Archive dans août 2022

Emploi : le recours aux saisonniers étrangers en forte hausse

Morad, 38 ans, travaille dans les vignes du domaine de Peretti Della Rocca à Figari, le 27 juillet 2022, en Corse-du-Sud.

Ils sont de plus en plus nombreux. En 2022, la direction générale des étrangers en France (DGEF) a délivré 22 000 autorisations de travail saisonnier à des étrangers hors Union européenne. Et selon l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), plus de 10 000 travailleurs sont déjà arrivés en France, deux fois plus qu’en 2021. Une croissance qui s’explique par « la levée des contraintes sanitaires et par des tensions accrues sur le marché du travail », avance la DGEF.

A titre de comparaison, en 2012, un peu plus de 1 000 premiers titres de séjour « travailleur saisonnier » avaient été délivrés et on en dénombrait près de 5 600 en 2019, avant la pandémie.

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Les saisonniers étrangers sont pour 75 % d’entre eux des Marocains, presque exclusivement des hommes employés au smic par des exploitants agricoles, en particulier dans les régions de Provence-Alpes-Côte d’Azur, Nouvelle-Aquitaine, Auvergne-Rhône-Alpes et Occitanie.

Des accords bilatéraux de main-d’œuvre précisent les règles en matière de recrutement de saisonniers étrangers. Ceux conclus par la France avec le Maroc et la Tunisie remontent à 1963. Ils prévoient par exemple une visite médicale dans les bureaux de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) au Maroc ou en Tunisie, la prise en charge par la France d’une partie du transport des saisonniers ou encore le fait que ceux-ci se signalent obligatoirement à leur retour dans leur pays d’origine.

« Il n’y a pas de réflexion »

La convention franco-marocaine prévoit en outre que la France communique une fois par an au moins ses besoins de main-d’œuvre et que le Maroc fasse état de la disponibilité de travailleurs, tandis que l’accord entre Paris et Tunis de 2008 de gestion concertée des migrations établit un objectif à atteindre de 2 500 saisonniers tunisiens.

De temps en temps, l’actualité rappelle l’importance de ces travailleurs étrangers. Dans le contexte de pandémie de Covid-19 et de fermeture des frontières, des avions ont pu être affrétés par des employeurs pour acheminer des saisonniers agricoles. Un pont aérien entre le Maroc et la Haute-Corse a notamment été organisé en octobre 2020 pour sauver la récolte de clémentines.

Tout récemment, le syndicat de l’hôtellerie-restauration Union des métiers et des industries de l’hôtellerie a déclaré avoir signé une convention le 30 juin avec le Pôle emploi tunisien pour faciliter la venue de plusieurs milliers de saisonniers en France. L’idée est que les deux parties identifient et sélectionnent des candidats à l’émigration en Tunisie et que leur CV soit accessible gratuitement aux employeurs sur une plate-forme en ligne. « Cette initiative est privée et ses contours sont flous tant du point de vue des volumes que des employeurs, met cependant en garde le directeur de l’OFII, Didier Leschi. Pour faire venir un saisonnier, il faut un contrat de travail, savoir où sont logés les gens, une autorisation de travail, un visa… »

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« On est plutôt en train de préparer la saison d’hiver, précise de son côté l’UMIH. Cet été, beaucoup de restaurants se sont adaptés en fermant certains jours de la semaine. » Le secteur évalue à 200 000 ses besoins d’embauche à l’année.

« Faire appel aux saisonniers étrangers est une facilité, estime de son côté M. Leschi. Il n’y a pas de réflexion tant du côté du ministère de l’agriculture que du ministère du travail pour, par exemple, prendre en charge les réfugiés déjà présents sur le territoire, construire des parcours de formation professionnelle et satisfaire les besoins de l’agriculture. »

Interrogé, un cadre du ministère de l’intérieur livre son analyse plus largement, sous le couvert de l’anonymat : « Il y a la place pour un débat public sur les petites mains qui font vivre l’économie, l’immigration non qualifiée. Mais il faut aussi que les secteurs se posent la question de leur attractivité et des niveaux de rémunération. »

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A Figari, en Corse, les ouvriers marocains font vivre la vigne

Jean-Baptiste de Peretti se lève tôt. Et le jour, peu avant lui. Au volant de son pick-up, l’esprit encore cotonneux, il descend le long de son vignoble, qui s’étend sur 15 hectares vallonnés. En piémont de la splendide chaîne montagneuse de l’Omu di Cagna, en Corse-du-Sud, il détaille les vignes qu’il a commencé à planter en 2013 et qu’agite un timide vent venu de la mer.

Entre les rangées des plus jeunes ceps, le vigneron de 52 ans salue ses deux ouvriers agricoles marocains, Abdou et Morad (ils ont requis l’anonymat). Depuis 6 heures, les deux hommes s’affairent à installer un système de goutte à goutte qui viendra rafraîchir la vigne naissante. Il n’a pas plu depuis trois mois à Figari. Chemin faisant, Abdou et Morad se courbent pour fixer les tuteurs des pieds encore frêles, d’un geste répétitif. Enfin, ils arrachent à la main les rares mauvaises herbes qui s’accrochent encore à la terre granitique tout juste labourée. Dans peu de temps, il fera plus de 30 °C sous le soleil.

Morad, 38 ans, travaille dans les vignes du domaine de Peretti della Rocca, à Figari (Corse-du-Sud), le 27 juillet 2022.

Un « métier difficile », concède Jean-Baptiste de Peretti. Sûrement l’une des raisons pour lesquelles le domaine a du mal à recruter des saisonniers. Ici comme ailleurs, la main-d’œuvre se fait rare alors, comme d’autres avant lui, M. de Peretti s’est tourné vers le Maroc pour embaucher.

Tradition familiale

En 2022, un nombre croissant d’employeurs ont fait venir des saisonniers de l’étranger. Ainsi, la direction générale des étrangers en France (DGEF) a déjà délivré 22 000 autorisations de travail saisonnier, deux fois plus qu’en 2021. Une croissance qui s’explique par « la levée des contraintes sanitaires et par des tensions accrues sur le marché du travail », avance la DGEF.

M. de Peretti s’est rendu dans la région viticole de Meknès en janvier 2019. Il voulait choisir sur place des saisonniers ayant « une vraie connaissance de la vigne » pour son exploitation labellisée AOC et en conversion bio. Là-bas, il a croisé une dizaine d’ouvriers, et parmi eux, Morad. Le patron corse a demandé au Marocain de faire une marche arrière en tracteur et l’affaire était conclue.

Après trois saisons, Morad, 38 ans, a signé un CDI à temps plein au domaine de Peretti della Rocca. « C’est quelqu’un de très important pour moi », insiste le vigneron. « Jean-Baptiste, c’est comme la famille », lui retourne l’ouvrier. Maintenant qu’il est à l’année en Corse, Morad aimerait faire venir sa femme et ses quatre enfants. Pour cet homme, la migration s’inscrit dans une tradition familiale. Issu d’une fratrie de quatorze enfants, il compte un frère ouvrier agricole comme lui, en Haute-Corse, deux frères mécanicien et chauffeur de poids lourds sur le continent, un autre frère dans le bâtiment en Espagne et un autre encore qui exerce comme coiffeur aux Pays-Bas. Deux frères qui font les saisons agricoles en Corse complètent cette diaspora.

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Emploi : hausse des ruptures conventionnelles en 2021

L’année 2021 marque un nouveau record pour les ruptures conventionnelles. Quelque 454 000 d’entre elles ont été homologuées dans le secteur privé en France métropolitaine en 2021, a révélé mardi 2 août la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail. Cela représente une hausse de 6,1 % par rapport à 2020, et de plus de 2,3 % comparé à 2019, avant la crise sanitaire due au Covid-19. La majorité des secteurs d’activité et des tranches d’âge sont concernées.

Pensé comme une troisième voie entre démission et licenciement, ce dispositif, créé en 2008, propose à un salarié du privé de mettre fin à son CDI, d’un commun accord avec son employeur. Contrairement à la démission, la rupture conventionnelle ouvre droit aux allocations-chômage, en plus d’une indemnité de départ au moins égale à l’indemnité légale de licenciement. En hausse constante depuis leur création, elles s’étaient rétractées en 2020, notamment en raison du recours à l’activité partielle et des incertitudes économiques.

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Cette remontée peut-elle être mise en relation avec le mouvement de « grande rotation » des salariés, qui se reconvertissent ou changent d’employeur depuis la pandémie de Covid ? Si la hausse des ruptures n’est pas aussi spectaculaire que celle des démissions (470 000 Français ont quitté leur CDI au premier trimestre 2022, soit 20 % de plus qu’à la fin de l’année 2019), c’est une hypothèse plausible.

Ouvriers et employés

« Le fait qu’elle soit concomitante à une hausse très importante des démissions laisse penser que la hausse des ruptures conventionnelles est largement liée à des situations où c’est le salarié qui veut partir, observe Bertrand Martinot, économiste spécialiste du marché du travail à l’Institut Montaigne, qui reste prudent. C’est un mouvement avéré mais qui n’est pas massif, et qui vient du fait que le marché du travail est particulièrement dynamique. »

Par leur nombre croissant, ces signataires représentent une part non négligeable des entrées à Pôle emploi

En 2021, le bond s’observe notamment chez les ouvriers (+ 7,6 %) et employés (+ 7,7 %), et dans les secteurs de la construction (+ 16 %) ou des transports et de l’entreposage (+ 13,6 %). Les ruptures conventionnelles concernent notamment des salariés dont l’ancienneté est faible – leur départ ne représentant donc pas une indemnité élevée pour l’entreprise. Il s’agit soit de jeunes en moyenne âgés de 30 ans, soit de salariés en fin de carrière.

Par leur nombre croissant, ces signataires représentent une part non négligeable des entrées à Pôle emploi, mais là aussi, la conjoncture semble jouer en leur faveur. « Les ruptures se substituent aux démissions car elles permettent de toucher l’assurance-chômage et d’avoir une sécurité, mais les chiffres prouvent que les gens ne se réfugient pas dans l’inactivité ou le chômage, ils changent beaucoup d’activité ou d’employeur », précise Bertrand Martinot.

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En 2022, les salaires augmenteront moins vite que l’inflation

Dans un café à Plouezoc'h (Finistère), le 25 mai 2022.

Face à l’inflation, qui a atteint 6,1 % fin juillet en France, et plus encore face aux difficultés de recrutement, les entreprises vont-elles lâcher du lest sur les salaires ? Selon le groupe WTW (Willis Towers Watson, ex-Gras Savoye), qui a réalisé sa traditionnelle enquête mondiale sur les rémunérations, les hausses de salaire accordées par les entreprises françaises devraient s’établir en moyenne à 3,1 % en 2022. Un chiffre nettement inférieur à celui de la hausse des prix, mais qui reste en progression significative par rapport à la tendance de ces dernières années. De 2010 à 2019, les augmentations moyennes n’ont pas dépassé 2,5 % par an, tandis que 2020, l’année du Covid-19, a même vu le chiffre tomber à 2 %.

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En 2023, les entreprises pourraient consentir des hausses de 3,3 % en moyenne, selon l’enquête. « Ce chiffre pourrait même être revu à la hausse à la rentrée, compte tenu des anticipations d’inflation, et atteindre 3,5 %, ce qui serait du jamais-vu depuis 1985 », souligne Khalil Ait-Mouloud, directeur de l’activité enquête de rémunération chez WTW.

Plus avares

La moyenne de 3,1 % pour cette année recouvre bien entendu des disparités en fonction des secteurs d’activité, des métiers et des niveaux de poste. Les salaires augmentent ainsi beaucoup plus vite pour les professionnels du numérique, de la data et de la cybersécurité. Pour le reste, le secteur de la finance, des nouvelles technologies (et particulièrement les activités touchant les semi-conducteurs) et les fintech se placent « en haut de la fourchette » en matière de générosité salariale.

Si les entreprises consentent à faire un effort, ce n’est pas seulement pour préserver le pouvoir d’achat de leurs collaborateurs, mais aussi pour parvenir à recruter

A l’inverse, la banque de détail, l’agroalimentaire, le tourisme et l’hébergement-restauration se sont montrés plus avares. En termes de types de poste, ce sont les manageurs et les cadres qui ont le mieux tiré leur épingle du jeu, avec des coups de pouce de 3,1 % à 3,2 % sur leur fiche de paie, tandis que les ouvriers et les agents de maîtrise se contentent de 2,9 % à 3 %. A noter que les salariés français s’en sortent moins bien que leurs voisins européens, où les hausses anticipées de rémunération sont plus élevées : pour 2023, elles s’établissent à 4 % au Royaume-Uni, 3,8 % en Allemagne et 3,6 % en Espagne. Il est vrai que l’inflation y est bien plus forte. En juillet, la hausse des prix sur douze mois a atteint 9,4 % au Royaume-Uni, 8,5 % en Allemagne et 10,6 % en Espagne.

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Camaïeu, en cessation de paiement, placé en redressement judiciaire

En cessation de paiement deux ans après sa reprise par la Financière immobilière bordelaise (FIB), le géant du prêt-à-porter Camaïeu a été placé lundi 1er août en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Lille, a annoncé sa direction à l’Agence France-Presse (AFP). « Nous prenons acte de la décision du tribunal qui prononce l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à la demande de Camaïeu », a fait savoir la direction, précisant travailler « dès à présent au plan de continuation », l’objectif de l’enseigne, qui emploie 2 571 salariés, « étant de préserver l’activité de l’entreprise et de la marque Camaïeu ».

« Cette décision doit permettre à Camaïeu, marque historique du textile français, de disposer d’une période d’observation puis de présenter un plan de continuation afin de poursuivre la transformation initiée par le groupe et assurer ainsi la pérennité de l’entreprise », dit un communiqué le groupe Hermione People and Brands (HPB), la division distribution de la FIB de l’homme d’affaires bordelais Michel Ohayon.

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Affaibli par la crise sanitaire et la guerre en Ukraine

L’enseigne, qui compte 538 magasins en France, avait demandé l’ouverture de cette procédure lundi dernier, se déclarant en cessation de paiement, plombée notamment par des impayés de loyers. Cette demande a été faite « après une période de plusieurs mois marquée par une série de difficultés exogènes », a développé HPB. « Déjà très fragile au moment de sa reprise », en 2020, « Camaïeu a été confrontée à une vague de crises successives majeures et sans précédent due à la crise Covid, aux confinements répétés (…) et à la désorganisation du transport mondial », selon le communiqué.

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HPB cite aussi une « cyberattaque d’une ampleur exceptionnelle ainsi que les conséquences de la guerre en Ukraine et l’augmentation du prix des matières premières ». « Déjà largement fragilisée par cette succession de faits sans précédent, Camaïeu doit faire face, depuis le 30 juin, à l’arrêt de la Cour de cassation, refusant aux commerçants le droit de demander une baisse de leurs loyers de la période Covid », ajoute HPB. « Même si le tribunal valide un plan de continuité, on sait très bien qu’il y aura une réorganisation des effectifs, donc un plan social, donc de la casse sociale », a réagi Thierry Siwik, délégué CGT de Camaïeu. « Pour minimiser cette casse sociale, nous allons construire une action avec la CGT HPB », a-t-il ajouté.

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Le Monde avec AFP

« Attribuer un prix interne aux émissions de carbone a-t-il une utilité pour les entreprises ? »

Alors que la planification publique de la décarbonation est au cœur des débats économiques, les entreprises tentent d’anticiper. Bien qu’elles n’y soient pas formellement obligées, la plupart des firmes du CAC 40 considèrent par exemple aujourd’hui leurs émissions de gaz à effet de serre comme des coûts. Elles attribuent par conséquent un « prix interne », fictif, à tout ou partie des tonnes de carbone qu’elles émettent.

L’idée est que les émissions, ainsi transformées en données financières, les inciteront à favoriser les options d’investissement relativement moins carbonées. L’Etat utilise du reste un outil similaire pour se motiver à agir : le « jaune » budgétaire, intitulé « impact environnemental du budget », annexé aux projets de loi de finances. Cette tarification volontaire du carbone fait écho à l’obligation réglementaire qu’ont certaines entreprises de payer, cette fois pour de vrai, pour leurs émissions.

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En Europe mais aussi aux Etats-Unis ou en Chine, par exemple, de nombreuses firmes, appartenant à certains secteurs d’activité doivent s’acquitter de taxes ou acheter des quotas d’émissions. Historiquement, les prix du carbone internes aux entreprises ont souvent précédé cette tarification par les autorités publiques.

Pas d’effet sur le choix des investissements

Au-delà du fait qu’ils peuvent préparer les entreprises à devoir payer pour les pollutions causées, quelle est l’utilité de ces prix internes fictifs, de cet outillage comptable et financier fortement valorisé par les agences de notation extra-financière ? Une recherche menée en immersion dans une grande entreprise française du secteur de l’énergie (« Gouverner par le signal prix ? Sur la performativité des prix du carbone internes aux entreprises », thèse de doctorat en sciences de gestion, université Paris-Dauphine-PSL) montre que disposer de cet instrument ne signifie pas pour autant que l’on s’en serve pour diminuer les émissions.

Dans cette grande firme, le calcul du prix interne du carbone, utilisé depuis quinze ans, a certes sensibilisé progressivement les salariés au risque climat, mais il n’a eu qu’une seule fois un impact concret sur les choix d’investissement, et encore, le projet concerné comportait de nombreux défauts qui rendaient son approbation illusoire.

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Sur cette période, la relative décarbonation de l’entreprise a en fait découlé d’une planification, avec des prises de décision volontaristes comme la fin des investissements dans le charbon, la mise en place de normes internes, notamment des objectifs d’efficacité énergétique, ou des acquisitions de sociétés spécialisées dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique.

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En Bretagne, des pulls marins symboles de la renaissance de l’industrie textile française

Depuis 7 heures, ce jeudi 21 juillet, les trente couturières du fabricant de prêt-à-porter Le Minor sont derrière leurs machines. La marque de pulls installée sur la commune du Guidel (Morbihan), au nord-ouest de Lorient, devait achever la production de milliers de pièces d’ici à la fin juillet pour les expédier au Japon, chez Beams et Ships, et en France, chez Monoprix.

Son carnet de commandes est plein. Les bacs débordent de cols roulés en point guilloché, de pulls marins en mérinos et de marinières en coton à assembler, repasser, contrôler et mettre en sachet. L’atelier de confection est flambant neuf, depuis ce printemps, après la rénovation partielle d’un bâtiment de 7 000 mètres carrés construit en 1977. Et les douze métiers automatiques à tricoter, dont six achetés d’occasion, tournent à plein régime.

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En septembre, le fabricant installera une table de coupe dite « intelligente », capable de tailler les pièces de jersey en fonction des rayures à raccorder : l’investissement de 240 000 euros est financé par une subvention. Ce sera la deuxième enveloppe des 400 000 euros alloués dans le cadre du plan France Relance, dont l’entreprise a été lauréate en novembre 2020, expliquent ses dirigeants et actionnaires, Sylvain Flet et Jerôme Permingeat.

Refus de délocaliser

En 2018, avec l’appui d’Alain Sourisseau, spécialiste de la relance de PME, ces deux trentenaires ont racheté l’entreprise bretonne détenue par les héritiers de Jean-Luc Grammatico, troisième propriétaire de la PME depuis sa création, en 1922.

La marque de chandails est surtout connue des Bretons, des professionnels de la mer et des officiers de la marine nationale dont, jusqu’en 2010, elle fabriquait « le jersey réglementaire ». Son usine a employé jusqu’à 250 personnes dans les années 1970. C’est-à-dire avant la crise, l’envolée des importations d’habillement et la délocalisation de la production française de vêtements en Europe de l’Est et au Maghreb.

Bien qu’encore adulée de ses clients, au Japon comme dans les coopératives maritimes de Bretagne, Le Minor est à la peine en 2018 ; Marie-Christine Grammatico, sa gérante et actionnaire, a toujours refusé de délocaliser sa production. Et tous les ans, elle renfloue l’entreprise. Cinq ans après la photo d’Arnaud Montebourg posant en marinière Armor Lux en « une » du Parisien Magazine, pour vanter l’industrie tricolore, le rival breton plafonne à 1,5 million d’euros de ventes. La PME guidéloise compte vingt-cinq salariés « et un seul ordinateur pour toute l’équipe d’encadrement », se rappelle sa modéliste, Claire Egault.

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