Archive dans septembre 2022

Plafond d’indemnisation pour licenciement abusif : le Conseil de l’Europe conclut à la « violation » par la France de la Charte sociale européenne

Un nouveau revers pour le « barème Macron » ? Le Comité européen des droits sociaux du Conseil de l’Europe (CEDS) a rendu publique, lundi 26 septembre, sa décision sur le bien-fondé du barème Macron. Comme le révélait Le Monde à la mi-juin, le Comité considère que le plafonnement des dommages et intérêts accordés par la justice au salarié en cas de licenciement injustifié constitue une « violation » de l’article 24 de la Charte sociale européenne, portant sur « le droit à la protection en cas de licenciement ».

Entré en vigueur par la voie des ordonnances de 2017, le barème Macron limite à vingt mois de salaire maximum les indemnités dues en cas de licenciement abusif (hors cas de harcèlement ou de discrimination).

Il supprime aussi le plancher de six mois minimum d’indemnités pour les salariés ayant au moins deux ans d’ancienneté. Ce dispositif continue à être régulièrement remis en question devant les tribunaux. Au niveau européen, la CGT et Force ouvrière (FO) avaient saisi le CEDS pour contester la validité de ce barème.

Le CEDS leur a donné raison. Dans sa décision, il indique que « les plafonds prévus par l’article L. 1235-3 du code du travail ne sont pas suffisamment élevés pour réparer le préjudice subi par la victime et être dissuasifs pour l’employeur ».

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En outre, le CEDS considère que la « prévisibilité » résultant du barème « pourrait plutôt constituer une incitation pour l’employeur à licencier abusivement des salariés ». Pour asseoir sa décision, il se réfère à l’article 24 de la Charte sociale européenne, qui prévoit qu’une réparation « adéquate » doit être accordée au salarié abusivement licencié.

L’inconnue du Conseil d’Etat

Si cette décision pointe du doigt la France pour non-respect de ses engagements en tant que signataire de cette charte, elle n’invalide pas pour autant le barème Macron au regard du droit français, considère MDéborah Attali. « Le comité n’a pas de pouvoir en réalité ; il n’a pas la capacité de changer la loi française ou de sanctionner les Etats qui ne respectent pas la charte européenne, constate cette avocate associée chez Eversheds Sutherland et chargée du département droit social du bureau de Paris. Tout ce que peut faire le comité, c’est constater l’existence d’une non-conformité. C’est ensuite aux juridictions nationales d’agir et de changer la loi, les textes… pour être conformes à la charte européenne. Mais si le gouvernement ne souhaite pas modifier la législation, le barème restera applicable. »

D’autant qu’il a déjà été validé par les plus hautes juridictions françaises, à savoir le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation, dans un arrêt de mai 2022. « Il y avait déjà des décisions semblables du CEDS pour la Finlande et l’Italie ; dans ces pays, la politique sur les barèmes n’a pas été modifiée », ajoute son collègue Me Nicolas Etcheparre, du même cabinet.

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« Cet été j’étais content d’aller au taff pour me mettre au frais, cet hiver ce sera pour le chauffage » : le bureau, pour économiser plus

Depuis la fin des confinements, les salariés sont incités à revenir en présentiel par leurs employeurs, qui, pour ce faire, ne sont pas avares d’arguments – il faudrait retourner au bureau pour la créativité, l’innovation et, surtout, pour construire du sens. Les entreprises passent à côté du plus simple : le bureau, cet endroit avec un placard à fournitures qui se vidait aux périodes de rentrée scolaire, est devenu, depuis la fin de l’abondance, un lieu qui offre électricité et chauffage à 19 degrés à volonté. Ce n’est plus à un stock de trombones et à des blocs-notes repositionnables que la vie de bureau donne accès, mais à la possibilité d’enlever son manteau pour travailler, à des occasions de faire pipi gratuitement, voire de se laver les mains à l’eau chaude.

En Grande-Bretagne, où les factures d’énergie ont augmenté de 45 % en un an, les fondateurs des espaces de coworking Spaces et Deskpass ont déjà dit s’attendre à une hausse de la demande de la part de ceux qui ne ­voudront pas payer, à la place de leur employeur, l’explosion du coût du chauffage de l’appartement dans lequel ils télétravaillaient.

Plutôt que de tenter de faire croire qu’elles contribuent à changer le monde, les grandes entreprises qui peinent à draguer les jeunes diplômés finiront par mettre en avant la température des couloirs. Le bureau deviendra cet endroit où il reste encore de la moutarde à la cantine. On profitera des kilowattheures du bureau comme des savonnettes d’hôtel, sans mauvaise conscience. Dans les entreprises aux services de frais généraux plus stricts, la réunion en présentiel, cet art tombé en désuétude pendant les années Covid, permettra de se réchauffer en groupe. On ne cherchera plus à alléger le nombre de participants autour de la table, n’importe qui passant dans le couloir fera l’affaire. Plus on sera, plus on se tiendra chaud.

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A quoi on les reconnaît

S’ils travaillent en flex office, ils arrivent un peu plus tôt au bureau pour s’installer près des fenêtres orientées sud. Ils passent devant les affiches pour les « écogestes » accrochées dans les couloirs, avant d’aller imprimer les fiches d’inscription des activités sportives des enfants sur une imprimante plus fiable que celle de la maison. Au conseil d’Olivier Véran de couper le Wi-Fi avant de partir en week-end, ils en ont rajouté un autre : recharger leur téléphone au boulot.

Comment ils parlent

« Je prends ma douche et je recharge mon smartphone à la salle de sport. » « Je vais prendre mon petit dej’ au bureau. » « Je serai chez moi juste pour dormir. » « Cet été, j’étais content d’aller au taf pour me mettre au frais, cet hiver, ce sera pour le chauffage. » « Ça va aussi dépendre du prix de l’essence. »

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Les salariés de l’usine Compin d’Evreux se mobilisent, sur fond de plan social

Comme tous les jours à 16 h 08, les équipes de l’usine Compin d’Evreux débauchent. Une dizaine d’ouvriers se dirigent vers leurs voitures sur un parking clairsemé. Plusieurs d’entre eux ont plus de vingt ans de maison. Et se souviennent… En 2010, ils étaient 400, et on se garait difficilement ici. En 2017, lorsqu’ils ont gagné le marché des sièges équipant les TER de Normandie, ils étaient encore 250. Aujourd’hui, le site n’emploie plus que 113 personnes. Et fin août, la direction de l’entreprise a annoncé un plan de sauvegarde de l’emploi, portant sur 55 postes consacrés à la production de sièges de train.

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Il ne restera à terme qu’un « centre de services », à destination des autres entités de l’entreprise, qui compte, avec Fainsa, sa branche espagnole rachetée en 2015, 734 personnes. En clair, Compin ne fabriquera plus de modèles en France. Tout au plus gardera-t-il une activité de rénovation. Un choc. Des premiers sièges du métro parisien fabriqués à Courbevoie en 1902, à ceux du premier TGV, en passant par les RER NG d’Ile-de-France, Compin a toujours équipé les trains français. « Dans cette affaire, j’ai été trahi », s’agace Hervé Morin, patron des Centristes et président de la région Normandie.

En 2017, lorsqu’il finalise l’appel d’offres pour 40 rames de trains régionaux, il insiste auprès de Bombardier pour qu’il fasse travailler l’entreprise euroise. Le constructeur, racheté depuis par Alstom, hésite. L’élu ne lâche pas : « J’avais bien conscience que Compin n’était pas forcément le modèle de l’usine 4.0. Mais justement, ce contrat devait encourager les investissements à Evreux. » Il n’en sera rien. Trois ans plus tard, la livraison des trains normands prend du retard. Hervé Morin demande une explication : Bombardier se défausse sur son fournisseur de sièges.

« Nouvelle usine en Pologne »

« Nous étions au Havre, dans les locaux de la SNCF, se souvient le président de région. Et je suis tombé de ma chaise quand les dirigeants de Compin m’ont expliqué que le retard provenait de problèmes de process dans leur nouvelle usine en Pologne. J’étais cocu. » Depuis, personne n’a réussi à inverser la tendance, pas même la banque publique d’investissement Bpifrance, pourtant actionnaire de l’entreprise à hauteur de 8,5 % du capital, ni la SNCF, premier client, ou Alstom, qui s’en lave les mains.

Et certainement pas le fonds d’investissement Equistone, qui est entré au capital de l’entreprise en 2009 et ne parvient pas à rentabiliser son investissement. Les salariés, eux, assistent impuissants à la « purge » de leur activité depuis plusieurs années. « Les Polonais sont venus se former à Evreux, et un de nos chefs d’équipe à la production était encore en Pologne avant l’été », explique un élu CGT, qui demande que son nom ne soit pas cité « pour pouvoir retravailler après Compin ».

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Télétravail et dialogue social : les conflits se multiplient

Carnet de bureau. La période est intense pour le dialogue social. De retour au bureau, les conflits ont resurgi, multiples et plus complexes : c’est le bilan tiré à la mi-septembre par la Fédération des intervenants en risques psychosociaux (Firps) après deux ans et demi de télétravail régulier. « Les manageurs sont deux fois plus exposés à la violence verbale de leurs collègues », constate François Cochet, le président de la FIRPS. « Entre mai 2020 et mai 2021, on a eu cinq fois plus de signalements de harcèlement que sur la même période en 2018-2019, avant la crise sanitaire », ajoute Camy Puech, directeur général de Qualisocial, cabinet de conseil en prévention des risques psychosociaux (RPS).

Les causes identifiées par les professionnels en prévention des RPS sont les nouveaux modes de travail, la perte du temps de régulation, par exemple, entre les fins de réunions et le retour à son poste de travail, et le passage de la communication informelle à l’écrit. « Dans une entreprise qui avait perdu son équilibre relationnel, on a observé que tout le monde avait eu tendance à adopter un comportement qui dégrade le travail d’autrui », témoigne Camy Puech. Durant plus de deux ans, le manque de fluidité dans les relations interprofessionnelles a au mieux mis les problèmes sous le tapis durant de longs mois, au pire envenimé les situations conflictuelles.

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En parallèle, la mécanique de résolution des conflits s’est enrayée. Détendre l’atmosphère à distance, c’est compliqué, en mode hybride aussi. « Pour les personnes qui sont à distance, dans certaines situations de détresse, l’entraide est beaucoup plus compliquée », précise Emmanuel Charlot, directeur général du cabinet de conseil Stimulus France. Et les représentants du personnel ne découvrent bien souvent les situations problématiques que trop tard, lorsqu’elles sont officialisées. A cause du télétravail, mais pas seulement.

« Perte de proximité »

Des leaders syndicaux, des experts auprès des CSE et des chercheurs de l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES), réunis le 23 septembre à l’Institut des sciences sociales du travail pour faire le bilan des ordonnances Macron de 2017, ont unanimement constaté « une perte de proximité » entre les salariés et leurs représentants.

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La présence syndicale sur le lieu de travail a baissé, et l’« on s’aperçoit que la disparition du délégué du personnel pose problème. Les représentants de proximité, dont la définition est floue [ils sont censés régler les situations individuelles], n’ont pas vraiment pris le relais. Dans certaines entreprises, les salariés les ont rebaptisés “représentants d’éloignement” », explique Kevin Guillas-Cavan, chercheur à l’IRES.

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Anthony Smith, l’inspecteur qui faisait trop bien son travail

Anthony Smith, à Châlons-en-Champagne, le 19 septembre 2022.

Le caillou dans la chaussure du ministère du travail depuis plus de deux ans est un fonctionnaire aux airs de M. Tout-le-Monde, aimable et grisonnant. L’inspecteur du travail Anthony Smith a été suspendu mi-avril 2020, puis muté d’office, pour avoir saisi la justice face à un employeur qui ne protégeait pas assez ses salariées contre le Covid-19. « Ubuesque », « digne d’un polar de seconde zone », assène-t-il aujourd’hui.

Echaudé par son bras de fer avec sa tutelle, l’agent, 47 ans, précise qu’il s’exprime au titre de responsable syndical CGT au ministère du travail, mandat qui lui procure une certaine liberté de parole. Précaution utile, car le dossier est hautement politique : l’affaire a débuté lorsque Muriel Pénicaud était à la tête du ministère, mais la sanction s’est abattue après qu’Elisabeth Borne, actuelle première ministre, lui a succédé.

La Rue de Grenelle a vite rétropédalé, allégeant sa sanction pour tenter d’enterrer le dossier. Mais l’opposition ne cesse de le lui rappeler. Le 28 septembre, Anthony Smith demandera au tribunal administratif de Nancy d’effacer sa peine. Son comité de soutien, coprésidé par deux députés La France insoumise, Mathilde Panot et Thomas Portes, fait déjà monter la pression sur les réseaux sociaux. Des élus de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) ont prévu de l’accompagner à l’audience, comme les chercheurs, les militants syndicaux ou associatifs qui font bloc autour de lui : depuis 2020, Anthony Smith opère l’union de la gauche à lui tout seul. Ses partisans voient en lui l’incarnation d’une inspection du travail malmenée par les impératifs économiques.

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Entré dans le métier en 2005, Anthony Smith explique son choix de carrière par le parcours de ses parents. Son père, ouvrier, et sa mère, institutrice, lui ont transmis l’idée que « le travail est la seule façon de s’élever socialement ». Mais leur exemple l’a aussi structuré politiquement, à gauche. « J’ai vu ce qu’était le travail d’un ouvrier, cela m’a construit. » Il découvre que l’entreprise est un lieu de rapports de force qui appelle des contre-pouvoirs. L’inspection du travail en est un. Anthony Smith aime à rappeler que la loi qui l’a créée, en 1892, a interdit le labeur des enfants de moins de 13 ans et celui des femmes dans les mines.

Au service du code du travail

Après quelques années comme professeur d’économie, il devient un « observateur privilégié » autorisé à entrer dans les entreprises pour y faire appliquer le code du travail et ses « grandes conquêtes sociales ». Dans la Marne, où il est affecté, le gros du boulot est administratif : « échanges, observations, demandes de mise en conformité ». La coercition – procès-verbaux, arrêts d’activité en cas de danger grave et imminent… – vient en dernier recours. Le métier n’en reste pas moins politique. « Etre le bras gauche de l’Etat », « servir le code », il l’assume et en fait sa fierté. Comme d’être syndiqué depuis ses 18 ans, à l’UNEF, le syndicat étudiant, puis à la CGT, même s’il assure « dissocier [s]on travail de [s]on action militante ».

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Vos dépenses de nounou ou de ménage ont baissé ? Vous avez jusqu’à mi-décembre pour le signaler

Depuis la mise en place du prélèvement à la source, un mécanisme d’avance a été mis en place pour les crédits et les réductions d’impôt dit « récurrents » : par exemple, le crédit d’impôt accordé en contrepartie de l’emploi d’un salarié à domicile (pour le ménage, le repassage, le jardinage, etc.) ou d’une personne pour garder les enfants. Ou encore la réduction d’impôt pour dons aux œuvres, et les différentes réductions d’impôt prévues en faveur de l’investissement locatif (comme le dispositif Pinel).

La prochaine avance sera versée mi-janvier 2023. Elle concernera les réductions et les crédits d’impôt auxquelles vous pouvez prétendre pour les dépenses réalisées en 2022. Sauf que… l’administration fiscale ne peut pas connaître le montant des dépenses que vous avez réellement engagées tant que vous n’avez pas rempli votre déclaration de revenus de 2022 !

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Pour calculer le montant de l’avance, le fisc part donc du principe que vous supportez les mêmes dépenses en 2022 qu’en 2021, et vous verse donc, en avance, 60 % des crédits et des réductions d’impôt dont vous avez bénéficié au titre de vos revenus de 2021. Leur montant figure sur l’avis d’imposition que vous avez reçu cet été.

Les 40 % restants vous seront versés dans le courant de l’été 2023, sur la base, cette fois, des sommes réellement dépensées en 2022.

Pas d’obligation

Conséquence : si vos dépenses ont diminué en 2022, par rapport à 2021, il se peut que vous ayez à rembourser tout ou partie de l’avance que vous allez recevoir en janvier prochain. Si vous ne voulez pas vous retrouver dans cette situation, vous avez la possibilité de demander à ne pas recevoir l’avance, ou à recevoir une somme moins importante.

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Mais ce n’est pas une obligation. Vous pouvez parfaitement utiliser cette avance comme un prêt personnel « gratuit », sachant que vous devrez la rembourser à l’administration fiscale dans le courant de l’été 2023.

Comment s’y prendre ? Pour modifier le montant de l’avance, ou la supprimer purement et simplement, il faut en faire la demande à partir de votre espace personnel sur le site Impots.gouv.fr. Vous avez jusqu’au 14 décembre pour effectuer cette démarche.

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Une précision importante : si vous avez demandé à bénéficier cette année de l’avance immédiate du crédit d’impôt « service à la personne », avec le dispositif CESU ou Pajemploi, le montant du crédit d’impôt immédiat (encore appelé « crédit d’impôt instantané ») que vous avez perçu cette année sera automatiquement déduit du montant de l’avance versée en janvier prochain. Autrement dit, si vous êtes dans cette situation, vous n’avez aucune démarche à accomplir pour ajuster le montant de votre avance.

Le Covid long, maladie méconnue dans les entreprises

« La maladie peut prendre de multiples formes d’une intensité variable : fatigue extrême, troubles digestifs, perte d’attention, troubles neurologiques, problème de vue… Au total, 203 symptômes ont été recensés. »

Il décrit cette ronde infernale comme « un manège ». Extrême fatigue, problèmes de concentration, de mémorisation, courbatures, essoufflement… Au total, Gérard (le prénom a été modifié), cadre dans une société spécialisée dans les ressources humaines, a recensé quarante-trois symptômes. Depuis la fin 2020, il est touché par une forme grave de Covid long – un terme qui désigne la persistance de séquelles plusieurs semaines voire mois après avoir contracté le virus – et voit les souffrances s’enchaîner d’un jour à l’autre, de manière aléatoire.

Après dix-sept mois d’arrêt, il a repris le travail début mai, en mi-temps thérapeutique. « La situation est compliquée au bureau », résume-t-il. En premier lieu parce que « [sa] maladie ne se voit pas : c’est un handicap invisible ». Il raconte le regard suspicieux d’un collègue, l’incrédulité de sa responsable hiérarchique, pour qui une reprise à temps plein aurait été préférable. « Elle ne s’intéresse pas à mes problèmes de santé et croit que je suis dans un état dépressif. » Gérard estime aujourd’hui avoir été « placardisé ». « Mon mi-temps ne me permettant pas de réaliser des procédures de recrutement complètes, on m’a confié des tâches administratives que je réalisais au début de ma carrière », déplore-t-il.

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Si elle est peu évoquée en entreprise, la maladie concerne pourtant « une part importante de la population française », indique Santé publique France. Son étude, publiée au printemps, précise ainsi que 2,06 millions de personnes de plus de 18 ans étaient atteintes d’une affection post-Covid-19 début avril, en se fondant sur les critères de l’Organisation mondiale de la santé (symptômes présents au moins trois mois après l’infection).

Les personnes touchées en conviennent : le Covid long est une maladie largement méconnue en entreprise. Cela peut entraîner, parfois, des tensions, comme dans la société de Gérard. Plus généralement, cette ignorance n’incite pas à la discussion, et place fréquemment les malades en situation d’isolement.

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Ils pâtissent du manque de recul sur le Covid long, mais aussi de sa complexité, la maladie pouvant prendre de multiples formes d’une intensité variable (fatigue extrême, troubles digestifs, perte d’attention, troubles neurologiques, problème de vue…). Au total, 203 symptômes ont été recensés. Un collectif de malades, l’association ApresJ20, déplore en outre un manque de communication des pouvoirs publics sur la question.

Des situations très diverses

Le sujet n’est donc pas de ceux qui animent les équipes RH. « Je n’ai pas de remontées et de questionnement des directeurs des ressources humaines à ce propos, je n’en ai pas entendu parler », résume Benoît Serre, vice-président de l’association nationale des DRH. « La question n’est vraiment pas prise en main par les entreprises », abonde le cadre supérieur d’un grand groupe.

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Olivier Dussopt prêt à durcir l’accès à l’indemnisation du chômage en cas d’abandon de poste

Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein-emploi et de l’insertion, à la deuxième journée d’université d’été du Medef, le 30 août 2022.

« Il y a une faille : un salarié qui procède à un abandon de poste a accès à des conditions d’indemnisation plus favorables qu’un salarié qui démissionne. » Devant la commission des affaires sociales de l’Assemblée, qui examine le projet de loi sur l’assurance-chômage, le ministre du travail, Olivier Dussopt, s’est dit prêt, mardi 27 septembre, à durcir l’accès à l’indemnisation du chômage dans le cas d’abandon de poste. Cette situation intervient lorsqu’un salarié ne vient plus travailler sans justification et finit par être licencié par son employeur.

« Nous sommes ouverts à ce que ces conditions soient alignées » sur celles des démissions, a-t-il ajouté, alors qu’un amendement des Républicains (LR) a été déposé dans ce sens, tout en veillant « à ce que les salariés qui abandonnent leur poste pour des raisons de sécurité ne soient pas pénalisés ».

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Peu d’exceptions permettant aux démissionnaires d’être indemnisés

Une poignée seulement d’exceptions permettent aux démissionnaires de toucher le chômage. Parmi elles, le fait de suivre un conjoint a concerné 14 000 cas en 2021, selon l’Union nationale pour l’emploi dans l’industrie et le commerce (Unédic). Depuis 2019, la possibilité est également ouverte une fois tous les cinq ans à ceux qui ont un projet professionnel (12 000 cas en 2021).

Pour quitter son emploi en étant indemnisé, le salarié peut demander une rupture conventionnelle à son employeur, mais ce dernier n’est pas contraint de la lui donner. En l’absence d’obtention de cette rupture, certains salariés choisissaient donc l’abandon de poste, qui constitue un licenciement pour faute et ne le prive donc pas de son droit à bénéficier de l’assurance-chômage.

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S’il n’existe aucune statistique sur ces abandons de poste, les députés LR affirment dans leur amendement que « c’est un phénomène de plus en palpable par les milieux professionnels ». « Le salarié qui veut quitter son emploi (…) pour se retirer du marché du travail tout en ayant pour objectif de conserver un revenu ne va pas démissionner mais simplement ne plus revenir au travail afin que l’employeur, de guerre lasse, procède à son licenciement », avancent-ils. « Alors que le démissionnaire est tenu par un préavis qui permet à l’employeur de s’organiser, l’employé fantôme, en abandonnant son poste du jour au lendemain, perturbe le bon fonctionnement de l’entreprise », ajoutent-ils.

Pour lutter contre les tensions de recrutement, M. Dussopt s’est, en revanche, montré plus réservé sur la volonté de certains députés de durcir l’accès au chômage pour un CDD refusant un CDI. Le ministre a rappelé que lorsqu’un salarié refuse un CDI proposé dans les mêmes conditions que son CDD, alors la prime de précarité de 10 % n’est pas due par l’employeur, une disposition méconnue selon lui.

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Le Monde avec AFP

A la veille de l’examen d’un plan de continuation, l’appel à l’Etat de Camaïeu fait chou blanc

Une boutique Camaïeu, à Lille, en mai 2020.

Michel Ohayon a frappé à la porte de Bercy. En vain. L’actionnaire de Camaïeu « a demandé une avance de l’État » pour boucler son plan de relance du géant nordiste de prêt-à-porter féminin, en redressement judiciaire, a indiqué lundi 26 septembre la direction à lAFP, une demande refusée par Bercy.

« Il s’agirait d’une intervention de l’État sous avance remboursable », a précisé à l’AFP Wilhelm Hubner, président d’Hermione People and Brands (HPB), la division distribution de la Financière immobilière bordelaise (FIB) menée par l’homme d’affaires bordelais Michel Ohayon, qui a repris Camaïeu en 2020.

L’État ne peut « en aucun cas se substituer aux actionnaires privés » – le CIRI

Joint par Le Monde, Bercy a jugé que cette demande « en catastrophe » n’était pas « réaliste ». Dimanche dans la soirée, les représentants de M. Ohayon ont contacté les services du Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) pour obtenir 48 millions d’euros de l’Etat. D’après les services du CIRI, l’actionnaire de Camaïeu promet d’apporter « 5 millions d’euros » et d’obtenir « 14 millions d’euros de la vente d’actifs immobiliers à Roubaix », siège de l’entreprise, pour financer son plan de relance. Ces actifs seraient rachetés par FIB, pour 14 millions d’euros en vu de « sa valorisation » puis de sa revente, censée rapporter selon M. Hubner « de 55 à 63 millions d’euros », d’après l’AFP.

Une douche froide

L’État ne peut « en aucun cas se substituer aux actionnaires privés », objecte Bercy. Or, de sources proches du dossier, l’entreprise a déjà bénéficié de 40 millions d’euros d’aides publiques, lors du versement de 20 millions d’euros de subventions de coûts fixes accordés aux entreprises fragilisées par les mesures de confinement et de 20 millions d’effacement de dettes publiques.

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Le tribunal de commerce de Lille doit examiner ce mercredi le plan de continuation de Camaïeu. Il prévoit la fermeture de 208 magasins et la suppression de quelque 500 emplois sur environ 2 600. « Tout le monde sait qu’il y a urgence » pour sauver l’enseigne, ce qu’HPB « est le seul » à pouvoir faire, après le retrait de divers candidats à la reprise, dont le fonds américain Gordon Brothers, a souligné M. Hubner auprès de l’agence de presse.

En cas de rejet du plan de relance par le tribunal de commerce, au terme duquel Camaïeu « se séparerait de 208 magasins structurellement non rentables », en garderait 308 et préserverait « 80 % des 2 600 emplois », l’entreprise risque la liquidation judiciaire, rappelle M. Hubner à l’agence de presse.

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Economie française : « l’emploi se porte-t-il bien parce qu’il est sous perfusion ? »

L’épaisseur du code du travail aux oubliettes, les difficultés de recrutement sont la nouvelle boussole des réformes, désignées comme le frein ultime au plein-emploi alors même qu’elles en sont un symptôme qui ne peut qu’empirer à l’approche du Graal. Quel que soit l’indicateur, barrières à l’embauche, pénuries, tensions, emplois vacants, la difficulté à recruter atteint en effet des niveaux inégalés depuis très longtemps. Le ministère du travail les attribue à de multiples causes : principalement le rythme très élevé des embauches, un déficit d’actifs, de compétences, l’inadéquation géographique en offres et demandes, la qualité des emplois, etc.

Cette complexité un peu ennuyeuse à analyser est éclipsée par des explications plus imaginatives : c’est la faute de l’époque, de la crise sanitaire, d’une prise de conscience existentielle, en particulier chez les jeunes dont l’engagement professionnel serait plus utilitariste que celui de leurs aînés, etc. dont même la loi sur la « réforme du travail » fait son miel : « les actifs modifient leurs aspirations professionnelles et changent davantage d’entreprise, voire de métier. Les entreprises connaissent de ce fait des difficultés de recrutement bien plus importantes qu’avant la crise ».

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Une occasion bienvenue de faire un sort à tout ce qui est susceptible de favoriser la très française « préférence pour le chômage ». L’assurance-chômage fait office de coupable idéal : les contrôles de Pôle emploi et les droits rognés ne suffisant pas, les chômeurs indemnisés continueraient de préférer le confort des allocations-chômage à la reprise d’emploi. C’est aller un peu vite : d’une part les chômeurs indemnisés sont une minorité, d’autre part leur nombre diminue très vite, alors que celui des demandeurs d’emploi inscrits mais non indemnisés est inerte.

« Grande démission » ou « grand licenciement »

Au-delà d’anecdotes évoquant des fraudes, les faits ne montrent pas que les règles d’assurance-chômage stimulent les difficultés de recrutement actuelles. En théorie, ce lien est possible, mais avant de l’invoquer il faut résoudre une énigme bien plus épaisse encore : pourquoi des chômeurs non-indemnisés n’acceptent-ils pas ces emplois vacants ? On l’ignore.

En outre, une règle d’assurance (chômage ou autre) optimale ne doit pas être définie par rapport aux comportements des fraudeurs, car elle serait sous-optimale pour l’immense majorité des autres assurés, qui ne fraudent pas. Le dossier de presse des chantiers du gouvernement pour le plein-emploi ne dit pas autre chose : 160 emplois vacants pour 1 000 chômeurs, cela ne laisse-t-il pas 840 chômeurs sans opportunité d’emploi ? Baisser les allocations de ceux qui sont indemnisés, y compris au motif de la conjoncture, n’y changerait rien.

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