Au procès France Télécom : « La mort de mon père, c’est la réussite de leur objectif »

Au procès France Télécom : « La mort de mon père, c’est la réussite de leur objectif »

Rémy Louvradoux, 56 ans, s’est immolé par le feu, le 26 avril 2011, devant l’agence de Mérignac (Gironde), après avoir été ballotté de poste en poste par sa direction. Jeudi, sa fille a témoigné devant le tribunal correctionnel de Paris.

Par Publié aujourd’hui à 05h57, mis à jour à 09h01

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Son père est « la trace sur le mur ». Une tache noire sur la façade de l’agence France Télécom à Mérignac (Gironde), devant laquelle il s’est immolé par le feu, le 26 avril 2011. Rémy Louvradoux avait 56 ans. Sa fille Noémie allait fêter ses 18 ans. Huit ans plus tard, jeudi 27 juin, c’est elle qui s’avance à la barre du tribunal correctionnel de Paris, qui juge sept anciens dirigeants de l’entreprise pour « harcèlement moral » et complicité de ce délit.

Noémie Louvradoux témoigne au nom de sa mère, de ses deux frères et de sa sœur cadette, assis au premier rang du public. La jeune femme est un bloc de colère et de chagrin. Elle jette l’une et l’autre à la face des prévenus : « Ils ont assassiné mon père. Ils ont tué notre vie de famille. Et ils ont dit qu’ils ne savaient pas. » Elle égrène chacun de leur nom : « C’est une horreur et ils en sont responsables. »

Rémy Louvradoux était entré chez France Télécom en 1979, il était fonctionnaire. En 2006, son poste de « préventeur » régional, chargé de la sécurité et des conditions de travail au sein de la direction des ressources humaines du Sud-Ouest, est supprimé. On lui confie une fonction de contrôleur interne pendant deux ans avant qu’il soit à nouveau « redéployé » en 2008. Il devient alors chargé de mission dans un poste précaire dont la durée ne peut excéder douze mois. « Bien en deçà de ses qualifications et de son grade », dit sa fille. Pendant l’instruction, l’un des responsables de l’agence Sud-Ouest Altlantique avait admis que ces missions « n’étaient pas des vrais postes. Ce n’était pas trop constructif, pas vraiment pensé, pas valorisant. »

Dans une lettre adressée en mars 2009 à la direction des ressources humaines de sa direction territoriale, Rémy Louvradoux évoque la dégradation de ses conditions de travail, rémunération en baisse, temps de trajet qui s’allongent. A la même époque, les candidatures qu’il dépose dans la fonction publique territoriale échouent les unes après les autres. Doit-il se considérer comme « totalement incompétent » ou fait-il « l’objet d’une attention particulière et personnalisée », demande-t-il ? Aucun entretien ne lui est proposé à la suite de son courrier.

« Il était là, physiquement, mais c’est tout »

Rémy Louvradoux se replie sur lui-même. « On ne connaissait plus ses collègues de travail, il ne voulait plus sortir », raconte sa fille. Rémy Louvradoux prend du poids, sa santé se détériore. « Il était tout le temps fatigué. Avant, il faisait du cyclisme et de la natation. Il a tout arrêté. » A la maison, l’atmosphère devient lourde. « On avait quand même une vie de famille, on prenait tous nos repas ensemble. Mais mon père voulait toujours le silence, il se mettait en colère, il ne parlait plus, sauf avec ma mère. Ça a détaché le lien qu’il avait avec nous et celui qu’on avait avec lui. Il était là, physiquement, mais c’est tout. Il avait perdu toute estime de lui-même, au travail et en famille. »

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LJD

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