Archive dans septembre 2022

Placé en redressement judiciaire, Scopelec a un mois pour sauver 2 500 emplois

Le couperet est tombé. Par un jugement du lundi 26 septembre, le tribunal de commerce de Lyon a placé les sociétés Scopelec SA et Setelen en redressement judiciaire. Pour la plus importante société coopérative de production (SCOP) de France, sous procédure de sauvegarde depuis mars, la descente aux enfers se poursuit.

Cette procédure intervient à la suite du non-renouvellement de plusieurs contrats avec Orange arrivés à leur terme à la fin de mars, et qui représentaient 40 % du chiffre d’affaires de Scopelec, estimé à 475 millions d’euros en 2021. Dans un communiqué, l’entreprise, spécialisée dans la pose de fibre optique, et qui comptait encore 3 600 salariés il y a un an, a réagi, jeudi 29 septembre : « Force est de constater que, malgré le soutien de l’Etat et la mobilisation exemplaire des salariés pendant ces onze derniers mois, Orange n’a pas souhaité accompagner l’entreprise à hauteur des 20 millions d’euros pourtant promis, lesquels devaient permettre de réorganiser le marché de la sous-traitance ».

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Marc Blanchet, le directeur technique et du système d’information de l’opérateur télécoms, souligne qu’« Orange est encore client de Scopelec, avec une activité contractualisée de l’ordre de 150 millions à 180 millions d’euros en 2022. En 2023, le montant devait osciller entre 100 millions et 150 millions ». Mais, selon lui, « la recherche d’activité complémentaire n’a pas pu se concrétiser en raison, notamment, du manque de ressources de Scopelec pour répondre à ces éventuels chantiers en plus des contrats déjà en place ».

Compte tenu de sa baisse d’activité, Scopelec a déjà dû procéder à une vague de licenciements et de départs d’environ 500 personnes cet été. Et des salariés ont eux-mêmes quitté l’entreprise pour rejoindre les prestataires ayant remporté les anciens contrats avec Orange. La coopérative compte actuellement environ 2 500 salariés. Le tribunal a donné à Scopelec jusqu’au 2 novembre pour présenter un plan ou des repreneurs éventuels.

« Les chacals vont entrer en scène »

Pour Frédéric Mazars, délégué syndical Force ouvrière de la société, « on va assister à un dépeçage. Les chacals vont entrer en scène ». Ce technicien travaillant dans le Tarn, non loin du siège social de Scopelec, se dit « dégoûté de l’attitude d’Orange, qui [les] balade depuis un an ». Selon lui, même s’il n’avance pas de chiffres, ce sont des centaines d’emplois qui vont disparaître. Par ailleurs, les salariés de la SCOP, propriétaires de parts sociales, vont perdre énormément d’argent, « de 20 000 à 30 000 euros pour certains ».

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Dans les formations d’auxiliaires de puériculture, apprendre à exercer en mode « dégradé »

En ce mois de septembre, Manon, 19 ans, a trouvé un poste dans une crèche avant même d’être diplômée « auxiliaire de puériculture ». Elle s’est même payé le luxe de refuser le CDI qu’on lui proposait dans cet établissement situé dans l’Ain : « Ce n’était pas un temps complet. Or, le métier ne paie pas non plus énormément, autour du smic pour un premier poste. J’ai préféré un CDD de 35 heures d’une durée de six mois. On verra après… » Passionnée par son nouveau métier « au service de l’éveil et du soin des enfants, et de la relation avec les parents », elle sait combien les « AP », comme on les nomme dans le secteur, sont recherchées. Notamment dans les établissements d’accueil du jeune enfant (crèche, halte-garderie, etc.), dont le nombre a crû fortement ces dernières années, et où la majorité des titulaires de ce diplôme d’Etat atterrissent.

En juillet, une étude de la Caisse nationale des allocations familiales a mis des chiffres sur cette pénurie de professionnels de la petite enfance en France. Sur la moitié des établissements interrogés déclarant être en manque de personnels, 45 % des besoins de recrutement (8 900 postes vacants) concernaient des postes d’auxiliaires de puériculture, et 17 % des postes d’éducateurs de jeunes enfants. La région parisienne, les départements du Rhône et la Guyane sont ceux pour lesquels les manques sont les plus criants. Un déficit problématique, alors que ces établissements doivent justifier d’au moins 40 % de diplômés d’Etat en puériculture (infirmière puéricultrice, AP ou éducateurs de jeunes enfants), les 60 % restant pouvant avoir un diplôme de la petite enfance, de type CAP.

Baisse du nombre de candidats

Ces manques de personnels, qui se sont accentués avec la crise sanitaire et son lot de démissions et burn-out, « pèsent sur les conditions de travail », notait le document. Dans les territoires les plus touchés, ces difficultés imprègnent la formation d’un an des futurs auxiliaires de puériculture. Alors qu’elle était en stage, Manon a dû plusieurs fois « remplacer seule des personnels absents ». « J’entendais “Telle AP n’est pas là ? Ce n’est pas grave, exceptionnellement Manon gérera le groupe”. Ce n’est pas facile de refuser », dit-ellemême si c’est la consigne qu’elle a reçue dans son institut de formation d’auxiliaire de puériculture (IFAP).

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« Je ne vous cache pas que pour trouver des terrains de stages pour nos élèves, c’est compliqué en ce moment », raconte Morgane Bourda-Couhet, formatrice dans un IFAP, à Pantin (Seine-Saint-Denis). Non pas que les établissements d’accueil manquent à l’appel, car les crèches ont bien besoin de ces bras « en plus ». Mais « les équipes nous disent parfois “nous ne sommes pas au complet, nous ne pouvons pas encadrer de manière correcte vos élèves”… »

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« Travailler plus pour gagner moins, c’est insoutenable » : des manifestations dans toute la France pour les salaires et les retraites

Manifestation interprofessionnelle pour le pouvoir d'achat, à Paris, Le 29 septembre 2022.

C’était la première journée de grève et de mobilisation interprofessionnelle depuis la rentrée. Et la première depuis la réélection d’Emmanuel Macron en avril. Jeudi 29 septembre, plus de 200 cortèges se sont formés dans toute la France à l’appel de la CGT, de la FSU, de Solidaires et d’organisations étudiantes et lycéennes (UNEF, FIDL, MNL et La Voix lycéenne), qui ont réuni plus de 250 000 personnes, selon les chiffres de la CGT (la police n’a pas encore communiqué les siens). Avec des manifestants bien décidés à montrer leurs forces, alors que l’automne s’annonce mouvementé sur les questions sociales. Et ce même si Emmanuel Macron avait choisi, la veille, de temporiser à propos de la réforme des retraites en ouvrant un nouveau cycle de concertations avec les partenaires sociaux et les forces politiques du pays, en vue d’un projet de loi global « avant la fin de l’hiver ».

Car si la réforme des retraites, et surtout la question du recul de l’âge légal de départ, faisait évidemment partie du mot d’ordre de la journée, la mobilisation avait initialement été lancée pour réclamer une hausse des salaires, des pensions, des bourses et des minima sociaux face à l’inflation. « Le message est clair : c’est les salaires qu’il faut augmenter, pas l’âge légal de départ à la retraite », a d’ailleurs lancé le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, avant que la manifestation ne s’élance à Paris, vers 14 heures.

Dans le cortège de la manifestation, à Paris, le 29 septembre 2022 .

« S’il y a une volonté de faire une mauvaise réforme des retraites, il y aura du monde dans la rue pour le dire », Nathan, 33 ans, statisticien

Dans la capitale, au sein du cortège qui défilait entre la place Denfert-Rochereau et Bastille, les revendications des quelque 40 000 manifestants réunis, selon les organisateurs, montraient souvent un ras-le-bol général envers la politique gouvernementale. Mélaine Marot, 34 ans, est là contre « la politique globale du gouvernement ». « Elle est faite par les riches et pour les riches. Et contre les pauvres en général, contre les travailleurs », juge cette auxiliaire de puériculture en intérim, à Paris et en banlieue. Même son de cloche chez Benjamin Fradet, 27 ans, technicien dans un laboratoire de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement : « C’est tout le package social du gouvernement qu’il faut combattre. La réforme de l’assurance-chômage, celle du RSA, celle des retraites… La promesse est la même : travailler plus pour gagner moins, c’est insoutenable. »

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« Depuis 2011, chaque année, je perds du pouvoir d’achat, du fait de la sous-indexation du point d’indice dans la fonction publique par rapport à l’inflation », déplore de son côté Nathan, 33 ans, statisticien à l’Insee. Avant de prévenir : « S’il y a une volonté de faire une mauvaise réforme des retraites, il y aura du monde dans la rue pour le dire. » Une éventualité, qui occupe les esprits. Nouredine Medouni, 53 ans, salarié du groupe de transport Transdev et délégué syndical UNSA, se dit ainsi « en totale opposition à ce projet de réforme de retraites », et juge les responsables politiques « de plus en plus hors sol ». « On veut faire travailler plus longtemps, mais pour quoi ? Pour toucher plus en retraites ? Je n’y crois pas. On n’a pas une politique qui fait sens, qui prépare l’avenir. »

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Le recrutement des seniors connaît encore de nombreux freins

« Difficulté d’intégration dans des équipes plus jeunes », « faible adaptation aux nouvelles technologies », « faible temps restant avant la retraite » : tels sont les trois facteurs de réticence le plus souvent évoqués par les recruteurs, face à l’idée d’embaucher un profil « senior », d’après le baromètre « Les seniors et l’accès à l’emploi » publié jeudi 29 septembre.

Cette étude menée par Ipsos pour l’association A compétence égale, qui lutte contre les discriminations en entreprise, a été réalisée en juillet auprès de deux échantillons de 500 profils candidats âgés de 40 ans et plus (actifs, salariés, à leur compte ou en recherche d’emploi) et 500 recruteurs, en cabinet de recrutement ou en interne (dirigeants, RH, manageurs opérationnels…). Elle interroge les préjugés sur les salariés âgés et souligne les nombreux freins qui demeurent à leur employabilité.

De 49,6 à 52,7 ans

En préambule, à la question « à partir de quel âge, ou de combien d’années d’expérience est-on senior ? », un premier écart apparaît entre les deux collèges de répondants : les recruteurs considèrent qu’un salarié est senior à plus de 49,6 ans et peut être considéré comme tel s’il a seize ans d’ancienneté sur un même poste, contre 52,7 et 18,5 ans d’ancienneté chez les candidats potentiels.

De plus, 40 % des candidats associent le mot senior à « une personne d’un certain âge », contre 16 % des recruteurs. Ce seuil situé autour de 50 ans est socialement construit, et explique un certain nombre de discriminations, selon la sociologue Anne-Marie Guillemard : « La question du seuil de séniorité est absurde, il faut qu’on arrête de segmenter par l’âge, ce n’est plus pertinent, juge la professeure émérite de sociologie à l’université Paris-Cité. En France il y a un sas, une période de grande incertitude en fin de carrière, car la construction des politiques publiques produit des effets d’âgisme. »

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De son côté, Annie Jolivet, chercheuse au Centre d’étude de l’emploi et du travail (CEET) ajoute : « On a gardé l’habitude de se référer à un seuil d’âge pour désigner cette population, or ça a peu de sens au regard du travail lui-même, ajoute. Tout dépend de la pyramide des âges de chaque entreprise ».

Alors que 73 % des candidats (le chiffre monte à 85 % auprès des cadres) et 63 % des recruteurs s’accordent pour dire qu’il existe des freins à recruter des seniors, les candidats potentiels considèrent que ce sont davantage les caractéristiques directement liées à l’âge qui expliquent la réticence des entreprises à recruter des seniors : en tête, le faible temps restant avant la retraite, une santé vue comme plus fragile et un coût salarial élevé pour l’entreprise.

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L’échec de Michel Ohayon chez Camaïeu envoie 2 600 salariés au chômage

L’homme d’affaires bordelais Michel Ohayon, fondateur de la Foncière immobilière bordelaise, actionnaire de Camaïeu depuis sa reprise à la barre du tribunal en 2020, à Tourcoing (Nord), mercredi 28 septembre 2022.

Camaïeu tire le rideau. Le tribunal de commerce de Lille a prononcé la liquidation de l’enseigne d’habillement féminin, mercredi 28 septembre, deux mois après sa mise en redressement judiciaire. Les 511 magasins de la chaîne fondée en 1984 fermeront leurs portes samedi 1er octobre à 23 heures. Les 2 600 salariés, y compris ceux du siège social et de l’entrepôt situés à Roubaix (Nord), seront licenciés d’ici à la fin octobre.

Il a fallu trois heures d’audience et de délibéré aux juges pour se prononcer sur ce dossier compliqué qui, peu avant son examen, a pris une tournure politique. En dernier recours, l’homme d’affaires bordelais Michel Ohayon, fondateur de la Foncière immobilière bordelaise (FIB), actionnaire de Camaïeu depuis sa reprise à la barre du tribunal en 2020, et Wilhelm Hubner, PDG de Hermione People Brands, filiale de la FIB chargée de ses activités dans la distribution, avaient sollicité l’aide du ministère de l’industrie.

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Tous deux espéraient en obtenir un prêt de 48 millions d’euros pour boucler un plan de continuation censé sauver 1 900 emplois et 300 magasins. En vain. « Pas réaliste », a tranché Bercy, en refusant de verser cette avance remboursable. Au grand dam de Xavier Bertrand, président (LR) de la région Hauts-de-France, qui, mercredi 27 septembre, s’en était ouvert à la première ministre, Elisabeth Borne, pour que l’Etat « fasse un pas ». Le maire (divers droite) de Roubaix, Guillaume Delbar, avait également plaidé pour cette solution, en évoquant le « destin de 2 600 familles ».

« Heureusement que Bercy a refusé »

Bercy a tenu bon, en refusant de financer le plan de continuation de M. Ohayon, qui, au total, exigeait 79,2 millions d’euros pour les huit prochains mois. L’entreprise avait déjà bénéficié de « 40 millions d’euros d’aides publiques, dont 20 millions d’euros de subventions directes », a rappelé Roland Lescure, ministre délégué à l’industrie, mercredi 27 septembre, pour expliquer ce veto.

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« Mais, heureusement que Bercy a refusé ! Cela aurait été un pur scandale », s’exclame une avocate d’un créancier présente à l’audience (les personnes citées dont le nom n’apparaît pas ont souhaité garder l’anonymat). Car, devant les juges, M. Ohayon promettait d’injecter des liquidités en faisant racheter le siège social et l’entrepôt de l’enseigne pour un montant de 14 millions d’euros par sa holding, tout en précisant que ces actifs pourraient être ultérieurement valorisés et revendus pour un montant de « 55 millions à 60 millions d’euros ».

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« Comment ça matche » : entre chômeurs et employeurs, un « match » déséquilibré

Le livre. Cela peut permettre de rencontrer l’âme sœur et de former un couple, ou de mener les études supérieures de son choix. Pour d’autres, il s’agit d’accéder à un logement social ou d’obtenir le traitement médical attendu… Les appariements entre deux individus ou entre une ressource et une personne sont présents à différentes étapes de nos parcours de vie. Ils représentent un enjeu majeur : « Moments de bifurcation qui façonnent les trajectoires individuelles, ils constituent une nouvelle manière d’allouer des ressources et de structurer les inégalités. »

« Comment ça matche. Une sociologie de l’appariement », sous la direction de Melchior Simioni et Philippe Steiner. Presses de Sciences Po, 400 pages, 26 euros.

Le fait que des instances réalisent de telles associations n’est pas nouveau. Ce qui l’est, en revanche, c’est l’introduction massive des technologies au service de ce « matching » : ce travail de sélection s’appuie de plus en plus sur de multiples opérations de tri, souvent impulsées par un algorithme, basées sur des informations et préférences personnelles.

Comment fonctionnent ces appariements ? Quels en sont les implications politiques et sociales ? C’est une longue enquête au cœur de cette nouvelle manière d’organiser nos trajectoires de vie que propose l’ouvrage collectif Comment ça matche (Presses de Sciences Po), mené sous la direction de Melchior Simioni, docteur en sociologie économique, et Philippe Steiner, professeur de sociologie à Sorbonne-Université.

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Parmi les thématiques étudiées, celle de la recherche d’emploi. L’essai propose une plongée au cœur des services publics de l’emploi français et allemand, dont le travail a été bouleversé par l’arrivée de technologies permettant de « rapprocher offre et demande d’emploi, c’est-à-dire annonces et candidatures ». Au sein des agences spécialisées dans la recherche d’emploi, on surprend, au fil des pages, des conversations, on découvre les multiples implications sociologiques de ce qui constitue, aux yeux des auteurs, « une relation triangulaire entre conseillers, chômeurs et employeurs (…) largement déséquilibrée ».

Capacité d’adaptation

Dans le triangle en question, les employeurs dominent. « [Leur] évaluation par les agents a peu d’effet sur l’appariement, car la pénurie d’offres donne une grande valeur à chacune d’entre elles », expliquent-ils.

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De son côté, le chercheur d’emploi doit, le plus souvent, démontrer sa capacité d’adaptation. « Dans le cadre d’une tentative d’appariement, ce sont les choix du chômeur qui sont le plus couramment interprétés comme un obstacle à la rencontre », notent les auteurs qui insistent : « La question posée est celle des concessions qu’il accepte de faire au nom du retour à l’emploi. »

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« En se rangeant derrière la “gauche du travail”, Fabien Roussel tente de revitaliser le clivage entre gauche marxiste et non marxiste »

En lançant une nouvelle polémique opposant « gauche du travail » et « gauche des allocations », le secrétaire national du Parti communiste a réveillé les vieux démons de la gauche, tiraillée entre défense des travailleurs et émancipation historique du travail. La polémique révèle ainsi une fracture historique de la gauche entre compromis capitaliste et rupture communiste.

Simples invectives, attaques ad hominem, guerres d’ego, divergences stratégiques ou fracture profonde ? Les joutes successives entre Fabien Roussel et la députée écologiste Sandrine Rousseau, qu’elles portent sur le virilisme carnassier ou le rapport au travail, ne se résument pas à l’affrontement d’un folklore communiste et réactionnaire avec l’ultra-modernité gauchiste, car elles ont une histoire.

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Le droit au travail n’est-il pas, avec l’ouverture des ateliers nationaux, la grande victoire (éphémère) du socialiste Louis Blanc (1811-1882) à son entrée au gouvernement, en 1848 ? Déjà, Louis Blanc s’opposait à un simple « droit à l’assistance », puisque le « droit à la vie » devait fonder le droit au travail comme conservation productive de la vie (Le Socialisme. Droit au travail, 1849).

Le statut « historique » du travail

Comment peut-on alors accuser Fabien Roussel de fléchir à droite en se réclamant de la gauche du travail ? Le combat historique de la gauche marxiste, c’est celui de la lutte du travail vivant contre le travail mort, des travailleurs contre le capital. Or, Karl Marx explique dans ses Manuscrits de 1844 que le communisme se réalise à travers « l’abolition positive de la propriété privée ». La puissance du travail dominée par l’oppression aliénante du capital serait abolie du moment même où la propriété des moyens de production est socialisée, et donc le travail partagé, tout comme l’oisiveté capitaliste éliminée.

Cette conception du travail fait pourtant face à des équivoques dans l’histoire du marxisme. Le droit à la paresse revendiqué par Sandrine Rousseau renvoie en effet au titre du célèbre ouvrage de Paul Lafargue de 1880. Le gendre de Karl Marx sonnait alors la charge contre le droit au travail.

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« Travaillez, travaillez, prolétaires, pour agrandir la fortune sociale et vos misères individuelles. » Voilà pour Lafargue l’injonction du capitalisme – de la droite, dirait-on aujourd’hui –, qui cherche à accumuler des richesses en augmentant toujours davantage le surtravail, c’est-à-dire l’exploitation des travailleurs.

Paul Lafargue était-il, à l’instar de Sandrine Rousseau, un contradicteur du communisme ? Dès 1880, il demandait aux ouvriers de résister à l’impératif écrasant du travail. La difficulté ici repose dans le statut « historique » du travail : sous le capitalisme, il est encore aliénant, puisqu’il se fait répétition d’un effort brut sous le contrôle du capital, mais il doit devenir doublement libérateur sous le communisme. Doublement, car il est désormais un élément de la vie démocratique des sociétés défaites de la tutelle capitaliste, mais aussi un moyen de libérer du temps social disponible. En tentant de réfuter le droit au travail, Paul Lafargue révèle l’équivoque historique du marxisme : si, dans le présent, le travail est aliénant sous la domination capitaliste, c’est pourtant un élément nécessaire d’une société communiste visant l’émancipation sociale.

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Les doutes persistent sur l’augmentation de 10 % des salaires des enseignants promise par Emmanuel Macron

Emmanuel Macron arrive à la réunion de rentrée des recteurs, à l’université de la Sorbonne, à Paris, le 25 août 2022.

C’est peu de dire que le budget 2023 de l’éducation nationale est scruté à la loupe depuis sa présentation, lundi 26 septembre. En tête des préoccupations des enseignants, appelés à la grève pour leur salaire jeudi 29 septembre, figure l’ampleur du « choc d’attractivité » salarial maintes fois promis depuis la réélection d’Emmanuel Macron.

Qui sera augmenté, dans quelle proportion, et quand ? Les chiffres gravés dans le projet de loi de finances doivent apporter des réponses concrètes aux doutes nés après des mois de déclarations présidentielles et ministérielles confuses sur le sujet.

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Le ministère de l’éducation nationale a présenté un budget en hausse de 3,7 milliards d’euros pour 2022, dont presque la moitié (1,7 milliard) s’explique par la revalorisation du point d’indice des fonctionnaires de 3,5 % qui a été décidée au mois de juillet. Les hausses de salaires des enseignants hors point d’indice seront mises en œuvre en septembre 2023 et se répartissent en une part « inconditionnelle » et une part « conditionnelle », qui ne concernera que les professeurs qui s’engageront dans les « nouvelles missions » du « pacte » voulu par Emmanuel Macron.

Cette seconde part sera financée à hauteur de 300 millions d’euros entre septembre et décembre 2023. Son montant les années suivantes dépendra du nombre d’enseignants qui y adhéreront, précise-t-on au ministère. La première, plus conséquente, est dotée d’une enveloppe de 635 millions d’euros sur quatre mois, ce qui équivaut à 1,9 milliard d’euros sur une année complète, précise le ministère.

L’universalité de la revalorisation remise en question

Le montant est environ 2,5 fois plus élevé que celui dévolu aux « primes Grenelle » en 2022, et les syndicats reconnaissent qu’il s’agit d’une enveloppe importante. Mais équivaut-elle à une augmentation inconditionnelle de 10 % des enseignants ?

Emmanuel Macron a fait de ce chiffre le mantra de sa communication sur les revalorisations depuis son annonce lors du débat de l’entre-deux-tours face à Marine Le Pen. « De manière inconditionnelle, il y aura une revalorisation d’environ 10 % des salaires des enseignants et il n’y aura plus de démarrage de carrière sous 2 000 euros par mois », lance alors le président sortant, s’écartant totalement de son programme. « On va tous les revaloriser comme on a déjà commencé de le faire », insiste-t-il. Pour les enseignants, le rendez-vous est pris.

La somme de 1,9 milliard d’euros paraît insuffisante pour traduire à elle seule une nouvelle hausse de 10 % pour tous les professeurs

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Grèves, manifestations et débrayages du 29 septembre… une journée d’action syndicale sous le signe de la réforme des retraites et du pouvoir d’achat

Lors de la manifestation à l’occasion de la Fête du travail, à Nantes, le 1er mai 2022.

Le thème des retraites revient en force sur les banderoles syndicales. Actualité oblige, il est au cœur des revendications portées par la CGT, la FSU et Solidaires, à l’occasion d’une journée d’action interprofessionnelle, jeudi 29 septembre, à travers l’ensemble du territoire. Lorsqu’elle avait été annoncée au début de l’été, cette initiative mettait surtout en avant le pouvoir d’achat, amputé par l’inflation. Ce mot d’ordre continue d’apparaître sur la première ligne du cahier de doléances, mais s’y entremêle désormais une autre préoccupation : la durée des carrières professionnelles, que l’exécutif veut allonger par le biais d’une réforme des régimes de pension. Un slogan résume bien l’état d’esprit ambiant : « Augmenter les salaires, pas l’âge de la retraite ».

Lire aussi : Grèves, manifestations et débrayages du 29 septembre : la CGT revendique « plus de 250 000 » manifestants en France

Jeudi, plus de 200 rassemblements sont programmés partout en France. Grèves, manifestations, débrayages… Toutes les fédérations de la CGT, du public comme du privé, ont été invitées à battre le pavé. Outre les trois syndicats de salariés à la pointe du combat, plusieurs mouvements d’étudiants et de lycées ont répondu présent : l’UNEF, la FIDL, le MNL, Voix lycéenne.

A Paris, il était prévu que le cortège s’élance de la place Denfert-Rochereau et prenne la direction de la Bastille. Les arrêts de travail dans l’éducation nationale devaient par ailleurs se traduire par la fermeture de nombreux établissements, en particulier dans la capitale et dans plusieurs agglomérations. La RATP, de son côté, s’attendait à des perturbations significatives sur son réseau de bus et sur la ligne B du RER. « On sent une dynamique assez combative chez les salariés », estime Céline Verzeletti, secrétaire confédérale de la CGT, en faisant allusion aux multiples conflits qui ont éclaté dans les entreprises au sujet de la fiche de paye. Pour elle, cette journée d’action de jeudi constitue une étape. « Il y en aura d’autres », dit-elle, le but étant de faire durablement pression sur les patrons et sur les pouvoirs publics.

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« Elever le rapport de force »

L’envie de protester est décuplée par le projet de l’exécutif sur les retraites : recul de l’âge d’ouverture des droits ou accroissement de la durée de cotisation ? Adoption des mesures dès l’automne ou dans un délai plus lointain ? Après de longs atermoiements, décision a été prise d’ouvrir un nouveau cycle de concertations sur ce chantier, l’objectif étant d’adopter un texte de loi spécifique « avant la fin de l’hiver ». La première ministre, Elisabeth Borne, l’a annoncé, jeudi matin à l’AFP, après une réunion, la veille, à l’Elysée avec des représentants de la majorité. Les discussions devraient s’engager la semaine prochaine avec les partenaires sociaux et les groupes parlementaires. L’hypothèse d’un recours à des amendements dans le budget de la « Sécu » 2023, synonyme de passage en force, est donc écartée.

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