Finances : l’Europe une petite amélioration

AUREL

Les économies des vingt-huit pays de l’Union européenne (UE) : c’est l’exercice qu’a rendu public l’institution bruxelloise, mercredi 27 février, au « semestre européen ». Cette action de vigilance rapprochée des économies des pays membres a été mise en place en 2011, en pleine crise financière, pour mieux coordonner les politiques nationales.

Selon cette radiographie, l’économie de l’UE devrait encourager pour la septième année de suite en 2019, avec une augmentation du produit intérieur brut (PIB) de 1,5 %, et de 1,7 % attendus en 2020. Et les atteintes économiques se corrigent, malgré l’incertitude persistante du Brexit, le ralentissement de l’économie chinoise et les risques que le nouveau protectionnisme américain font peser sur le commerce mondial. « Le taux d’emploi atteint un niveau record, le chômage est plus bas qu’avant la crise et il continue de diminuer dans les Etats membres où son niveau reste parfois élevé. Les carences financières se sont réduits massivement, l’investissement privé et public augmente et les banques sont bien plus puissants aujourd’hui qu’en 2008 », déclare Pierre Moscovici, le commissaire européen à l’économie.

Quelque 240 millions d’Européens occupent maintenant un emploi, 15 millions de nouveaux postes ont été reproduits depuis 2013. Le taux moyen de chômage dans l’UE est diminué à un plus bas historique, à aujourd’hui 6,6 % de la population active. Les finances publiques se sont rectifiées, avec un niveau d’endettement public moyen en baisse constante depuis 2015, et une défaillance public inférieur à 1 % du PIB de l’UE en 2018.

L’inactivité des jeunes à des niveaux « inacceptables »

Si les déséquilibres économiques se réduisent, ils n’en restent pas moins préoccupants. Les augmentations de productivité restent modérées, les populations européennes poursuivent de vieillir et les changements technologiques débutent à avoir un impact significatif sur le marché du travail. Le chômage des jeunes se situe à des niveaux « inacceptables » dans certains Etats membres (Grèce, Portugal, Italie). L’endettement, privé ou public, est historiquement élevé dans certains Etats membres (Italie, Grèce, Belgique, France) et ne décroît pas assez vite. « Cette situation réduit leur capacité d’absorber un éventuel choc économique négatif », observe la Commission.

 Les maisons de santé pluri-professionnelles, une proposition rétablie de soins»

 La sociologue Nadège Vezinat plaide pour une évolution de ces établissements qui, réalisés sur un projet de santé, rétablissent au centre la médecine sociale.

La France est face à une réduction de l’offre de soins. Les raisons en sont multiples. Elles tiennent au numerus clausus dans les professions médicales, à la carence d’attractivité de la profession de médecin généraliste par rapport à celle de spécialiste, au tarissement médical de certains territoires et à la nécessité à organiser la complémentarité entre médecine hospitalière et médecine de ville.

Des formes d’organisation des soins primaires en ville se développent pour admettre un moindre recours aux urgences et pour aménager une alternative à l’hospitalisation. Parmi elles, les « maisons de santé pluri-professionnelles », reconnues légalement en 2009, regroupent des médecins généralistes, infirmiers, kinésithérapeutes, sages-femmes et autres professions. Elles ouvrent à ces professionnels libéraux un mode d’exercice collectif et coordonné de la médecine. En quoi ces organisations constituent-elles une manière rétablie d’offrir des soins à la population en transformant les pratiques et les métiers ?

Le fait qu’il s’agisse de professions libérales, qui sont toutes payées à l’acte, amoindrit les différences de métiers et ne place pas d’emblée, via un contrat de travail et le lien de subordination qu’il implique, ces professionnels dans un rapport de puissance les uns vis-à-vis des autres. Au sein des structures, comme de la Fédération française des maisons et pôles de santé (FFMPS), les professionnels utilisent d’ailleurs majoritairement les termes génériques de « professionnels de santé » ou « soignants » pour maintenir la cohésion des équipes.

L’envie d’assaillir une maison de santé peut être analysée comme une réponse à l’isolement des professions libérales, une volonté de s’escompter dans un projet de santé commun, le souhait de mieux concilier sa vie professionnelle et sa vie privée, de sécuriser ou varier sa carrière professionnelle, ou de choisir de travailler à temps plein ou à temps partiel afin de se libérer du temps : parental, syndical, associatif ou d’étude.

Des actions coordonnées

Néanmoins se regrouper ne signifie pas forcément travailler ensemble. Entre l’exercice regroupé et pluri-professionnel de la médecine, il y a un pas que les maisons de santé se proposent de franchir en dépassant le stade du regroupement physique – aujourd’hui proportionnellement généralisé – pour favoriser celui de la pluri-professionnalité des soignants et de la coordination des soins, quand bien même ils ne seraient pas regroupés en un même lieu.

L’acquisition des actions d’Air France-KLM

L’achat de 12,68 % du capital de la compagnie à travers un raid boursier sonne comme une proclamation de guerre.

Une annonce de guerre ! Par surprise, les néerlandais ont éclairci, mardi 26 février, la prise, pour 680 millions d’euros, de 12,68 % du capital d’Air France-KLM. Une première étape, selon Wopke Hoekstra, ministre des finances néerlandais. Le but des Pays-Bas est de soutenir leur collaboration à 14 % pour l’installer au niveau de celle de la France, premier actionnaire d’Air France-KLM avec 14,29 % du capital.

Du côté néerlandais, cette invasion boursière forme « une étape décisive pour la protection des intérêts néerlandais », a déclaré M. Hoekstra. « L’acquisition de cette participation nous assure un siège à table », a-t-il encore ajouté. Tenu à l’écart de ce coup de force capitalistique, avisé uniquement une heure avant l’annonce officielle, le gouvernement français a accusé le coup. Le ministre des finances, Bruno Le Maire, a remarqué cette montée au capital « qui s’est faite sans information du conseil d’administration ni du gouvernement français ». « Je réaffirme mon appui à la politique de l’entreprise et de son management. Il est indispensable d’honorer les principes de bonne gouvernance et qu’Air France-KLM soit administré dans l’esprit de son intérêt social sans interférence étatique nationale », a-t-il mentionné.

Pour d’Air France-KLM, on se repoussait à tout interprétation avant la tenue, mercredi, d’un conseil d’administration exceptionnel. Toutefois, la direction ne devrait pas rester sans réaction. Les administrateurs devaient considérer la légalité de l’opération capitalistique menée par la banque ABN Amro choisie par le gouvernement néerlandais.

L’attribution, au cœur de l’été 2018, de M. Smith a changé les relations entre Air France et sa filiale KLM

Ce blitzkrieg boursier marque la réparation des hostilités entre Ben Smith, directeur général d’Air France-KLM, et la direction de KLM, symbolisée par son directeur général, Pieter Elbers. Les tensions se sont dévoilées au grand jour quand le nouveau patron canadien du groupe a voulu assurer son pouvoir sur la direction de la filiale néerlandaise.

Un objectif éclairci par sa volonté de siéger au conseil de surveillance de KLM. Jamais, depuis 2003 et le rachat de KLM par Air France, les annonciateurs de M. Smith n’avaient pu ou voulu réussir d’y faire leur entrée. La direction de KLM, appuyée par des syndicats de la compagnie et les autorités néerlandaises, a tout tenté pour s’y objecter. Allant même jusqu’à susciter une pétition de soutien à Pieters Elbers, signée par près de 25 000 personnes ces derniers jours. En vain. Après s’être entretenu, le 15 février, à Amsterdam, avec les ministres des finances et des transports néerlandais, M. Smith avait, in fine, réussi leur feu vert pour intégrer le conseil de surveillance de KLM. En contrepartie, M. Elbers a sauvé sa tête, réussissant l’assurance de la régénération de son mandat qui arrive à échéance en avril.

Les entreprises face au RGPD

Presque une année après l’adaptation de la réglementation général pour la protection des données (RGPD), la CNIL a accroché une trentaine d’entreprises ayant raté à leurs obligations.

« Les amendes administratives représentent déjà plusieurs millions d’euros. Dernière en date, Google LLC a été condamné le 21 janvier à payer 50 millions d’euros pour non-respect du règlement européen RGPD. »
« Les amendes administratives représentent déjà plusieurs millions d’euros. Dernière en date, Google LLC a été accusé le 21 janvier à verser 50 millions d’euros pour non-respect du règlement européen RGPD. » Marcio Jose Sanchez / AP

Neuf mois après l’adaptation de la réglementation générale pour la protection des données (RGPD), le 25 mai 2018, les punitions sont tombées. Toutes les entreprises ne sont pas vraiment prêtes pour célébrer le cadre légal. Mauvais état de préparation ? Risque choisi ou risque inévitable ? Une trentaine se sont vu retoquer leur politique de protection des données personnelles, sous forme de mise en demeure ou de punition par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).

Les réformes administratives évoquent déjà plusieurs millions d’euros. Dernière en date, Google LLC a été obligé le 21 janvier à payer 50 millions d’euros pour non-respect du règlement européen RGPD. « Une mesure qui souligne l’intention de la CNIL de prendre très au sérieux le traitement des plaintes contre les compagnies technologiques », explique Gregory Voss, expert à Toulouse Business School, bien que l’amende soit très en deçà de la sanction maximale soit à 4 % du chiffre d’affaires de l’entreprise. Mais les géants du Net ne sont pas les seules entreprises touchées.

La première punition lourde fondée sur le RGPD a touché au Portugal un hôpital proche de Lisbonne, l’hôpital de Barreiro condamné à une amende de 400 000 euros. En France, le même jour Uber était condamné par la CNIL à payer la même somme pour défaut de sécurité des données. Une semaine plus tard, c’était au tour de Bouygues Telecom. L’opérateur téléphonique encaissait une amende de 250 000 euros pour ne pas avoir « garantir la confidentialité des données » de deux millions de clients.

« Une prise de conscience »

Depuis 2017, plusieurs autres entités ont ainsi été mises en demeure ou condamnées pour des faits relatifs à la protection des données (les décisions exprimées avant le 25 mai 2018 sont fondées sur l’ancienne loi informatique et liberté, réformée par le RGPD). « Ce ne sont pas seulement des grandes entreprises », ajoute Sylvain Staub. Public, privé, tous les secteurs sont concernés. Opérateur téléphonique, commerce d’électroménager, mutuelle, organisme de formation ou d’habitat public, la moitié d’entre elles sont des entreprises du secteur privé.

Les entreprises s’étaient pourtant aménagées, embauchant ou appelant des délégués à la protection des données (DPO), rattachés à la direction informatique ou juridique, voire à la direction générale directement. Des changements internes ont été vérifiés, des politiques d’intolérance des salariés mises en place, parfois avec des e-learning nécessaires.

Restituer de l’union dans nos organisations

Deux professeurs en sciences de gestion invitent à repenser le management dans une perspective solidaire, en se libérant du poids du modèle anglo-saxon.
« Solidarité et organisation : penser une autre gestion », de Philippe Eynaud et Genauto Carvalho de França Filho, Erès, 252 pages, 25 euros.
« Solidarité et organisation : penser une autre gestion », de Philippe Eynaud et Genauto Carvalho de França Filho, Erès, 252 pages, 25 euros.

Notre modèle économique est doublement insupportable, en raison de son résultat majeur sur le réchauffement climatique, et de l’augmentation des inégalités qui déstabilise les fondements de nos démocraties. Face à ces dangers, une solution s’impose aux yeux de Philippe Eynaud et Genauto Carvalho de França Filho : la solidarité. Comment arranger cette solidarité au plus près des acteurs et de leur activité économique ? C’est le propos exprimé par les deux professeurs en sciences de gestion dans leur essai Solidarité et organisation : penser une autre gestion (Erès).

La solidarité reste encore abondamment manque des réflexions sur les modèles organisationnels et sur leur soutenabilité. L’incapacité du management à se transformer en profondeur selon une perspective solidaire l’a rendu dangereux pour les nombreux champs non marchands, où il s’est investi sans se réformer. L’Etat n’y a pas échappé : sous couvert de pragmatisme, les techniques de gestion conçues pour le monde marchand se sont répandues dans l’espace public, les administrations, les ministères, pervertissant les modes de normalisation construits au début autour de l’intérêt général. Sous couvert de professionnalisation, les associations ont aussi choisi ces méthodes de gestion et d’appréciation des entreprises.

Un autre imaginaire

On aurait malgré cela pu espérer autre chose du développement du management. « Il aurait pu se édifier autour d’une remise en question des incomplétudes du capitalisme. Ce rendez-vous manqué du passé n’est malgré cela pas incompatible avec une réorientation à parvenir. Les apories du modèle capitaliste ont en effet abandonné un champ libre pour l’amélioration des organisations de l’économie sociale et solidaire », estiment les auteurs, qui appellent au développement d’un autre imaginaire, en rupture avec l’idéologie excellente de la compétition et de la performance financière. Les gestionnaires ont, à ce titre, un rôle déterminant à jouer : s’il existe une économie solidaire, il existe pareillement une gestion en rapport avec celle-ci.

A travers un retour sur l’histoire de la pensée, l’ouvrage explique  que si la conduite n’a pas su retenir la solidarité pour principe directeur, cette dernière a pourtant toujours été sous-jacente à la systématisation gestionnaire. « Cependant, le poids du modèle anglo-saxon sur la discipline a en quelque sorte invisibilisé, jusqu’à une période naissante, tout ce qui ne cadrait pas avec les principes d’une économie de marché » et des générations d’étudiants ont appris que la gestion a pour objectif la performance organisationnelle, dans une vision de maximisation du profit.

Le travail préserve la dignité de l’être humain

Dans une agence de Pôle Emploi à Montpellier, le 3 janvier.
Dans une agence de Pôle Emploi à Montpellier, le 3 janvier. PASCAL GUYOT / AFP

En recommençant le débat sur les réponses à l’octroi des aides sociales et en ciblant les allocataires, le premier ministre, Edouard Philippe, cherche d’abord à chasser aux individus la responsabilité de leur emplacement, déchargeant ainsi le reste du corps social – Etat, collectivités, entreprises – de ses propres responsabilités dans cette situation.

Le chômeur de longue durée, de fin de droit, le aléatoire au bord de l’exclusion que nous croisons tous les jours veut avant tout s’introduire, trouver un travail, un vrai travail salarié, qui lui offre une vie digne. Pour lui, ce produit est devenu extrêmement rare. Rappelons-le : la baisse globale – mais limitée – du chômage en France ne se conduit pas d’une baisse du chômage de longue durée qui frappe toujours plus de 2,5 millions de personnes.

Au fil du temps, on sort des radars

Plus la condition des personnes exclues du travail dure, plus la relance est difficile. Au fil du temps, on sort des radars, on perd non uniquement du savoir-faire, mais jusqu’au rythme qu’impose une activité régulière, et surtout, on coupe peu à peu le lien social. Nos expériences le démontrent ; c’est un accompagnement ajusté à la situation individuelle qui acceptera à la personne de reprendre pied.

Quand on est en fin de droit, on bascule dans la rétribution de solidarité active (RSA). Rappelons que l’ancêtre du RSA, la rétribution minimum d’insertion (RMI), instaurait avec le « I » de l’insertion un contrat qui imposait à tous de s’inscrire dans une démarche. Ne pas le faire formulait la personne à une suspension de ce revenu. Le RSA a été créé dans cet esprit en mettant un cran de plus avec une prime à la reprise d’activité. La contrepartie « Insertion » existe donc bien !

En réalité, que constatons-nous ? Les contrats d’insertion varient selon les départements, chargés de la mise en place de ce volet, et l’Etat n’estime pas l’abondement prévu au profit des départements limitant ainsi l’accompagnement des personnes. Les départements eux-mêmes ne jouent pas toujours le jeu.

« Des solutions existent pourtant : elles séparent toutes trois composantes : la mise à l’emploi, la formation et l’accompagnement »

Des solutions existantes : elles articulent toutes trois composantes : la mise à l’emploi, la formation et le complément. L’insertion par l’activité économique, bien sûr, est un outil vigoureux. La Cour des comptes vient d’en tirer un bilan transparent et il est essentiel de faire croître et de joindre des entreprises. Des expérimentations sont porteuses d’espoir, particulièrement celle des territoires zéro chômeur qui, en dix-huit mois, a permis à un millier de chômeurs de longue durée d’avoirun emploi, c’est-à-dire un pouvoir d’achat, un statut social, une estime de soi et le lien social.

Travaillant en s’amusant

« Il faudrait savoir se faire violence et quitter son clavier d’ordinateur pour dessiner, jouer du piano, faire du théâtre, courir. »
« Il faudrait savoir se faire violence et quitter son clavier d’ordinateur pour dessiner, jouer du piano, faire du théâtre, courir. » Ingram / Photononstop

« Il ne faut jamais courir deux lièvres à la fois », dit le proverbe. Erreur fatale ! Des travaux récents de experts en neurosciences et en sciences humaines – psychologie et comportement des organisations – conseillent au contraire d’offrir du temps à diverses activités – point trop n’en faut, certes – pour être plus performant professionnellement. Un brin provocateur, Gaetano DiNardi, directeur chez Nextiva, une société d’informatique américaine, déclare « pourquoi vous devriez moins travailler et consacrez plus de temps à vos loisirs », dans un article paru le 7 février par la Harvard Business Review.

Dans le temps où chacun éprouve du manque de temps pour mieux rapprocher vie professionnelle et vie familiale, l’appui peut paraître irréaliste. N’a-t-on pas déjà fort à faire pour accéder à ses objectifs de travail, sans manquer sa descendance ou ses aînés pour autant ? Et pourtant, il faudrait savoir se faire violence et quitter son clavier d’ordinateur pour dessiner, jouer du piano, faire du théâtre, courir dans les bois, évaluent les spécialistes. Les employeurs devraient même en donner les moyens. Car « quand les gens manquent de loisirs, les entreprises en payent le prix », explique M. DiNardi.

De fait, dédier une fraction substantielle de son temps à des activités ludiques ou sportives est indispensable pour se déconnecter constamment de ses préoccupations professionnelles. Trois chercheuses en organisation de l’université Vrije d’Amsterdam (Pays-Bas) l’ont prouvé en analysant les profils des PDG des 500 plus grandes entreprises américaines.

Humilité

Leurs résultats, diffusés dans la Harvard Business Review, divulguent qu’un peu plus de 10 % de ces dirigeants ont une activité annexe sérieuse. Avec pour effet de pouvoir mettre à distance leur travail, et ainsi lutter contre le stress, donner le meilleur d’eux-mêmes, à l’instar de ce qui leur est sollicité sur un terrain de basket, par exemple, pour ceux qui y jouent véritablement. Et il y en a !

Plongés dans un autre contexte, sportif ou culturel, ces directeurs doivent faire preuve d’humilité, car il arrive habituellement qu’ils n’y soient pas, et de loin, les meilleurs de l’équipe. Ce qui imprègne la vision qu’ils ont d’eux-mêmes – et pas seulement de façon fugace – influe sur leur comportement, arrêtant d’autant un éventuel sentiment de supériorité préjudiciable aux bonnes relations de travail.

Des courriers de menaces envoyés à des doctorants de Sciences Po

L’université parisienne a porté plainte contre ce message malveillant reçu par vingt-cinq de ses étudiants le 21 février.

« La France sera vidée de son élitocratie par le fer et le sang dans les délais les meilleurs », « la colère du peuple est intégrale et irrévocable »… Jeudi 21 février, vingt-cinq doctorants du Cevipof, le centre de recherches politiques de Sciences Po, ont obtenu dans leur boîte e-mail ces propos haineux et menaçants.

L’établissement a connu, mardi 26 février, l’existence de ce message, certifiant un Tweet de Louis de Raguenel publié la veille sur le Tweeter. L’un des rédacteurs en chef de l’hebdomadaire Valeurs actuelles rappelait des « menaces de morts » reçues par ces chercheurs de Sciences Po.

« La haine de ce que vous incarnez est incommensurable. Mettre le feu à votre école admettrait au peuple de s’affranchir intellectuellement », averti l’auteur dans fin de son e-mail.

L’institut d’études politiques parisien a aussitôt répondu et il a pris la décision  de porter plainte, contre X au commissariat de police du VIIe arrondissement de Paris, vendredi 22 février.

Il avérerait que ce courriel n’ait pas pointé uniquement les doctorants du Cevipof : « D’autres messages similaires ont été signalés ces dernièrement, d’après la police, au-delà de l’institution Sciences Po », indique-t-on au sein de l’établissement parisien.

Pertes & profits du géant américain General Electric

Au siège de General Electric, à Fairfield, dans le Connecticut (nord-est des Etats-Unis), en septembre 2003.
Au siège de General Electric, à Fairfield, dans le Connecticut (nord-est des Etats-Unis), en septembre 2003. STAN HONDA / AFP

GE a donné au groupe Danaher son activité de matériel de biotechnologies pour plus de 20 milliards de dollars. Un ballon d’oxygène pour l’ex-empire américain, qui n’a pas fini sa cure d’amaigrissement.

Ce devait être un beau campus sur le front de mer, près de Boston. La crème de la crème des dirigeants de la plus grande réunion mondiale allait abandonner du Connecticut dans un ensemble moderne de 28 000 mètres carrés abritant 800 personnes. La ville s’était ouverte d’une aide généreuse pour recevoir l’icône de l’industrie américaine. En 2016, Jeff Immelt, le PDG de GE, pose la première pierre, puis quitte la scène brusquement.

Son successeur, John Flannery, aperçoit un emplacement financière catastrophique, tente le redressement, puis cède la place à son tour. Le nouveau venu, Larry Culp, n’aime pas les grosses dépenses. Alors adieu le campus et son front de mer. General Electric décide de revendre le terrain et de rembourser les subventions. Un petit immeuble en briques, qui abritait une ancienne confiserie sur le même campus, suffira amplement à empocher les 250 personnes finalement prévues.

L’industrie la plus connu du monde, l’héritière du génial Edison, le roi des locomotives, des moteurs d’avion, des centrales électriques, des machines en tout type, dans une confiserie ! Plutôt amer comme bonbon. Ce lundi, le groupe a achevé la vente de ses légendaires locomotives à son imitateur Wabtec, et éclairci la cession de son activité de matériel de biotechnologies. Une pépite vendue à un prix extraordinairement avantageux : 21,4 milliards de dollars (18,9 milliards d’euros) pour une division qui ne réalise que 3 milliards de chiffre d’affaires. Mais un joyau dans un secteur en pleine extension.

Un ballon d’oxygène pour une entreprise épuisée par une dette de plus de 120 milliards de dollars, suite de ses mauvaises affaires dans la finance et de ses placements exposés dans l’énergie (dont le français Alstom). La firme recouvre une marge de manœuvre exceptionnelle et la Bourse applaudit. La valeur de l’entreprise, qui avait fondu de 200 milliards en deux ans, a escaladé de plus de 40 % depuis le début de cette année.

Plasticité du capitalisme américain

Et l’heureux acheteur n’est autre que Danaher, l’entreprise que conduisait le nouveau patron de GE jusqu’en 2015. Avec cette prise, le groupe consolide ses positions dans les sciences de la vie. Etonnante flexibilité du capitalisme américain. Dans son incursion aux enfers, GE croise une comète qui fait le chemin inverse.

En 2001, quand Jack Welch, le patron le plus connu du monde, celui dont les règles ont emporté tous les jeunes entrepreneurs chinois, prend son recul, Danaher n’est qu’une modeste société d’investissement immobilier modifiée, par acquisitions successives, en un petit conglomérat hétéroclite. En quatorze ans, Larry Culp va bâtir un groupe de 20 milliards de dollars de chiffre d’affaires, le cadrant graduellement sur les sciences de la santé et de l’environnement.

l’hypothèse du bonus-malus nettement« sur la table »

Le gouvernement a attribué mardi des définitions de calendrier et de méthode sur la suite du changement de l’assurance chômage, rétribution entre les mains de l’exécutif après l’échec du débat entre les partenaires sociaux.

Pour changer l’assurance-chômage, la puissance veut aller vite tout en ouvrant amplement le débat. C’est, en substance, ce qu’ont averti le chef du gouvernement, Edouard Philippe, et la ministre du travail, Muriel Pénicaud, lors d’une conférence de presse, mardi 26 février. Les mesures, dont la teneur certaine reste à définir, feront l’objet d’un décret susceptible d’être diffusé au Journal officiel durant la deuxième quinzaine d’avril. Elles devraient être mises en œuvre pendant l’été – le calendrier n’étant pas encore précisément arrêté.

Ces indications ont été attribuées six jours après l’échec des négociations entre les partenaires sociaux pour préparer une nouvelle convention Unédic – le texte qui définit les règles appropriées au régime d’indemnisation des chômeurs. Le patronat et les syndicats n’ayant pas réussi à trouver un accord, le gouvernement est aujourd’hui amené à prendre le relais. Un dossier que M. Philippe et Mme Pénicaud inscrivent dans la suite d’autres réformes pour améliorer le fonctionnement du marché de l’emploi : les ordonnances de septembre 2017, qui ont réécrit le code du travail, et la loi « avenir professionnel » de septembre 2018, qui a chamboulé l’apprentissage et la formation continue tout en apportant de premiers changements à l’assurance-chômage (avec, entre autres, son accroissement aux indépendants et aux salariés démissionnaires qui ont un nouveau projet de carrière).

Dans sa démarche, l’exécutif reste fidèle aux orientations de la feuille de route que Matignon avait donnée en septembre 2018 aux organisations de salariés et d’employeurs pour cadrer leurs discussions. Ce document fixe plusieurs objectifs : lutter la précarité, répondre « aux besoins en compétences des entreprises » (certaines d’entre elles ayant de plus en plus de mal à recruter la main-d’œuvre qu’elles recherchent), diminuer la dette du régime – qui a atteint 35 milliards d’euros à la fin du troisième trimestre 2018, etc.

Mardi, le gouvernement a pareillement confirmé quelques-unes des pistes qu’il entend explorer. Premier axe : juguler l’inflation des contrats courts – ceux « d’un mois et moins » ayant été multipliés par 2,5 entre 2000 et 2016. Les CDD d’une telle durée concernent, à 80 %, des salariés qui sont réemployés durablement par le même employeur – soit, au total 400 000 personnes. Pour stopper cette dérive, M. Philippe et Mme Pénicaud veulent « responsabiliser » les entreprises : après avoir obtenu une modération du code du travail, celles-ci doivent maintenant renvoyer l’ascenseur et accorder des « contreparties », dans l’esprit de l’exécutif.

Modalités de calcul

L’hypothèse du bonus-malus est nettement « sur la table », a montré le premier ministre mardi. Cet instrument constitue « une solution » et « personne ne nous [en] a proposé à ce stade [de] meilleur », a abouti M. Philippe. Inscrit dans le programme de campagne d’Emmanuel Macron, ce dispositif majore les cotisations des sociétés où le personnel tourne fréquemment, et diminue celles des employeurs dont les effectifs sont stables. A ce stade, rien n’est concilié mais le président de la République a, plusieurs fois, exprimé son intention de concrétiser cet engagement, le ministère du travail ayant, pour sa part, indiqué que le dispositif était prêt.

La réforme pourrait aussi se traduire par une remise en cause du niveau maximal de l’allocation-chômage (un peu plus de 6 600 euros net par mois). Mardi, M. Philippe a affirmé qu’il fallait « revoir » ces règles d’indemnisation pour les « salaires élevés ». Un scénario de nature à punir les demandeurs d’emplois qui avaient une rétribution importante puisque l’allocation dépend des dernières fiches de paye : les cadres oseraient donc d’être touchés. Le pouvoir en place étudie cette option en invoquant le fait que le plafond d’indemnité en France est nettement plus haut que celui en vigueur chez nos voisins européens.

Finalement, les modalités de calcul et d’octroi de l’apport devraient être reconsidérées, car l’exécutif observe qu’elles n’incitent pas, dans certaines situations, à admettre un poste, dans la durée. Sont particulièrement dans le collimateur les règles acceptant d’entasser un salaire et une allocation. « Une personne qui travaille à mi-temps au smic perçoit un salaire de 740 euros par mois. Mais si elle alterne quinze jours de chômage et quinze jours de travail dans un mois, elle comprendra un revenu de 960 euros. Ce n’est pas normal », avait dénoncé Mme Pénicaud, dans un entretien au magazine Challenges, mi-janvier.

Dans les jours suivants, la ministre du travail souhaite apercevoir les leaders patronaux et syndicaux, remarquables à l’échelon interprofessionnel. Ultérieurement, et jusqu’à la fin mars, voire au-delà, plusieurs dizaines de réunions faudrait se tenir, rue de Grenelle, avec de nombreux acteurs : associations de chômeurs, mouvements d’employeurs avec une assistance moins importante que celle du Medef, aménagements de salariés non représentatives… Un exercice très exceptionnel puisque jusqu’à présent, seuls les associés sociaux ayant voix au chapitre au niveau national déposaient au point les conventions Unédic.