Le dilemme des précaires qui veulent faire grève

Le dilemme des précaires qui veulent faire grève

Les travailleurs précaires descendront-ils dans la rue le 5 décembre ? La question taraude les organisations syndicales, qui ont appelé l’ensemble des salariés à se mettre en grève ce jeudi pour protester contre la réforme du régime des retraites. Les salariés en contrat court représentent une part de la masse salariale qui n’a cessé de s’étoffer au cours des dernières années. Une base potentielle de sympathisants difficile à mobiliser par les syndicats, encore perçus comme les défenseurs des « privilégiés » du service public et des CDI bien installés. Selon la Dares, seul 1,2 % des intérimaires sont syndiqués, contre 9,9 % des salariés en CDI.

« Ce n’est pas que ces travailleurs ne se sentent pas concernés par nos revendications, mais beaucoup ont peur de perdre leur emploi s’ils participent », avance André Fadda, membre du bureau national de la CGT intérim. Ce syndicaliste regrette le manque d’informations des salariés en contrat court sur leurs droits : « beaucoup nous appellent pour savoir s’ils peuvent faire grève ».

Tentatives de pression

Mais le responsable syndical évoque également des tentatives de pression sur des salariés en contrat temporaire pour les dissuader d’arrêter le travail le 5 décembre. « J’ai eu le cas d’une intérimaire à la SNCF, qui nous a affirmé que son chef avait contesté son droit de faire grève », affirme-t-il. Contacté par Le Monde, le service de presse de la SNCF n’a pas réagi. Selon le syndicaliste, des agences d’intérim exercent aussi des pressions sur leurs salariés pour les dissuader de faire grève.

C’est ce qui est arrivé à Terry (il s’agit d’un pseudonyme, la personne ayant souhaité conserver l’anonymat). Ce préparateur de commande enchaîne les contrats à la semaine en intérim au sein d’une grande entreprise de logistique. « Je suis parti voir mon chef d’équipe pour lui dire que je serai en grève jeudi, raconte-t-il. Celui-ci m’a dit que cela dépendait de ma boîte d’intérim ». Les travailleurs intérimaires sont en effet des employés de la société de travail temporaire. « La boîte d’intérim m’a alors dit qu’elle avait eu des retours de la société de logistique, comme quoi les travailleurs intérimaires qui feront grève ne seront pas repris », déplore Terry.

Stanislas Favre, délégué syndical CGT, affirme également avoir eu vent de pressions exercées sur les salariés, allant jusqu’à des non-renouvellements de contrats : « dans une usine de pièces automobiles de Clermont-Ferrand, des salariés intérimaires avaient prévenu leur chef qu’ils assisteraient à une assemblée générale organisée dans l’optique de la grève : deux jours plus tard, vingt-quatre d’entre eux, en mission à la semaine, ont appris qu’ils ne seraient pas repris », raconte Stanislas Favre. Le délégué syndical contacte alors l’agence d’intérim qui les emploie : « ils m’ont dit texto : “quand on est précaire, il y a des choses qu’on doit accepter et d’autres qu’on ne doit pas accepter”. J’ai émis l’idée de les envoyer devant un tribunal ». Finalement, l’usine a repris une quinzaine de salariés.

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LJD

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