Archive dans 2020

Les cabinets de conseil ferment la porte aux jeunes diplômés

Depuis le confinement, le 17 mars, les offres des cabinets, qui recrutent habituellement de larges contingents de jeunes diplômés pour le mois de septembre, se font rares.

Rémi, qui va bientôt terminer son master à Grenoble Ecole de management, avait un « plan de carrière » bien rodé, et similaire à celui de nombreux diplômés de grandes écoles. En l’espèce : intégrer dès la fin de ses études un cabinet de conseil, y faire ses armes deux ou trois ans, pour « gagner en expérience », puis bifurquer vers un poste en stratégie dans une grande entreprise.

Mais depuis le confinement les offres des cabinets, qui recrutent habituellement de larges contingents de jeunes diplômés pour le mois de septembre, se font très rares. Ses quelques entretiens n’ont pas abouti. Si bien que Rémi a décidé de remettre à plus tard sa recherche d’un CDI. Il s’est rabattu sur un stage de six mois dans un fonds d’investissement à Paris et espère que le marché de l’emploi s’améliorera en janvier 2021.

Les cabinets de conseil et d’audit sont habituellement très friands des jeunes diplômés de grandes écoles. Selon la dernière enquête annuelle de la Conférence des grandes écoles, 30 % des diplômés d’école d’ingénieurs et 24 % des diplômés d’école de commerce ont intégré en 2019 le secteur du conseil ou de l’audit. Ce qui en fait le premier secteur employeur de ces jeunes. Chaque année, en France, les quatre grands cabinets surnommés les « big four » (Deloitte, EY, KPMG et PwC) embauchent à eux seuls 8 000 jeunes en CDI, d’après Sébastien Stenger, enseignant-chercheur en sciences de gestion et auteur de l’ouvrage Au cœur des cabinets d’audit et de conseil (PUF, 2017).

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Mais cette année la crise liée au Covid-19 a fragilisé le secteur. Le conseil, dont la mission principale est de délivrer une expertise à des entreprises afin de résoudre un problème, est très dépendant de la bonne santé financière de ses clients – contrairement à l’audit, activité « légale et cyclique » dont l’objectif est de certifier les comptes d’une entreprise.

Rythmes de travail soutenus

A Deloitte, 1 000 jeunes devaient être embauchés, mais ce chiffre est finalement « revu à la baisse » depuis le confinement, car la visibilité sur « les activités futures est désormais brouillée », explique Géraldine Segond, directrice des ressources humaines, sans pouvoir encore chiffrer cette réduction.

Même constat à Kéa, cabinet de conseil qui devait employer une vingtaine de jeunes, mais qui en embauchera 40 % de moins. Pour les autres, ce sera plus compliqué. Les cabinets expliquent que les CDI vont rester la norme et qu’ils ne seront pas remplacés par des contrats courts ou free-lance, mais que la baisse des embauches est certaine.

Si les cabinets recrutent moins, c’est tout un système de formation post-diplôme qui est remis en cause

Pas de quoi rassurer Anthony, bientôt diplômé d’une école d’ingénieurs, qui peine à décrocher un entretien, malgré sa spécialisation en science des données. Il regrette de renoncer au « tremplin » que représente le conseil. Car, si les cabinets recrutent moins, c’est tout un système de formation post-diplôme qui est remis en cause. En effet, ils peuvent être considérés comme « une sorte d’école d’application pour jeunes diplômés », explique Sébastien Stenger.

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Organisées en pyramide, ces entreprises offrent des expériences formatrices et encadrées, où les jeunes actifs étudient des secteurs et des problématiques diverses. Le tout est structuré autour d’une progression dans la carrière que l’on pourrait qualifier de « scolaire » (junior 1, puis junior 2, senior 1, senior 2…), décidée après évaluation d’un comité. En moyenne un « junior 1 » diplômé d’école de commerce gagne 39 000 euros brut par an, selon l’enquête de la Conférence des grandes écoles.

Ces cabinets, perçus comme des « accélérateurs de carrière », imposent aussi des rythmes de travail soutenus : c’est ce qui expliquerait le renouvellement très important. Au bout de six ans, 80 % d’une promotion entrée la même année a quitté le cabinet, a observé l’enseignant-chercheur Sébastien Stenger. La plupart des jeunes recrues restent trois ans, pour ensuite rejoindre des postes de cadre au sein de grandes entreprises – ces dernières exigent souvent une expérience de quelques années en cabinet –, dans de bonnes conditions.

Une compétition accrue

Privés de cette première expérience post-école, beaucoup de futurs diplômés repensent leurs projets, et s’attendent à des carrières plus difficiles au départ. A l’Essec, les rendez-vous individuels avec des conseillers carrière ont augmenté de 59 % depuis le début du confinement. Le signe d’un « besoin d’être rassuré » après des stages dans le conseil parfois écourtés ou repoussés, et des offres d’apprentissage qui ont aussi drastiquement baissé par rapport à 2019, observe Claire Tagand-Battard, directrice du service carrière de l’école de commerce.

L’inquiétude n’est pas partagée par Alice Guilhon, directrice de Skema Business School. Elle reste persuadée que l’activité reprendra rapidement et que les jeunes diplômés des grandes écoles, « adaptables », seront une « force » pour ces cabinets. Kéa prévoit d’ailleurs de recruter « à une cadence normale » à partir de la rentrée 2021. Mais des effets d’embouteillage avec la nouvelle promotion sortante seront à prévoir.

Dans tous les cas, pour cette année, la compétition entre candidats s’annonce rude. Les cabinets peuvent se permettre d’être plus exigeants sur les profils, bien plus nombreux que les places disponibles, estime la directrice du service carrière de l’Essec. Surtout qu’en « temps de crise économique les cabinets sont encore plus attractifs, car ils promettent stabilité et promotion sociale », souligne Sébastien Stenger.

Les places sont d’autant plus chères que la crise ralentit la dynamique de renouvellement au sein des cabinets. A KPMG, la direction des ressources humaines a notifié moins de départs volontaires que les années précédentes à la même période – départs pourtant essentiels aux logiques de fonctionnement de ces cabinets, et à leurs promesses d’ascension rapide.

Gaz, taux des crédits, loyers à Paris, retraite… Ce qui change le 1er juillet pour le budget des ménages

Où trouver les nouveaux plafonds des loyers parisiens ? Pourquoi les tarifs réglementés du gaz évoluent-ils peu en juillet ? Quel est désormais le taux maximal pour un crédit ? Pourquoi l’investisseur détenant des actions pourrait-il payer moins de frais à l’avenir ? Qu’est-ce qui change pour les personnes touchant l’Allocation adulte handicapé (AAH) ? Qui dit 1er juillet dit nouveautés affectant les dépenses et ressources des ménages…

  • Quasi-stabilité des prix du gaz

Après une baisse de 2,8 % en juin, les prix réglementés du gaz (hors taxes) diminuent en moyenne de 0,3 % le 1er juillet. L’évolution est de – 4,3 % pour les clients utilisant le gaz pour la cuisson, de – 1,6 % pour ceux ayant un double usage cuisson et eau chaude, et de 0 % pour les foyers se chauffant, selon la Commission de régulation de l’énergie (CRE).

L’application normale de la formule tarifaire aurait conduit à une baisse moyenne de 5,1 %, mais un dispositif de lissage est appliqué à partir de juillet jusqu’à février 2021, pour « restreindre l’ampleur des évolutions successives jusqu’à la fin de l’hiver 2020-2021 », précise la CRE.

Notamment à éviter d’afficher une augmentation élevée des tarifs à l’automne. Les derniers mois de l’année riment en effet traditionnellement avec hausses des prix du gaz et la CRE anticipe en outre pour cette année un rattrapage car « la crise sanitaire a entraîné une chute historique des prix du gaz naturel en Europe ».

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Pour la suite, la CRE prévoit les évolutions tarifaires suivantes, lissage compris : + 0,2 % en août, + 1,1 % en septembre, + 0,9 % en octobre, + 1,7 % en novembre, + 1,7 % en décembre, +0,8 % en janvier 2021 et 0 % en février. Sans lissage, la hausse aurait été de 3 % en octobre et de 6 % en novembre, estime-t-elle. Attention il ne s’agit que de prévisions, les évolutions tarifaires définitives resteront communiquées chaque mois.

  • Encadrement des loyers à Paris : de nouveaux plafonds

Un an après le retour de l’encadrement des loyers dans la capitale, les plafonds évoluent pour les baux signés à partir du 1er juillet.

Pour connaître les loyers maximaux s’appliquant dans votre cas, vous pouvez utiliser cette carte, en indiquant l’adresse du logement (Paris est divisé en quatorze secteurs tarifaires), le nombre de pièces, l’époque de construction, le type de location – meublée ou non. Exemple : pour un deux-pièces loué non meublé près de la place Gambetta (quartier Saint-Fargeau), construit dans les années 1980, le loyer maximal (dit « loyer de référence majoré ») passe de 21,20 euros par mètre carré à 21,50 euros.

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Chômage partiel : 850 suspicions de fraude sur 3 000 contrôles

La ministre du travail, Muriel Pénicaud, a annoncé que 3 000 premiers contrôles sur les demandes de chômage partiel avaient débouché sur « 850 suspicions de fraude » et quatre procédures pour « escroquerie », dans un entretien au magazine Challenges publié lundi 29 juin.

« Depuis le 22 mai, 12 000 [contrôles] sont en cours, dont 400 déclenchés à la suite de signalements d’organisations syndicales ou encore de salariés. Nous menons aussi des contrôles aléatoires. A ce jour, 3 000 dossiers sont clôturés », a-t-elle expliqué.

Sur ces 3 000 dossiers, « 1 600 sont tout à fait corrects » ; « environ 600 ont conduit à des régularisations en faveur ou en défaveur de l’entreprise » et « nous avons recensé environ 850 suspicions de fraudes qui ont débouché sur des investigations plus poussées », a détaillé la ministre. « Nous avons même enclenché quatre procédures pénales pour escroquerie », a-t-elle ajouté, citant, « dans les Hauts-de-France, un chef d’entreprise qui a créé cinq sociétés pour 67 salariés, mais aucun d’entre eux n’est déclaré ou n’a payé des cotisations sociales ».

« L’objectif est de réaliser 50 000 contrôles d’ici à la fin de l’été », a précisé la ministre.

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Jusqu’à deux ans d’emprisonnement

Dès le confinement et pour pallier l’arrêt d’activité en découlant, le gouvernement a élargi la possibilité de recourir au chômage partiel en France. Selon une estimation du ministère du travail, 7,2 millions de Français ont été en chômage partiel un ou plusieurs jours par semaine en mars, 8,7 millions en avril et 7,8 millions en mai.

A la mi-mai, il avait annoncé un renforcement des contrôles, effectués par les agents des Direccte (directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi), qui ont reçu le renfort de 300 agents sur ce thème, « épaulés par des inspecteurs du travail ».

En cas de fraude, les sanctions vont jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende, et pour ce qui est des sanctions administratives, elles prévoient le remboursement des aides et l’exclusion du bénéfice des aides pour une durée maximale de cinq ans.

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Le Monde avec AFP

Le coronavirus creuse l’écart de niveau de vie entre actifs et retraités

Des serveurs à l’entrée d’un bouchon lyonnais le 2 juin à Lyon.

La crise économique provoquée par la pandémie de Covid-19 a déjà coûté, selon les estimations de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) publiées vendredi 26 juin, 165 milliards d’euros à l’économie française, dont 14 milliards d’euros globalement supportés par les ménages.

Mais tous n’ont pas été touchés de la même manière : ce sont, pour l’essentiel, les actifs du secteur privé – perte d’emploi, chômage partiel – et les indépendants qui ont connu une perte de revenus. Conséquence, l’écart de niveau de vie avec les retraités devrait se creuser, les pensions n’ayant pas été affectées, selon une note publiée par le Conseil d’orientation des retraites (COR), le 11 juin. « Alors que leur niveau de vie relatif était égal à 105 % de celui de l’ensemble de la population avant l’épidémie, il grimperait à 110 % en 2020 », indiquent les experts dans ce document. En effet, la pension moyenne nette augmenterait de 1,2 % cette année, alors que la rémunération moyenne nette baisserait de 5,3 % par rapport à 2019.

« Cette situation résulte de la construction de notre système de retraite, dans lequel les pensions sont indexées sur l’inflation, explique un expert du COR. Lorsque, en période de crise, les salaires baissent, les retraités voient leur pouvoir d’achat protégé, mais, à l’inverse, en période de prospérité, quand les salaires augmentent, ils sont pénalisés. » Une situation comparable était survenue à l’issue de la crise de 2008-2009, lorsque les revenus du travail avaient baissé, favorisant de fait les pensions.

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Les pertes de revenus ont concerné « environ 20 % des adultes »

« En période de récession, il est normal que les revenus des retraités soient protégés, réagit Denis Ferrand, directeur général de l’institut Rexecode. Mais cela pose tout de même la question du partage du coût de cette crise, notamment pour les plus précaires, qui en ont été les premières victimes. » « On impose à tous les citoyens de se confiner pour répondre à l’intérêt général et pour protéger les plus âgés , mais ce principe de précaution absolu n’a pas été accompagné d’un partage économique des coûts, renchérit Vincent Touzé, économiste à l’OFCE et spécialiste des questions de vieillissement. Peut-on accepter qu’il y ait un reste à charge de la crise pour certaines catégories de salariés, et qu’à l’inverse d’autres ne supportent aucun coût ? »

L’Observatoire des inégalités a fait les comptes : dans une note sur le bilan de la crise liée au Covid-19 publiée le 26 mai, l’organisme estime que les pertes de revenus ont concerné « environ 20 % des adultes : un peu plus de 10 millions de salariés au chômage partiel et 1 million d’indépendants, soit un total d’environ 11 millions de personnes dont le niveau de vie est affecté à des degrés très divers. (…) Les 80 % restants, c’est-à-dire la grande majorité de la population, ne doivent pas l’oublier. » Et l’Observatoire de souligner : « Le Covid-19 n’a pas frappé les revenus de tout le monde : l’immense majorité a été épargnée et a même épargné en se confinant. Elle a donc les moyens de faire un effort. »

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La loi de vigilance des entreprises manque de transparence

Sur 265 entreprises identifiées, 72 ne respectent pas la loi du 27 mars 2017 (relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre), dont certaines bien connues des consommateurs, comme McDonald’s.

Unique au monde et pétrie de nobles intentions, la loi du 27 mars 2017 confie aux grandes entreprises installées en France de grandes responsabilités. Elles doivent s’assurer de l’absence de violations des droits humains et de l’environnement en leur sein, mais aussi chez leurs fournisseurs et sous-traitants, y compris ceux situés à l’autre bout du monde. Cette loi ambitieuse, qui la respecte ? Difficile à dire, la liste des sociétés qui, par leur statut et leur taille, sont concernées n’étant toujours pas publique.

Le CCFD (Comité catholique contre la faim et pour le développement)-Terre solidaire et l’association Sherpa ont cherché à pallier ce manque d’information, en se plongeant dans des bases de données publiques et privées, avec le renfort de la coopérative Datactivist.

Sur les 265 entreprises qu’ils ont ainsi identifiées, 72 ne remplissent pas leurs obligations légales, notent-ils. Parmi ces dernières figurent des noms bien connus des consommateurs : McDonald’s, Yves Rocher, Castorama France, Boulanger, Euro Disney, Les Mousquetaires, Bigard, Picard Surgelés, mais aussi Avril, Marcel Dassault, Altice notamment…

Lire aussi : La loi française sur le « devoir de vigilance » fait peu à peu des émules

Exiger plus de transparence est évidemment un moyen d’inciter les grands groupes à s’engager dans la lutte contre des exactions commises par leurs sous-traitants et fournisseurs, par exemple des pollutions massives liées à des extractions minières ou des accaparements de terres ou d’eau. Le pétrolier Total connaît actuellement des démêlés avec la justice pour un important projet de forage en Ouganda, au nom de cette loi.

Mesures « raisonnables » et cartographie des risques

Celle-ci impose à toutes les entreprises qui emploient soit au moins 5 000 personnes en France, soit 10 000 en comptabilisant leurs filiales à l’étranger d’établir et de publier un plan de vigilance. Ce document doit comporter des mesures « raisonnables propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement », avec une cartographie de ces risques et des procédures d’évaluation des réponses mises en œuvre. Cela vaut aussi pour les sociétés que les grandes entreprises contrôlent directement ou indirectement, ou bien avec lesquelles elles entretiennent une relation commerciale.

« Nous avons scruté les sites de chacune avant de conclure qu’“à notre connaissance”, elles n’ont pas publié le moindre plan de vigilance jusqu’à présent, même sous une autre appellation, rapporte Swann Bommier, chargé de plaidoyer pour la régulation des entreprises multinationales au CCFD-Terre solidaire. En 2019, la première édition de notre radar du devoir de vigilance recensait 237 grandes entreprises, dont 59 ne se pliant pas à la loi. Elles ne nous ont pas démentis. Quelques-unes comme Beneteau, BioMérieux, Kiabi Europe, Ikea, Rallye ont d’ailleurs publié leur plan depuis. »

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L’équipementier automobile BorgWarner va supprimer 368 emplois en Corrèze

L’usine BorgWarner d’Eyrein, près de Tulle, en Corrèze.

L’équipementier automobile américain BorgWarner vient d’annoncer la fermeture, pour mars 2022, de son usine d’Eyrein, en Corrèze. Une catastrophe sociale pour les 368 salariés et une perspective fatale pour le bassin industriel de Tulle, qui perdrait sa principale entreprise.

« Le séisme BorgWarner », titrait, vendredi 26 juin, le quotidien régional La Montagne, témoin du choc d’une annonce aussi violente qu’inattendue pour la population tulliste. La fermeture de cette usine moderne, seule implantation française de l’équipementier automobile de Chicago qui emploie quelque 29 000 personnes dans le monde, a sidéré les milieux politiques et économiques.

Depuis novembre 1995 et le rachat par BorgWarner de la Société des usines de la marque (SUM), un vieux site enserré dans la ville de Tulle, qui fabriquait des électrovannes pour l’industrie automobile, l’espoir était en partie revenu dans cette vallée de la Corrèze. Alors que l’ancestrale Manufacture d’armes (GIAT industries), qui avait occupé là jusqu’à 2 000 personnes, vivait une interminable agonie, de substantiels fonds publics permettaient cette reprise moyennant des engagements en termes d’emplois. Le fait que le nouveau maire de Tulle, le très chiraquien Raymond-Max Aubert soit secrétaire d’Etat à l’aménagement du territoire du gouvernement Juppé n’avait pas nui à cette affaire.

Syndicats abasourdis

Bon an mal an, les engagements furent respectés par l’investisseur du Michigan, sous l’œil vigilant de François Hollande, nouveau maire de Tulle. En 2006, l’horizon parait dégagé avec la construction d’une usine flambant neuve sur la zone industrielle d’Eyrein, à 15 km de la ville. La société américaine ajoute 10 millions d’euros d’investissements, en 2010, pour installer une nouvelle chaîne de production de modules de pilotage de boîtes à vitesse automatiques. Les prévisions sont enthousiastes, et le site emploie alors près de 650 salariés, dont 150 intérimaires.

A partir de 2016, la réduction d’un carnet de commandes surtout alimenté par Volkswagen-Audi entraîne des diminutions de charge et d’emplois. Le scandale du logiciel truqué du constructeur allemand et l’évolution du marché automobile n’ont pas arrangé les choses. D’autant que la diversification des activités, réclamée par les syndicats, n’est pas venue. Les effectifs ont été ramenés à moins de 400 salariés, mais personne, jusqu’à cette semaine, ne s’attendait à une telle issue. « Avec notre savoir-faire, notre expérience, on pouvait imaginer un plan social, mais pas une fermeture du site », ont déclaré les délégués CGT et FO de l’entreprise, abasourdis.

Chute du chiffre d’affaires et pertes

La direction du site a tenté de mettre les formes en expliquant la situation à chacun des postes en 3 × 8. « Entre 2017 et 2019, le chiffre d’affaires a chuté de plus de 40 %, a-t-elle souligné. Des pertes de l’ordre de 6,8 millions d’euros sont anticipées pour 2020. » Résultat : les premiers départs interviendront à partir de janvier 2021, jusqu’au mois de mars 2022, date annoncée pour la fermeture de l’usine.

Le prochain rendez-vous est prévu pour le mercredi 1er juillet, avec un comité social et économique (CSE) extraordinaire, préambule à des négociations qui devraient commencer le lendemain, et pour quatre mois. D’ici là, les syndicats comptent bien déclencher une mobilisation de toutes les forces vives du département autour de leur cause, une fois l’effet de sidération passé.

« On fait comme si de rien n’était alors que tout a changé » : des salariés racontent leur retour au bureau

Gary Cole, dans le film « Office Space » (1999), de Mike Judge.

Devinette : qu’est-ce qui a l’odeur du bureau, les meubles du bureau, l’aspect du bureau, mais qui n’est pas le bureau ?

Réponse : le bureau en juin 2020. Comme les écoliers qui redécouvrent leur salle de classe après les vacances d’été, de nombreux salariés français retrouvent ces jours-ci leur lieu de travail. Mais rien n’est tout à fait comme avant, et une « étrangeté familière » se dégage de ces retrouvailles.

D’abord parce qu’eux-mêmes ont changé. Pendant trois mois, 5 millions de Français ont découvert de manière empirique qu’ils n’avaient pas besoin d’être au bureau pour travailler. Qu’en pantoufles, sur un coin de table, un enfant sous le bras et un casque sur les oreilles, c’était parfois inconfortable mais cela fonctionnait aussi. Maintenant qu’ils peuvent progressivement y retourner, ce n’est donc pas tant le travail que la vie de bureau qu’ils espèrent retrouver. Tout ce qui ne se mesure pas en tâches accomplies, mais en réflexions de couloir, blagues de machine à café, discussions de cantoche.

Plateaux déserts

Seulement voilà : la cantine est fermée. Les plantes vertes sont toutes mortes. Il y a un sens de circulation dans les couloirs, l’accès à la machine à café est plus réglementé qu’un tarmac d’aéroport et les plateaux sont déserts. Même si le gouvernement a livré, le 24 juin, un « protocole de déconfinement » allégé aux entreprises, elles se soumettent encore à des règles de sécurité sanitaire importantes. Par une sorte de mise en abîme extrême, certaines ont même adopté des pratiques de télétravail dans l’open space : les salariés sont invités à rester chacun assis derrière leur ordinateur pour les réunions, menées en visioconférence alors que tout le monde est là. Moins de risque sanitaire, et moins de bla-bla inutile, expliquent les inventeurs de ce concept déprimant.

Mais alors, à quoi ça sert, le bureau ?

Alice (certains prénoms ont été modifiés) n’est pas certaine d’avoir trouvé la réponse. A la fin de sa première vraie journée de retour au travail, lundi 22 juin, cette responsable marketing de 42 ans dans une petite entreprise lyonnaise est abattue. « On fait comme si de rien n’était alors que tout a changé. Personne ne se parle, chacun est enfermé dans son bureau, on reste à 2 mètres les uns des autres. Nous n’avons même pas eu une réunion d’accueil. Avant, on sortait tous déjeuner, là chacun prend son pique-nique dans son coin. »

Après trois mois de télétravail serein en famille, Valentine, cadre de 48 ans dans le secteur financier, a elle aussi franchi la porte de ses bureaux haussmanniens, à Paris, avec une certaine appréhension. « Lorsqu’on est arrivés, nos affaires étaient dans des cartons pour la désinfection, on avait l’impression que les locaux avaient été vidés. Il y avait un côté assez surréaliste. Quand on entre, le matin, le gardien nous fait émarger et nous remet une petite enveloppe avec nos deux masques pour la journée. Il y a des distributeurs de gel partout. On n’a pas le droit de monter à deux dans l’ascenseur, ni d’aller à la machine à café à plus de deux. Le port du masque est obligatoire. Bref, le retour à la normale, ce n’est pas pour aujourd’hui. »

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En France, la carrière des Noirs se heurte à un mur

Momar Nguer, ancien membre du comité exécutif de Total et conseiller de son PDG, Patrick Pouyanné, à La Défense (Hauts-de-Seine), en octobre 2018.

Adieu, le portrait d’Uncle Ben’s sur les paquets de riz, celui d’Aunt Jemima sur les préparations pour pancakes. Les industriels américains Mars, PepsiCo ou encore Colgate-Palmolive ont promis, ces derniers jours, de purger leurs marques de tout « stéréotype raciste ». Google, Apple, Bain Capital se sont engagés à débourser 100 millions de dollars (88,6 millions d’euros) pour lutter contre les discriminations raciales. Même le très puissant Jamie Dimon, patron de JPMorgan, a posé un genou à terre devant les photographes, en soutien au mouvement #BlackLivesMatter (« les vies noires comptent »).

Depuis le calvaire éprouvé par George Floyd, asphyxié sous le poids d’un policier blanc à Minneapolis (Minnesota), le 25 mai, les entreprises américaines multiplient les gestes pour affirmer leur volonté de prendre en compte un appel à la justice qui résonne dans le monde entier. « Avec la mise à mort de George Floyd, tous les Noirs du monde ont eu le sentiment qu’un genou était posé sur leur cou. Je suis très éloigné des Etats-Unis, je suis francophone, je ne vis pas dans le même environnement et je n’ai pas le même passé. Mais il y a cette solidarité dans la douleur, car on lui a fait subir ce sort parce qu’il est Noir », témoigne Momar Nguer, ancien membre du comité exécutif de Total et désormais conseiller de son PDG, Patrick Pouyanné.

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« Demain, cette révolte peut se traduire par un mouvement de boycott envers les produits des entreprises qui, par exemple, n’ont pas ouvert leurs états-majors aux personnes issues de la diversité. Et ça peut aller très vite », prévient-il.

Greg Glassman, le propriétaire de la chaîne de salles de sport CrossFit vient d’en faire l’expérience. Sous la pression, il a annoncé, mercredi 24 juin, la cession de son enseigne, vouée aux gémonies depuis qu’il a tenu des propos indignes sur George Floyd.

Face à cette déferlante mondiale, les entreprises françaises restent mutiques, comme si elles se sentaient à peine concernées par un drame purement américain. Du côté de leurs directions, le constat est pourtant accablant.

« Selon un baromètre réalisé à la fin de 2017, moins de 1 % des administrateurs du CAC 40 et des entreprises du SBF 120 sont des Français d’origine non européenne. Depuis, la situation n’a pas progressé », précise Laetitia Hélouet, coprésidente du Club XXIe siècle, créé en 2004 « pour offrir à la société française une vision positive de la diversité ». Le club a publié en 2018 un annuaire de personnalités issues de la diversité ayant le profil pour devenir administrateurs indépendants. « Ça a moyennement marché », constate Mme Hélouet, qui promet une nouvelle version, étoffée, fin 2020.

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« La gouvernance de nos entreprises reste coupée des analyses de risques à plus d’un an »

Tribune. Les économistes ne cessent de nous alerter : si on veut retrouver les rendements d’avant pour compenser rapidement les pertes accumulées par le capital pendant la crise, les tensions sociales, mais aussi le retour de la demande et la capacité d’investissement des entreprises poseront problème.

Le monde n’a cessé de désinvestir sur les biens communs depuis trente ans, dans la santé, l’éducation, l’environnement ; on a préféré des choix en faveur de besoins superficiels, de gaspillages et d’une surrémunération de quelques-uns. Exemple : l’industrie du tabac réalise une performance de 25 % avant impôt, sur le dos des assurances sociales.

Incurie

Ces transferts excessifs ont laissé croire à beaucoup de manageurs et de rentiers que leur revenu était légitime, alors qu’ils n’ont jamais procédé d’un débat ni d’une clarification aux bons niveaux ; ils reflètent l’étroitesse des modes de gouvernance de nos entreprises, très coupées des analyses de risques systémiques à plus d’un an.

Comme on vient de le vivre de façon prémonitoire, on sait pourtant que c’est la gestion plus ou moins réussie de ces risques systémiques – climat, biodiversité, ressources, déchets, inégalités, infrastructures, etc., c’est-à-dire les… dix-sept cibles des objectifs du développement durable des Nations unies – qui va dicter notre capacité à répondre aux besoins des générations qui viennent dans le contexte planétaire chaotique.

C’est la gestion plus ou moins réussie de ces risques systémiques – climat, biodiversité, ressources, déchets, inégalités, etc. – qui va dicter notre capacité à répondre aux besoins des générations qui viennent dans le contexte planétaire chaotique

Si nous ne finançons ni ne régulons pas mieux ces enjeux au sein même du processus économique, et non en le réparant a posteriori, la planète sera à nouveau piégée par son incurie.

Mieux vaut dire la vérité : non seulement, les fonds et les actionnaires devront attendre longtemps un retour à bonne fortune, mais encore celui-ci n’est pas souhaitable. Nous ferions donc mieux de tirer parti de cette situation pour passer d’une rémunération du capital imposée par les investisseurs à une rémunération négociée avec eux.

Certes, personne ne peut décréter les bons ratios. C’est tout l’enjeu de la fameuse « valeur partagée » proposée par Michael Porter [professeur d’économie de l’université d’Harvard] il y a dix ans pour recommander aux entreprises de s’adresser aux besoins non satisfaits de la société civile. Mais le concept a plus conforté des oligopoles qu’il n’a organisé des péréquations entre le Nord et le Sud, les nantis et les autres.

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