Archive dans mai 2021

Renault et son usine de Cléon condamnées à 300 000 euros d’amende pour homicide involontaire

Cinq ans après la mort d’un technicien de maintenance, écrasé par une machine à l’usine Renault de Cléon (Seine-Maritime), la justice reconnaît la responsabilité de son employeur dans l’accident. « La SAS Renault et la SNC Renault Cléon sont reconnues entièrement responsables des faits qui leur sont reprochés », a annoncé, lundi 31 mai, la présidente du tribunal de Rouen.

L’usine devra verser 100 000 euros d’amende. La société mère, Renault SAS, devra quant à elle s’acquitter de 200 000 euros d’amende. Le tribunal a également ordonné l’affichage de la décision à l’entrée de l’usine et sur les panneaux d’affichage des représentants du personnel pendant un mois. Renault et le parquet ont dix jours pour faire appel. Renault « prend acte de la décision du tribunal », a déclaré à l’Agence France-Presse une porte-parole du constructeur.

Les parties civiles satisfaites

« Nous sommes satisfaits que les deux sociétés aient été condamnées à la demande des parties civiles. Le parquet n’avait pas cru devoir poursuivre l’employeur, mais simplement la SNC Renault Cléon, a déclaré au Monde Karim Berbra, avocat de la famille. Espérons maintenant que Renault laisse la famille de la victime tranquille, tire les conséquences de cette condamnation et respecte ses obligations en matière de santé et de sécurité au travail vis-à-vis des salariés encore sur le site. »

Ce « jugement démontre que, contrairement à ce que laissait entendre la direction, le décès de M. Deschamps n’est pas dû à une négligence ou à une faute professionnelle, mais bien à un manque de formation, à la pression subie par les salariés, faire toujours plus avec toujours moins de monde… », a estimé pour sa part William Audoux, secrétaire de la Confédération général du travail (CGT) de Cléon et partie civile aux côtés de la famille.

Le syndicat CGT du groupe automobile « ose espérer que Renault ne fera pas appel du jugement dans le respect du camarade décédé dans cet accident dramatique et de sa famille. Renault est condamnée, qu’elle n’insiste pas ». Selon Jean-François Pibouleau, délégué syndical central CGT du groupe Renault, « ce qui est un élément important de la condamnation aujourd’hui, c’est que les deux entités, Renault SAS et Renault Cléon, ont été condamnées », a-t-il insisté.

Dans un communiqué, le syndicat ajoute que, « pour une fois, le montant des amendes n’est pas négligeable (…). Voilà qui fera peut-être réfléchir la direction de Renault ainsi que les autres patrons qui mènent les mêmes politiques criminelles ».

Quinze ans d’ancienneté

Le 10 mars 2016, Jérôme Deschamps, 33 ans, dont quinze comme employé chez Renault, avait été désigné pour poser un tendeur sur les chaînes d’une machine à laver industrielle. La machine ne disposant pas de hublot, il l’avait remise en marche, portes ouvertes, afin de vérifier la qualité de son travail. Il s’était ensuite penché dans la machine, déclenchant un capteur qui avait lâché sur lui un caisson très lourd.

Cette ouverture des portes de la machine était censée être empêchée par les systèmes de sécurité de la machine, mais ces derniers étaient régulièrement désactivés par les techniciens afin de permettre le respect des cadences demandées par l’employeur, avait fait valoir l’avocat des parties civiles lors de l’audience du 13 avril, précisant que « la pratique du shuntage des machines chez Renault Cléon était (…) connue de la hiérarchie ».

Lors de l’audience, Marion Meunier, vice-procureure de la République, avait relevé « un cumul de fautes de la part de l’employeur, avec un lien de cause à effet avec le décès de » la victime, père de deux enfants. La magistrate du parquet avait notamment souligné que M. Deschamps n’avait pas reçu « de formation spécifique à cette machine » et une « absence d’évaluation préalable des risques ».

« L’entreprise et les procédures ne sont pas en cause, selon moi. C’est une faute d’inattention », avait en revanche estimé à la barre Paul Carvalho, l’ancien directeur de l’usine. « C’est un accident dramatique, un traumatisme pour moi aujourd’hui encore », avait-il ajouté.

Lire : Morts au travail : à l’usine Renault de Cléon, « on attend l’accident »

Le Monde avec AFP

Réforme de l’assurance chômage : « Il n’y a pas un demandeur d’emploi dont l’allocation va baisser au 1er juillet », assure Elisabeth Borne

Chaque dimanche, Le Monde s’associe à France Inter pour animer et diffuser l’émission « Questions politiques », présentée par Ali Baddou, avec Carine Bécart (France Inter), en collaboration avec Solenn de Royer (Le Monde) et Nathalie Saint-Cricq (France Télévisions). L’invitée du dimanche 30 mai était Elisabeth Borne, ministre du travail.

Mme Borne a notamment été interrogée sur l’accompagnement des entreprises pour sortir de la crise due au Covid-19, mais également sur la réforme de retraites, le RSA jeune ou encore la controversée réforme de l’assurance chômage, assurant qu’elle ne se montrait pas « inflexible » sur la question. L’intégralité de l’émission est à retrouver sur le site de France inter.

Le Monde

Covid-19 : près d’un actif en emploi sur deux a subi une dégradation de ses conditions de travail depuis le début de l’épidémie

Une Française en télétravail, à Vertou, près de Nantes, en mai 2020.

La crise sanitaire a provoqué une dégradation, générale ou partielle, des conditions de travail pour un peu plus de 40 % de personnes en emploi. C’est l’un des principaux enseignements de l’étude publiée, vendredi 28 mai, par la direction chargée de la recherche (Dares) au ministère du travail. Le phénomène a été particulièrement net dans des professions très féminisées – du monde de la santé à l’action sociale, en passant par l’enseignement.

Conduite au premier trimestre, l’enquête repose sur un échantillon d’un peu plus de 17 000 individus exerçant une activité. Les situations s’avérant extrêmement diverses, la Dares a procédé à un classement des sondés en quatre sous-ensembles, selon les incidences de l’épidémie de Covid-19.

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Un premier groupe, majoritaire, n’a quasiment pas connu de changement : il y a là essentiellement des hommes, ouvriers et employés de plus de 45 ans, qui travaillent dans les secteurs de l’agriculture, de l’industrie et de la construction. Une deuxième catégorie, représentant 4 % des « actifs occupés », bénéficie, elle, d’une « relative amélioration » de ses conditions de travail : ce sont plutôt de jeunes hommes, ouvriers et employés, toutefois plus exposés aux risques psychosociaux. On retrouve des travailleurs qui n’ont pas été placés au chômage partiel à 100 %, dans des secteurs fortement ébranlés par la crise comme l’hôtellerie-restauration, le voyage, la culture, etc.

En tête du classement, les infirmiers et sages-femmes

Le troisième groupe identifié par l’étude, qui rassemble 32 % des répondants, subit un sort moins enviable : les intéressés disent être confrontés à une « intensification » des tâches, mais précisent que le « sens du travail » en sort renforcé. C’est particulièrement le cas dans le secteur de la santé et de l’action sociale, l’enseignement et le commerce de détail. Soit une bonne partie des travailleurs de première et seconde lignes. Au sein de cette catégorie, il y a davantage de femmes, cadres et professions intermédiaires exerçant dans des établissements dont l’activité a fortement augmenté.

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Pour les actifs soumis à une détérioration globale de leur situation, beaucoup de clignotants sont au rouge : surcharge et intensification du travail, horaires décalés plus fréquents, isolement

Quatrième et dernier sous-ensemble : celui des actifs soumis à une détérioration globale de leur situation (11 % de l’échantillon). Pour eux, beaucoup de clignotants sont au rouge : surcharge et intensification du travail, horaires décalés plus fréquents, isolement. Autant de nouvelles contraintes, qui amènent deux tiers d’entre eux à se déclarer davantage « bouleversés, secoués, émus » qu’avant l’épidémie. Leur sentiment d’utilité au travail s’en ressent fortement. Il s’agit, là encore, principalement de femmes, cadres et professions intermédiaires de l’enseignement, des banques ou des assurances. A noter que les télétravailleurs sont surreprésentés dans cette catégorie.

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« Même à 54 ans, on peut s’en sortir ! » : à Issoudun, le long chemin vers la reconversion des ex-salariés de La Halle

Des banderoles à l’extérieur de l’entrepôt de La Halle, à Issoudun (Indre), le 2 juin 2020, après l’annonce de la fermeture du site.

C’est une petite phrase qu’il n’oubliera pas. Il la répète dans une légère euphorie à chaque personne qu’il croise dans les locaux de l’Agence nationale pour la formation professionnelle (AFPA), ce mercredi 26 mai. « Vous savez ce que m’a dit mon employeur ? Il ne m’a pas parlé de mon âge, il a dit : “J’espère que vous passerez autant de temps chez nous que chez Vivarte !” Quand vous êtes accueillis par une entreprise qui vous met à l’aise, ça motive ! »

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Patrice Sénéchal, 54 ans, n’en revient visiblement toujours pas d’avoir retrouvé du travail. Il fait partie des 294 licenciés de l’entrepôt logistique de La Halle (groupe Vivarte) liquidé à l’été à Issoudun (Indre). Avec ceux des magasins de l’enseigne, ils sont 312 à avoir perdu leur emploi sur la ville, après, en moyenne, vingt-six ans dans l’entreprise, trente et un ans pour Patrice. Depuis, dans le cadre du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), ils sont accompagnés par des conseillers de l’AFPA et du cabinet LHH, spécialisé dans le reclassement.

Nouvelle tenue de travail

Grâce à une formation de technicien cuivre, un métier recherché avec le déploiement de la fibre, Patrice a signé un contrat de six mois chez Circet, leader européen de services d’infrastructures télécoms. En cette fin d’après-midi, lui et d’autres ex-salariés de La Halle en reconversion ont été conviés à un échange avec le maire, le préfet et la directrice de la direction départementale de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations (DDETSPP). Patrice ne passe pas inaperçu : il est venu dans sa nouvelle tenue de travail, orange fluo. « Je n’ai pas eu le temps de me changer », se justifie-t-il. Mais on devine que se niche aussi là un signe extérieur de fierté.

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Car ceux qui ont retrouvé un emploi sont encore en minorité : à ce jour, 105 sont « dans une perspective de retour à l’emploi », explique le maire PS André Laignel en préambule, c’est-à-dire en CDI, en CDD de plus de six mois, en contrat de professionnalisation, en formation longue avec promesse d’embauche, en création d’entreprise. On ne comptait que 27 CDI signés fin avril. « On ne peut pas dire que ce soit satisfaisant, mais nous voulions saluer les immenses efforts qu’il a fallu pour ce résultat même modeste. Il reste un travail encore plus immense devant nous, précise-t-il aussitôt. Pour notre ville, ces licenciements restent un traumatisme économique et humain considérable. »

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Le Territoire de Belfort mise sur l’hydrogène pour conserver son industrie

Au siège de la PME McPhy, spécialisée dans les équipements de production et de distribution d’hydrogène propre, à La Motte-Fanjas (Drôme), le 6 novembre 2015.

Le vent de l’industrie tourne dans le Territoire de Belfort. Alors que les deux grands donneurs d’ordres historiques – Alstom et General Electric (GE) – sont affaiblis par des plans sociaux à répétition, les collectivités territoriales œuvrent tambour battant à la diversification de son économie. Deux axes sont privilégiés : la logistique, avec l’inauguration, fin 2021 sur l’Aéroparc de Fontaine, d’une plate-forme d’Amazon (310 emplois), et l’hydrogène, un gaz aujourd’hui paré de toutes les vertus pour décarboner l’industrie mondiale.

En la matière, le département va s’enrichir d’une nouvelle brique technologique avec l’implantation, d’ici à 2024 et sur la même zone industrielle, d’une méga-usine d’électrolyseurs (1,3 gigawatt par an). A la clé : 400 emplois directs. C’est la société drômoise McPhy, spécialisée dans les équipements de production et de distribution d’hydrogène propre, qui est à l’origine du projet. Sa concrétisation reste toutefois conditionnée à l’obtention, « bien engagée » selon le ministère de l’économie, d’un financement européen par le biais d’un Projet important d’intérêt européen commun, qui sera intégré au plan France Relance.

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Plusieurs atouts ont fait pencher la balance du côté du Territoire de Belfort, qui était en concurrence avec les Hauts-de-France et la région Auvergne-Rhône-Alpes, à commencer par une solide culture industrielle et la montée en puissance d’un écosystème dévolu à l’hydrogène, avec plus de 150 millions d’euros d’investissements projetés dans le Grand Belfort (52 communes) et la présence alentour d’acteurs majeurs. Ainsi, l’équipementier Faurecia a localisé à Bavans (Doubs) son centre d’expertise mondial pour ce gaz et Gaussin Manugistique développe à Héricourt (Haute-Saône) une gamme de véhicules à hydrogène pour la logistique portuaire et aéroportuaire et les centres logistiques et industriels.

« Un gage de sérieux et de réactivité »

Situé au carrefour de la France, de l’Allemagne et de la Suisse, le territoire a su séduire également grâce à son vivier d’ingénieurs et son université de technologie, l’UTBM. Aiguillonnée par McPhy, celle-ci va d’ailleurs ouvrir, dès la rentrée 2021-2022, une nouvelle filière alliant l’énergie (l’hydrogène) et la mécanique. Fait rare et notable, toutes les collectivités, quelle que soit leur couleur politique, se sont alignées.

De la présidente socialiste de la région Bourgogne-Franche-Comté, Marie-Guite Dufay, au président LR du Grand Belfort, Damien Meslot, en passant par le ministre de l’économie, Bruno Le Maire (LRM), tous ont parlé d’une seule voix à travers un guichet unique piloté de Belfort. « Un gage de sérieux et de réactivité, salue M. Meslot. Initialement, McPhy voulait un terrain de six hectares, puis en a demandé deux de plus. On lui a répondu positivement dans la journée. »

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« Uber cherche à faire émerger un droit du travail qui soit compatible avec son modèle économique fragile »

Pertes & profits. « Syndiquez-vous ! », avait déclaré Joe Biden, le 1er mars, dans un message vidéo adressé aux salariés de l’entrepôt Amazon de Bessemer, dans l’Alabama. Il n’a pas été entendu ce jour-là, les employés ont clairement voté contre la syndicalisation, mais son message semble avoir traversé l’Atlantique. Uber, autre cible des défenseurs des travailleurs, a annoncé, mercredi 26 mai, avoir passé un accord avec un grand syndicat généraliste britannique, le GMB. Ce dernier pourra désormais conduire des négociations collectives avec l’entreprise de transport sur des sujets comme le niveau de vie, les congés payés, les retraites…

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Cet accord historique avec une organisation importante intervient après une décision majeure de la Cour suprême britannique, le 19 février. Cette dernière a accordé aux chauffeurs travaillant sur la plate-forme américaine un statut hybride de « travailleur », pas vraiment salarié, comme le demandaient les syndicats, mais avec des droits s’en approchant, notamment en ce qui concerne salaire et couverture sociale.

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Face à la pression des gouvernements et des syndicats, Uber, comme toutes les entreprises de transport et de livraison, cherche à faire émerger un droit du travail qui soit compatible avec son modèle économique fragile. Celui-ci repose en effet entièrement sur la capacité à mobiliser des travailleurs à la demande et à ne les payer qu’à la tâche. Un siècle après l’invention du salariat, qui a scellé le pacte fordiste de l’aventure industrielle du XXsiècle, l’économie numérique du XXIsiècle tente de renouer avec le statut des tâcherons du XIXe, payés à la tâche et sans sécurité de l’emploi ni sociale.

Les entreprises bricolent des statuts particuliers

Deliveroo, Uber, Just Eat Takeaway se sont progressivement heurtés à la résistance politique, en Europe, mais aussi aux Etats-Unis. Les entreprises bricolent des statuts particuliers en fonction des obstacles qu’elles rencontrent, et chaque pays aménage le droit à sa manière. En Allemagne, les chauffeurs et les coursiers doivent être employés par des sociétés qui négocient des contrats avec les plates-formes. En France, Just Eat Takeaway a annoncé le recrutement de 4 500 CDI. Des réflexions sont en cours en Italie ou en Espagne pour considérer chauffeurs et livreurs comme des employés redevables d’un salaire minimum et d’une couverture sociale digne de ce nom.

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Cette avancée désordonnée qui parcourt l’Europe, mais aussi les Etats-Unis, illustre à sa manière le début d’un changement des rapports de force entre les travailleurs et leurs employeurs. Joe Biden n’est pas le seul à vouloir cajoler sa classe moyenne, déboussolée par trente ans de libéralisation du travail et par une économie numérique qui doit désormais apprendre à s’insérer dans la réalité sociale et politique.

Pleins feux sur des dysfonctionnements majeurs de l’entreprise

Le Livre 20 décembre 2019 : le tribunal correctionnel de Paris rend un jugement historique dans l’affaire France Télécom, devenue le symbole de la souffrance au travail. Il s’est particulièrement intéressé à l’école de management du fleuron des télécommunications, véritable laboratoire, selon l’accusation, d’un management de la terreur. Les cadres y apprennent que l’entreprise est « en guerre », on s’échange des « astuces » pour faire partir les salariés : fixer des objectifs irréalisables, retirer des chaises du bureau…

Ce désastre n’est pas un cas isolé : en mai 2019, le syndicat SUD Rail alerte sur une vague de suicides à la SNCF. Autre groupe nouvellement soumis à la concurrence internationale, La Poste, engagée depuis 2010 dans un processus de privatisation, est aujourd’hui dans le collimateur de la justice, certaines sources évoquant une trentaine de suicides par an.

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Le suicide constitue l’expression la plus dramatique et la plus extrême de la souffrance professionnelle. Mais il ne s’agit souvent que de la partie visible « d’une détresse généralisée au travail que les victimes s’efforcent de cacher, pour toujours se montrer à la hauteur et ne pas subir de menaces de licenciement, mutation, rétrogradations ou même de simples vexations », affirme Laurent Izard dans A la sueur de ton front.

Une pression accrue sur les salariés

Normalien et agrégé de l’université en économie et gestion, il montre à quel point depuis les années 1980 et la libéralisation des échanges, l’économie est soumise à une pression toujours plus intense, entraînant la mise en place de méthodes de management plus dures et provoquant délocalisations et autres fermetures d’usines.

La pression accrue sur les salariés ne constitue pas la seule manifestation du bouleversement sociétal qui se déroule sous nos yeux. La relation de travail fondée sur le salariat formalisé par un contrat de travail stable est en train d’exploser : multiplication des contrats courts, des auto-entreprises et ubérisation de nombreux secteurs économiques induisent un changement majeur dans la relation entre l’homme et son travail, générateur de stress et de précarité économique.

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L’ouvrage alerte sur « les externalités négatives, et souvent minorées, d’une mondialisation économique et financière incontrôlée qui transforme en profondeur la relation de l’homme au travail et qui peut générer de véritables situations d’aliénation. »

La crise sanitaire de 2020 a ravivé les débats autour de notre modèle économique et de nos principes d’organisation du travail. Des dysfonctionnements majeurs ont été mis en lumière, donnant raison à celles et ceux qui, au risque de paraître utopistes, avaient dénoncé les risques d’une mondialisation incontrôlée. La crise sanitaire a encouragé des évolutions notables qu’il convient d’accompagner.

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Les journaux de la chaîne Arte perturbés par un mouvement social

« Dans ses programmes, Arte est le chevalier blanc de la défense des droits sociaux à travers le monde. Pourtant en interne, l’entreprise traite ses pigistes et intermittents comme une variable d’ajustement. » Ce constat, cinglant, constitue le point de départ de la mobilisation qui, mercredi 26 mai, a perturbé les journaux d’Arte. Signé de la Société des journalistes (SDJ) de le chaîne franco-allemande et des syndicats DJV et ver.di en Allemagne, SNJ et UNSA en France, il dénonce la gestion de la précarité dans l’entreprise, qui risque de « créer dans les années à venir une sous-caste de personnels déclassés ».

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Pour comprendre les raisons du conflit, il faut revenir à l’élaboration d’un vaste « plan d’intégration » initié en 2018 et destiné à régulariser la situation d’environ 150 pigistes et intermittents par la création d’une centaine d’équivalents temps plein sur dix ans. De nature à satisfaire toutes les parties concernées, l’opération comporte toutefois une condition jugée embarrassante, dont les grévistes demandent désormais le retrait : l’instauration d’un plafond de 60 jours de travail annuels pour les nouveaux venus.

« Cela crée des situations absurdes, pour lesquelles deux personnes se succèdent sur un même poste afin que chacune ne dépasse pas 60 jours d’activité, alors qu’aucune des deux ne peut décemment en vivre », indique une journaliste. Non seulement la précarité s’en trouve accrue, mais les perspectives d’intégration deviennent chimériques aux yeux des jeunes pigistes et le recours aux prud’hommes, impossible, ajoute-t-elle.

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« Respect du cadre budgétaire »

« Bruno Patino [président du GEIE et d’Arte France] nous a reçus en début d’année, et nous a écoutés, reconnaît Evelyne Herber, la déléguée syndicale SNJ. Il a introduit un peu de souplesse dans le dispositif, mais la règle n’a pas changé pour autant. » Une « warm streik », ou « grève d’avertissement » d’une heure a eu lieu la semaine dernière, annonciatrice de la première véritable grève organisée à Arte depuis celle de 1999, liée à la mise en œuvre des 35 heures. L’édition d’« Arte Journal » à la mi-journée n’a pas eu lieu, celle de 19 h 45 s’est déroulée « en mode dégradé » (un tout en images sans présentatrice), tandis que les sept minutes du journal pour les juniors diffusé chaque jour à 7 heures du matin n’ont pas pu être mises en boîte.

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Télétravail : les employeurs devront fixer un nombre minimal de jours par semaine

A Vertou, le 14 mai 2020.

Les employeurs devront fixer, « dans le cadre du dialogue social de proximité, un nombre minimal de jours de télétravail par semaine », selon le projet de nouveau protocole sanitaire qui sera en vigueur à partir du 9 juin et qui a été envoyé aux partenaires sociaux, mercredi 26 mai. Le texte obtenu par l’Agence France-Presse (AFP), qui est conforme à ce qu’avait annoncé l’exécutif, sera discuté lundi en visioconférence entre les partenaires sociaux et la ministre du travail.

Depuis la fin octobre 2020, le protocole national en entreprise prévoyait que, pour les salariés qui peuvent effectuer l’ensemble de leurs tâches à distance, « le temps de travail effectué en télétravail est porté à 100 % ». Depuis janvier s’est ajoutée une « soupape » avec la possibilité de revenir un jour par semaine.

Rappelant que le télétravail « peut être considéré comme une des mesures les plus efficaces pour prévenir le risque d’infection au SARS-CoV-2 », le nouveau protocole stipule que « les employeurs fixent dans le cadre du dialogue social de proximité, un nombre minimal de jours de télétravail par semaine, pour les activités qui le permettent ».

Pour mettre en place un accord sur le télétravail, les employeurs peuvent notamment s’inspirer de l’accord national interprofessionnel, qui « constitue un cadre de référence utile » selon le texte.

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Un retour progressif

Au ministère du travail, on souligne qu’« un employeur qui demanderait à tous ses salariés de revenir à 100 % à compter du 9 juin n’appliquerait pas le protocole ». Le retour des salariés qui étaient en télétravail « doit se faire de manière progressive », insiste le ministère. L’Etat employeur a, de son côté, déjà fixé trois jours de télétravail à partir du 9 juin pour la fonction publique.

Le projet de texte précise que « les réunions en audio ou en visioconférence restent à privilégier ». « Lorsqu’elles se tiennent en présentiel, les réunions doivent respecter les gestes barrières, notamment le port du masque, les mesures d’aération-ventilation des locaux, ainsi que les règles de distanciation », précise-t-il.

Le protocole rétablit aussi la possibilité d’organiser « des moments de convivialité réunissant les salariés en présentiel dans le cadre professionnel ». Suspendus depuis la fin octobre, ces pots « peuvent être organisés dans le strict respect des gestes barrières, notamment le port du masque dans les espaces clos, les mesures d’aération-ventilation ainsi que des règles de distanciation ».

Pour la restauration collective, le protocole renvoie à une fiche spécifique qui sera mise à jour dans les prochains jours et suivra les règles appliquées dans les restaurants.

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Le Monde avec AFP

La CFDT reste le premier syndicat du privé, la CGT recule

La CFDT a conforté sa place de premier syndicat du privé, avec 26,77 % des suffrages, en légère hausse (+ 0,38 point), devant la CGT, qui recule assez fortement (22,96 %, − 1,89), selon des chiffres publiés par la direction générale du travail mercredi 26 mai. Ces résultats sont issus de la compilation des résultats aux élections professionnelles sur la période 2017-2020.

Force ouvrière, troisième, reste quasi stable, à 15,24 % (− 0,36), devant la CFE-CGC (11,92 %, + 1,23) et la CFTC (9,50 %, + 0,02). L’UNSA progresse légèrement (5,99 %, + 0,64), de même que Solidaires (3,68 %, + 0,23). Mais ces deux syndicats n’atteignent pas la barre des 8 %, indispensable depuis 2008 pour être représentatifs au niveau national interprofessionnel.

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« Syndicalisme utile »

La CFDT s’est félicitée dans un communiqué de « consolider sa place de numéro un », regrettant toutefois une « baisse de participation ». « Les salariés du privé ont, une nouvelle fois, fait le choix d’un syndicalisme utile, qui répond à leurs préoccupations. Par leur vote, ils ont exprimé leur confiance en un ou une collègue qui les représente, dans une organisation qui agit quotidiennement pour améliorer leur vie au travail », a-t-elle commenté.

L’UNSA s’est également réjouie de sa progression, soulignant être « la seule organisation syndicale non catégorielle à progresser en points et en voix ». Elle passe même devant la CFTC s’agissant de la représentativité du public et du privé confondus, devenant la cinquième organisation syndicale, selon son communiqué.

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Le Monde avec AFP