La grève crintif des sous-traitants du nucléaire

Le syndicat SUD-énergie a appelé à une grève nationale, le 18 septembre, pour appeler contre la détérioration des conditions de travail.

La centrale nucléaire du Tricastin, située à cheval entre la Drôme et le Vaucluse, en octobre 2017.
La centrale nucléaire du Tricastin, située à cheval entre la Drôme et le Vaucluse, en octobre 2017. PHILIPPE DESMAZES / AFP

A l’entrée du site nucléaire du Tricastin, (il regroupe des installations du cycle du combustible et quatre réacteurs nucléaires), le barrage filtrant d’une dizaine de grévistes invite les automobilistes à quitter leurs voitures. « Nous ne voulons empêcher personne de travailler. On comprend qu’il est difficile de prendre sa journée, sous la pression des employeurs », déclare Cyril Lataillade, salarié chez Orano Démantèlement et Services, une filiale du groupe Orano qui réalise des travaux d’assainissement nucléaire et de conditionnement de déchets.

Les sous-traitants des grands groupes du nucléaire étaient appelés, mercredi 18 septembre, à une mobilisation nationale. La fin de cette initiative lancée par le syndicat SUD-énergie, non représentatif au sein de la filière ? Inculper la détérioration des conditions de travail. La filière nucléaire, dans son ensemble, englobe 2 500 entreprises qui emploient près de 220 000 salariés, dont 160 000 sous-traitants, note le rapport sur le sûreté du nucléaire paru en juin 2018.

Les travailleurs de la sous-traitance du nucléaire manipulent, nettoient ou recyclent des combustibles nucléaires abîmés comme l’uranium et le plutonium, des énergies nécessaires aux réacteurs des centrales. Dans le cadre de leur fonction, ils peuvent absorber de plusieurs doses de radioactivité, mais leur métier est essentiel au fonctionnement desdites centrales.

Rassemblé pour bloquer l’accès au site, Jean-Marie Boyer et Dominique Combe sont décontamineurs depuis quarante ans au Tricastin. « On a vu nos conditions de travail se dégrader. Je plains les jeunes qui commencent maintenant. Pour une tâche qui nécessite deux personnes, on est désormais seul. On doit exécuter notre travail de plus en plus vite et c’est dur à gérer. Avec notre expérience, on a déjà du mal à le faire, mais les nouveaux sont désemparés », déclarent-ils. Malgré leur ancienneté, ces salariés touchent chacun 1 600 euros par mois. « Notre salaire a stagné avec les changements successifs de propriétaires à la tête de l’entreprise. On ne sait pas comment ça s’est décidé ».

Cette précarité est dénoncée par tous les grévistes présents. « J’ai subi trois licenciements économiques. A chaque fois, c’est un coup dur. Aujourd’hui, avec mon revenu, il est difficile de joindre les deux bouts », déclare Gilbert Domain, décontamineur.

« On a l’impression de ne pas être écoutés »

Ce qui inquiète surtout les travailleurs en contact direct avec les zones contaminées est la baisse des visites médicales. « Nous en avions une par an, mais, actuellement, c’est un rendez-vous expédié chez un médecin tous les deux ans. Sans ça, la contamination est invisible, donc c’est angoissant », ajoute Jean-Marie Boyer.

Selon leur activité, ces travailleurs sont exposés à des risques importants liés à la radioactivité, sans que cela soit considéré comme de la pénibilité

Un constat partagé par Patrice Brock. « On voit régulièrement nos encadrants. On leur fait remonter les problèmes que rencontrent les travailleurs sur le terrain, mais on a l’impression de ne pas être écoutés. Les risques que nous prenons pour notre métier ne sont pas reconnus à leur juste valeur », déclare ce chef d’équipe de 58 ans, qui travaille pour un sous-traitant.

Selon leur activité, ces travailleurs sont face à des risques dangereux liés à la radioactivité, sans que cela soit considéré comme de la difficulté. « Une convention collective propre aux salariés du nucléaire changerait la vie des travailleurs sous-traitants. Avoir un statut équivalent à celui d’EDF garantirait des possibilités d’évolution dans notre branche et une reconnaissance de notre expertise », assène Gilles Reynaud, représentant du syndicat SUD-Énergie et président de « Ma Zone contrôlée », un collectif de sous-traitants de l’industrie nucléaire française.

« Nombreuses contraintes »

Des revendications appuyées par Mathilde Panot, députée LFI du Val-de-Marne et partisane de la sortie du nucléaire, présente au Tricastin. En juin 2018, déjà, une commission d’enquête parlementaire sur la sûreté nucléaire, portée par la députée LRM Barbara Pompili, avait mis en lumière ces conditions de travail difficiles.

Son rapport préconisait la création d’un statut spécifique à ces salariés fortement exposés à divers risques et « pas assez protégés socialement ». Mais aucune réponse n’a été donnée par les pouvoirs publics. « Le rapport est resté lettre morte, et c’est inadmissible. Je fais un vrai reproche à EDF et aux pouvoirs publics qui n’ont pas pris en considération nos conclusions établies après six mois d’enquête parlementaire », relate Mme Pompili.

Une situation que conteste Lionel Boudrit, directeur d’agence chez Ineo nucléaire – une entité du groupe Engie sous-traitant dans le nucléaire – rencontré sur le site du Tricastin. « Les conditions de travail ne sont pas plus difficiles qu’avant. Le secteur du nucléaire est soumis à de nombreuses contraintes, donc nous sommes attentifs au bien-être de nos salariés, essentiel pour garantir la sûreté des installations nucléaires. »

Mathilde Panot a proposé, mercredi, à ses collègues de proposer une proposition de loi pour mieux protéger les travailleurs sous-traitants. Le texte propose surtout la création d’une convention collective commune à tous les salariés du nucléaire. Elle permettrait aux sous-sous-traitants de bénéficier de conditions de travail équivalentes à celle des salariés d’EDF. Une des revendications principales des grévistes rassemblés mercredi.

USA: la Californie adopte la loi qui fait des chauffeurs Uber et Lyft des salariés

Le texte vise à requalifier les travailleurs indépendants de l’économie « ubérisée » en salariés, afin qu’ils soient mieux protégés et qu’ils puissent disposer d’un salaire minimal.

Manifestation devant le capitole de Sacramento, en Californie, pour réclamer des protections et des garanties en faveur des travailleurs « ubérisés », le 28 août.
Manifestation devant le capitole de Sacramento, en Californie, pour réclamer des protections et des garanties en faveur des travailleurs « ubérisés », le 28 août. Rich Pedroncelli / AP

La Californie a adopté, le 18 septembre, une loi qui doit contraindre les géants de la réservation de voitures à requalifier les chauffeurs de VTC en salariés, afin qu’ils soient mieux protégés. Approuvé par le Sénat californien le 10 septembre, le texte doit rentrer en application au 1er janvier 2020. Cette décision va porter un coup dur aux porte-drapeaux de la gig economy, l’économie des employés indépendants qui travaillent aujourd’hui sans protection ni garanties.

« Cette loi va aider à résoudre le problème de statut des travailleurs considérés comme des sous-traitants et non comme des salariés, ce qui les empêche de bénéficier des protections sociales de base, comme le salaire minimum ou l’assurance-maladie », a mentionné Gavin Newsom, gouverneur démocrate.

« L’étape suivante c’est de faciliter la formation de syndicats qui pourront négocier ensemble de meilleures conditions de travail (…) tout en préservant la flexibilité et l’innovation », a déclaré le gouverneur de cet Etat progressiste, où sont installés les sièges de plusieurs géants des technologies.

« Un énorme merci à tous les travailleurs, membres de syndicats et activistes qui ont passé des heures à se mobiliser pour obtenir cette victoire historique », a écrit sur Twitter une fédération californienne de syndicats. Lorena Gonzalez, la parlementaire qui a élaborer la loi, a salué sa ratification comme une « victoire massive » pour les travailleurs.

Modèle économique remis en question

Les deux géants américains des VTC – Uber et Lyft – s’opposent à tout changement de statut de leurs conducteurs, qui leur coûterait plus cher en charges sociales. « Nous pensons que la Californie passe à côté d’une réelle opportunité de montrer la voie au reste du pays », a mentionné un porte-parole d’Uber. L’entreprise défend depuis des mois « un nouveau cadre de travail progressiste, qui aurait, pour la première fois, accordé aux travailleurs indépendants des garanties de salaire minimum, l’accès aux protections sociales et le droit de s’organiser entre eux », a-t-il déclaré.

Lyft juge également que la reclassification des chauffeurs serait néfaste aussi bien pour eux que pour les clients du service. Cette requalification « pourrait avoir comme conséquence que Lyft traite ses employés comme le font les autres entreprises », explique un porte-parole. « Les utilisateurs pourraient devoir payer plus et attendre plus longtemps, et certaines zones pourraient ne plus être desservies du tout. Ce serait particulièrement dévastateur (…) dans des zones mal desservies par les transports publics ou moins densément peuplées », a-t-il détaillé.

La récente loi vient menacer les modèles économiques de ces deux groupes, qui voient le nombre des courses bondir, tout comme celui des utilisateurs, tandis que leurs pertes s’accumulent. Uber a enregistré au deuxième trimestre une perte record de plus de 5 milliards de dollars.

Lors de l’adoption du projet de loi par le Sénat californien la semaine dernière, Uber avait averti que le nouveau texte n’entraînerait pas une requalification automatique de ses conducteurs en employés. Il faudra passer un test « pour déterminer si un travailleur est qualifié d’indépendant ou d’employé » aux yeux de la loi, a défendu Tony West, le directeur juridique d’Uber.

Vers un vote populaire

Uber et Lyft affirment avoir mis de côté 30 millions de dollars chacun pour organiser un vote populaire, comme l’autorise la loi californienne, afin de remplacer cette loi par les compromis de droits sociaux qu’ils ont présentés au gouverneur. « Nous sommes prêts à soumettre cette question aux citoyens pour préserver la liberté et l’accès que les conducteurs et les passagers désirent », a déclaré Lyft.

Les chauffeurs, eux, sont divisés, entre ceux qui voudraient avoir de la même sécurité que les salariés et ceux qui souhaitent œuvrer  aux horaires de leur choix sans les contraintes d’un emploi à plein temps. « Si on devient des employés, ils vont perdre beaucoup de conducteurs », estime Vondre Adams, chauffeur Uber à San Francisco depuis six mois.

« Uber, ce n’est pas une carrière. Mais je gagne 200 à 300 dollars par jour, j’ai l’argent tout de suite. Je n’ai pas envie d’être payé à l’heure, et de ne plus pouvoir faire d’heures supplémentaires », déclare à l’Agence France-presse ce conducteur, qui bénéficie par ailleurs de la couverture santé de sa femme.

Discrimination des personnes syndiquées au travail

L’engagement syndical a été un frein à l’évolution professionnelle pour 51 % des personnes exerçant ou ayant exercé une activité syndicale, selon un rapport du Défenseur des droits.

Près d’une personne sur deux se dit distinguer au cours de sa carrière professionnelle en France en raison de son accord syndical, selon le douzième baromètre sur les discriminations au travail du Défenseur des droits publié jeudi 19 septembre.

Ces résultats s’alliance sur deux études. L’une a été effectuée par l’institut Ipsos auprès de la population active (sur la base d’un échantillon représentatif de 1 000 personnes). L’autre a été menée par le Défenseur des droits auprès de personnes syndiquées (délégués ou autres mandats, sans mandat) de 8 organisations : CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, UNSA, Solidaires, FSU. La totalité es 33 483 personnes ont répondu à un questionnaire en ligne.

Parmi les personnes syndiquées, 46 % estiment avoir été discriminées au cours de leur vie professionnelle (54 % des hommes, 38 % des femmes, 69 % des délégués syndicaux). Pour 51 % de personnes exerçant ou ayant exercé une activité syndicale, elle a été un limite pour leur évolution professionnelle.

Le fait d’avoir contribué à une grève, distribué des tracts, été inscrit sur une liste aux élections professionnelles, faire un stage de formation syndicale, participé à une négociation, détenu un mandat, accroît significativement la probabilité de déclarer une discrimination. Les militants « les plus investis dans une activité syndicale visible ont un risque trois fois plus élevé de rapporter une discrimination », selon le Défenseur des droits.

Peur des représailles

Il pointe un phénomène d’accumulation: « le fait d’être en situation de handicap, d’avoir un problème de santé chronique ou la charge d’une personne dépendante augmente le risque de déclarer une discrimination ». Un accroissement qui peut s’expliquer par « un risque d’absentéisme accru ». « Or, le fait d’exercer une activité syndicale est parfois assimilé par certains employeurs à de l’absentéisme et non à une forme de travail nécessaire au bon fonctionnement de l’organisation, ajoutant à la stigmatisation de l’engagement syndical. »

Plus globalement, près d’un actif sur trois (29 %) considère que les discriminations en raison de l’activité syndicale se fait souvent ou très souvent.

Pour la population active ou syndiquée, la peur des représailles est la première cause explicative du non-investissement des salariés dans l’activité syndicale. L’impression de ne pas être entendu par la direction, le manque d’information sur les fonctions et l’utilité des représentants, de même que le désintérêt pour le syndicalisme sont les autres causes avancées par les personnes interrogées pour expliquer un non-investissement syndical.

Dégradation des relations

Les perceptions évoluent selon le mandat syndical : les délégués syndicaux sont 61 % à affirmé que leur activité a été un frein dans l’évolution professionnelle, et 53 % un frein dans l’évolution de l’indemnité. Exercer un autre mandat semble être moins pénalisant.

Pour 25 % des candidats interrogés, leur accord syndical a été un facteur d’amélioration des relations avec leurs collègues, pour 13 % un facteur de dégradation. Pour 43 %, il a été un facteur de dégradation des relations avec la hiérarchie, pour 10 % un facteur d’amélioration.

Soixante pour cent des personnes consultées, titulaires d’un ou plusieurs mandats, déclarent que leur charge de travail n’a pas du tout ou plutôt pas été adaptée suite à la prise du dernier mandat (pour 40 % plutôt ou tout à fait adaptée).

Cette année, le Défenseur des droits a reçu 125 demandes pour discriminations syndicales dans l’emploi au premier semestre, contre 220 sur toute l’année 2018, portant surtout sur l’avancement des carrières.

« Mon compte formation »

« Les travailleurs acquièrent des droits dans le temps, dont l’utilisation est destinée à les protéger contre le risque d’obsolescence de leur qualification. » Eric AUDRAS/Onoky / Photononstop

 C’est aléatoirement l’innovation la plus clair de la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » du 5 septembre 2018. Une application pour smartphone va accorder aux actifs titulaires d’un compte personnel de formation (CPF) de choisir une formation et de s’y inscrire presque aussi aisément que l’on commande un VTC ou que l’on fait ses courses en ligne. Pour propulser la formation des Français – sujet ésotérique par excellence –, le gouvernement avait besoin d’une mesure réelle, apte de parler à tout le monde. Avec la refonte de l’application « Mon compte formation » avisée pour novembre, ce sera chose faite.

La plate-forme aura l’allure d’une marketplace (place de marché) en phase avec nos modes de vie de cyberconsommateur. Mais toute comparaison avec un modèle économique du type Amazon, Rueducommerce, PriceMinister, etc. serait saugrenue ! D’une part les vendeurs de formation ne paient ni abonnement ni commissions : l’espace de vente est totalement gratuit. D’autre part, les acheteurs de formation sont des salariés qui utilisent, dans le cadre d’un système de tiers payant, des deniers publics pour se former. Cet argent provient pour l’essentiel d’une aide fiscale versée par les entreprises, gérée (bientôt) par la Caisse des dépôts et consignations et contrôlée par l’Etat.

La marketplace est donc à accomoder avec les principes directeurs du service public. A commencer par la neutralité dans le référencement des vendeurs de formation. Pour ne pas fausser la concurrence, leur affichage à la suite d’une demande ne peut se faire que dans un ordre aléatoire. Et les expressions les plus recherchées sur le moteur de recherche ne peuvent être exploitées à des fins de marketing.

Une aide pour les travailleurs les moins qualifiés

Quant aux usagers, le principe d’égalité implique qu’aucune distinction ne soit faite entre eux, que ce soit au niveau de l’accès à la plate-forme ou du service rendu. Chacun doit pouvoir affilier ses droits pour mettre à jour, renouveler ou développer ses compétences, sans se trouver en position d’infériorité en raison de sa condition sociale, de son handicap, de sa résidence, ou de tout autre motif tenant à sa situation personnelle ou professionnelle. Car diminuer la formation à un bien de consommation, c’est prendre le risque que le compte personnel de formation rate sa cible : les actifs les moins qualifiés.

Protéger les salariés contre l’incendie et le risque terroriste

« La désignation d’une personne chargée de l’évacuation des salariés est obligatoire dans les entreprises de plus de cinquante personnes »
« La désignation d’une personne chargée de l’évacuation des salariés est obligatoire dans les entreprises de plus de cinquante personnes » Philippe Turpin / Photononstop

 Des conformités incompatibles ou difficilement compatibles entre elles ne sont pas rares en droit du travail. Ainsi en est-il des règles sur la sécurité en matière d’incendie et de celles sur la sûreté. Les deux dispositifs relèvent de l’obligation de l’employeur de prendre « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs », inscrite à l’article L.4121-1 du code du travail. Mais vu que l’un aide à fluidifier la circulation des travailleurs, l’autre en organise surtout le confinement.

Dans le code du travail, la protection des personnes contre le risque d’incendie s’organise d’une part par des dispositions à destination des maîtres d’ouvrage qui s’appliquent lors de la construction de lieux de travail ou de leurs modifications et, d’autre part, par celles concernant la prévention et la protection des travailleurs sur leur lieu de travail.

Le maître-mot en est l’évacuation de la totalité des personnes présentes : soit immédiate, soit différée, mais dans des conditions de sécurité maximale, surtout par la désignation d’un référent. La désignation d’une personne chargée de l’évacuation des salariés est obligatoire dans les entreprises de plus de cinquante personnes et, quelle que soit leur taille, dans celles « où sont manipulées et mises en œuvre des matières inflammables ».

Une taille minimale doit aussi être fixée pour les dégagements qui doivent toujours être libres et « les portes doivent être susceptibles d’être utilisées pour l’évacuation, de s’ouvrir facilement et d’être manœuvrables de l’intérieur si elles sont verrouillées » (article R. 4227-6 du code du travail).

Silos indépendants

La protection des travailleurs contre le risque terroriste n’est pas régie par des textes aussi précis. Actuellement, seules des bonnes pratiques non contraignantes ont été diffusées. Le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale et certains services ministériels ont émis des recommandations et publié des guides sectoriels. « L’évacuation si possible des personnes par des itinéraires sûrs à distance des assaillants » est évoquée, mais il s’agit pour l’essentiel de mesures de confinement.

La consigne est de mettre en sécurité le personnel et le public en les isolant des intrus malveillants, ou encore d’avertir les occupants d’un bâtiment en leur intimant l’ordre de se cloîtrer dans les locaux. Il y est évidemment conseillé de distinguer le système d’alerte attaque terroriste du système d’alerte incendie.

Les seniors en entreprise ?

L’Association nationale des DRH a tiré les leçons de l’index égalité femmes-hommes.

«  C’est bel et bien l’emploi des seniors qui a accaparé l’essentiel des interventions lors de la conférence de rentrée des DRH, mardi 10 septembre, dans les locaux de l’ANDRH à Paris. »
«  C’est bel et bien l’emploi des seniors qui a accaparé l’essentiel des interventions lors de la conférence de rentrée des DRH, mardi 10 septembre, dans les locaux de l’ANDRH à Paris. » Letizia Le Fur/Onoky / Photononstop

Les seniors en entreprise ? « Une fabrique d’exclus », tranche Benoît Serre. Avant de renchérir : « Si vous avez 56 ans en France actuellement, bonne chance ! En cas de chômage, c’est le drame. » En amplifiant les formules provocantes, le vice-président national délégué de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH) a placé la rentrée sociale de cette dernière sous le signe de l’emploi des seniors.

Les directeurs des ressources humaines ne manquent pas de dossiers à traiter dans les mois à venir : retraites, assurance-chômage, lancement de l’application mobile du compte personnel de formation, entrée en vigueur de la réforme de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés, reprise du projet de loi orientation des mobilités, projet de loi sur la dépendance, mise en place du code du travail numérique… Mais c’est bel et bien l’emploi des seniors qui a accaparé l’essentiel des interventions lors de la conférence de rentrée des DRH, le 10 septembre, dans les locaux de l’ANDRH à Paris.

La question a déjà fait l’objet de plusieurs législations, depuis la loi de 2005 concernant les accords de gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC). Mais les résultats sont insatisfaisants, selon l’ANDRH.

Prenez les contrats de génération, qui reposaient sur « l’idée que les seniors doivent aider les jeunes. Un non-sens ! Dans les entreprises, on assiste à l’inverse : ce sont les jeunes qui peuvent accompagner les seniors, notamment dans la révolution numérique », déclare le président de l’ANDRH, Jean-Paul Charlez. Or cette dernière, poursuit-il, risque de pénaliser aussi les seniors. Les chiffres ne sont pas rassurants : d’après l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le taux d’emploi des 55-64 ans est de 52,8 % en France, contre 72,2 % en Allemagne et 65,9 % au Royaume-Uni. « La France a quasiment 10 points d’écart avec la plupart des pays européens », ajoute Benoît Serre.

Préjugés

Ce sont moins les chiffres que les réformes gouvernementales en cours, sur les retraites et l’assurance-chômage, qui font revenir le sujet sur la table. « Prises séparément, ces réformes présentent un certain nombre d’avantages. En revanche, lorsqu’on les combine, le résultat est explosif et en décalage avec le marché du travail », s’inquiète Benoît Serre.

 L’ancien DG adjoint de la Macif, chargé des ressources humaines du groupe, dénonce un « marché de dupes » : renvoyer aux entreprises la responsabilité d’exercer plus longtemps est dangereux, puisque les entreprises « ne savent pas faire. Et ce n’est pas une question d’incitation fiscale. C’est que, à 45 ans, vous recevez un papier qui vous annonce que vous êtes senior. Or vous avez encore vingt ans de carrière devant vous ».

L’organisation du travail et les failles du management

Fotosearch / Photononstop

Aux urgences des hôpitaux les conditions de travail donneraient envie à un mourant de rester chez lui : sous-effectifs soumis à un rythme infernal, manque de lits, des gants qui se déchirent quand l’infirmière s’en saisit, etc. De manière générale, à l’hôpital comme dans tous les secteurs professionnels tant du public que du privé, l’intensité du travail est très élevée. L’enquête que vient de publier le ministère du travail sur l’évolution de l’exposition des travailleurs aux risques professionnels, révèle que 32 % des salariés du privé sont « en tension ». Et « la pression ressentie par les salariés augmente », a ajouté le médecin du travail Nicolas Sandret en présentant cet état des lieux à la direction générale du travail le 9 septembre.

Mais dorénavant aux urgentistes, « les salariés se plaignent moins de manquer de moyens matériels pour faire correctement leur travail que de la perte d’autonomie dans l’organisation de leur travail », déclare la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares). Un déclin confirmé par le baromètre Malakoff Médéric Humanis sur la santé et la qualité de vie au travail publié mercredi 18 septembre. Seul 25 % des travailleurs y déclarent avoir la possibilité de prendre des décisions. Une déficience qui devrait alerter les DRH.

Car la dégradation du pouvoir d’agir des travailleurs sur les situations et sur eux-mêmes crée « des déséquilibres dommageables à la qualité du travail comme à la santé des travailleurs », explique Philippe Zawieja, chercheur en santé au travail à l’université de Sherbrooke (Canada) et co-auteur du Dictionnaire des risques psychosociaux (Seuil, 2014). La situation critique dans les hôpitaux aujourd’hui, comme à France Télécom hier, nous en rappellent cruellement les enjeux.

Le changement de la nature du travail

Après des années d’analyse sur les dégâts des « normes » le travail est donc à nouveau « empêché » par l’organisation du travail et les failles du management, qui a pourtant su bonifier l’ambiance au travail, ces dernières années, en diminuant significativement les comportements hostiles qui ne touchent plus que 15 % des salariés, contre 22 % en 2010, note la Dares. Le Baromètre Malakoff Médéric confirme que les entreprises s’occupent de plus en plus du bien-être de leurs salariés. Mais l’accroisseement du rythme de travail augmente la difficulté. Les transformations digitales sont passées par là.

Les nouvelles limites du travail

« Le travail en mouvement » aborde des nouvelles pratiques productives et formes d’arrangement du travail ainsi que des implications pour les modes de reconnaissance au travail, du travail et par le travail.

« Le Travail en mouvement », sous la direction d’Emilie Bourdu, Michel Lallement, Pierre Veltz et Thierry Weil. Presse des Mines, 432 pages, 29 euros.
« Le Travail en mouvement », sous la direction d’Emilie Bourdu, Michel Lallement, Pierre Veltz et Thierry Weil. Presse des Mines, 432 pages, 29 euros. DR

Révolution numérique, nouvelles tendance de gestion des activités productives : les indices d’une vaste recomposition du travail ne cessent de se multiplier. « A l’image des transformations qui affectent les lieux comme les temps des pratiques professionnelles, ce sont les frontières mêmes du travail qui sont aujourd’hui en train de bouger », estiment Emilie Bourdu, Michel Lallement, Pierre Veltz et Thierry Weil. L’ouvrage qu’ils dirigent, Le Travail en mouvement (Presse des Mines), « a pour ambition d’entrer dans le vif des débats et des pratiques, de repérer des constantes et des innovations, de porter attention à des expérimentations locales comme aux enjeux mondiaux. »

Quelles nouvelles pratiques productives et quelles nouvelles formes d’organisation du travail observe-t-on actuellement? Comment se transforment les frontières du travail ? Quelles sont les implications pour les modes de reconnaissance au travail, du travail et par le travail ? Ces trois axes principaux structurent l’ensemble des contributions recueillies dans l’ouvrage.

L’accent est mis sur les changements contemporaines du travail, « en organisant des va-et-vient constants entre enjeux analytiques et prise en compte d’expérimentations pratiques ».
Statistiques, bilans d’expériences dans les ateliers comme sur les territoires, représentation imagée que nous offrent la littérature et le cinéma, régulations sociales et normalisation des normes juridiques… Les entrées thématiques sont diversifiées, tout comme les approches disciplinaires et les expertises professionnelles, de façon à appréhender le travail « d’une manière peu coutumière mais particulièrement heuristique ».

Défis et incertitudes

Les effets pathologiques, non uniquement de l’intensification du travail mais aussi de son envahissement progressif dans tous les temps et les sphères de la vie personnelle, sont au cœur de plusieurs romans récents, comme le montre la contribution de Laurence Decréau, agrégée de lettres classiques.

Les frontières entre types d’activité et statuts professionnels sont à tels points chahutées que la norme semble dans la suite être celle de l’entre-deux : statut de salarié et d’indépendant, d’actif et d’inactif… Le débat sur l’opportunité d’instaurer, ou non, un revenu universel mérite alors attention. Les réponses faitepar Yannick Vanderborght, professeur de sciences politiques à l’université Saint-Louis-Bruxelles, et Jean-Baptiste de Foucauld, inspecteur général des finances honoraire, divergent radicalement. Une même préoccupation émerge néanmoins, et concerne directement le statut du travail. Est-ce un quasi-invariant anthropologique qui appelle une contrepartie monétaire en lien direct avec l’activité effectuée ? Ou doit-on jouer la carte de la solidarité au risque de brouiller les frontières entre travail et non-travail ?

Les paradoxes du travail étudiant

Tremplin vers le marché de l’emploi, rite de passage, ou source de surmenage et de décrochage : travailler pendant ses études a un impact très variable sur les trajectoires des élèves. De nouvelles manières d’assurer cet équilibre précaire émergent.

Nathalie Lees

Il peint des murs, cire des parquets, pose des meubles,  donne quelques cours de yoga et travaille parfois comme agent d’accueil. Autant de petits boulots qui, ajoutées à une aide familiale de 150 euros par mois, permettent à Marius, 24 ans, de financer ses études d’économie à la Sorbonne. Chaque semaine, l’étudiant travaille environ 25 heures mais, ne pouvant attester d’un contrat long, il n’a pas pu solliciter d’aménagement d’emploi du temps à son université. « Cela a un fort impact sur ma vie et mes études. L’année dernière, j’étais pris dans une spirale de stress, entre les révisions, les cours, le boulot et les temps de trajet considérables », regrette-t-il. Sa licence, Marius l’a finalement terminée en quatre ans, après une année de redoublement. « La fatigue m’a labouré, parfois même terrassé. »

Comme Marius, près d’un étudiant sur deux a eu une activité compensée au cours de son année universitaire, selon l’enquête 2016 de l’Observatoire national de la vie étudiante. A Paris, où le coût de la vie est plus élevé, ils sont même 57 %. Au-delà de la nécessité financière – la majorité de ceux qui œuvrent  jugent leur activité « indispensable » pour vivre –, les raisons avancées par les étudiants sont multiples : acquérir une expérience professionnelle, gagner un peu d’indépendance vis-à-vis de sa famille, améliorer son quotidien… « Le job étudiant est l’un des passages vers la vie adulte », assure le démographe Philippe Cordazzo, qui a dirigé la publication Parcours d’étudiants (Ined, 220 p., 21 €).

« Au-delà de 12 heures par semaine, on risque de basculer du statut d’étudiant salarié à celui de salarié étudiant, avec toute une série de conséquences. Cela peut entraîner le décrochage. » Jean-François Giret, professeur de sciences de l’éducation

Un passage, mais aussi un entre-deux périlleux. Ces jobs parallèles ne sont pas sans répercutions sur les études : 18 % des étudiants qui travaillent considèrent que cela a un impact négatif sur leurs résultats, 33 % que leur activité est source de stress ou de tensions nerveuses. Un impact qui varie considérablement selon le type de travail et le volume horaire qui y est consacré. « On considère que le travail étudiant devient néfaste et affecte la réussite de l’étudiant au-delà du seuil de 12 heures par semaine », déclare Jean-François Giret, professeur de sciences de l’éducation à l’université de Bourgogne.

Le personnel du service psychiatrie de l’hôpital du Rouvray une autre fois en grève

Il y a un an, sept salariés de l’établissement avaient mené une grève de la faim très médiatisée pour dénoncer le manque d’effectifs et les conditions d’accueil des patients.

Manifestation à l’hôpital du Rouvray, à Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime), en mai 2018.

Manifestation à l’hôpital du Rouvray, à Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime), en mai 2018. CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Telle une tumeur latente, le malaise continue au centre hospitalier du Rouvray, à Sotteville-lès-Rouen. Les banderoles de mécontentement surgissent une autre fois sur les grilles du principal hôpital psychiatrique de Seine-Maritime. Avec un message clair : « Quinze mois après, le compte n’y est pas », aux yeux de l’intersyndicale CGT, SUD et CFDT. Elle vient de lancer un nouvel appel à la grève illimitée à partir du jeudi 19 septembre à minuit.

Tous ont encore en tête l’âpre conflit social et la grève de la faim très médiatisée effectuée par 7 salariés de l’hôpital, en juin 2018. Ils dénonçaient les conditions d’accueil des patients, le manque d’effectifs et la suroccupation chronique des lits. Certains des grévistes ont tenu dix-huit jours.

Une sortie de crise a finalement été obtenue, aux forceps, sous la forme d’un protocole d’accord effectué entre direction et syndicats, et validé par l’Agence régionale de santé (ARS) de Normandie. Il prévoyait surtout l’ouverture de trente postes d’infirmiers et d’aides-soignants et faisait de la création d’une unité dédiée aux adolescents « une priorité absolue ».

Mais la fièvre n’est pas retombée. « La situation n’a pas changé, elle est même pire. Le taux d’occupation dépasse les 109 %, soit plus d’une trentaine de lits supplémentaires au quotidien », déclare actuellement l’infirmier Jean-Yves Herment, délégué CFDT et lui-même gréviste de la faim l’an dernier.

« On bricole en installant des patients sur des lits pliants dans les couloirs ou à l’écart dans des bureaux sans sanitaire », s’indigne Sébastien Ascoet, cadre de santé et élu CGT. Son confrère et infirmier René Navarette (CGT), lui, pointe la « dramatique situation d’adolescents de 14 ans qui, par manque de place dans l’unité ados saturée en permanence, sont accueillis dans les services adultes. Avec les problèmes d’attouchements ou de drogues que cela engendre… »

Bataille des chiffres

Arrivé fin janvier, Lucien Vicenzutti, le nouveau directeur du centre hospitalier (où l’autorisation de réaliser un reportage ne nous a pas été accordée), a répondu par mail aux questions du Monde. S’il reconnaît que la suroccupation entraîne l’ouverture de lits « dans des conditions inacceptables pour les patients », il déclare, à rebours des syndicats, que cette pression relève davantage « d’un problème d’organisation de l’offre de soins territoriale » que « d’un renforcement des effectifs ».