Archive dans août 2022

Sous pression, Snapchat est contraint de licencier 1 200 personnes

Un plan social de 1 200 personnes, soit 20 % des effectifs. Ce genre d’annonce est inhabituel dans le secteur du numérique. C’est pourtant la mesure qu’a officialisée Snap mercredi 31 août. « Il est devenu clair que nous devons réduire nos coûts pour éviter de continuer à subir des pertes importantes », a justifié Evan Spiegel, fondateur du réseau social, dans un mémo à l’adresse de ses salariés. Cette vague de licenciements s’explique par les difficultés propres à Snap, structurellement déficitaire depuis sa création en 2017. Mais la décision illustre aussi plus largement le coup de froid qui touche la « tech », après une période d’euphorie boursière.

Né il y a cinq ans, Snap est connu pour avoir introduit les « stories », un format de vidéo de quelques dizaines de secondes. Mais il n’a pas depuis réussi à se tailler une place confortable dans le secteur des réseaux sociaux. Son nombre d’utilisateurs quotidiens a certes crû de 20 % en 2021 et dépasse celui de Twitter mais, avec 347 millions de membres, il reste faible comparé au 1,9 milliard de Facebook (3,6 en ajoutant Instagram, Messenger et WhatsApp) ou au milliard de TikTok.

Désescalade boursière

Le titre a perdu 80 % de sa valeur depuis le début de 2022.

Surtout, l’entreprise n’a jamais été bénéficiaire (hormis un trimestre à l’équilibre fin 2021). L’an dernier, malgré une hausse de 64 % de son chiffre d’affaires à 4,1 milliards de dollars, elle a encore perdu 488 millions. Et son activité s’est dégradée en 2022 : au deuxième trimestre, la croissance a fortement ralenti et la perte a atteint 422 millions, contre 152 à la même période l’année précédente. « Nous ne sommes pas satisfaits de nos résultats », a alors admis Evan Spiegel, prévoyant des mesures d’économies. Snap avait publié des chiffres inférieurs aux prévisions des analystes financiers, pourtant revues à la baisse après un avertissement formulé par la direction. En Bourse, le titre a perdu 80 % de sa valeur depuis le début de 2022. Il a toutefois repris 7 % aux Etats-Unis dans la matinée de mercredi, les investisseurs semblant apprécier les licenciements prévus.

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Les suppressions de postes vont notamment toucher de nombreuses embauches réalisées par Snap depuis le début de la pandémie, laquelle avait suscité une euphorie boursière autour des valeurs technologiques. Entre mars 2020 et la fin du premier semestre 2022, l’entreprise était passée de 3 400 à 6 400 employés. A la recherche de 500 millions de dollars d’économies annuelles, la direction coupe dans des activités désormais jugées comme non prioritaires : elle arrête les productions de vidéos Snap Originals, les services chargés de créer des petites applications et des jeux sur la plate-forme, le drone caméra Pixy et les applications Zenly (localisation de ses contacts sur une carte) ainsi que Voisey (mise en relation de musiciens)… Selon le site d’information The Verge, premier à évoquer le plan social, la division « materiel », dont dépendent les lunettes de réalité augmentée Spectacles, est également touchée. Ces décisions montrent la difficulté de se diversifier pour les réseaux sociaux. Snap a récemment lancé une version payante pour 3,99 dollars par mois mais celle-ci n’offre que quelques fonctionnalités supplémentaires et reste confidentielle à ce stade.

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Apprentissage : les réductions budgétaires seront moins amples que prévu

Olivier Dussopt, ministre du travail, lors des rencontres des entrepreneurs de France, à Paris, le 30 août 2022.

Les économies programmées dans le monde de l’apprentissage vont être moins importantes que prévu. Par le biais d’un communiqué diffusé mercredi 31 août, le ministère du travail a indiqué que des « corrections » vont être apportées aux décisions prises au début de l’été en matière de financement des organismes de formation. Cet exercice permettra d’atténuer la baisse des moyens qui devait initialement produire ses premiers effets à compter de jeudi 1er septembre. Ces arbitrages sont rendus après une intervention en ce sens d’Emmanuel Macron, le chef de l’Etat ayant été alerté sur le dossier par plusieurs protagonistes, inquiets face au coup de rabot budgétaire.

L’annonce de mercredi fait suite à une réunion qui s’est tenue, deux jours plus tôt, entre des collaborateurs de Carole Grandjean, ministre déléguée à la formation et à l’enseignement professionnels, et des représentants des principaux acteurs de l’apprentissage (chambres des métiers, Compagnons du devoir, etc.). Cette rencontre avait pour objet de réexaminer les retombées d’une délibération adoptée, le 30 juin, par France compétences, « l’autorité nationale » de régulation et de financement du secteur. Cette instance avait recommandé une diminution « moyenne totale de l’ordre de 10 % » des « niveaux de prise en charge » – la dotation qui finance l’accompagnement d’un apprenti. Le tour de vis devait être donné en deux temps, avec une première réduction d’environ 5 % le 1er septembre, suivie d’une autre – à partir du 1er avril 2023 – d’une ampleur possiblement équivalente.

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Ces préconisations cherchent à rationaliser un dispositif en plein boom depuis quelques années. Entre 2016 et 2021, le nombre de contrats d’apprentissage a été multiplié par 2,5. Une progression impressionnante, enclenchée par la libéralisation du système en 2018 et amplifiée par les primes attribuées (depuis 2020) aux patrons qui recrutent des apprentis. Cet essor s’est accompagné de poussées des prix et d’effets d’aubaine. Plusieurs études ont établi que les dotations accordées aux centres de formation d’apprentis (CFA) étaient supérieures, en moyenne, de 20 % aux coûts supportés par ces structures. Parallèlement, France compétences a été mis en difficulté par le succès de la filière, avec un déficit devenu structurel : – 4,6 milliards d’euros en 2020, – 3,2 milliards en 2021…

« Les CFA ont été écoutés »

A partir de la fin de 2021, tous les acteurs ont dialogué afin de rapprocher le montant des aides avec celui des charges endossées par les CFA. Les tractations ont débouché sur un résultat conforme aux attentes de France compétences dans 70 % des cas. Pour les quelque 30 % restants, l’opérateur a été plus prescriptif en proposant, bien souvent, une baisse.

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« C’est une perte de temps » : désillusionnés et frustrés, nombre d’Indiens quittent le marché du travail

De jeunes indiens participent à une session pour espérer rejoindre l’armée, à Kochi, dans l’Etat de Kerala (Inde), le 10 août 2022.

Ils sont des millions à avoir jeté l’éponge au cours des cinq dernières années. Frustrés de n’avoir pu trouver un emploi convenable, plus de la moitié des 900 millions d’Indiens en âge de travailler ne se donnent même plus la peine de chercher. Un chiffre colossal, issu des données du Center for monitoring Indian Economy (CMIE), un groupe de réflexion basé en Inde, à Bombay. « Pour le moment, je n’envisage même pas de rechercher un travail », admet Apeksha Gurnani, une jeune diplômée en marketing de 22 ans.

Après l’obtention de sa licence en juillet 2021, elle avait pourtant décroché un poste dans une agence de publicité de Gurgaon, située dans la banlieue de New Delhi. Mais elle a vite déchanté. « Je travaillais du matin au soir, quasiment sept jours sur sept, pour un salaire mensuel de 25 000 roupies [environ 300 euros] », explique la jeune femme originaire de Lucknow, dans l’Etat de l’Uttar Pradesh. Une rémunération insuffisante pour garantir son indépendance financière dans la capitale indienne.

« Je ne m’en sortais pas, mon père payait tous les mois mon loyer. Quel est l’intérêt d’investir des centaines de milliers de roupies dans nos études ?, s’interroge-t-elle, près de six mois après avoir quitté son emploi. Je m’attendais à un avenir meilleur, mais après quelques mois à travailler, j’ai compris quel serait le scénario. » Si l’on en croit les chiffres du CMIE, entre 2016-2017 et 2021-2022, le taux d’activité en Inde serait passé de 46 % à 40 % du total de la population.

Economie informelle

Les données du gouvernement diffèrent néanmoins, et enregistrent pour leur part une augmentation du taux de participation de 36,9 % en 2017-2018 à 41,6 % en 2021-2022. « Le gouvernement considère qu’une personne est en activité si elle a été employée ne serait-ce qu’une heure au cours des sept derniers jours », souligne Mahesh Vyas, le directeur du CMIE. Ce think tank considère, lui, qu’une personne est employée uniquement si elle a travaillé, le jour de l’enquête téléphonique, une bonne partie de la journée.

« Cette diminution du taux d’activité [enregistrée par Le CMIE] est liée au manque d’opportunités, les travailleurs quittent le marché du travail car ils sont déçus », estime Mahesh Vyas. C’est ce que l’on appelle les « décrocheurs découragés », abonde l’économiste Arup Mitra. « Si vous ne parvenez pas à trouver un emploi désirable après un certain temps, alors vous finissez par abandonner », estime ce professeur affilié à l’Institut de la croissance économique, un centre de recherche de Delhi.

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Assurance-chômage : le gouvernement veut changer les règles d’indemnisation « avant la fin de l’année »

Deuxième journée d’université d’été du Medef, en présence d’Olivier Dussopt (à gauche), ministre du travail, Alexandre Bompard, président-directeur général de Carrefour et Frédéric Souillot, secrétaire général de Force Ouvrière, à Paris, le 30 août 2022.

Les contours de la réforme de l’assurance-chômage, promesse d’Emmanuel Macron pour son second mandat, se précisent. Mardi 30 août, le ministre du travail, Olivier Dussopt, a confirmé, lors de son passage aux universités d’été du Medef, à l’hippodrome de Longchamp, à Paris, que le projet de loi serait mis sur la table en conseil des ministres mercredi 7 septembre pour être ensuite examiné à l’Assemblée nationale, la première semaine d’octobre.

Le projet de loi doit en priorité « prolonger jusqu’à fin août 2024 l’application du bonus-malus » aux entreprises de certains secteurs qui ont beaucoup recours aux contrats courts. Il doit aussi permettre de repousser à fin 2023 les règles d’indemnisation issues de la réforme de 2019 – entrées en vigueur en 2021 à cause de la crise liée au Covid-19 – et qui s’arrêtent au 31 octobre. Le gouvernement veut en profiter pour introduire de nouvelles règles avec le principe de « contracyclicité », c’est-à-dire une modulation des indemnités en fonction de la conjoncture économique. « Quand ça va bien, on durcit les règles et, quand ça va mal, on les assouplit », avait déclaré Olivier Dussopt, le 27 juillet, au Parisien.

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Dans la foulée du conseil des ministres, ces nouvelles modalités seront soumises aux partenaires sociaux. « Dès lors qu’on souhaite l’introduction d’une nouvelle règle, c’est une bonne politique que de solliciter le dialogue social, explique Olivier Dussopt. Selon le délai donné aux partenaires sociaux, selon leur capacité à trouver ou non un accord, on aura un aboutissement ou un constat de carence. Ensuite, on prendra un décret, soit pour appliquer l’accord, soit pour définir les règles. »

Fortes tensions

Une négociation qui risque cependant de tourner court. Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a opposé une fin de non-recevoir au principe de modulation des indemnités, mardi 30 août, dans Le Monde. « Ça n’a pas de sens, ça relève de la pure idéologie et c’est inefficace. Nous ne négocierons pas là-dessus », a-t-il assuré. De son côté, le patronat appelle le gouvernement à reprendre la main plutôt que de s’engager dans une discussion sans issue. « Nous avons beaucoup de discussions avec les organisations syndicales sur ce sujet de l’indemnisation et nous avons des divergences de vues sur le diagnostic. Nous mettre dans une seringue de négociation dont on sait à l’avance qu’elle n’aboutira pas, c’est rendre un mauvais service au dialogue social et aux partenaires sociaux », a affirmé, mardi matin, le patron du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, lors d’une conférence de presse.

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« La Précarité durable » ou les difficultés de l’emploi discontinu

Livre. L’approche est originale, mais peut surprendre. Pour explorer les contours du monde du « précariat » (néologisme, né de la contraction des mots « précarité » et « prolétariat ») – qui concernerait 40 % de la population des pays développés, selon l’économiste britannique Guy Standing –, le sociologue Nicolas Roux a choisi d’étudier en France deux catégories sociales très éloignées l’une de l’autre, d’un côté les saisonniers agricoles, de l’autre les artistes intermittents du spectacle.

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De fait, ces deux populations ont comme point commun de se situer à l’opposé du modèle salarial « fordiste », où domine un emploi stable et à temps plein. En ce qui concerne la France, ces catégories appartiennent plutôt aux marges du monde du travail, puisque le contrat à durée indéterminée (CDI) représentait encore 85,3 % de l’emploi stable, selon les statistiques de l’Insee, en 2016. Au total, ce sont quand même 3,7 millions de personnes qui ont occupé un emploi précaire dans l’Hexagone, cette année-là. Leur existence est de plus pérenne et ancienne, puisque les journaliers agricoles comme les travailleurs au cachet dans le monde du spectacle étaient déjà très nombreux au XIXe siècle, comme au début du XXe siècle.

Un fait social

Mais avec les crises sociales récentes – notamment le mouvement des « gilets jaunes » –, les discours sur l’avènement d’une « start-up nation » ou sur l’« ubérisation » de l’économie, l’idée que la précarité a gagné du terrain et s’installe dans la durée mérite une analyse. Dans ces conditions, le fil rouge de l’auteur est « de bien voir comment les individus aménagent au mieux leur situation, en fonction des ressources disponibles ».

Nicolas Roux étudie les conditions de soutenabilité et d’insoutenabilité de la précarité durable. La vie des saisonniers agricoles et celle des intermittents du spectacle alternent entre des périodes d’emploi et de chômage. La discontinuité est inscrite au cœur même de leur vie sociale, tant du point de vue du contrat (à durée déterminée, saisonnier, etc.) que du temps de travail (à temps partiel, morcelé, etc.). Mais là se situe, aussi, la grande différence entre eux.

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D’un côté, les saisonniers agricoles, issus de milieux modestes et moins diplômés, sont amenés à accepter leur condition et à s’en satisfaire. Ils n’ont pas le choix de leur activité et dépendent de leur emploi précaire pour se nourrir. De l’autre, il s’agit d’un choix de vie pour les intermittents du spectacle. L’auteur arrive vite d’ailleurs à la conclusion suivante : « N’est pas “travailleur intellectuel” qui veut. » Cela est grandement facilité par l’acquisition, dès l’origine, d’un capital social et économique. Au fil de son enquête, Nicolas Roux démontre que le précariat est bien devenu un fait social de plus en plus en plus ancré dans la société française, en revanche, il ne constitue pas une classe sociale, ce monde demeurant très éclaté.

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Assurance-chômage : le bonus-malus pour les entreprises appliqué

La réforme de l’assurance-chômage, engagée sous la précédente législature, franchit une nouvelle étape. A partir du jeudi 1er septembre, une – petite – partie des entreprises vont être assujetties à un taux de cotisations dit « modulé » en fonction du nombre de salariés dont elles se sont séparées. Cette mesure a pour objectif de lutter contre la précarité dans le monde du travail en incitant les patrons à recruter des collaborateurs sur de longues durées, par le biais d’un système de bonus-malus. Il s’agit d’une promesse de campagne faite par Emmanuel Macron durant la course à l’Elysée de 2017.

« Selon le dernier état des lieux, encore provisoire mais proche du résultat définitif, quelque 18 000 entreprises, employant 1,3 million de personnes, sont concernées, explique Yann-Gaël Amghar, le directeur général de l’Urssaf-caisse nationale. Nous sommes en train de leur notifier le taux de cotisation modulé auquel elles vont être soumises, sachant que le paiement des contributions afférentes s’effectuera à partir du 1er octobre. » Ces chiffres sont légèrement inférieurs à ceux communiqués par le ministère du travail, au début de l’été 2021, lorsque le mécanisme – relativement complexe – a commencé à prendre tournure : à l’époque, les services de l’Etat indiquaient que la réforme s’appliquerait à quelque 21 000 sociétés comptant au moins onze salariés, sur un total de 225 000 (toutes branches professionnelles confondues).

La démarche peut paraître modeste sur un plan quantitatif. Cela tient au fait que le bonus-malus ne touche que les entreprises évoluant dans sept secteurs d’activité, dont l’hébergement et la restauration, la fabrication de denrées alimentaires, ou bien encore les transports et l’entreposage. En outre, les employeurs les plus affectés par la crise sanitaire ont été temporairement exclus du dispositif.

« Globalement décevant »

Concrètement, le taux de cotisation patronale dépendra du nombre de contrats et de missions d’intérim qui prennent fin. Au lieu d’être soumises à un taux uniforme (égal à 4,05 % de la masse salariale), les entreprises verront leur contribution varier selon la stabilité des effectifs : les « bonnes élèves », qui fidélisent leur main-d’œuvre, subiront la ponction minimale (3 %) ; à l’inverse, celles où le turn-over est important – à cause, notamment, d’un recours massif aux CDD – paieront davantage, dans la limite de 5,05 % au maximum. Le but, en somme, est de manier la carotte et le bâton afin de faire évoluer les pratiques d’embauche.

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Les salaires des Français ont augmenté en 2022 mais moins que l’inflation

Les deux études constatent que les augmentations générales, c’est-à-dire pour tous les salariés de l’entreprise, sont redevenues prépondérantes.

Selon qu’on voit le verre à moitié plein ou à moitié vide, on peut y lire une bonne ou une mauvaise nouvelle pour les salariés français : deux enquêtes publiées ce mercredi 31 août confirment que les budgets consacrés par les entreprises aux augmentations de salaires sont bien repartis à la hausse en 2022, sans pour autant rattraper le niveau de l’inflation à 5,8 % sur un an en août. Selon le cabinet de conseil en ressources humaines LHH, qui a interrogé 180 entreprises représentant plus d’un million de salariés, la hausse médiane atteindrait même un plus haut depuis dix ans, à 3 %. C’est 0,5 % de plus que les prévisions de janvier.

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Pour le cabinet Deloitte, dont l’enquête porte sur autant de salariés, répartis en 300 entreprises, la hausse est légèrement moindre (+ 2,5 % toutes catégories socioprofessionnelles confondues), renouant seulement avec les niveaux d’avant-crise. L’augmentation concerne tous les secteurs d’activité, détaille LHH, avec un budget pour les négociations annuelles obligatoires (NAO) légèrement supérieur dans l’industrie (3,15 %) et dans l’informatique (4 %) mais inférieur dans le secteur tertiaire financier (2,5 % après 1,4 % en 2021).

« Une équation »

Les deux études constatent que les augmentations générales, c’est-à-dire pour tous les salariés de l’entreprise, sont par ailleurs redevenues prépondérantes, alors que la pratique n’avait cessé de reculer ces dernières années au profit des augmentations individuelles.

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« Malgré la crise sanitaire, les entreprises avaient maintenu en 2020 des augmentations conformes à leurs prévisions. Mais elles ont accusé le coup en 2021, avec des prévisions à 1,45 %, un niveau très bas qu’elles ambitionnaient de rattraper cette année. La nouvelle crise économique et sociale, l’inflation, et la problématique autour du pouvoir d’achat, les ont amenées à faire un effort particulier », rappelle Delphine Landeroin, directrice de projets performance sociale chez LHH.

Au cours du premier trimestre, l’inflation a renforcé les attentes et revendications des salariés, ajoutant dans l’équation le risque de tensions sociales

L’enquête de LHH corrobore ainsi les constats de la Dares, service des statistiques du ministère du travail, qui, dans une étude sur l’évolution des salaires dans le secteur privé, publiée le 12 août, notait une augmentation de 3 % sur un an de l’indice du salaire mensuel de base de l’ensemble des salariés. La même étude soulignait qu’en euros constants, eu égard au niveau de l’inflation, cet indice baissait au contraire de 3 % toutes catégories confondues, et même de 3,6 % pour les professions intermédiaires, et 3,7 % pour les cadres.

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La place croissante des avantages non salariaux dans le management

Télétravail à la carte, congés illimités, semaine de quatre jours, congés sabbatiques… Impossible pour les entreprises de faire l’impasse sur les questions d’équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle. « Pendant la crise sanitaire, de nouvelles manières de travailler ont vu le jour, intégrant davantage de souplesse et d’autonomie, explique Thierry Rochefort, professeur associé à l’Institut d’administration des entreprises (IAE) de Lyon. Aujourd’hui, les salariés, des juniors aux seniors, ne veulent plus retravailler comme avant. »

Une flexibilité indispensable tant pour séduire de potentiels candidats que pour retenir les salariés dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre. « Nous évoluons dans un secteur très compétitif avec des profils rares et très recherchés, souligne Francesca Sacchi-Gueguen, DRH France du groupe de communication Dentsu. Pour les attirer et les retenir, nous nous devons d’être en phase avec leurs souhaits : recherche de sens, d’équilibre, d’autonomie et de flexibilité. »

Ainsi, un accord signé en juillet 2021 a mis en place un mode de travail hybride permettant aux salariés de Dentsu de choisir de 0 % à 100 % de télétravail. « Dans 90 % des cas, les demandes des salariés ont été acceptées », précise la DRH. Un second accord de décembre 2021 vise à privilégier la vie familiale : congés paternité, maternité, de proche aidant ou encore congé en cas de fausse couche pour les deux parents.

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D’autres entreprises misent sur les congés illimités. C’est le cas notamment de Golden Bees, agence conseil en marketing digital RH, et du néoassureur Luko. « Le but est que les salariés soient maîtres de leur travail, explique Raphaël Vullierme, cofondateur et PDG de Luko. Le dispositif repose sur un contrat de confiance et l’atteinte des objectifs. »

Trente-deux heures sans perte de salaire

Bilan : les salariés de Luko partent en moyenne trente-sept jours, soit quatre de plus que la moyenne des Français qui, d’après une étude de la ­direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du travail (Dares) de 2017, prennent trente-trois jours (congés payés et jours de RTT). Les cadres de Luko prennent trois jours de plus que le minimum légal et les non-cadres cinq jours.

« C’est une grande source de satisfaction en interne, ainsi qu’un argument-clé pour le recrutement », se réjouit Raphaël Vullierme. Ainsi les trois quarts des salariés se disent satisfaits de cette politique ; 80 % estiment que cela a un impact positif sur leur productivité et leur épanouissement professionnel et 59 % reconnaissent que cette politique a pu influencer leur choix de rejoindre l’entreprise.

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Emplois vacants : s’intéresser à la proximité des métiers

Carnet de bureau. Quand la mobilité séduit les salariés, la proximité des métiers peut intéresser les recruteurs. Le taux d’emplois vacants est en hausse dans tous les secteurs depuis un an. D’après le dernier bilan de la direction des études et des statistiques du ministère du travail (Dares) publié le 22 août, 355 400 emplois sont restés non pourvus au 2trimestre (contre 188 687 en 2019, avant la crise sanitaire). Et les salariés continuent de démissionner en grand nombre.

Une autre étude de la Dares indiquait, le 18 août, que le taux de démissions n’avait jamais été aussi haut depuis la crise financière de 2008. Ainsi 469 610 démissions de postes en CDI ont été enregistrées au 1er trimestre 2022. Les ex-salariés ne restent pas longtemps sans solution : « environ huit démissionnaires de CDI sur dix au second semestre 2021 sont en emploi dans les six mois qui suivent ».

Si les recruteurs ont du mal à trouver le mouton à cinq pattes recherché par les entreprises, outre le fait que les employeurs peuvent s’efforcer d’améliorer les conditions de travail, ils peuvent également se pencher sur une récente étude de Pôle emploi, concernant la mobilité des salariés et la proximité des métiers. Réalisée à partir de déclarations sociales nominatives (DSN) 2019 de 2,4 millions de salariés, elle ne concerne ni la fonction publique, ni les particuliers employeurs, ni les intermittents du spectacle, exclus de la DSN.

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Après avoir établi que « près de la moitié des demandeurs d’emploi [48,8 %] retrouvent un emploi dans un domaine professionnel différent de celui initialement recherché », Pôle emploi identifie les passerelles construites par les salariés entre les secteurs d’activité et les métiers.

Age et niveau de qualification

Les plus fortes mobilités de salariés ont été observées par Pôle emploi entre les secteurs du commerce, de la gestion-administration des entreprises, de l’hôtellerie-restauration, des services aux particuliers et aux collectivités, du transport, de la logistique et du tourisme. Elles existent aussi, mais à bien moindre échelle, entre les informaticiens, les ingénieurs et cadres de l’industrie et les chercheurs.

De l’agriculture au BTP, au transport ou à la logistique, des mouvements de salariés sont « facilités par la proximité de compétences techniques ou de situations de travail transversales (travail en équipe, normes de qualités, conditions et organisation du travail) », analysent les auteurs de l’étude. Il existe par exemple des transferts possibles entre les métiers de l’électricité-électronique et ceux de la mécanique et de la maintenance.

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« Le Canard enchaîné » se défend des accusations d’abus de biens sociaux

Découverte par les journalistes de l’hebdomadaire au début de l’été, la plainte a été déposée le 10 mai par l’un des leurs, Christophe Nobili.

Le Canard enchaîné ne pouvait pas se faire voler dans les plumes sans réagir. Depuis que l’information de la plainte contre X pour « abus de biens sociaux » et « recel d’abus de biens sociaux » au sein du journal a été révélée, vendredi 26 août par Le Monde, la riposte du volatile était très attendue.

« La réalité dépasse le fictif », annonce le titre de l’article publié au bas de la « une » de l’édition datée mercredi 31 août et parvenue, comme chaque semaine, dans les rédactions parisiennes mardi après 17 heures. Signée du « comité d’administration », elle s’efforce de battre en brèche le caractère fictif de l’emploi de la compagne d’André Escaro, 94 ans, dessinateur historique du journal et ancien administrateur. Découverte par les journalistes de l’hebdomadaire au début de l’été, la plainte a été déposée le 10 mai par l’un des leurs, Christophe Nobili, 51 ans, plume du Canard depuis une quinzaine d’années.

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Ambiance dégradée à la rédaction

Aux dires des administrateurs, la décision de « faire appel à Edith » remonte à 1996, lorsque l’auteur des cabochons (petits dessins) qui ponctuent « La Mare aux Canards », en page 2, a émis le souhait de prendre sa retraite. « Il est d’abord réticent, arguant que le cumul emploi-retraite n’est alors pas autorisé et, surtout, qu’il entend dorénavant s’éloigner des turbulences politiques… », assure le texte de six colonnes, où il est précisé qu’André Escaro souhaitait aussi se consacrer à ses passions. « Il cédera finalement, à condition que sa compagne, Edith, l’épaule en lui mâchant un peu le travail », expliquent les auteurs. Celle-ci aurait donc « lu la presse pour lui », et l’aurait aidé « à trouver l’astuce qui fait le sel des cabochons » – huit mille ont été conçus en vingt-six ans.

Seule l’enquête « déterminera si ce montage, qui peut, certes, paraître un peu acrobatique, est attaquable (…) sur le plan administratif », soulignent le président des Editions Maréchal Le Canard enchaîné, Michel Gaillard, le directeur de publication, Nicolas Brimo, les rédacteurs en chef, Erik Emptaz et Jean-François Julliard, ainsi que les journalistes et administrateurs (depuis le 22 juin), Odile Benyahia-Kouider et Hervé Liffran. Les enquêteurs de la brigade financière qui ont commencé à auditionner des salariés cet été, seront-ils convaincus par ce qui ressemble à un « Pan sur le bec ! » ?

Quant à convaincre la rédaction, où l’ambiance s’est singulièrement dégradée, que ces vignettes devaient leur malice à la compagne de leur auteur, ce ne sera pas chose aisée. Même si « Escaro et Edith ont rendu, en juin, leur tablier », l’affaire risque de laisser de profondes cicatrices.