que McDonald’s donnait des chèques aux candidats pour les inciter à venir postuler. L’oncle Ronald est allé plus loin, ce 13 mai, en annonçant une hausse générale des salaires dans les 650 restaurants qu’il détient en propre dans le pays. Et il a incité ses franchisés à faire de même.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi « La pénurie de main-d’œuvre guette la reprise » de l’après-Covid

Le roi du burger manque de bras pour retourner ses steaks. Afin de trouver 10 000 employés supplémentaires, il ouvre donc son porte-monnaie. Le salaire d’embauche s’étagera désormais de 11 à 17 dollars de l’heure pour les employés de base, et de 15 à 20 dollars pour les manageurs. McDo n’est pas le seul à sortir les billets. La très populaire chaîne de cuisine mexicaine Chipotle a annoncé un salaire minimum d’embauche de 11 dollars, avec un objectif à 15 dollars en juillet.

Le phénomène gagne nombre d’autres secteurs. Amazon, qui cherche à embaucher 75 000 personnes, a annoncé un plancher horaire de 17 dollars. Et le géant de la grande distribution, Costco, de 15 dollars, le niveau minimum que le président, Joe Biden, souhaiterait voir appliquer à tout le pays. Pour l’instant, il est de 7,25 dollars au niveau fédéral, taux appliqué au Texas par exemple, mais de 11 dollars à New York ou Chicago.

Employés évaporés

Pourquoi cette hausse alors que le chômage n’est pas revenu à ses niveaux d’avant la crise sanitaire ? Pour la droite républicaine, c’est le niveau exceptionnel des aides des Etats et de Washington, par des systèmes d’indemnisation des chômeurs très généreux, qui en est la cause. Payés sans travailler jusqu’en septembre, les travailleurs ne se pressent pas pour décrocher un emploi aussi peu intéressant et mal payé.

Mais la hausse avait déjà commencé avant la crise sanitaire, du fait du retour au plein-emploi, avec des taux de chômage approchant des 3 %. De plus, avec le boom économique du redémarrage, soutenu par les colossaux plans de relance du gouvernement, l’activité reprend partout et multiplie les opportunités d’embauche dans d’autres secteurs.

Le phénomène gagnera-t-il l’Europe ? La pénurie s’installe dans les restaurants et pubs de Grande-Bretagne, où le secteur ne retrouve plus ses employés d’hier. Ils se sont évaporés, notamment les étrangers, repartis chez eux et qui constituaient plus de 20 % de cette main-d’œuvre. En France, la réouverture des restaurants le 19 mai sera un test, mais les tensions sur l’embauche apparaissent déjà. Reste à savoir ce que tout cela deviendra quand la bulle protectrice de l’Etat disparaîtra. Même chez McDo, il n’y a pas de repas gratuits.

A Arte, mobilisation d’un groupe de salariées pour une parité pleine et entière

La revendication est amicale, mais ferme, voire sans appel. Alors que deux postes stratégiques se libèrent au sommet des instances du groupement économique d’intérêt européen (GEIE) d’Arte, le siège social de la chaîne franco-allemande installé à Strasbourg, il est hors de question que ces deux fonctions ne reviennent pas à deux femmes. C’est en tout cas ainsi qu’un groupe anonyme de collaboratrices de la chaîne voient les choses, de même qu’un nombre conséquent de salariés qui se sont ralliés à leur panache paritaire. Leur raisonnement est élémentaire : puisque le comité de gérance qui accueillera bientôt ces nouveaux membres, l’un à la direction de la gestion, l’autre à la direction des programmes, est composé de quatre personnes dont deux hommes déjà en poste, deux directrices doivent s’installer à leurs côtés. « On veut la juste moitié du gâteau », résume une pétitionnaire.

Le sujet a commencé à monter en février, lorsque sept collègues (dont certaines investies de responsabilités, et qui ne réclament aucune promotion pour elles-mêmes) ont résumé la problématique dans une lettre ouverte largement distribuée en interne. Signée par 442 salariés, dont 110 hommes (le GEIE compte 470 équivalents temps plein, Arte France, 250), la missive a été approuvée par les élus au comité social et économique, qui s’en sont fait l’écho lors de réunions du CSE et en assemblée générale, avant d’être directement transmise aux dirigeants de la chaîne.62,5 % de l’effectif global.

Un funambule sur son fil

« Bruno Patino a répondu à plusieurs reprises qu’il trouvait notre démarche légitime », reconnaissent trois des initiatrices de la démarche. Heureuse nouvelle, puisque le président d’Arte France, également président du GEIE depuis janvier et, à ce titre, membre du comité de gérance, doit procéder à l’une des deux nominations, à la direction des programmes. L’Allemand Peter Weber, vice-président du GEIE, a, lui, la responsabilité de proposer un nom pour la direction de la gestion. « On sait que Peter Weber cherche une femme », assure l’une des autrices de la lettre, qui y voit un premier acquis. Reste l’autre poste, pour lequel Bruno Patino est scruté comme un funambule sur son fil. « Il risque de nommer un homme, et d’estimer atteindre la parité en nommant des femmes à des postes d’adjointes », croit savoir une revendicatrice. L’identité des personnes pressenties sera connue fin mai, soit quelques jours avant l’assemblée générale du 9 juin censée approuver les nominations, pour une prise de fonction au premier janvier 2022.

Il vous reste 45.41% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« Si on n’a plus de matières, on ne peut plus travailler » : dans le Cantal, avec le Covid-19, le BTP mis à la peine

Le maçon Rémi Crétois travaille avec son coéquipier sur un chantier de rénovation près d’Aurillac (Cantal), le 7 mai 2021.

Il faut avancer tout au fond d’un lieu-dit cantalien, jeudi 6 mai, pour enfin apercevoir, stationnée dans l’entrée d’une bâtisse rustique, une camionnette à benne, marqueur d’un chantier en cours. A Messac, près d’Aurillac (Cantal), Rémi Crétois, artisan maçon, peut encore travailler. Juché tout en haut d’un échafaudage, il refait le mur de pierres et de chaux d’une ancienne grange, typique de cette partie de la France, rénovée en maison familiale.

Il s’agit du seul projet qu’il peut encore avancer : son « chantier tampon », explique-t-il, alors que deux autres contrats (sur un total de quatre) sont à l’arrêt forcé par manque de matériaux. Dans le département, « on ne nous dit pas clairement qu’il n’y aura plus de Placo ou plus d’acier », précise Michel Gennai, président de la Fédération française du bâtiment pour le Cantal (FFB 15). En revanche, les fournisseurs ne donnent plus de délais de livraison et certains matériaux viennent à manquer aux références et dimensions les plus couramment utilisées.

Michel Gennai avec l’un de ses apprentis, dans les ateliers de son entreprise de menuiserie métallique, à Aurillac (Cantal), le 7 mai 2021.

Ces difficultés d’approvisionnement touchent « presque tous les types de matières premières » et c’est là que réside le caractère exceptionnel de cette pénurie : « Plus de bois de structure, plus de Placo standard, plus de silicone », sans épargner « la visserie ou la petite quincaillerie », résume encore le président. La faute principalement à la pandémie qui a mis à l’arrêt les chaînes de production avant que des économies mondiales, comme les Etats-Unis et la Chine, redémarrent plus rapidement qu’anticipé, portant la demande bien au-dessus de l’offre.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Le secteur de la construction confronté à une pénurie inédite de matériaux

Allongement des délais, hausse des prix et pénalités

Depuis le début des difficultés d’approvisionnement, il y a trois mois, la débrouille fait partie intégrante de la vie professionnelle d’Emilie Roques, gérante d’une entreprise de plâtrerie, peinture et isolation. Comme Rémi Crétois, deux de ses chantiers (sur une vingtaine en cours) sont en attente, faisant craindre de lourdes pénalités de retard sur les marchés publics – soit environ 80 % de son activité. Alors, quand elle trouve quelques matériaux, elle remplit ses stocks, d’habitude presque vides : « J’ai des cartons entiers de tout ce qui est en acier, de vis, de poignées et même de serrures », se désole-t-elle. D’autant que cette accumulation entame largement sa trésorerie alors que les prix s’envolent, sous l’effet de la pénurie.

Emilie Roques, sur l’un de ses chantiers, à Aurillac, le 7 mai 2021.

Emilie Roques s’est vue contrainte d’utiliser des plaques de Placo de trois mètres

Il vous reste 63.02% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Réforme de l’assurance-chômage : une nouvelle version entachée d’un risque juridique

Le projet de décret incriminé concerne des bénéficiaires de l’assurance-chômage, dont le contrat de travail avait été suspendu ou qui ont subi une baisse de rémunération lorsqu’ils étaient en activité

Le gouvernement vient à nouveau de réécrire sa réforme de l’assurance-chômage. Mercredi 12 mai, il a communiqué aux partenaires sociaux un projet de décret qui corrige certaines dispositions d’un autre décret, en date du 30 mars, relatif au calcul de l’allocation des demandeurs d’emploi. Le texte, révélé par Le Parisien et l’agence de presse AEF, vise à mettre fin à des « effets non voulus » susceptibles de pénaliser plusieurs catégories d’actifs, parmi lesquelles les femmes en congé maternité et les salariés au chômage partiel. Mais il semble y avoir un hic : « On ne peut écarter le risque que la [modification] proposée soit regardée comme contraire » au code du travail, selon une note des services de l’Unédic, que Le Monde a pu consulter. Un tel diagnostic est de nature à conforter les syndicats, hostiles depuis le départ à des mesures qui, selon eux, cherchent à faire des économies sur le dos des personnes privées de travail.

Le projet de décret incriminé concerne des bénéficiaires de l’assurance-chômage, dont le contrat de travail avait été suspendu ou qui ont subi une baisse de rémunération lorsqu’ils étaient en activité (arrêt maladie, congé maternité, chômage partiel, mi-temps thérapeutique, congé parental d’éducation, etc.). Initialement, la réforme prévoyait de « neutraliser » ces périodes durant lesquelles la relation salarié et employeur est placée sous cloche : autrement dit, elles n’étaient pas prise en compte pour déterminer les droits à une allocation.

Or cette règle pose problème, en étant couplée aux nouvelles modalités de calcul du salaire journalier de référence (SJR), qui sert de base pour déterminer le niveau de la prestation : elle a pour conséquence de désavantager les personnes ayant vu leur contrat suspendu ou leur revenu baisser, comme l’a montré une récente étude de l’Unédic réalisée à la demande de Force ouvrière. Dans cette recherche, plusieurs cas types sont passés à la loupe. Est notamment envisagée la situation d’une salariée payée au smic, qui a connu un mois d’arrêt maladie, quatre mois de congé maternité puis un autre arrêt ­maladie d’un mois : avant la réforme, son allocation se serait élevée à près de 931 euros par mois ; avec le décret du 30 mars, elle chuterait à moins de 458 euros et ­serait inférieure (de presque 200 euros) à celle d’une travailleuse, également au smic, justifiant d’une « même période d’emploi », mais sans avoir été arrêtée.

Il vous reste 53.88% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« Nous sommes à la fois capables du meilleur comme… du pire ! » : le constat sévère du patron de LCL sur sa banque

Les salariés de la banque LCL ont reçu mardi 11 mai dans leur boîte mail un message du directeur général bien peu rassurant. Un courrier de quatre longues pages appelant au sursaut, mais laissant deviner des lendemains difficiles. Le patron de LCL, Michel Mathieu, y dresse un portrait sévère de l’ex-Crédit lyonnais, filiale du groupe Crédit agricole.

Lire aussi La banque LCL va fermer 15 % de ses agences

La lettre débute bien par quelques formules d’usage encourageantes. « Notre banque a beaucoup changé et c’est grâce à vous, y écrit M. Mathieu. Nous avons conquis des clients, notre compétitivité s’est améliorée ». Avant d’en venir au fait. « Ce qui nous a permis d’être là où nous en sommes ne sera pas suffisant pour conforter notre pérennité », poursuit-il, car « le monde a changé » : « La pandémie de Covid-19 a accéléré les transformations et les attentes de nos clients. Je sais la très forte mobilisation dont vous avez fait preuve depuis mars 2020, mais il n’en est pas moins vrai que nous sommes très fortement challengés par nos concurrents et par nos clients. »

A l’appui de son propos, le patron de la banque fournit quelques indicateurs inquiétants, en particulier sur la satisfaction des clients. Quand les concurrents les mieux classés recensent 10 % de clients « détracteurs », LCL en compte 28 % ; et quand les meilleurs ont 40 % de clients qui les recommandent, LCL n’en a que 30 %.

« Nous sommes à la fois capables du meilleur comme… du pire ! », Michel Mathieu, patron de LCL

Pire, « notre image auprès de nos prospects [clients potentiels], mesurée en avril 2021, est à la 10e place derrière tous nos concurrents bancaires traditionnels sans exception, lâche Michel Mathieu. Cela signifie que nous avons du mal à ouvrir des comptes et donc à préparer l’avenir avec de nouvelles générations de clients ».

A la question : « Notre culture est-elle spontanément et suffisamment centrée vers la satisfaction de nos clients ? », le dirigeant bancaire estime que « sur ce sujet, nous sommes à la fois capables du meilleur comme… du pire ! ».

« Moi petit conseiller dans mon bureau en agence, je me sens impuissant »

« C’est un commentaire très dur, réagit Pascal (le prénom a été changé), conseiller clientèle dans une agence du sud de la France. Beaucoup de postes ont été supprimés, nous avons pas mal de bugs informatiques et des hausses de frais bancaires sur certaines opérations en agence, qui peuvent créer de l’insatisfaction. Donc moi petit conseiller dans mon bureau en agence, je me sens impuissant. »

Il vous reste 35.98% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

L’Assemblée nationale vote des quotas pour imposer plus de femmes dans les directions d’entreprises

A l’Assemblée nationale à Paris, le 10 mai 2021.

C’est un pas de plus en faveur de la parité dans les postes de direction des grandes entreprises. L’Assemblée nationale a voté, mercredi 12 mai au soir, une proposition de loi pour une « égalité économique et professionnelle réelle » entre les femmes et les hommes, proposée par La République en Marche (LRM).

Examiné en première lecture, ce texte consensuel a été adopté à l’unanimité des 61 votes exprimés. Il doit maintenant être transmis au Sénat. La majorité espère voir le texte aboutir avant la fin de l’année.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Vers des quotas de dirigeantes dans les grandes entreprises

L’article 7 de cette proposition de loi appelle les entreprises de plus de 1 000 salariés à une proportion d’au moins 30 % de femmes chez les « cadres dirigeants et membres des instances dirigeantes » en 2027, et de 40 % en 2030.

Ces entreprises, moyennes ou grandes, devront, dans un premier temps, publier « chaque année les écarts éventuels de représentation » entre les femmes et les hommes « parmi les cadres dirigeants ».

En 2030, « dans un délai » maximum « de deux ans », elles devront se mettre en conformité avec la règle de 40 % de cadres dirigeantes, sous peine de se voir « appliquer une pénalité financière », plafonnée à 1 % de la masse salariale.

Avant une éventuelle sanction, l’inspection du travail tiendra toutefois compte du volontarisme des entreprises et de leurs secteurs d’activité, certains comme le BTP et l’ingénierie étant particulièrement masculinisés.

Une société « patriarcale, sexiste et discriminante »

Marie-Noëlle Battistel (Isère, Parti socialiste, PS) aurait « aimé aller plus vite et plus loin », tout comme Mathilde Panot (Val-de-Marne, La France insoumise, LFI), qui aurait préféré un texte « plus ambitieux », mais toutes deux ont apporté leur soutien aux avancées contenues dans la proposition. Chez Les Républicains (LR), Laurence Trastour-Isnart (Alpes-Maritimes) a souligné, elle aussi, que le texte « permet de continuer à travailler sur l’égalité entre les hommes et les femmes ».

Cet aval venu de tous les bancs a provoqué des larmes d’émotion chez la députée Marie-Pierre Rixain (Essonne, LRM), présidente de la délégation aux droits des femmes à l’Assemblée nationale, qui portait ce texte.

« Le quota suscite parfois des inquiétudes, mais il est nécessaire » pour « rattraper un retard lié à des inégalités profondément enracinées dans les mentalités », a insisté Elisabeth Moreno, ministre chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, qui a évoqué dans l’Hémicycle « une société qui demeure à maints égards patriarcale, sexiste et discriminante ».

Un « plafond de verre »

Ce texte était débattu dix ans après l’adoption de la loi Copé-Zimmermann, qui imposait 40 % de femmes dans les conseils d’administration des entreprises. La loi a permis aux femmes d’occuper, en 2019, 43,6 % des sièges d’administrateurs au sein des 120 plus grandes sociétés cotées en Bourse, contre un peu plus de 26 % en 2013.

L’attention se porte désormais sur la place, encore faible, des femmes dans les comités exécutifs et de direction.

« Le plafond de verre demeure une réalité », a souligné Marie-Pierre Rixain, qui veut que « les femmes soient reconnues comme des sujets économiques de plein droit ».

Lire aussi 8 mars : des dizaines de milliers de personnes manifestent en France pour les « premières de corvée »

Au Medef, le président de l’organisation patronale, Geoffroy Roux de Bézieux, avait déploré le manque de femmes dans les instances dirigeantes, sans réclamer l’élargissement de la loi de 2011. Pour des postes sans rotation automatique, « il faut que les gens démissionnent ou qu’ils soient licenciés. Si on licencie des hommes pour faire de la place aux femmes, il y a un problème de discrimination » et de « légalité », a-t-il argué.

« C’est un faux argument, car le tempo est long et permet aux entreprises de revoir leur dynamique de recrutement et de promotion », répond Marie-Pierre Rixain à l’Agence France-Presse (AFP).

Télétravail et mixité pour l’obtention de financements

Outre les quotas, le texte adopté mercredi comprend des « objectifs de mixité » dans le soutien aux entreprises de la banque publique BpiFrance, alors que les femmes ont « 30 % de chances en moins » que les hommes d’obtenir des financements. Il vise en outre à « lutter contre les biais de genre » dans les choix professionnels, grâce à un « index de l’égalité » dans les établissements du supérieur et plus de mixité des jurys.

Quelque 55 ans après que la loi a autorisé les femmes à ouvrir un compte en banque à leur nom et à travailler sans le consentement de leur époux, le texte prévoit aussi « l’obligation » de verser un salaire ou des prestations sociales sur un compte bancaire « dont le salarié est le détenteur ou le codétenteur ».

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Egalité salariale entre les femmes et les hommes : les lents progrès des entreprises

La proposition de loi s’adresse aussi aux 85 % de familles monoparentales ayant une femme comme chef de famille, pour ses volets formation et places en crèche réservées. Enfin, les députés ont prévu de faciliter l’accès au télétravail des femmes en fin de grossesse.

Le Monde avec AFP