Archive dans septembre 2022

La semaine de quatre jours pour travailler plus

Analyse. Il peut sembler étrange de s’interroger sur l’avenir de la semaine de quatre jours, à l’heure où le travail s’étale de plus en plus sur les plages horaires consacrées au week-end ou aux congés. « Travailler moins pour vivre mieux » n’est pas non plus vraiment à l’ordre du jour, puisque le gouvernement propose de soutenir le pouvoir d’achat par la défiscalisation des heures supplémentaires et la monétisation des RTT. Mais la semaine de quatre jours, en abordant le temps de travail en jours plutôt qu’en heures, ouvre de nouvelles perspectives : d’équilibre vie privée-vie professionnelle pour les salariés, d’augmentation de la production et d’attractivité pour les employeurs. De quoi réconcilier des intérêts contraires.

Les salariés sont peu nombreux à l’avoir testée. Vu du ministère du travail, le bilan de la semaine de quatre jours est faible, mais ne recouvre qu’une partie des effectifs concernés, puisque les statistiques officielles ne mesurent la durée du travail qu’en heures et non en jours. Seulement 2,3 % des salariés ont travaillé entre 32 et 35 heures par semaine au premier trimestre.

En revanche, tous les secteurs d’activité sont concernés : des entreprises l’ont expérimentée dans l’industrie, d’autres dans les services, le conseil, et même récemment dans l’hôtellerie-restauration, avec des objectifs et des implications diverses (innover, produire plus, recruter).

« Une question de génération »

Ce mode d’organisation du travail est un réel facteur d’attractivité des salariés qui retrouvent du temps pour leur famille, font des économies sur le transport ou la garde d’enfant. Pour faire face à la pénurie de personnel, le jeune patron du bar-restaurant Le Bastion à Lectoure (Gers), Julien Leclercq (40 ans), l’a ainsi proposé cet été à ses salariés et à ses saisonniers : quatre jours de travail et trois jours de repos consécutifs. Dans le Nord, à Lille, le chef étoilé Florent Ladeyn (38 ans), qui l’avait instauré dès 2020, en était toujours satisfait en 2022. « Comme tu le sais, on a mis en place la semaine de quatre jours de travail par semaine. Ce qui implique d’être à 110 % pendant ces quatre jours plutôt que 80 % pendant cinq », énonçait-il dans l’offre d’emploi publiée sur son compte Instagram avant la saison touristique.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés La semaine de quatre jours, positive pour les salariés… et pour l’employeur

« Pour l’instant, le phénomène est encore marginal dans l’hôtellerie-restauration. Les entreprises cherchent la martingale pour trouver des salariés et les garder sans augmenter la masse salariale. C’est aussi une question de génération, explique Jean-Eudes du Mesnil, le secrétaire général de la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises. Les jeunes entrepreneurs y pensent plus naturellement que les plus anciens. » Mais attention à la charge de travail. « Elle est plus lourde, c’est compliqué pour les salariés », prévient-il.

Il vous reste 51.63% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Rémunérations, prix de l’énergie, indemnisation des chômeurs… : les syndicats face aux dossiers cruciaux de la rentrée

Ils continuent de se parler, malgré leurs divergences. Lundi 5 septembre, huit syndicats de salariés et cinq mouvements représentant les étudiants et les lycéens sont invités à se rencontrer au siège de la CFDT, à Paris. L’ordre du jour est copieux et en prise directe avec les gros dossiers de la rentrée : rémunérations, flambée des prix de l’énergie, indemnisation des chômeurs, conditions de travail dans les entreprises et les établissements d’enseignement… Les protagonistes ne préparent pas le « grand soir », mais cherchent à élaborer un discours collectif en direction des pouvoirs publics, des employeurs et du patronat.

« C’est la suite de la discussion que nous avons eue au début de l’été », explique Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT. Une allusion au temps d’échange entre les treize organisations concernées, qui s’était soldé, le 12 juillet, par un communiqué commun sur la nécessité d’« un meilleur partage de la richesse ». L’initiative avait retenu l’attention, car il est très rare que tous ces acteurs s’expriment d’une même voix. « Ce n’est jamais arrivé, affirme même Frédéric Souillot, le numéro un de FO. Nous avons tout intérêt à faire vivre cette intersyndicale pour montrer aux travailleurs que leurs revendications sont défendues. » Dans un entretien au Monde, daté du 31 août, Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, avait insisté sur l’importance de ces échanges, au-delà des « différences sur la stratégie » qui peuvent exister entre les centrales.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Laurent Berger : « Ce n’est pas en réduisant les droits des chômeurs qu’on atteindra le plein-emploi »

Selon M. Martinez, la réunion de lundi vise à procéder à « un tour de table » sur les « priorités » du moment et sur les « mobilisations » en cours, sachant que la CGT a appelé à une journée nationale d’action le 29 septembre. Les salaires continuent d’être « un sujet majeur, malgré la loi » sur la protection du pouvoir d’achat promulguée en août, affirme-t-il.

« Une forme d’usure »

La réforme de l’assurance-chômage, qui vise à moduler les droits à une allocation en fonction de la situation du marché du travail, doit également être abordée. Tous les participants au rendez-vous de lundi y sont opposés, pour des questions de fond mais aussi de méthode : le gouvernement a l’intention de demander aux syndicats et au patronat de négocier sur ce projet, mais il a déjà arrêté les grands principes des transformations à venir. « On nous laisse examiner les modalités, alors que nous voudrions pouvoir examiner le changement de philosophie du système », déclare Cyril Chabanier, le président de la CFTC.

Il vous reste 23.74% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Dans les entreprises, un rapport de force plus favorable aux salariés

Des militants et des enseignants français, lors d’une journée de grève nationale et interprofessionnelle pour défendre les salaires et l’emploi, à Paris, le 27 janvier 2022.

Les mobilisations pour des hausses de salaire ont rythmé la vie de nombreux services publics et entreprises depuis l’automne 2021. Ce lundi 5 septembre, les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem) sont appelés à la grève par la CGT Educ’action. Et depuis la fin août, les préavis se succèdent dans les transports en commun à Dijon, à Pau, au Mans, à Lille ou à Dunkerque (Nord). Mais, à ce stade, on est encore loin des niveaux d’effervescence constatés jusqu’à l’été tous secteurs confondus – des aéroports parisiens à la SNCF, des grandes entreprises comme TotalEnergies, Thales ou Capgemini aux PME de l’agroalimentaire, de l’aéronautique ou de la maroquinerie.

« C’est encore un peu tôt pour savoir si ça peut repartir », soufflent plusieurs responsables syndicaux qui prennent le pouls de leurs troupes et cherchent à savoir si ces mobilisations locales et sectorielles pourraient entraîner un mouvement d’ampleur, et gonfler les rangs de la journée interprofessionnelle de grève et de manifestation du 29 septembre – lancée à l’appel de la CGT, de Solidaires et de la FSU –, ou de la « grande marche contre à la vie chère » annoncée par le chef de file de La France insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon, pour octobre.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Malgré les petits pas du gouvernement, LFI prépare la « bataille générale » pour la rentrée

Les raisons du mécontentement, elles, ne font pas débat. Conscient que les mesures prises par le gouvernement ne pourraient seules compenser la hausse du coût de la vie – l’inflation a atteint 5,8 % en août sur un an –, le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, a lui-même légitimé les attentes des salariés, en appelant à maintes reprises depuis un an, et encore le 30 août devant le Medef, « toutes les entreprises qui le peuvent » à augmenter les rémunérations.

Les tensions sur le marché du travail rendent le rapport de force plus favorable encore aux salariés, alors que la moitié des entreprises ont des difficultés à recruter.

Grilles des salaires « rattrapées » par le smic

Certaines branches professionnelles ont consenti à un effort particulier. Dans l’agroalimentaire, par exemple, les partenaires sociaux du secteur de la charcuterie industrielle, réunis jeudi 1er septembre, ont signé une hausse de 4,7 % des minima de branche. « Depuis dix ans que je négocie, c’est la première fois qu’on signe des hausses pareilles, reconnaît Richard Roze, secrétaire fédéral FGTA-FO. Mais on ne pouvait pas faire moins, alors que ces entreprises sont confrontées à un manque d’attractivité des métiers, notamment parce que les grilles [des salaires] ont été écrasées au fil des années. »

Il vous reste 58.11% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

L’argot de bureau : l’« intelligence collective », au fondement du management

C’est dans un joyeux brouhaha que s’ouvre le lundi de la rentrée : revigorés, les collègues s’échangent des bribes de leurs vacances (pour ceux qui ont pu en bénéficier). La matinée sert à reprendre ses marques. 15 heures : le soufflé retombe, les interactions entre collègues se raréfient. Le silence est entrecoupé de soupirs, marqué du regret de ne pas avoir pu poser une semaine de plus, voire de l’angoisse d’entamer un tunnel grisâtre jusqu’à Noël.

Un chiffre hante alors Myriam, qui vient d’être nommée chargée de gestion de projets transverses (entre plusieurs services) : seulement 6 % des employés français seraient véritablement « engagés » dans leur travail, selon le rapport « State of the Global Workplace 2022 » du cabinet Gallup. Pour avancer, cette chère Myriam répète pourtant à l’envi qu’elle mise sur l’intelligence collective.

Véritable mantra des manageurs qui veulent tourner le dos à la hiérarchie traditionnelle (ou se donner l’air de le faire), l’intelligence collective désigne les processus par lesquels une équipe de personnes qui coopère résout plus aisément les problèmes qu’une somme de personnes isolées.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés « L’intelligence collective, clé du monde de demain » : « Demain, on demandera à l’entreprise d’avoir une contribution sociale positive »

Cela semble être un principe de bon sens, et pourtant, il est formulé par les conférenciers inspirants et autres « experts en relations humaines » comme une trouvaille à peu près aussi inouïe que l’invention de l’électricité. Eh oui, « seul, on va plus vite, mais ensemble, on va plus loin ». « Si l’homme est un loup pour l’homme, les loups savent surmonter leur nature solitaire lorsqu’ils chassent en meute ! », s’enthousiasme d’ailleurs Myriam lors de la réunion de rentrée.

Changement d’état d’esprit

Surprise : malheureusement, il n’est pas si simple d’accorder tous les violons d’un orchestre (encore une métaphore bien appréciée, celui qui dirige doit être le chef d’orchestre), et les moyens de le faire méritent d’être étudiés en détail. Apparu en psychologie et biologie, le concept d’intelligence collective est adopté en sciences de gestion dans les années 1990, et joint la notion de collectif de travail et celle d’intelligence, qu’on entend par la capacité à prendre en main et à résoudre un problème.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Savoir pourquoi on travaille

L’intelligence collective passe donc par un changement d’état d’esprit, fondé sur une meilleure qualité des échanges entre pairs. Cécile Dejoux, professeure de management au Conservatoire national des arts et métiers, l’assimilait dans une interview à la coopération : « Collaborer, c’est prendre des personnes qui sont dans un groupe, et faire en sorte que chacun fasse une tâche ; coopérer, c’est être face à une situation complexe et cocréer ensemble. »

Il vous reste 28.37% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« La croissance et la prospérité d’une économie consumériste sont devenues des objectifs en conflit avec la nouvelle morale écologique »

Comment, dans un pays obsédé par les statistiques du chômage au point que le mot « emploi » s’y est substitué à celui de « travail », en est-on arrivé en quelques mois à s’inquiéter de la difficulté des entreprises à recruter des collaborateurs ainsi qu’à limiter leur démission ? « Emploi », « collaborateur », les mots sont en effet lourds de sens.

Car il s’agit bien, dans notre modernité consumériste, d’être « employé à collaborer » à la croissance d’une économie basée sur la production d’objets, le « système des objets » décrit par le philosophe Jean Baudrillard (1929-2007), dont la finalité est d’être consommés donc rapidement détruits pour être remplacés par de nouveaux.

Lire aussi la tribune : Article réservé à nos abonnés Robert Zarader : « Nous sommes en plein dans une économie et une société du renoncement »

Un cycle aujourd’hui condamné par l’urgence écologique qui appelle à limiter l’exploitation de matières premières, la consommation d’énergie et la production de déchets. Dans ce contexte, et face au déferlement de nouveaux défis que notre humanité doit relever non plus pour simplement prospérer mais pour tenter de survivre, le progrès scientifique et technologique a bien du mal à continuer à s’imposer comme la seule solution alors que nous vivions avec la certitude que ce dernier générerait son propre antidote aux désordres qu’il aurait engendré et trouverait des solutions pour tous les autres.

Un sentiment de défiance à l’égard du progrès technologique

Une vision du progrès qui ira jusqu’à prendre des allures de croyance au XXe siècle, la science venant se substituer à la religiosité et qui connaît aujourd’hui son apogée avec le discours solutionniste des entreprises de la Silicon Valley pour lesquelles c’est la technologie, et elle seule, qui pourra régler tous les problèmes de ce monde.

Face à des désillusions à la mesure des espoirs qu’elle engendrait, la science et son corollaire, le progrès technologique, font aujourd’hui face à un sentiment de défiance inédit qui non seulement éloigne les travailleurs des emplois jugés non éthiques ou encore des métiers qualifiés de bullshit jobs, mais aussi les étudiants des cursus scientifiques et technologiques, les investisseurs de certains secteurs industriels et les consommateurs des produits issus du génie scientifique.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Emploi : « grande démission » ou « grande rétention » ?

Ainsi et dans ce contexte, ce que l’on appelle la « grande démission » ou la « désaffection pour le travail » n’est peut-être pas le simple effet de la crise sanitaire, d’une politique sociale trop protectrice ou d’une épidémie de flemme, mais semble bien s’inscrire dans un mouvement de fond associé à une prise de conscience collective de la nécessité d’un changement radical de modèle de société.

Il vous reste 42.45% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

En manque de bras, l’Australie rouvre ses frontières

A l’aéroport de Melbourne (Australie), en août 2021.

Après avoir hermétiquement fermé ses frontières pour se protéger du Covid-19, entre mars 2020 et décembre 2021, l’Australie a décidé de les ouvrir en grand. Confronté à une grave pénurie de main-d’œuvre, le gouvernement travailliste a annoncé, vendredi 2 septembre, qu’il allait relever de 22 % le quota d’immigration qualifiée pour accueillir 195 000 étrangers par an. Un record historique. La décision a été prise à l’issue du Sommet national sur l’emploi et les compétences, qui a réuni organisations syndicales et patronales, le jeudi 1er et le vendredi 2 septembre, à Canberra.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés L’Allemagne, durement frappée par la pénurie de main-d’œuvre, s’apprête à réformer sa politique migratoire

En juillet, le taux de chômage avait lui aussi atteint un plus-bas historique, tombant à 3,4 %. Soit le niveau le plus faible depuis 1974. Pour 480 000 postes de travail actuellement vacants, seulement 470 000 demandeurs d’emploi sont disponibles. « Cela fait quatre mois que je cherche deux pâtissiers et une vendeuse. J’ai tout tenté, dépensé des centaines de dollars, mais rien, je ne trouve personne. C’est extrêmement stressant », se désespère Gabriela Oporto, patronne d’une petite pâtisserie qui vient d’ouvrir à Forestville, au nord de Sydney. Dans sa rue commerçante d’à peine deux cents mètres, au moins cinq commerces peinent à recruter. Le gérant de Domino’s Pizza, James Bird, a vu ses délais de livraison exploser, faute de chauffeurs-livreurs, et constate maintenant une baisse de ses ventes.

Politique de zéro Covid

« Le marché du travail australien a toujours eu besoin de travailleurs étrangers pour répondre à l’ensemble de ses besoins. A cause de la pandémie, nous avons dû nous appuyer essentiellement sur la main-d’œuvre australienne mais elle ne suffit pas », explique Brendan Rynne, économiste en chef de KPMG.

Lire notre décryptage : Article réservé à nos abonnés Logistique, hôtellerie, bâtiment… La grande pénurie de main-d’œuvre à travers l’Europe

Pendant près de deux ans, l’île-continent, qui avait adopté une politique de zéro Covid, a laissé les travailleurs étrangers à la porte et ceux déjà présents sur son territoire sur le carreau. « Il est temps de rentrer chez soi », avait conseillé, en avril 2020, le premier ministre de l’époque, Scott Morrison, aux détenteurs de visas temporaires ne pouvant subvenir à leurs besoins. Résultat, l’Australie — où la moitié des 25 millions d’habitants a au moins un parent né dans un autre pays — doit désormais composer avec quelque 500 000 immigrants de moins que prévu, selon les calculs de KPMG, et convaincre d’éventuels travailleurs étrangers que les frontières ne se refermeront plus sur eux.

Dans les fermes, des agriculteurs en sont réduits à laisser pourrir leurs fruits sur les arbres

Il vous reste 44.53% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Collecte des déchets à Auxerre : bientôt deux mois d’une grève sans dialogue

Les éboueurs en grève sont installés à l’entrée du centre technique municipal, à Auxerre, le 31 août 2022.

« Toujours prêt à discuter », scande en fluo le panneau derrière lequel des chauffeurs ripeurs de l’Auxerrois, en grève depuis bientôt deux mois, partagent un café, en ce matin brumeux de la fin août. Un « énorme ras-le-bol » devant un manque chronique de personnel les a poussés à « bouger » : le 7 juillet, huit des onze camions-bennes sont restés au dépôt.

Les tournées se font habituellement par équipe de trois : un chauffeur, deux ripeurs sur les marchepieds arrière. « Juste avant la grève, il est arrivé que six camions sur onze ne partent qu’à deux agents », témoigne Mickaël Péro, 38 ans, chauffeur ripeur depuis dix-neuf ans. Il porte la parole des grévistes depuis qu’il s’est syndiqué à l’UNSA pour lancer leur préavis. Jusque-là, aucun des éboueurs n’était syndiqué. La dernière grève remontait à plus de vingt ans.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés « Nous étions acclamés comme des dieux. On n’avait jamais connu ça ! » : le spleen des « héros » du confinement

Pour eux, leurs conditions de travail se sont dégradées après le premier confinement. La configuration à deux, dite « mono-ripeur », avait été mise en place dans la collecte des déchets un peu partout en France durant cette période exceptionnelle pour bannir toute promiscuité entre ces travailleurs de la « deuxième ligne » qui manquaient de masques. Leurs syndicats s’étaient inquiétés que cette organisation devienne la norme.

« Depuis, c’est devenu banal de partir seul à l’arrière, et là ça finissait par arriver tous les jours !, insiste Pascal Brunner, 59 ans. On est des travailleurs, on l’a fait, mais on ne peut plus accepter cette normalisation d’être seul sur un marchepied ! » La tournée seul, c’est deux fois plus de kilomètres à pied, et deux fois plus de bennes à tirer jusqu’au camion, qui ramasse quelque 900 kilos d’ordures par jour.

Selon les grévistes, quatre départs de titulaires n’ont pas été remplacés par des CDI. Et au moins trois agents sont en arrêt durable. Ils demandent la titularisation des vacataires. Six sont déjà présents à temps plein, quatre depuis plus de cinq ans. S’ajoute un volant d’intérimaires : quinze ont ainsi été requis en mai et au moins sept chaque mois depuis 2021. Les agents revendiquent aussi 300 euros d’augmentation, de travailler les jours fériés (les heures seraient payées double) et de commencer dès 5 heures du matin (avec une majoration).

« C’est vraiment déconsidérer complètement ces gens »

Président de l’agglomération, le maire (Les Républicains) d’Auxerre, Crescent Marault, est venu sur le piquet de grève, le 11 juillet. Mais il s’est refusé à négocier dans la salle prévue à cet effet. Sans prendre le temps d’informer les maires de l’agglomération – la gestion des déchets est pourtant une compétence communautaire –, il a répondu aux revendications par écrit, le 12 juillet. Il annonçait alors la « déprécarisation de huit vacataires », mais pas de titularisation, acceptait le travail les jours fériés, mais refusait toute augmentation, arguant des efforts déjà consentis ces dernières années pour améliorer les rémunérations des 1 100 agents de la collectivité.

Il vous reste 51.41% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Appel à témoignages : vous vous sentez seuls face à votre travail, racontez-nous

La Société éditrice du Monde souhaite présenter dans ses publications une sélection de témoignages, sous forme d’écrits, de photographies et de vidéos (ci-après désignés ensemble ou séparément « Contribution(s) ») qui lui sont soumis librement par les internautes.

Contenu de la Contribution

Votre Contribution doit respecter la législation en vigueur, notamment la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les articles 9 et 9-1 du code civil sur le droit à la vie privée et au respect de la présomption d’innocence et les dispositions du code de la propriété intellectuelle. Aucune Contribution contraire à la loi ne pourra être publiée.

Une orthographe et une mise en forme soignées sont exigées (pas de textes en lettres capitales, pas d’abréviations ou d’écrits de type « SMS »).

Vous devez être l’auteur des textes, photographies et vidéos que vous proposez dans le cadre de votre Contribution, ou avoir l’autorisation de leur auteur pour leur publication dans les conditions ici définies. Le nom de l’auteur doit toujours être mentionné, de même que la date et le lieu où ont été pris vos documents photographiques ou vidéo et rédiger une légende descriptive.

Votre Contribution doit être signée de vos prénom et nom. Les demandes d’anonymat en cas de publication seront examinées par la rédaction de la Société éditrice du Monde au cas par cas.

La Société éditrice du Monde se réserve le droit de refuser toute Contribution, ou d’effacer toute Contribution préalablement publiée, pour quelque cause que ce soit, notamment si :

  • elle est contraire à la loi (racisme, appel à la violence ou à la haine, diffamation, pornographie, pédophilie, sexisme, homophobie, …).
  • elle est contraire aux règles de conduite du Monde.fr et des autres publications concernées (mauvaise orthographe, propos non conforme au sujet demandé, forme peu soignée, …).
  • son sujet ou sa forme présente peu d’intérêt pour les lecteurs, la Société éditrice du Monde étant seule décisionnaire à ce titre.
  • elle a déjà été proposée et publiée ou elle est similaire à un témoignage récemment publié.
  • elle contient la représentation ou la désignation d’une personne physique pouvant être identifiée, en particulier une personne mineure.
  • elle contient la représentation d’une œuvre pouvant relever du droit d’auteur d’un tiers sans l’autorisation de celui-ci.
  • elle contient des photographies ou vidéos dont la qualité technique est insuffisante (photos floues, vidéos illisibles ou de mauvaise définition, bande son inaudible, …), la Société éditrice du Monde étant seule décisionnaire à ce titre.

Règles applicables à la Contribution

En participant à cet appel à témoignages, vous autorisez la publication totale ou partielle de votre Contribution sur le site Le Monde.fr, dans le quotidien Le Monde, dans M le Magazine du Monde et/ou sur toute autre publication ou site où la Société éditrice du Monde publie du contenu éditorial (Facebook, Twitter, Digiteka, Instagram, etc., dans le monde entier, pour la durée d’exploitation de la publication concernée.

La Société éditrice du Monde est libre de publier ou non les Contributions qui lui sont proposées.

Votre réponse à l’appel à témoignages, ainsi que votre autorisation pour l’exploitation éventuelle de votre Contribution, sont accordées à titre gracieux et ne peuvent donner lieu à une quelconque rétribution ou gratification ou versement de quelque nature que ce soit, à quelque titre que ce soit.

Les informations recueillies dans le questionnaire sont enregistrées dans un fichier informatisé par la Société éditrice du Monde, et communiquées aux seuls journalistes à l’origine de l’appel à témoignage et aux équipes techniques en charge de la gestion du traitement.

Elles ne seront utilisées que dans le cadre de cet appel à témoignages. Les données associées à une Contribution sont conservées pour une durée maximale de deux ans. Vous pouvez accéder aux données vous concernant, les rectifier, demander leur effacement ou exercer votre droit à la limitation du traitement de vos données, retirer à tout moment votre consentement au traitement de vos données.

Pour exercer ces droits ou pour toute question sur le traitement de vos données dans ce dispositif, vous pouvez contacter dpo@groupelemonde.fr

Consultez le site cnil.fr pour plus d’informations sur vos droits.

La plate-forme Deliveroo, reconnue coupable de travail dissimulé, condamnée à verser 9,7 millions d’euros à l’Urssaf

Un livreur à vélo avec un sac de la société « Deliveroo » roule dans une rue de Paris, le 20 avril 2022.

Reconnue coupable de travail dissimulé, la plate-forme Deliveroo a été condamnée à régler à l’Urssaf 9,7 millions d’euros pour ne pas avoir réglé des cotisations et contributions sociales, selon un jugement du tribunal de Paris consulté vendredi 2 septembre par l’Agence France-Presse.

Deliveroo France est condamné « à verser à l’Urssaf Ile-de-France la somme de 6 431 276 euros au titre des cotisations et contributions sociales, outre la somme de 2 489 570 euros au titre des majorations de redressement complémentaire pour infraction de travail dissimulé, et la somme de 756 033 euros au titre des majorations de retard provisoires », détaille le tribunal dans sa décision rendue jeudi.

La plate-forme britannique de distribution de repas a dénoncé une procédure « ni régulière ni équitable » et a annoncé son intention de faire appel. De leur côté, les juges ont estimé que les demandes de l’organisme de recouvrement étaient « parfaitement justifiées ».

« La SAS Deliveroo, qui se définit comme une plate-forme de mise en relation, ne se borne pas à mettre en relation des clients finaux et des restaurants partenaires qui ne sont jamais en contact, mais exécute elle-même la livraison des repas préparés par le truchement de livreurs, de sorte que la livraison relève indissociablement de son activité », écrivent-ils dans leur décision.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Coursiers « variables d’ajustement », « habillage juridique fictif » : le jugement qui condamne Deliveroo France

« Un modèle ancien qui n’a plus cours aujourd’hui »

L’Urssaf reprochait à la plate-forme britannique d’avoir dissimulé 2 286 emplois de livreurs en Ile-de-France entre le 1er avril 2015 et le 30 septembre 2016 et, en conséquence, de ne pas avoir versé les cotisations sociales afférentes.

« Cette décision est difficile à comprendre et va à l’encontre de l’ensemble des preuves qui établissent que les livreurs partenaires sont bien des prestataires indépendants, de plusieurs décisions préalablement rendues par les juridictions civiles françaises », a réagi Deliveroo. « L’enquête de l’Urssaf porte sur un modèle ancien qui n’a plus cours aujourd’hui », selon la plate-forme.

« Aujourd’hui, les livreurs partenaires bénéficient d’un nouveau modèle basé sur un système de “connexion libre” qui permet aux livreurs partenaires de bénéficier d’encore plus de liberté et de flexibilité », indique Deliveroo, en rappelant sa participation prochaine au dialogue social organisé en France pour les travailleurs des plates-formes.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Dans les « dark stores », les petites mains de la livraison à domicile : « C’est pas beaucoup mieux que chez Deliveroo »

Le Monde avec AFP