Archive dans septembre 2022

Outre-mer, la délicate question des aides à l’emploi

Politique de l’emploi

[La politique de l’emploi s’appuie sur des dispositifs créés au fil des besoins, qui restent parfois méconnus longtemps après leur création. Quelle est leur efficacité contre le chômage ? Elle n’est pas toujours évaluée. Le Monde publie une série d’articles sur les aides à l’emploi, pour tenter d’estimer ce qu’on en sait – leur objectif initial, leurs résultats.]

L’objectif du dispositif

Le 7 septembre, la rencontre prévue entre le président Emmanuel Macron et les présidents de collectivités d’outre-mer, signataires de l’appel de Fort-de-France, sera sans doute l’occasion d’aborder l’épineux sujet des dispositifs de soutien à l’emploi déployés sur ces territoires.

Leurs économies enclavées et l’étroitesse du marché du travail permettent difficilement d’absorber la croissance de leur population active, rappelle un rapport du Sénat. Avec, pour conséquence, une situation sociale explosive et un taux de chômage supérieur de moitié à celui de la métropole : 12 % contre 8 % en moyenne en 2021 dans les départements d’outre-mer (DOM) et même 30 % à Mayotte.

Afin de lutter contre le chômage structurel, ces territoires bénéficient de « régimes spéciaux » en matière de contrats aidés et d’exonérations de charges, plus avantageux que pour le reste du territoire.

Le fonctionnement

Maintes fois revu et corrigé depuis sa mise en place en 1994, le dispositif d’allègement de charges, dit « Lodeom » [loi pour le développement économique des outre-mer], s’adresse aux employeurs du privé implantés en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin. Ce sont les Caisses générales de Sécurité sociale (CGSS) des territoires d’outre-mer qui chapeautent ce dispositif.

En saison de son coût, ses seuils d’exonération et son périmètre d’application ont été plusieurs fois modifiés. Dans sa version actuelle, toutes les TPE de moins de 11 salariés peuvent bénéficier d’une exonération quasi totale des charges patronales pour les revenus inférieurs à 1,3 smic de leurs salariés permanents, quelle que soit leur activité. Cette exonération devient dégressive, puis nulle dès 2,2 smic. Les entreprises de certains secteurs (BTP, médias, transports) y ont droit quels que soient leurs effectifs.

Les employeurs de moins de 250 salariés et qui réalisent un chiffre d’affaires annuel inférieur à 50 millions d’euros bénéficient d’une exonération s’ils œuvrent dans les domaines suivants : industrie, tourisme et restauration, environnement, nouvelles technologies, agriculture et pêche. Cette exonération est totale pour les revenus inférieurs à 2 smic, puis dégressive et prend fin lorsque le revenu atteint 2,7 smic.

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Renault prêt à ouvrir son activité moteurs thermiques au chinois Geely et au saoudien Aramco

L’usine Renault de moteurs de Cléon (Seine-Maritime), en juin 2017.

Renault se réorganise à grands pas pour trouver les moyens d’affronter la révolution de l’électrique, tout en assurant un avenir à ses usines de moteurs à essence ou diesel. Le groupe est en discussion pour faire entrer deux nouveaux partenaires au capital d’une société chapeautant ses activités de développement et de production de moteurs thermiques et hybrides.

Cette entité, dont le nom de code est « Horse » (« cheval », en anglais), pourrait avoir comme actionnaire le constructeur automobile chinois Geely mais aussi un groupe pétrolier, comme l’a révélé, mardi 30 août, l’agence Reuters. Selon nos informations, il s’agit de la compagnie saoudienne Aramco, avec qui Renault pourrait travailler sur l’après-pétrole et les carburants de synthèse.

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C’est le bras armé de l’Arabie saoudite qui deviendrait partenaire de Renault. La compagnie nationale pétrolière, introduite en Bourse en décembre 2019, affiche une capitalisation boursière de 2 200 milliards d’euros. Cela en fait l’entreprise la plus valorisée au monde, au coude-à-coude avec Apple.

Quant au groupe Geely (marques Lotus, Proton ou Lynk & Co), il a déjà acheté, en mai, 34 % de la filiale sud-coréenne de Renault. Le premier constructeur indépendant chinois est surtout propriétaire, depuis 2010, du suédois Volvo, avec qui il a regroupé ses activités de motorisation thermique, tout en lui donnant les moyens de créer Polestar, une nouvelle marque 100 % électrique.

Partager les coûts

Si l’opération arrive à son terme, Renault ne serait plus qu’actionnaire minoritaire de son métier historique, qu’il exercerait hors de France. Le constructeur a toujours dit qu’il resterait toutefois « actionnaire de référence ». Renault et Geely pourraient détenir chacun 40 % du capital de la société pour les moteurs thermiques, selon les informations de Reuters, et Aramco 20 %, mais la répartition « n’est absolument pas encore actée, et des discussions sont encore en cours avec d’autres partenaires », précise un acteur, qui souhaite garder l’anonymat.

Selon un communiqué de Renault, en mai, Horse doit réunir les usines de Valladolid et Séville en Espagne, de Cacia au Portugal, de Pitesti en Roumanie, de Curitiba au Brésil, de Los Andes au Chili et de Cordoba en Argentine, mais aussi les centres d’ingénierie et de recherche et développement espagnol, roumain, turc et brésilien. L’intégration de l’usine turque de Bursa dans cet ensemble est encore en suspens. Au total, 10 000 personnes (sur 110 000 employés de Renault dans le monde) seraient transférées en 2023 dans Horse, mais pas de salariés français.

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« Quand le bien et le mal s’invitent au travail » : le piège du prêt-à-penser

Le livre. C’est une petite musique qu’on entend dans les bureaux depuis de nombreuses années. Elle est jouée avec constance par les dirigeants, cadres et consultants, et reprise par une « littérature managériale » prolifique. Son thème principal peut varier : elle invite tantôt à donner du sens au travail, tantôt à favoriser l’échange, la prise de parole des salariés sur l’activité de l’entreprise, ou encore à voir toute nouveauté comme un progrès.

« Quand le bien et le mal s’invitent au travail », de Sandra Enlart. PUF, 292 pages, 18 euros.

Mais ce fond sonore représente aussi et surtout, pour Sandra Enlart, un ensemble de « discours moraux » qui permettent aux organisations de définir le bien, le juste, le vrai… et ce qui ne l’est pas.

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Au fil de son ouvrage Quand le bien et le mal s’invitent au travail (PUF), l’autrice, directrice de recherche en sciences de l’éducation à Paris-X-Nanterre, s’emploie à déconstruire nombre de ces récits qui ont cours dans les entreprises. Elle tente de comprendre ce qui les sous-tend et ce qui explique, aussi, leur permanence dans le temps. Mme Enlart rappelle, par exemple, que « l’idée qu’il faut et que l’on peut réconcilier l’entreprise et ses salariés » est en vogue depuis « l’apparition des grandes organisations modernes. Taylor lui-même n’a-t-il pas plaidé cette cause devant les syndicats [au début du XXsiècle] » ?

Discours préconstruits et conformisme

Pourquoi ces discours sont-ils si présents dans les sphères managériales, inspirant parfois des orientations stratégiques de l’entreprise (définition de sa raison d’être, de ses valeurs…) ou des modes de gestion (recrutement…) ? S’ils sont stratégiques, selon l’autrice, c’est que l’organisation poursuit, à travers eux, une finalité claire : créer un lien, un attachement avec les salariés pour s’assurer de leur implication volontaire, de leur « soumission librement consentie ».

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A travers cette plongée dans les croyances managériales, Mme Enlart dénonce des discours préconstruits, un conformisme moral manquant singulièrement de nuance. Elle ne s’arrête pas là. L’autrice se livre, dans la seconde partie de l’ouvrage, à une analyse similaire de la littérature critique envers le monde de l’entreprise, des « travaux [qui] se sont efforcés de montrer à quel point l’organisation est dangereuse et irrespectueuse de l’individu ».

Là encore, l’autrice relève les « discours moraux » qui reviennent avec régularité. « Le travail tue », « le réel est sur le terrain », « dans l’entreprise tout est manipulation »… Si elle souligne la véracité de certaines thèses, elle regrette, là encore, le manque de nuances et les présentations manichéennes qui sont régulièrement faites du monde du travail.

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