Archive dans février 2023

Face à la désertion des salariés des hôtels, restaurants et campings, le douloureux réveil des employeurs

Un travailleur saisonnier dans un camping de Biscarrosse (Landes), lors d’une journée caniculaire (alerte rouge sur le département), le 17 juin 2022.

Branle-bas de combat chez Sandaya. En ce mois de février, ce groupe de campings a lancé son plan d’attaque pour recruter 2 400 personnes : animateurs, cuisiniers, réceptionnistes, agents de nettoyage, responsables de sites… L’objectif : éviter de se retrouver, comme la saison 2022, avec plusieurs centaines de postes vacants et des problèmes en cascade. « Dans les restaurants, on avait dû fermer certains jours ou réduire les horaires. Le ménage, c’était très compliqué aussi. On a fait appel à des boîtes d’intérim, mais ça nous a coûté très cher et ce n’était pas le service qu’on attendait », expose François Georges, le patron du groupe.

Enquête : Article réservé à nos abonnés « Il va falloir se rendre compte que les gens ne sont plus corvéables à merci » : dans l’hôtellerie-restauration, les départs de salariés se multiplient

En 2023, chez Sandaya, tout un catalogue de nouvelles mesures est en train d’être déployé : augmentation des salaires (jusqu’à + 20 % pour certains métiers), création d’une prime à la cooptation (jusqu’à 250 euros) pour tout employé qui recommande un candidat de son entourage, d’une prime de retour (de 200 à 500 euros) pour ceux qui reviennent d’une année sur l’autre, hausse « d’un tiers » du nombre de logements proposés au personnel… « Les premiers signaux semblent dire que ça marche », relève François Georges.

Le secteur du tourisme réussira-t-il à repenser ses emplois afin de les rendre plus attractifs ? Depuis la pandémie de Covid-19, les difficultés de recrutement se sont aggravées, notamment car les longues périodes d’interruption et de ralentissement global de l’activité, en 2020 et en 2021, ont poussé nombre de salariés à bifurquer vers d’autres horizons.

Chez Belambra, parmi les 450 saisonniers réguliers, 175 ont « disparu » depuis. « Des gens qui nous étaient fidèles depuis des années ont posé le crayon et nous ont dit : je peux plus, relate Alexis Gardy, le président de ces clubs de vacances. Ils ont passé du temps en famille, ils ont eu du temps pour réfléchir à leur avenir. Avec le recul, certaines contraintes liées au secteur leur sont devenues insupportables. »

Lire notre décryptage : Article réservé à nos abonnés Logistique, hôtellerie, bâtiment… La grande pénurie de main-d’œuvre à travers l’Europe

En France, environ 250 000 postes seraient à pourvoir rien que dans l’hôtellerie et la restauration. « On a beau avoir fait une année 2022 extra, on aurait pu faire 5 % à 10 % de plus si on n’avait pas réduit l’offre en raison d’un manque de personnel. Et cela commence à donner lieu à des frictions entre employeurs, qui se piquent leurs meilleurs éléments », commente Christian Mantei, président d’Atout France.

« Absence de considération »

Dès lors, comment attirer davantage de jeunes vers ce secteur ? Il y a du pain sur la planche, car c’est toute la vision de ces métiers qu’il faut repenser, explique Dominique Marcel, président de l’Alliance France Tourisme, un groupe de réflexion qui a produit un rapport sur ce sujet, fin 2022. « On a un problème culturel avec les métiers du tourisme, qui sont assimilés à de la servitude », observe-t-il.

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Face aux effets du changement climatique sur la santé au travail, « les entreprises ne sont pas suffisamment mobilisées »

L’année 2022, marquée par des records de chaleur et une sécheresse historique, a montré à quel point le travail était également touché par le changement climatique. Les travailleurs ressentent une combinaison d’effets du climat sur leur santé, allant de la pénibilité induite par des environnements de travail non adaptés à une remise en question du sens même du travail.

Depuis octobre, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) s’est saisi du sujet, pour un avis qu’il doit remettre le 25 avril, et qui s’appuie sur une enquête publiée mi-février. Jean-François Naton, conseiller au CESE désigné par la Confédération générale du travail (CGT) et corapporteur de l’avis « Travail, santé-environnement », livre son analyse et des pistes pour mieux prendre en compte l’impact du climat sur la santé des travailleurs.

Existe-t-il une prise de conscience générale sur le changement climatique dans le monde du travail ?

Individuellement, les travailleurs ont conscience que les activités humaines sont à l’origine du changement climatique, et ils estiment que cela a ou aura des conséquences importantes sur les situations de travail. Notre enquête, qui s’appuie sur des auditions et une consultation en ligne ayant recueilli les réponses de 1 922 participants, suggère que cette prise de conscience est liée à la formation : 34 % des salariés ont suivi ou prévoient de suivre une formation sur le sujet, organisée par leur employeur ou de leur propre initiative. Les participants à notre enquête considèrent que le travail doit être une solution pour lutter contre le changement climatique et que sa transformation est nécessaire pour minimiser son impact négatif sur la planète. Une bascule est à l’œuvre.

Quels effets sur la santé au travail sont ressentis à cause du changement climatique ?

Certains métiers cumulent les pénibilités : transport, organisation et conditions de travail, manque de récupération, etc. Nous avons là une situation potentiellement explosive pour la santé des travailleurs. Pendant les périodes de canicule, les nuits non réparatrices entraînent une accumulation de fatigue et d’épuisement. En raison de la chaleur, les conditions de travail à l’intérieur, dans les bâtiments avec des baies vitrées par exemple, peuvent également se dégrader.

Les travailleurs sont confrontés – et le seront de plus en plus – à la promiscuité et à d’autres perturbations dans les transports entre leur domicile et leur lieu de travail. Par ailleurs, le changement climatique va accentuer le sentiment de perte de sens au travail. Notre pays souffre d’une crise du travail depuis plusieurs années. Pour un tiers des répondants à notre enquête, à cette question ancienne s’ajoute aujourd’hui ce que l’on appelle de l’éco-anxiété. Elle résulte des interrogations sur la finalité de l’engagement dans le travail : « Mon travail participe-t-il à la destruction de la planète ? » ; « En gagnant ma vie, est-ce que je détruis celle de mes enfants et petits-enfants ? » ; « Pourquoi je travaille ? » Il existe une vraie attente pour travailler autrement.

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La rédaction de « Paris Match » connaît une vague de départs inédite

A quoi ressemblera la rédaction de Paris Match dans trois semaines ? Depuis mercredi 22 février au soir, les journalistes de l’hebdomadaire, à l’instar de leurs collègues du Journal du dimanche, autre titre du groupe Lagardère, ont été mis en télétravail, le temps que des travaux soient menés dans leur immeuble commun – CNews, principale chaîne d’information du groupe de Vincent Bolloré, murmure-t-on dans les couloirs, pourrait bientôt les y rejoindre. « On se demande qui reviendra et qui l’on ne reverra plus », raconte une journaliste qui, comme beaucoup, requiert l’anonymat.

Lire aussi : La rédaction de « Paris Match » signe une motion de défiance contre la direction après le départ de Bruno Jeudy

Il faut dire que, ces derniers temps, à Match, qu’ils soient choisis ou négociés, les départs s’enchaînent à une allure inédite. Après les journalistes Sophie des Déserts, Aurélie Raya et Emilie Lanez, le « rewriter » Jean-Pierre Bouyxou, le directeur artistique, Cyril Clément, le chef de la photographie, Guillaume Clavières, ou encore le secrétaire général de la rédaction, Alain Dorange, c’est la rédactrice en chef des pages « Vivre Match », Elisabeth Lazaroo, qui est partie définitivement cette semaine. Et ce, après que le site Internet de Franceinfo a révélé que la reporter Emilie Blachère avait déposé une requête aux prud’hommes afin de faire valoir sa clause de conscience. Ce dispositif permet à un journaliste de quitter son emploi avec des indemnités en cas de cession de son journal ou de changement de sa ligne éditoriale.

« Ma voix n’a pas du tout compté »

Or, il y a un an, le groupe Vivendi de Vincent Bolloré a lancé une OPA sur le groupe Lagardère. S’il en détient 57 % du capital, il n’est pas censé le contrôler tant que Bruxelles n’a pas donné son aval. Pourtant, et comme elle l’a longuement expliqué au site Les Jours, « Paris Match est en train de perdre la neutralité politique qui le caractérisait. Continuer d’y travailler était de nature à porter atteinte à mon travail et à ma réputation », défend-elle.

Le 31 mars, ce sera au tour de l’auteur de la chronique « L’air du temps », Gilles Martin-Chauffier, 68 ans, dont 43 de maison, de s’effacer

Les noms qui s’affichent dans l’ours, cette sorte de carte d’identité qui figure dans tous les journaux, ne cessent de changer. Trop vite, parfois. Celui de la spécialiste du Vatican, Caroline Pigozzi, véritable personnage d’un journal pour lequel elle écrit depuis trente ans, a disparu dès le numéro du 9 février. Désormais septuagénaire, elle est pourtant censée ne le quitter que le mardi 28 février.

Le 31 mars, ce sera au tour de Gilles Martin-Chauffier, auteur de la chronique « L’air du temps », de s’effacer. A 68 ans, dont 43 de maison, lui aussi fait figure de pilier. « Si la motion de défiance de l’été [2022] a été signée par 93 % des votants, souffle une plume, c’est en partie parce qu’il avait pris la parole » pour fustiger les conditions du départ de Bruno Jeudy, le chef du service politique, aujourd’hui remplacé par Laurence Ferrari, présentatrice sur CNews et Europe 1 – le journaliste avait assumé de contester la « une » consacrée au cardinal Robert Sarah, ultraconservateur et homophobe. « Ma voix n’a pas du tout compté, et je pars de mon plein gré », réfute pourtant le rédacteur en chef de l’« editing », qui espère poursuivre sa collaboration par quelques piges.

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Habillement : Burton of London commence à fermer des magasins en France, 221 emplois menacés

La chaîne française de magasins de vêtements Burton of London fermera 26 de ses 109 points de vente en France samedi 25 février, dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi qui prévoit « au maximum » le licenciement de 221 des 441 salariés, selon des sources concordantes. Le groupe, racheté pour un euro symbolique fin 2020 par l’entrepreneur Thierry Le Guénic, avait été placé en procédure de sauvegarde en octobre 2022.

Fermeront, entre autres, les magasins d’Aix-en-Provence, Clermont-Ferrand, La Roche-sur-Yon, Créteil, Montauban ou encore Paris Montparnasse, a annoncé vendredi à l’Agence France-Presse (AFP) Anne-Marie Da Costa, déléguée syndicale de la CFTC.

Le syndicat, majoritaire chez Burton, précise que selon le plan de sauvegarde de l’emploi homologué il y a quelques jours auprès de la Drieets (Direction régionale et interdépartementale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités) « 221 salariés sur 441 vont être licenciés » et « 62 magasins vont être fermés ou cédés et 47 seulement resteront ouverts ». La CFTC dénonce dans un communiqué « une véritable casse sociale d’autant que le plan de sauvegarde de l’emploi prévoit des mesures sociales très faibles voire déplorables alors que le dirigeant est détenteur de plusieurs entreprises avec des moyens colossaux ».

« On doit rentabiliser l’entreprise »

De son côté, Thierry Le Guénic, actionnaire majoritaire, a précisé à l’AFP que l’entreprise avait « été mise en sauvegarde afin de créer un nouveau projet pour Burton, qui passe par le fait qu’on doit rentabiliser l’entreprise ». « Les 26 magasins qui ferment samedi au public sont des magasins qui depuis dix ans ne sont pas rentables, on ne peut pas les garder », a-t-il détaillé.

Le chiffre de 221 licenciements pour 441 salariés « c’est le maximum du maximum, mais je pense qu’on sera plus proche de 110 ou 120 » grâce aux cessions de magasins. « Pour moi, la priorité est de les céder avec reprise du personnel », a-t-il affirmé.

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Concernant les 47 points de vente que le groupe ne ferme pas ou ne cherche pas à céder : les collections pour femmes vont disparaître pour se « recentrer sur l’homme » et les points de vente « accueilleront d’autres marques » que Burton of London. En 2020, Thierry Le Guénic a également racheté l’enseigne d’ameublement Habitat au groupe Cafom ainsi que, avec l’investisseur Stéphane Collaert, le chausseur San Marina, placé lundi en liquidation judiciaire.

Le Monde avec AFP

Kader Belarbi, directeur du Ballet du Capitole de Toulouse, licencié après une enquête administrative

Le directeur du Ballet du Capitole de Toulouse, Kader Belarbi (au premier plan), lors d’une répétition, à Toulouse, le 31 mars 2022.

Le 11 février, le chorégraphe Kader Belarbi, 60 ans, directeur du Ballet du Capitole de Toulouse, danseur étoile de l’Opéra national de Paris de 1989 à 2008, apprend par courrier son licenciement de la compagnie toulousaine. Nommé en 2012, il vient d’en être évincé à la suite d’« une enquête administrative interne menée au sein du Ballet du Capitole qui a, après avis unanime de la commission consultative paritaire, décidé de son licenciement », comme l’énonce le communiqué de Toulouse Métropole, employeur de l’Opéra et de l’Orchestre du Capitole.

Kader Belarbi a réagi dans un courriel envoyé à la presse, dimanche 12 février, dans lequel il « réclame justice ». Il dénonce un « licenciement expéditif qui a lieu sans que soient respectés les droits de la défense, et sans investigations menées sur les motivations réelles d’une plainte isolée aussi tardive qu’incohérente, d’un danseur ne faisant plus partie du Ballet ». Il évoque « un règlement de comptes grossier dicté par une réelle intention de nuire et instrumentalisé pour se débarrasser de [lui] ». Il affirme sa détermination « à faire éclater la vérité et à dénoncer le harcèlement dont [il a] fait l’objet ces dernières années pour [le] forcer à démissionner et les pratiques douteuses en matière RH du théâtre ».

Dans cette atmosphère, une mise au point a été faite, le même jour, lors d’une réunion avec les cinquante danseurs et techniciens de la troupe pour les rassurer quant à leur avenir. Claire Roserot de Melin, directrice générale de l’Etablissement public du Capitole, Christophe Ghristi, directeur artistique de l’Opéra du Capitole, ainsi que Francis Grass, adjoint au maire de Toulouse, chargé de la culture, président du conseil d’administration de l’Etablissement public du Capitole, étaient présents. « Des bruits couraient que la compagnie risquait de cesser son activité, glisse Francis Grass. C’est faux. Les tournées sont maintenues telles qu’annoncées. » Un point sur lequel Toulouse Métropole insiste. « Le licenciement de Kader Belarbi n’est pas une décision artistique. Nous voulons préserver le Ballet et assurer sa pérennité. La compagnie et le chœur sont les deux piliers de l’Opéra national du Capitole. »

« Geste inapproprié »

Le sujet est donc le management de Kader Belarbi depuis dix ans. Comme le précise, lundi 13 février, le Syndicat des artistes-musiciens de Midi-Pyrénées (Sammip-CGT). « Nous avons réagi très vite à ce qui commençait à passer, selon certains, pour une décision arbitraire et une “cabale” dont serait victime M. Kader Belarbi, souligne Yves Sapir, violoniste dans l’Orchestre du Capitole et délégué syndical Sammip-CGT, joint par téléphone. Il y a eu une procédure et une enquête diligentée à la demande de l’administration centrale de Toulouse Métropole. Des témoignages ont été recueillis qui attestent d’humiliations, d’attitudes vexatoires et de comportements inacceptables de la part d’un responsable artistique. »

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Abandons de poste : un phénomène réel à l’impact relatif

Voilà des chiffres sur lesquels les députés auraient aimé s’appuyer, il y a quelques mois. Mercredi 22 février, la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), le service statistique du ministère du travail, a publié une première étude sur les abandons de poste des salariés.

Le sujet avait fait irruption de manière inattendue, en octobre 2022, lors de l’examen du projet de loi « portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail » ayant entraîné une réforme de l’assurance-chômage, entrée en vigueur le 1er février. A l’initiative des députés de droite, et avec le soutien de la majorité et du gouvernement, une mesure avait été votée pour assimiler les abandons de poste à des démissions, alors qu’ils entraînaient jusque-là un licenciement pour faute grave ou lourde. Pour rappel, un abandon de poste décrit une situation dans laquelle un salarié quitte son poste de travail sans avoir prévenu ou obtenu l’autorisation de son employeur. Le changement opéré par les parlementaires a pour but d’empêcher l’ouverture de droits au chômage aux salariés dans cette situation.

L’absence de statistiques et d’études sur ce sujet avait fait l’objet de débat, l’opposition de gauche reprochant au gouvernement de surévaluer l’ampleur du phénomène alors que l’exécutif et Les Républicains faisaient état de l’aspect massif du problème en s’appuyant sur les déclarations de nombreux chefs d’entreprise. Quatre mois plus tard, cette première évaluation tant attendue est enfin sur la table. Résultat : le phénomène est significatif mais son ampleur sur l’assurance-chômage est à relativiser.

Procédures en grande majorité respectées

Au premier semestre 2022 – seule période étudiée par la Dares –, 123 000 salariés ont abandonné leur poste, dont 116 000 en CDI. Cela représente environ 70 % des licenciements pour faute grave ou lourde dans le secteur privé, loin devant ceux de nature disciplinaire (27 %), selon le document du ministère. Pour autant, les abandons de CDI ne représentent que 5 % de l’ensemble des fins de CDI sur la période, contre 43 % pour les démissions. Si ces chiffres ne sont pas du tout analysés dans l’étude, ils indiquent toutefois assez clairement que les salariés semblent en grande majorité respecter les procédures envers leur employeur.

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Concernant l’impact du phénomène sur l’assurance-chômage, 55 % des individus ayant abandonné leur poste se sont inscrits à Pôle emploi dans les trois mois et 43 % ouvrent un nouveau droit aux allocations chômage, environ 50 000 personnes. Enfin, selon la Dares, 24 % des salariés licenciés pour abandon de poste ne sont ni en emploi ni inscrit à Pôle emploi dans les trois mois suivant leur départ.

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« Au Japon, un printemps des salaires historique »

Koji Sato, futur patron de Toyota, lors d’une conférence de presse, à Tokyo, le 13 février 2023.

Voilà un rêve qui pourrait apaiser les nuits de Laurent Berger ou de Philippe Martinez, les patrons de la CFDT et de la CGT, s’ils peinent à s’endormir à cause des petits soucis qui les occupent actuellement. En ce mois de février, les négociations salariales annuelles battent leur plein au Japon. Chez Toyota, la plus célèbre entreprise du pays, les syndicats se sont préparés à des semaines d’âpres discussions pour un résultat bien mince.

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Mais, surprise, la direction annonce dès le premier jour qu’elle accède à toutes leurs demandes. A peine entamées, les négociations sont terminées. Du jamais-vu, même dans ce pays où le consensus est la règle. On ne connaît pas, pour l’instant, le niveau des augmentations obtenues, mais on sait déjà qu’il sera historique. « Nous devons encourager la redistribution des richesses », a affirmé Koji Sato, le futur patron du constructeur, qui prendra ses fonctions en avril.

Comme en Europe, le printemps est en avance au pays des cerisiers en fleurs, du moins pour les salaires. Car Toyota n’est pas seul à suivre ce chemin sympathique. Son concurrent Honda a précisé que les augmentations atteindraient 5 % cette année, un record là aussi. L’entreprise Fast Retailing, connue pour sa marque Uniqlo, est également de la partie, avec des hausses de salaire allant jusqu’à 40 %. Nintendo, Suntory ou Nippon Life Insurance suivent cette voie.

Convaincre les PME

Quelle mouche a donc piqué le gotha des affaires japonaises pour qu’il cède ainsi ? Ce n’est pas dans ses habitudes. Après quarante ans de quasi-déflation, le salaire japonais, 40 000 dollars (37 700 euros) par an en 2021, est largement au-dessous de la moyenne des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (51 000 dollars), et presque deux fois moins élevé qu’aux Etats-Unis (74 000 dollars).

Depuis des années, le gouvernement japonais tente d’encourager les entreprises à augmenter les salaires pour réveiller l’inflation. Celle-ci est enfin sortie du bois en 2022, à la faveur de la crise énergétique. L’augmentation des prix, hors alimentation, s’est inscrite en hausse de 4 % en 2022, là encore du jamais-vu depuis quarante ans. Il faut la soutenir par la consommation, et donc par les salaires.

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La banque centrale du Japon aimerait bien arrêter ainsi des décennies de politique ultra-laxiste de taux négatifs et d’injection massive de liquidités destinées à soutenir une dette publique stratosphérique gonflée par les plans de soutien. Le message semble enfin entendu par les grandes entreprises. Reste à convaincre les millions de PME qui font travailler 70 % des Japonais. Ce ne sera pas simple. Si le premier ministre, Fumio Kishida, y parvient, il aura brisé le sortilège qui empoisonne l’économie japonaise depuis presque un demi-siècle.

Pour atteindre la neutralité carbone, la création d’un « service public de l’urgence climatique » semble indispensable

Sur le front de la lutte contre le changement climatique, il y a au moins deux bonnes nouvelles. D’abord, tout le monde – ou presque – est désormais d’accord sur l’objectif : atteindre la neutralité carbone en 2050. La France a même inscrit cet horizon dans la loi – tout comme la plupart des Etats gros émetteurs de carbone.

Ensuite, il y a désormais un consensus politique sur le fait que cette transition va demander des investissements massifs : sortir du pétrole, du gaz et du charbon impose de changer profondément nos manières de nous déplacer, de nous nourrir, de travailler, d’habiter. Le président de la République l’a lui-même résumé lors d’une vidéo publiée sur YouTube, fin janvier : « Aujourd’hui, on n’y est pas. Et si on ne change pas les choses, on n’y arrivera pas. »

C’est bien le cœur du problème  : l’immensité du chantier pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de la France fait désormais consensus, mais la mise en œuvre reste très insuffisante. Le Haut Conseil pour le climat expliquait dans son dernier rapport à quel point la France n’est pas sur la bonne trajectoire.

Dans le transport, le développement du véhicule électrique progresse mais reste timide, et les investissements dans le rail et les transports publics tardent. Dans le bâtiment, la rénovation des logements – 19 % de nos émissions – ne décolle pas, malgré les milliards investis et la diversité des dispositifs déployés. Dans le domaine des énergies renouvelables, la France est le seul pays européen à ne pas avoir atteint ses objectifs, elle s’est même vu infliger une amende de 500 millions d’euros par la Commission européenne.

Le gouvernement semble tétanisé

Aucune trajectoire sérieuse ne concerne la transformation massive du secteur agricole. Dans l’industrie, de réels efforts sont envisagés, mais ils ne portent pas encore leurs fruits. Pourtant, l’installation, après la présidentielle, d’un secrétariat général à la planification écologique, auprès d’Elisabeth Borne, à Matignon, a permis de rassembler et d’organiser les politiques nécessaires.

Pourquoi, malgré le fragile consensus politique sur la question climatique, l’atteinte des objectifs fixés semble-t-elle hors de portée ? L’exemple de la rénovation thermique des bâtiments est l’un des plus parlants : le sujet est sur la table depuis plus de dix ans. Pourtant, les rénovations globales, qui permettent une véritable amélioration du confort et une baisse de la consommation, n’ont concerné que 66 000 logements en 2022, alors qu’il en aurait fallu dix fois plus pour espérer tenir une trajectoire réaliste et atteindre la neutralité carbone.

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« Le syndrome du patron de gauche » : quand les dirigeants n’assument pas leur rôle d’encadrants

Livre. C’est l’histoire d’une désillusion. Fraîchement diplômé, Arthur Brault-Moreau commence sa carrière professionnelle dans l’équipe d’une élue de gauche. L’enthousiasme de travailler pour son « camp » va rapidement laisser place à la déception. Il cumule plus de cinquante heures de travail par semaine, la pression psychologique est là, les tensions aussi, dès lors qu’il porte des revendications sur les conditions de travail. « La réalité (…) était très éloignée des valeurs défendues par mon employeuse », explique-t-il. Il finira par quitter son organisation.

Après cette expérience, M. Brault-Moreau a mené une réflexion sur les structures de « gauche » – un terme arbitraire, mais assumé par l’auteur – et leurs responsables, l’impact qu’ils peuvent avoir sur les salariés. Il en a tiré un ouvrage, Le Syndrome du patron de gauche (Hors d’atteinte, 2022). Un essai engagé, imprégné par une expérience traumatisante, où s’égrènent au fil des pages souffrances, larmes et burn-out. Il y recherche des explications, après avoir fait un constat qui l’a sidéré : en responsabilité, des femmes et des hommes nient leurs propres valeurs et adoptent des comportements qu’ils sont censés combattre.

Archive : Article réservé à nos abonnés Social : « Qu’est-ce qu’un patron de gauche ? »

L’ouvrage n’a pas vocation à nous décrire les politiques de gestion des responsables de gauche dans toute leur diversité. L’essai est davantage un « recueil d’expériences de salariés » : à travers une cinquantaine de témoignages, M. Brault-Moreau a tenté de déceler des similitudes, des spécificités qui distingueraient cette même gestion de celle qu’aurait pu mener un autre dirigeant plus classique. Une quête des failles que peut porter en lui un responsable de gauche confronté à l’exercice du pouvoir.

La plus manifeste est certainement la difficulté à assumer une fonction d’encadrement (donner des ordres, accepter la relation de subordination…), qui peut être vécue comme contre-nature. En découlent parfois un amateurisme dans l’accompagnement des salariés, un « vernis d’autogestion », une camaraderie de façade, un flou dans les missions et la hiérarchie, l’attente d’un engagement sans borne et, in fine, un « management d’évitement ».

« Un conflit de valeurs encore plus intense »

Une situation qui peut être douloureusement vécue par les salariés, davantage considérés comme des militants. Les cadres manquent pour trouver ses repères dans l’organisation. Dans ce contexte, l’engagement des collaborateurs se retourne parfois contre eux. Ils doivent être « dévoués à la cause » et peuvent avoir mauvaise conscience à réaffirmer leurs droits. S’opposer à la structure militante à laquelle on appartient, n’est-ce pas le début d’une trahison ? Certains patrons ne se privent pas de le sous-entendre. De même, la porosité des frontières entre militantisme, bénévolat et salariat peut semer le trouble quant aux missions à accomplir et au temps à y consacrer.

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La revue « XXI » prône le renouveau après un an de tensions

Après plusieurs mois de tensions internes, le 61e numéro paru mercredi 22 février sera-t-il l’occasion d’une nouvelle impulsion pour XXI ? A l’aube de ses 15 ans, la revue de reportages et d’enquêtes longs formats lance une formule légèrement modifiée. Elle s’ouvre aussi au numérique avec une newsletter, des podcasts et un nouveau site Internet en construction.

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Une évolution à l’opposé de la vision portée par les cofondateurs, l’éditeur Laurent Beccaria et le journaliste Patrick de Saint-Exupéry, par ailleurs auteurs du manifeste Pour un autre journalisme, qui critiquaient, en 2013, « le bluff technologique ». Après les déboires financiers consécutifs au lancement raté de l’hebdomadaire Ebdo, en 2018, les deux fondateurs avaient été contraints de jeter l’éponge, Rollin Publications étant mise en liquidation judiciaire. Les deux revues XXI et 6Mois (son pendant photojournalistique) avaient alors été rachetées par Le Seuil et les cofondateurs de La Revue dessinée et de Topo, Franck Bourgeron et Sylvain Ricard.

Précurseure, à sa création, en 2008, la revue revendiquait, cinq ans plus tard, 50 000 exemplaires par numéro, mais les temps ont changé dans la presse papier. XXI est maintenant concurrencée par des dizaines d’autres mooks (format hybride entre le livre et le magazine) comme Zadig, America, ou We Demain. Avec ses 8 000 abonnés – auxquels s’ajoutent 8 500 à 12 000 exemplaires vendus en librairies et dans les boutiques Relay selon les trimestres –, la revue est aujourd’hui en déficit.

Lancement de podcasts

Pour faire connaître sa marque dans le monde francophone, convaincre de nouveaux lecteurs de s’abonner et retrouver l’équilibre d’ici à la fin de l’année, XXI se lance aujourd’hui dans l’univers du podcast en coproduction avec le studio de production Wave Audio et l’ancienne de Canal+ Pascale Clark pour la voix.

Accessibles gratuitement sur toutes les plates-formes, différents formats – feuilletons documentaires, mais aussi de coulisses journalistiques, de « lectures augmentées » ou sons bruts – ont été pensés comme « indépendants » de la revue, tout en étant « complémentaires ». « XXI a besoin d’exister plus que quatre fois par an, d’où ce besoin de créer des allers-retours entre la revue et le podcast, le payant et le gratuit », développe Catherine de Coppet, la rédactrice en chef adjointe.

Arrivée à l’été 2022, la nouvelle rédactrice en chef, Elsa Fayner, a, elle, cherché à comprendre les attentes des lecteurs du mook avec un questionnaire dont elle a récolté 600 réponses et échangé avec une quinzaine d’entre eux. « Ils nous ont dit : “Racontez-nous le monde tel qu’il est, mais sans nous laisser impuissants” », synthétise-t-elle. Un souhait également porté par le journaliste David Servenay, directeur des rédactions de XXI et de 6Mois. « On veut donner des clés à nos lecteurs pour qu’ils saisissent la complexité du monde et puissent agir s’ils le souhaitent », explique l’ancien journaliste de Rue89 et RFI, qui met aussi en avant les hors-séries et les coéditions de XXI.

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