« Quand le bien et le mal s’invitent au travail » : le piège du prêt-à-penser

« Quand le bien et le mal s’invitent au travail » : le piège du prêt-à-penser

Le livre. C’est une petite musique qu’on entend dans les bureaux depuis de nombreuses années. Elle est jouée avec constance par les dirigeants, cadres et consultants, et reprise par une « littérature managériale » prolifique. Son thème principal peut varier : elle invite tantôt à donner du sens au travail, tantôt à favoriser l’échange, la prise de parole des salariés sur l’activité de l’entreprise, ou encore à voir toute nouveauté comme un progrès.

« Quand le bien et le mal s’invitent au travail », de Sandra Enlart. PUF, 292 pages, 18 euros.

Mais ce fond sonore représente aussi et surtout, pour Sandra Enlart, un ensemble de « discours moraux » qui permettent aux organisations de définir le bien, le juste, le vrai… et ce qui ne l’est pas.

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Au fil de son ouvrage Quand le bien et le mal s’invitent au travail (PUF), l’autrice, directrice de recherche en sciences de l’éducation à Paris-X-Nanterre, s’emploie à déconstruire nombre de ces récits qui ont cours dans les entreprises. Elle tente de comprendre ce qui les sous-tend et ce qui explique, aussi, leur permanence dans le temps. Mme Enlart rappelle, par exemple, que « l’idée qu’il faut et que l’on peut réconcilier l’entreprise et ses salariés » est en vogue depuis « l’apparition des grandes organisations modernes. Taylor lui-même n’a-t-il pas plaidé cette cause devant les syndicats [au début du XXsiècle] » ?

Discours préconstruits et conformisme

Pourquoi ces discours sont-ils si présents dans les sphères managériales, inspirant parfois des orientations stratégiques de l’entreprise (définition de sa raison d’être, de ses valeurs…) ou des modes de gestion (recrutement…) ? S’ils sont stratégiques, selon l’autrice, c’est que l’organisation poursuit, à travers eux, une finalité claire : créer un lien, un attachement avec les salariés pour s’assurer de leur implication volontaire, de leur « soumission librement consentie ».

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A travers cette plongée dans les croyances managériales, Mme Enlart dénonce des discours préconstruits, un conformisme moral manquant singulièrement de nuance. Elle ne s’arrête pas là. L’autrice se livre, dans la seconde partie de l’ouvrage, à une analyse similaire de la littérature critique envers le monde de l’entreprise, des « travaux [qui] se sont efforcés de montrer à quel point l’organisation est dangereuse et irrespectueuse de l’individu ».

Là encore, l’autrice relève les « discours moraux » qui reviennent avec régularité. « Le travail tue », « le réel est sur le terrain », « dans l’entreprise tout est manipulation »… Si elle souligne la véracité de certaines thèses, elle regrette, là encore, le manque de nuances et les présentations manichéennes qui sont régulièrement faites du monde du travail.

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LJD

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