Les paradoxes des salariés sur le dialogue social

L’image des syndicats est légèrement meilleure et davantage de personnes envisagent le recours à la grève malgré un dialogue social « peu efficace » pour 52% de salariés, selon un sondage Ipsos pour le Cevipof. La crise des « gilets jaunes » est passée par là, explique l’éditorialiste du « Monde » Michel Noblecourt.

Par Publié le 28 juin 2019 à 09h55, mis à jour à 09h47

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Dans la deuxième édition du baromètre du dialogue social, réalisé par l’Ipsos pour le Cevipof, à l’intention du master dialogue social de Sciences Po et de l’association Dialogues, qui réunit des directeurs de ressources humaines et des syndicalistes, aucune question n’a été posée directement sur la crise des « gilets jaunes ». Mais, en en présentant les résultats, lundi 24 juin, Martial Foucault, le directeur du Cevipof, n’a pas caché qu’elle était omniprésente dans l’esprit des 1 523 salariés du privé et du public hors fonctionnaires – 596 cadres et 927 non-cadres, 623 employés dans des PME et 231 syndiqués – interrogés par Internet du 19 au 21 juin. C’est à elle que 67 % des sondés font allusion quand ils disent que des « événements concernant le climat social ont été particulièrement marquants », soit une hausse de 14 points par rapport au baromètre de juin 2018.

Cette crise inédite a aussi eu des effets sur l’état d’esprit des salariés : 37 % évoquent leur « lassitude » (+ 4 points en un an), 32 % leur « inquiétude » (+ 3). Alors que la confiance, avec 31 %, est en baisse de deux points et l’espoir (20 %) de trois, 10 % font même état de leur « dépression » (+ 2). Sur la vision du dialogue social, l’enquête fait apparaître un certain nombre de paradoxes, voire de contradictions. Ainsi pour 76 % des sondés, « le dialogue social existe », soit une hausse de 6 points, mais pour 52 % (+ 3), « il n’est pas efficace ». En même temps, le pourcentage de ceux qui jugent qu’« il ne fonctionne pas bien » est élevé (72 %), mais il marque un recul de neuf points en un an…

Au classement de la confiance, les syndicats arrivent en dixième place, dans un hit-parade inchangé qui place dans le trio de tête les PME, les collègues de travail et… la Sécurité sociale

Contrairement à 2018, les salariés ne sont pas directement interrogés sur la réforme du code du travail d’Emmanuel Macron mais ils sont autant qu’il y a un an (57 %) à voir dans la flexibilité une « menace » pour leur protection sociale. Ils ne sont plus que 55 % (− 6) à estimer qu’il faut faire de la compétitivité de l’économie « une priorité » mais, en même temps, le pourcentage de ceux qui privilégient « l’amélioration de la situation des salariés », s’il reste haut (73 %), est en baisse de sept points.

Procès France Télécom : le regard du romancier Vincent Message

L’écrivain Vincent Message, qui publiera à la rentrée un roman sur la souffrance au travail, a assisté, pour « Le Monde », aux audiences du tribunal correctionnel de Paris sur le harcèlement moral subi par les employés du groupe

Par Vincent Message Publié aujourd’hui à 06h00, mis à jour à 08h43

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« Avez-vous déjà pensé sérieusement à vous suicider ? » La question flotte dans la salle d’audience aux tons clairs. Posée lors d’une enquête IFOP, elle est reprise à la barre par le professeur de médecine Michel Debout, témoignant à l’appel des parties civiles au procès France Télécom. Dans la population générale, explique le fondateur de l’Observatoire national du suicide, 20 % des personnes interrogées répondent « oui ». Parmi celles qui estiment avoir un travail facteur d’équilibre dans leur existence, les réponses positives atteignent encore les 12 %. Mais les personnes qui ont subi un harcèlement au travail, elles, sont 42 % à avoir réfléchi à mettre fin à leurs jours. Le chiffre dit la place que le travail prend dans nos vies, et l’impact ravageur qu’il peut avoir sur nous.

Gilles Rapaport

La justice se rend en public. On le sait en théorie, mais on a rarement le temps d’en faire l’expérience en personne. Pour ma part, le procès France Télécom, qui s’est ouvert le 6 mai, est le premier dont je suis les audiences au long cours. Les bâtiments du palais de justice sont flambant neufs et les enjeux du procès, inédits : c’est la première fois que les dirigeants d’une grande entreprise française sont jugés pour harcèlement moral. Sur les bancs des prévenus, ils sont sept à devoir rendre compte de la politique qu’ils ont menée pour redresser l’entreprise entre 2005 et 2010. Sous la pointe de l’iceberg que constituent les 19 décès et les 12 tentatives de suicide dont le tribunal est saisi, ce sont des milliers de salariés qui ont été fragilisés par la réorganisation à marche forcée de l’opérateur dans le cadre du plan Next et de son volet social Act.

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J’ai décidé de me rendre régulièrement aux audiences de ce procès car cela fait dix ans que je m’intéresse aux métamorphoses du capitalisme contemporain et à la question de la souffrance au travail. Le roman que j’y ai consacré, et qui paraît mi-août, a pris forme au moment de la crise des subprimes, qui a coïncidé avec l’entrée de ma génération sur le marché de l’emploi. La crise que traversait France Télécom n’était alors qu’un des exemples des effets que la pression économique exerce sur nos corps et sur nos esprits, mais elle a acquis avec les années une valeur emblématique. Entre l’exercice de la justice et l’art du roman, du moins quand il est pratiqué dans un esprit de pluralisme, il m’a toujours semblé y avoir de solides points communs : ce sont des espaces où les discours entrent en confrontation, où on se donne les moyens d’entendre toutes les voix ; on est incité à s’y méfier des jugements hâtifs et à prendre le temps de raisonner à charge et à décharge. C’est le sens de ma présence ici : aller au-delà de ce que j’ai pu lire sur le sujet et me faire ma propre opinion.

Au procès France Télécom : « La mort de mon père, c’est la réussite de leur objectif »

Rémy Louvradoux, 56 ans, s’est immolé par le feu, le 26 avril 2011, devant l’agence de Mérignac (Gironde), après avoir été ballotté de poste en poste par sa direction. Jeudi, sa fille a témoigné devant le tribunal correctionnel de Paris.

Par Publié aujourd’hui à 05h57, mis à jour à 09h01

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Son père est « la trace sur le mur ». Une tache noire sur la façade de l’agence France Télécom à Mérignac (Gironde), devant laquelle il s’est immolé par le feu, le 26 avril 2011. Rémy Louvradoux avait 56 ans. Sa fille Noémie allait fêter ses 18 ans. Huit ans plus tard, jeudi 27 juin, c’est elle qui s’avance à la barre du tribunal correctionnel de Paris, qui juge sept anciens dirigeants de l’entreprise pour « harcèlement moral » et complicité de ce délit.

Noémie Louvradoux témoigne au nom de sa mère, de ses deux frères et de sa sœur cadette, assis au premier rang du public. La jeune femme est un bloc de colère et de chagrin. Elle jette l’une et l’autre à la face des prévenus : « Ils ont assassiné mon père. Ils ont tué notre vie de famille. Et ils ont dit qu’ils ne savaient pas. » Elle égrène chacun de leur nom : « C’est une horreur et ils en sont responsables. »

Rémy Louvradoux était entré chez France Télécom en 1979, il était fonctionnaire. En 2006, son poste de « préventeur » régional, chargé de la sécurité et des conditions de travail au sein de la direction des ressources humaines du Sud-Ouest, est supprimé. On lui confie une fonction de contrôleur interne pendant deux ans avant qu’il soit à nouveau « redéployé » en 2008. Il devient alors chargé de mission dans un poste précaire dont la durée ne peut excéder douze mois. « Bien en deçà de ses qualifications et de son grade », dit sa fille. Pendant l’instruction, l’un des responsables de l’agence Sud-Ouest Altlantique avait admis que ces missions « n’étaient pas des vrais postes. Ce n’était pas trop constructif, pas vraiment pensé, pas valorisant. »

Dans une lettre adressée en mars 2009 à la direction des ressources humaines de sa direction territoriale, Rémy Louvradoux évoque la dégradation de ses conditions de travail, rémunération en baisse, temps de trajet qui s’allongent. A la même époque, les candidatures qu’il dépose dans la fonction publique territoriale échouent les unes après les autres. Doit-il se considérer comme « totalement incompétent » ou fait-il « l’objet d’une attention particulière et personnalisée », demande-t-il ? Aucun entretien ne lui est proposé à la suite de son courrier.

« Il était là, physiquement, mais c’est tout »

Rémy Louvradoux se replie sur lui-même. « On ne connaissait plus ses collègues de travail, il ne voulait plus sortir », raconte sa fille. Rémy Louvradoux prend du poids, sa santé se détériore. « Il était tout le temps fatigué. Avant, il faisait du cyclisme et de la natation. Il a tout arrêté. » A la maison, l’atmosphère devient lourde. « On avait quand même une vie de famille, on prenait tous nos repas ensemble. Mais mon père voulait toujours le silence, il se mettait en colère, il ne parlait plus, sauf avec ma mère. Ça a détaché le lien qu’il avait avec nous et celui qu’on avait avec lui. Il était là, physiquement, mais c’est tout. Il avait perdu toute estime de lui-même, au travail et en famille. »

Le chimiste allemand BASF va supprimer 6 000 emplois dans le monde

Cette annonce intervient dans le cadre d’un programme visant à dégager 2 milliards d’euros d’économies annuelles dès 2021, a précisé l’entreprise dans un communiqué.

Le Monde avec AFP Publié hier à 18h16, mis à jour à 08h57

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Le groupe va centraliser plusieurs services, comme l’achat, les ressources humaines, la finance et la logistique.
Le groupe va centraliser plusieurs services, comme l’achat, les ressources humaines, la finance et la logistique. Christian Hartmann / REUTERS

Six mille, sur 122 000. C’est le nombre d’emplois que le géant allemand de la chimie BASF va supprimer, d’ici à 2021 dans le monde, pour parvenir à une « croissance plus profitable ». BASF compte notamment « simplifier son organisation » et « augmenter l’efficacité de son administration » dans le cadre d’un programme visant à dégager 2 milliards d’euros d’économies annuelles dès 2021, a précisé l’entreprise dans un communiqué.

Le groupe va notamment centraliser plusieurs services, comme l’achat, les ressources humaines, la finance et la logistique. Avec la nouvelle organisation, « nous voulons nous concentrer sur les synergies » et « permettre plus de flexibilité », a commenté Martin Brudermüller, patron du groupe.

Accord collectif pour le site de Ludwigshafen

Dans le cadre de la restructuration, les syndicats et la direction se sont mis d’accord pour anticiper la renégociation d’un accord collectif pour le site de Ludwigshafen, valable jusqu’en décembre 2020. Les parties envisagent de signer un nouvel accord au premier semestre de l’année prochaine.

Le groupe a connu une année 2018 difficile, marquée par la sécheresse, le ralentissement chinois et la guerre commerciale. Il a aussi vu au premier trimestre « fléchir la demande de certains clients industriels clés, en particulier le secteur automobile », avait expliqué BASF début mai. Pour l’ensemble de l’année, le groupe chimique a confirmé viser « une légère hausse de ses ventes », ainsi qu’une « légère progression » du résultat opérationnel avant exceptionnels.

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Canicule : dans la fournaise avec les livreurs à vélo

Les plates-formes de livraison ne mettent pas en place de dispositif particulier visant à accompagner leurs livreurs durant cette période de forte chaleur.

Par Publié aujourd’hui à 17h38, mis à jour à 18h15

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Un livreur à vélo Uber Eats, au centre de Lille, en 2017.
Un livreur à vélo Uber Eats, au centre de Lille, en 2017. PHILIPPE HUGUEN / AFP

En ce jeudi 27 juin de canicule, aux alentours de midi, les livreurs à vélo se font rares place d’Italie, dans le 13e arrondissement de Paris, un lieu où ils ont pourtant l’habitude de se regrouper autour des nombreux restaurants. Adossé à un arbre, cela fait dix minutes que Mouhanned attend sa prochaine course. « L’été, c’est deux fois plus dur. A cause de la température, mais aussi car il y a moins de commandes, les gens préfèrent manger dehors. Les temps d’attente sont plus longs », explique ce livreur d’Uber Eats.

A cela s’ajoutent des pépins techniques liés aux fortes chaleurs. « Le vélo s’use plus rapidement. Hier, j’ai encore dû changer ma chambre à air. » Conséquence : ce trentenaire qui travaille aussi sur un chantier s’adapte. « Je livre une heure ou deux en journée et concentre le reste de mes livraisons entre 21 heures et 2 heures du matin, ce qui me permet de gagner environ 200 euros par semaine. »

Edouard, lui, a jeté l’éponge. Après une soirée de lundi particulièrement éprouvante, ce livreur pour la plate-forme Deliveroo a décidé d’annuler ses créneaux sur le reste de la semaine.

« Il faut être raisonnable, entre la chaleur et la pollution, il est dangereux de pédaler pendant plusieurs heures. »

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Mais la décision de cesser complètement leur activité n’est pas sans conséquence pour les livreurs. Non seulement ils ne toucheront pas un centime, mais ils seront pénalisés par l’algorithme d’attribution des créneaux de livraison de Deliveroo. Avec le risque de se retrouver la semaine suivante avec des plages horaires ou des lieux moins rémunérateurs.

« La compétition est encore plus rude »

Certains ne peuvent pas se le permettre. « C’est mon seul revenu, la question ne se pose même pas. D’autant qu’en été la compétition est encore plus rude, beaucoup d’étudiants se mettant à livrer pendant cette période », explique Nicolas, qui travaille pour Uber Eats et Stuart à Bordeaux. Selon lui, cette abondance de petits bras permet aux plates-formes de ne pas augmenter la rémunération malgré les conditions de travail plus difficiles.

Glovo invite ses utilisateurs à offrir un verre d’eau aux livreurs.
Glovo invite ses utilisateurs à offrir un verre d’eau aux livreurs. DR

Interrogée, Deliveroo ne prévoit pas, en effet, de hausse de tarifs, comme ça a pu être le cas lors de fortes intempéries. C’est tout juste si le site a envoyé des messages de prévention par courriel à ses coursiers les incitant à bien s’hydrater… et mis en place des « distributions d’eau dans toutes les villes touchées par la canicule ». Cynique, la plate-forme Glovo invite ses clients à « offrir un petit verre d’eau » aux coursiers. Un message qui a fait fortement réagir sur les réseaux sociaux, soulevant la question des conditions de travail de ces livreurs indépendants pendant la canicule.

« Les plates-formes font le minimum vital », regrette Jérôme Pimot, ancien livreur Deliveroo et membre du Collectif des livreurs autonomes de Paris (CLAP), qui dénonce l’hypocrisie des plates-formes. « D’un côté, les distributions d’eau sont assurées par d’autres travailleurs indépendants, avec des moyens très limités. De l’autre, l’entreprise vient de lancer une offre promotionnelle pour relancer ses ventes pendant la canicule. »

L’offre promotionnelle de Deliveroo.
L’offre promotionnelle de Deliveroo. DR

D’un point de vue légal, rien n’oblige ces entreprises à prendre des mesures adaptées envers leurs livreurs. « Ce ne sont pas des salariés, mais des autoentrepreneurs, ils ne sont donc pas soumis au droit du travail, explique Karine Audouze, avocate associée dans le cabinet UGGC. Quant au gouvernement, il ne dispose d’aucun moyen légal pour limiter l’activité de ces plates-formes en période d’aléas climatiques. »

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Ford va supprimer 12 000 emplois en Europe

Cette cure d’austérité fait partie d’une vaste restructuration annoncée à l’automne par le PDG, Jim Hackett, pour économiser 11 milliards de dollars.

Le Monde avec AFP Publié aujourd’hui à 15h29, mis à jour à 15h46

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Le constructeur estime être « en bonne voie pour améliorer son résultat financier en Europe ».
Le constructeur estime être « en bonne voie pour améliorer son résultat financier en Europe ». KAMIL KRZACZYNSKI / REUTERS

Douze mille emplois supprimés dans toute l’Europe et six fermetures d’usine d’ici à fin 2020. Ce sont les objectifs du plan de restructuration qu’a annoncé, jeudi 27 juin, le constructeur automobile américain Ford. Le chiffre inclut les 5 400 suppressions de postes déjà annoncées pour l’Allemagne, ainsi que les 1 700 postes qui disparaîtront au Royaume-Uni dans le cadre de la fermeture d’une usine au Pays de Galles.

Les fermetures d’usine, dont font partie trois sites en Russie, un en Slovaquie et celui de Blanquefort (Gironde, sud-ouest de la France), étaient déjà annoncées, mais l’impact total sur l’emploi n’avait jusqu’ici pas été détaillé. Il s’agira « principalement de départs volontaires », a précisé Ford, qui emploie en Europe quelque 51 000 personnes et possède 24 usines.

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Faire de Ford un groupe plus « agile »

Cette cure d’austérité fait partie d’une vaste restructuration annoncée à l’automne par le PDG, Jim Hackett, pour économiser 11 milliards de dollars (9,68 milliards d’euros) et faire de Ford un groupe plus « agile » avec des procédures de prise de décisions accélérées. Ford veut en effet retrouver le peloton de tête dans la transformation en cours du secteur automobile sous l’effet de l’explosion de l’autopartage, du covoiturage et surtout du développement de la voiture autonome et de l’accélération vers l’électrique.

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Le constructeur estime d’ailleurs être « en bonne voie pour améliorer son résultat financier en Europe » et a indiqué vouloir d’avantage se concentrer sur la mobilité électrique. Ford a également annoncé une réorganisation de son activité européenne en trois branches indépendantes : « véhicules de passagers », « utilitaires » et « import ».

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Dépendance : « Qu’on le veuille ou non, tous les Français sont ou seront un jour aidants »

Aménagement des horaires, télétravail, congés élargis et rémunérés, des solutions existent pour concilier vie d’aidant et vie professionnelle, expliquent dans une tribune au « Monde », les chefs d’entreprise Emma Berger et Anne-Béatrice Sonnier.

Publié aujourd’hui à 11h22, mis à jour à 12h11 Temps de Lecture 3 min.

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« Aménagement des horaires (30 %), télétravail (26 %), congés élargis et rémunérés (10 %) sont les pistes les plus largement partagées. »
« Aménagement des horaires (30 %), télétravail (26 %), congés élargis et rémunérés (10 %) sont les pistes les plus largement partagées. » Odilon Dimier/PhotoAlto / Photononstop

Tribune. Certains les appellent les « invisibles », ces onze millions de Français, d’aidants qui accompagnent, au quotidien, un proche en situation de dépendance en raison de son âge, d’un handicap ou d’une maladie. Soit un Français sur six et un salarié sur dix. Or, 79 % d’entre eux estiment avoir du mal à concilier vie d’aidant et vie professionnelle. Pas simple, en effet, de rester concentré, motivé et disponible pour son travail et ses collègues lorsqu’on consacre 16 heures par semaine à un proche.

Si on y ajoute le coût engendré – plus de 2 000 euros par an – et les déplacements incessants – la distance moyenne entre l’aidant et son proche est de 226 kilomètres – on se rend compte de l’enjeu majeur que cela représente pour les entreprises et la société dans son ensemble. Avec une population de plus de 85 ans qui devrait tripler au cours des 30 prochaines années, il est temps de prendre le sujet à bras-le-corps.

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Et c’est bien ce qui semble en train d’émerger. Pour permettre, enfin, à tous les Français de pouvoir concilier vie d’aidant et vie professionnelle, tout commence par un contexte législatif adapté et favorable. Si, bien sûr, les entreprises peuvent beaucoup, le législateur reste celui qui impulse le changement et déploie le cadre nécessaire.

Amélioration législative

Si les lois de 2015 et de 2019 ne répondent pas à tout, elles changent néanmoins la donne. Alors que la loi de 2015, dite « loi de l’adaptation de la société au vieillissement », apporte des réponses concrètes pour améliorer le quotidien des personnes âgées mais aussi des aidants en leur garantissant un droit au répit et un congé de « proche aidant », la loi de 2019 vient renforcer le dispositif.

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Publiée le 9 mai, elle vise spécifiquement à favoriser la reconnaissance des aidants, notamment dans le cadre de leur vie professionnelle. Avec deux mesures-phares : la mention de l’aidant dans le dossier médical partagé (DMP) de la personne aidée, et inversement ; la prise en compte obligatoire du sujet des aidants dans les négociations collectives de branches (article 1). L’avancée est incontestablement majeure.

Sonia Rykiel est à la recherche d’un repreneur

Une dizaine de candidats français et internationaux sont en lice pour reprendre la société de prêt-à-porter.

Par Publié aujourd’hui à 10h08, mis à jour à 10h22

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La directrice artistique de Sonia Rykiel, Julie de Libran, lors de la Fashion Week, à Paris, en septembre 2018.
La directrice artistique de Sonia Rykiel, Julie de Libran, lors de la Fashion Week, à Paris, en septembre 2018. Stephane Mahe / REUTERS

« Vendredi [28 juin], c’est fini… La boutique Sonia Rykiel de Toulouse ferme ses portes. C’est un crève-cœur, tant pour nos clientes fidèles que pour nous », confie Anne Listuzzi, 48 ans, qui y travaille depuis son ouverture, en 1995. Ma mère adorait cette marque, et j’ai également eu un coup de cœur. Chez Sonia Rykiel, j’ai tout connu. Les files d’attente devant la boutique, les mois de décembre exceptionnels… Et, depuis 2012, la reprise de la marque, les prix qui augmentent et la clientèle qui ne s’y retrouve plus… et un plan social en 2015. Bref, la dégringolade… »

Lundi 1er juillet, le tribunal de commerce de Paris doit désigner le repreneur de la célèbre marque de prêt-à-porter de Saint-Germain-des-Près, dont la créatrice est morte en 2016, placée en redressement judiciaire depuis avril. Une dizaine de candidats français et internationaux se pressent pour reprendre la société, mais ne proposent de reprendre, pour les plus sérieux, qu’entre 30 et 90 personnes sur les 133 salariés restants.

En 2012, quand Sonia Rykiel cède l’entreprise au fonds First Heritage Brands (FHB), qui associe Jean-Marc Loubier à la famille hongkongaise Fung et au fonds singapourien Temasek, la maison employait encore plus de 330 personnes. A l’époque, les ambitions des repreneurs sont très fortes : doubler le chiffre d’affaires (83 millions d’euros en 2011), internationaliser la société et la numériser. Le fonds promet d’y mettre jusqu’à 200 millions d’euros…

De désillusion en désillusion

En pure perte. Au lieu d’un nouveau départ, la marque va de désillusion en désillusion. En 2015, face aux difficultés, le propriétaire organise un plan social de près de 80 personnes, arrête plusieurs lignes de produits, ferme des boutiques et cesse certaines licences. Le chiffre d’affaires ne se redresse pas pour autant. En 2018, il était autour d’un peu plus de 30 millions d’euros, soit autant que sa dette, évaluée à 30 millions.

« Nous sommes passés d’une affaire familiale, gérée de manière humaine et en bon père de famille, à une société dirigée par des cadres de l’école LVMH. Leur approche était très structurée, avec des procédés très rigides et des budgets prédéfinis, relate une représentante du personnel, qui souhaite garder l’anonymat. Mais la greffe n’a pas pris. »

« Pour faire fonctionner une griffe, il faut un copilotage efficace entre une direction artistique et un manageur, remarque Jean-Jacques Picart, un très bon connaisseur du secteur. Il semble que Julie de Libran, la directrice artistique, et Jean-Marc Loubier, le manageur, n’ont pas réussi à travailler de concert. »

Après le Ticket Restaurant, le « ticket mobilité » est annoncé pour 2020

Les contours de ce dispositif destiné à inciter les salariés à utiliser des transports peu polluants pour se rendre au travail se précisent avec le vote de la loi d’orientation des mobilités.

Par Publié aujourd’hui à 06h00

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« L’auto-partage et la location de véhicules en libre-service seront ajoutés par décret, a promis la ministre des transports. Reste à savoir si les trottinettes seront dans le lot. »
« L’auto-partage et la location de véhicules en libre-service seront ajoutés par décret, a promis la ministre des transports. Reste à savoir si les trottinettes seront dans le lot. » Jacques Loic / Photononstop

Après l’examen du projet de loi d’orientation des mobilités (LOM) par le Sénat et des discussions intensives sur les bancs de l’Assemblée nationale, les députés ont finalement voté le texte, le 18 juin. La mise en place d’un forfait mobilité, visant à encourager les salariés à utiliser des transports peu polluants pour leurs trajets domicile-travail, figure parmi les mesures les plus discutées.

Le défi est ardu : selon l’lnsee, 7 salariés sur 10 utilisent la voiture pour se rendre au travail. Une indemnisation kilométrique vélo (IKV) avait déjà été mise en place par le précédent gouvernement en 2016, mais celle-ci ne semble pas vraiment avoir trouvé son public : seulement 144 employeurs ont déclaré auprès de l’Observatoire de l’indemnité kilométrique vélo la verser à leurs salariés. La ministre des transports, Elisabeth Borne, a promis que ce nouveau forfait mobilité serait un dispositif plus simple à mettre en œuvre et surtout plus étendu. Il sera mis en place dès le 1er janvier 2020.

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L’employeur pourra prendre en charge tout ou partie des frais engagés par ses salariés se rendant au travail avec leur vélo ou en covoiturage, que ce soit en tant que conducteur ou passager. L’auto-partage et la location de véhicules en libre-service seront ajoutés par décret, a promis la ministre des transports. Reste à savoir si les trottinettes seront dans le lot.

Un titre mobilité sur le modèle du Ticket Restaurant

En ce qui concerne la fiscalité, l’indemnité kilométrique vélo était exonérée de cotisations sociales pour l’entreprise et d’impôt sur le revenu pour le salarié dans la limite de 200 euros par an, le nouveau forfait mobilité double ce plafond. Le forfait mobilité sera défiscalisé jusqu’à « 400 euros par an », précise le projet de loi.

Le Sénat a aussi permis le cumul du forfait mobilité avec la prise en charge par l’employeur de la moitié de l’abonnement de transport en commun, sans plafond, et la participation (facultative) de l’employeur aux frais du carburant et de l’énergie dans la limite de 400 euros par an pour l’alimentation des véhicules électriques, hybrides rechargeables et hydrogènes. Attention : « Cette disposition sera réservée à ceux qui n’ont pas accès aux transports en commun », précise le communiqué du ministère. Particularité pour le secteur public, les fonctionnaires pourront bénéficier du forfait mobilité à hauteur de 200 euros par an maximum.

Faible mobilisation et front syndical désuni contre la réforme de l’assurance-chômage

Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, et François Hommeril, président de la CFE-CGC, lors d’une manifestation contre la réforme de l’assurance-chômage, à Paris, le 25 juin.
Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, et François Hommeril, président de la CFE-CGC, lors d’une manifestation contre la réforme de l’assurance-chômage, à Paris, le 25 juin. LIONEL BONAVENTURE / AFP

Quelques centaines de manifestants pour défendre le sort de millions de personnes inscrites à Pôle emploi… Le gouvernement n’a pas de mouron à se faire : bien que l’ensemble des syndicats y soient hostiles, la réforme de l’assurance-chômage ne déclenche, à ce stade, aucune mobilisation de grande ampleur.

Mardi 25 juin, ils étaient environ trois cents à s’être donné rendez-vous sous les fenêtres du ministère du travail, à l’angle de la rue de Grenelle et du boulevard des Invalides. Une initiative lancée par plusieurs confédérations de salariés (CFDT, CFE-CGC, CFTC, UNSA) et une organisation étudiante (FAGE), à laquelle s’étaient joints des représentants de plusieurs associations (comme Solidarités nouvelles face au chômage).

Leur but : exprimer tout le mal qu’ils pensent des mesures dévoilées le 18 juin par l’exécutif pour transformer le système d’indemnisation des demandeurs d’emploi. Ces changements devraient avoir pour effet de réduire les dépenses de 3,75 milliards d’euros (de novembre 2019 à fin 2021), une partie de ces gains (350 millions) devant être réinjectés dans l’accompagnement des chômeurs, ce qui engendrerait au total 3,4 milliards d’économies.

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Chaque personne présente mardi a pu constater combien il est difficile de sensibiliser l’opinion sur un tel sujet. « Il y a plus de CRS que de syndicalistes », plaisantait – à moitié – François Hommeril, le numéro un de la CFE-CGC, au tout début du rassemblement.

Même si elles savaient à l’avance qu’il n’y aurait pas foule, les organisations à l’origine de cette action tenaient à marquer le coup, face à un projet « proprement scandaleux et injuste », selon Laurent Berger. Une semaine après les annonces gouvernementales, la colère du secrétaire général de la CFDT n’est pas retombée. Critiquant à nouveau la « logique purement budgétaire » des dispositions prises, il s’est élevé face à l’« espèce de cynisme » de l’exécutif, qui cherche à suggérer que « quand on est au chômage, on l’a bien cherché ». « Ce n’est pas vrai ! », a-t-il martelé.

« Ce sont les plus précaires, ceux qui sont les plus éloignés de l’emploi, ceux qui enchaînent les CDD qui vont être les premiers touchés et à ça, on s’y oppose formellement », a déclaré Philippe Louis, président de la CFTC.

« On ne pouvait pas laisser passer ça sans rien dire, surtout au moment où le président de la République parle de virage social… », a complété Laurent Escure, secrétaire général de l’UNSA.

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Une fois de plus, les syndicats n’ont pas réussi à constituer un front uni alors même que leur analyse sur le fond est identique. Force ouvrière était absente, mardi. Son leader, Yves Veyrier, explique avoir découvert l’initiative des centrales dites « réformistes » au moment où elle a été rendue publique, soit aussitôt après la présentation de la réforme, le 18 juin. Quant à la CGT, elle devait organiser un rassemblement, mercredi, devant le siège de l’Unédic – l’association paritaire qui gère l’assurance-chômage.

En ordre dispersé

« Cette mobilisation étant prévue depuis plusieurs mois, nous sommes restés dessus, indique Denis Gravouil, représentant de la centrale de Montreuil (Seine-Saint-Denis). La CFDT a sorti la semaine dernière son appel à une manifestation symbolique. Ni moi ni quiconque à la CGT n’avons été contactés à ce sujet. »

Mardi, M. Berger a, pour sa part, affirmé avoir « proposé de faire cette initiative ». Interrogé plusieurs fois sur la réaction en ordre dispersé des confédérations, il a fini par lâcher, agacé : « Si vous voulez faire de cette mobilisation un élément de discussion sur l’unité syndicale, vous repasserez. C’est pas le sujet d’aujourd’hui. »

Plusieurs responsables de centrales espèrent cependant qu’ils parviendront à resserrer les rangs. M. Veyrier assure se placer dans cette optique. « Il reste des choses à construire ensemble », d’après M. Hommeril. Mais l’idée d’une intersyndicale – que M. Gravouil dit avoir proposée à la CFDT depuis février, sans succès – tarde à se concrétiser.

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